
moyens qui peuvent la produire. Ori cherche ert*
ëoréy.apré's. trois, mille a n s , les joints des pierres
dans les monumens des Egyptiens. Aucun peuple
n’a mieux fu travailler pour l’éternité ilfaut faire
comme lu i , quand on travaille pour la Divinité.
La dureté de la matière, outre qu’elle concourt à
la précifion 8c au fini de l’exécution:, ajoute encore
au fen riment de la folidité , & convient particuliérement
aux édifices publics. L e bois y èft déplacé ,
;& ne lauroit s’adapter qu’aux maifons particulières.
Mais les briqu es, dans les pays où ces matériaux
font communs, préfentent pour les habitations
privées Ame ju f ie me Cure d’économie , de folidité
.& de légéteté. Cependant les anciens ont employé
ce genre de conftrucfion à de très-grands édifices :
en imitant la perfection à laquelle ils l’ont portée ,
il fera poffible de les imiter dans l ’emploi qu’ils en
jant fait. Mais fans cela , cette efpèç.e de matériaux ,
toujours inférieure dans l’opinion comme dans la
réa lité, à la p ie r re , ne s ’emploiera avec fuccès
pour l’effet du caraSIère qui peut en réfulter, qu’à des
édifices d’un genre mixte , comme des halles ,d e s
a q u e d u c s d e s réfervoirs , des conftruétions de
.campagne.
L ’effet des matériaux eft encore une chofe que
TardtiiteCte. fin.& délicat faura confulter, -8c dont
i l pourra tirer adroitement parti. J’entends, par l’effet
des matériaux relatifs au cara&ère des édifices -,
l ’effet qui réfui te de la beauté, de. la ra re té, de
Ja couleur de centaines matières , deleur mélan ge,
.de la manière.de .les tailler 8c.d’en varier l’apparence.
O n a eu occâfion à l’arficle Br o n z e ( voye^ ce
.mot ) de dire deux mots de l’influence que la manière
a nèceffairement fur les im préfixons de l ’ar-
vchitefture. Ce tte difeuflion affez importante ne
trouvera pas encore fa place ic i. Mais je ne faurois
■ m’empêcher d’obferver qu’il y a des relations très-
•direétes entre-les matériaux & de carafière ; ce fon t
dur-tout celles qui tiennent à la ricneffe & à la
ra re té , plus encore celles qui tiennent à la cou-,
.leur. Si Jes peuples modernes uferit peu de ces
reffources, n’en cherchons point la caufe ailleurs
•que dans rimpuiffan.ee où ils font de les emp
lo y e r .
Les anciens ont mieux compris que nous., fans
xomparaifon , en quoi réfidoit la beauté effen-
-ticlle de l’architeôure , puifque leurs confiruélions.,
dépouillées aujourd’hui de tout -o rnement étranger ,
ne laiffènt pas de nous émouvoir au plus haut
degré , & .d’exciter en nous des ;impr.effiqns que
des édifices m o d e rn e s , quoique'dans toute leur
iintégrké., ne .fauroient produire,. Cependant .on eft
loin de .concevoir aujourd’hui à quel poin t la ri-
■ cheffe d e l'a matière & toutes les recherches dp
■ duxe ,.pour les moindres détails , furent portés dans
des nioriumens les plus fameux de Jeur génie. Ne
.doutons pas que s’ il étoit poffible encore d’eni-
'ployer .ces ^radatiqns de richeffe matérielle à.l’ex -
preffion graduelle du cara&èrc des édifices , ces
moyens ne renforçaffent de beaucoup l’ iiRpr.effion
qui réfulte de la richeflê intellectuelle 6c de toutes
les qualités morales qui frappent moins les fens
que l’entendement. L ’éclat des marbres 8c des
métaux annonceroit d’une manière frappante aux
y e u x lés demeures p rivilégiées de la divinité. Tous
les autres matériaux, félon le rang & le prix que leur
rareté leur donne dans l’opinion , s’appliquant à la
mefure 8ç à la proportion que les divers édifices
tiennent 6c reçoivent de leurs ufages 8c de leur
deûination, deviendraient des fignes caraétérifti-
ques auxquels l’oeil ne fauroit fe méprendre.
V o y e z avec quelle facilité les peintres de déco
ration de théâtre favent exprimer aux y eu x , dans
les monumens illufoires de la {cène , toutes les
variétés 8c tous les contraftes de leurs caraftères,
quoique fouvent les formes qu’ils mettent en oeuvre
ne diffèrent point de celles des monumens qui
nous entourent, quoique le plus fouvent encore
leur imagination les trompe fur le mode 6c le jufie
tempérament de la convenance relative à chaque
monument. Mais ils peuveut difpofer à leur g ré ,
par la facile illufion des couleurs, de toutes les
richeffes des matériaux. Les marbres les plus rares
l’o r , l’azur , le b ronze, fe raffemblent à peu de
frais fous leurs pinceaux ; 8c c’eft le plus fouvent
parle pceftige de la couleur qu’ils parlent à l’imagination
, pour éciairer le jugement que le fpe&a-
teur doit porter des monumens dans lefqueis fis le
t-ranfportent. . à. •
La couleur des matériaux a bien certainement
de l’empire fur nos fen s , & par-là .une connexion
naturelle avec l’àélion de tous les m oyens propres
à caratfirifer. Des marbres fleuris , d’une nuance
tendre 8t délicate, vous porteront dans l’aine'des
fenfations gaies , légères & quelquefois vohip-
tueufes. Des marbres d’un ton foncé , auftêre &
monotone, refpireront la gravité & porteront votre
efp/it auférieux de la réflexion. Des marbres d’une
couleur rembrunie 8c noire, vous infpirerontla trif-
teffe & la mélancolie'. C eu x qui conripiffent la
chapelle fépulcrale de Turin,, bâtie toute en marbre
noir , celle de Saint-André de la V a lle à Rome3
qu^on -attribue à Michel-Ange , auront. éprouve
l’effet inconteffable dont je parle , 8c conviendront
fie toute fa force. Ceux-là conviendront encore de
l’effet tout contraire qui réfulte dp mélange heureux
8c adroit des marbres de couleur -pour égayer
l’im agi nation & parler à Tefprir. Ils avoueront
que les pays privés de, ces reffources manquent
d’un des plus énergiques moyens dé rendre certaines
nuances de caratà're ; car la peinture ou là
couleur faétice qu’on'peut quelquefois donner au#
matériaux n’eft qu’un bien foible fupplément à ce?
reffources.
Au défaut de ce s moyen« puiffans que la nature
a refulés à certains pays , l’art trouve encore dans
la manière de tailler les matériaux, des procédé]}
«ut peuvent en corriger l’ uniformité. T e l e f t , par
exemple, l’ufage de ruftiquer les pierres , d’en
piquer la fuperficie & de leur donner une apparence
brutte qui c o n t i a f t e ' avec (les parties lûtes. On fe
fert de cet expédient pour détacher des parties les
une s des au tre s , pour en rendre ra.fp.efl plus piquant
, plus féiieux , plus léger ou plus lourd,
fuivant le caractère q u ’o n veut imprimer aux maffes
en général & aux détails.
Rejfonrces de la décoration. Entre tons les moyens
dont l’atchiteâe peut difpofer pour imprimera
fes édifices une phyfionomie fpécifique, & écrire,
fi l’on peut ainft parler , leur caractère propre, il
en eft peu de plus efficaces que ceux quirèfultent
des reffources bien entendues de la décoration.
La décoration comprend , indépendamment des
reffources propres-ii l’architefture , cellbs de la
peinture pour l’intérieur des édifices , celles de la
fculpture àppliquables aux parties extérieures comme
aux intérieures. Le reffort de la décoration eft
fi confidérable qu’on pourroit même y joindre une
partie des moyens de la ■ conftruflion , & même
les propriétés déjà fpécifiées des matériaux.
Mais tous ces m o y en s , loin de fervir à caraflé-
tifer les édifices 8c à les faire diftinguer pour^ce
qu’ils fon t, ne feront que des moyens de eonfu-
fion,.comme ils le font dans le fait chez-les moe
dernes, tant que l’efprit qui en règle l ’emploi n’aura-
point pour bafe les deux principes que l’on va
établir.. ^ ,
La décoration en elle-même eft l’art d’employer
toute la richeffe de l’architeflure. O r , comme on
l’a dit plus h au t, la richeffe, dans l’architeflure,
eft un des fignes reprèfentatifs de la puiffance;,.de
la grandeur, de la force ,d e la majefté. Tou s les
édifices, d’après l’analyfe des qualités qui leur font
inhérentes 8c particulières , ne réclament donc
ni le même genre , ni la même mefure de richeffe.
I l eft donc confiant qu’ il n’ eft point libre
à.l’architefle d’ufer indiftindeinent de ces reflour-
ceS ; que c’eft à la nature de chaque édifice à
indiquer la proportion qui lui convient, en raifon
des qualités qui en conftituent le type moral.
La décoration , confidérée dans fes reffources
partielles ou dans fes-détails, eft un langage dont
les fignes, les exprefftons doivent être doués d’une
lignification précife 8c capable de rendre des
idées. Sans cela , l’on n’y voit plus qu’un jargon
inintelligible compofé de formules puériles 8c in-
fignificatives , ou de caractères muets pour l’e fp rit,
dont l’affemblage bizarre & fortuit feroit tout au
plus .propres à réjouir les y e u x , en attriftant la
raifon. C e feroit donc en vain que ce langage pré-
fenteroit à l ’artifteles moyens les plus énergiques
de rendre fes idées 8c de donner à- tous les édifices
une forte d’éloquence vifible , 8c, fi l’on peut dire,
occulaire , s’il ne parvient à en acquérir l’ intelligence
Si à en manier habilement les refforts.
C« n’eft point ici le lieu de développer les caufes
de la dèfoétude , de l’ignorance & de l’équivoque
de ce langage. Ces détails font, réferves aux articles
Décoration & Ornement ( voye^ ces
mots.). N’ayant à indiquer ici que les moyens de
faciliter aux artiftes l’expreflion du caraiïère propre
des édifices, je me contenterai de leur faire
obferver que lé plus effentiel peut-être, & celui
qui eft le plus méconnu, confifte 6c dans la proportion
des reffources de la décoration , & dans
leur emploi raifonné. N e nous étonnons point
qu’elles foient fans effet , lorfqu’elles font mifes
en oeuvre fans difeernement 8c même fans con-
novffance de caufe. Quand je vois par - tout des
guirlandes, que voulez-vous que me dife cet ornement
?.Que me veulent ces feftons perpétuels, ces
enroulemens fans fujet , ces rinceaux dénués de
motif* ces patères, ces g én ie s , ces carquois , ces
flèches, ces mafques ,c e s foudres , ces lyres , ces
rayons que je trouve inc’iftinélement fur les temples
, fur les palais , fur les maifons privées ?
Q u e lle valeur voulez-vous que j ’aftîgne à tous ces
fymboles , fi l’archite&e n’a pas fa lui» même la
valeur qu’ ils ont? Qu e pourrai - je comprendre à
tous ces fignes , s’il n’y comprend rien lui-même?
Q u e l effet peut-ôn attendre & des repréfentations
de la peinture , 8c des effigies de la fculpture ,
s’ il eft poffible de placer des tableaux dans des
v o û te s , de loger des ftatues hors de la portée de
la vue ; fi les tableaux 8c les ftatues jouent dans
les édifices le rôle des ornemeris dont on vient
de parlef ; fi l’on en prodigne l’emploi à toutes les
efpèces d’édifices, 8c fi le goût du peuple , ufé
par une telle profufion , s’habitue à ne pas y
attacher plus d’importance qu’aux objets furan-iiés
& oifeux que la mode 8c l’ignorance ont rejeité
dans l’ art futile de l’ornement ?
Attributs. Les attributs qui font partie de-cetart
devroient entrer au fil pour beaucoup .dans celui de
cara&érifer les monumens. Il en eft peu qui n’aient
quelque relation avec quelqu’une dés allégories
dont l’ornement a fi indiferètement compofé fon
langage infipide chez lès modernes. Appropriez
donc ces différens fignes aux différentes propriétés
& qualités de ces édifices qui en réclament exclu-
fivement l’emploi. J’ai déjà fait voir au mot A ttribut
( voyet^ cet artic le ) que lès Grecs 8c les
Romains, quoiqu’ils euffent commencé déjà à introduire
de la confufioti dans les fignes allégoriques
de l’ornement, avoient cependant fu ménager
8c approprier aux principaux édifices des
fymboles 8c des attributs cara&érifliques. Mais
ce que je crois devoir encore répéter ici , c ’eft
que les architeéles ne font pas excufsbles de né-
- gîiger des moyens au fil fimples 8c aufll à la portée
du plus grand nombre ; qui pourroient 8c qui devroient
remplacer les inferiptions chez un peuple
inftruit 8c familiariféà c e genre d’écriture allégorique.
Qu elle pauvre relîoiirce que celle d ’une
infeription. fans laquelle j’ignorerois■ cependant le
genre & la deftination de l’édifice qui s’offre à
° rr * * »