
autant de timidité que leurs dedans font voir de
hardiefle & quelquefois de témérité. La cathédrale
de Milan eft peut-être une des mieux ajuftées à
l ’extérieur, quoique hérifièe d’un nombre infini de
pyramides & de frontons aigus. L’architeâure
grecque s’ajufte moins bien à .l’intérieur des édifices
où il femble qu’on devroit fupprimer les corniches.
Cette manière de bâtir étant, comme on
l ’a dit, une imitation des édifices conftruits en bois,
s’adapte mieux avec les plafonds qui repréfentent.
les planchers, qu’avec les voûtes. Ceft ainfi que
les Grecs ont exécuté leurs plus beaux édifices. Ils
ne décoroient l’intérieur des temples que lorfque le
milieu étoit découvert, comme à ceux qu’ils appel-
loient hypoethres. L’architeÛure grecque doit être
employée de cette manière pour n’offrir aucun
contre-fens. Aufii voit-on qu’en général les ordres
d’archite&ure ne font entrés dans la compofition
des beaux édifices grecs & romains, que pour
former des périfliles autour des temples, des places
publiques, des cours ou des grandes falles découvertes.
L’intérieur au contraire des belles églifes
gothiques, telles que celle d’Amiens, offre un
afpeét plus grand, plus noble, plus un & plus varié
que celui de la plupart de nos églifes modernes,
bâties en arcades & décorées d’ordre d’architefture.
Celles-ci ne nous préfentent qu’un mélange de conf-
truction lourde & maffive, décorée d’une manière
fèche & mefquine, & par-tout remplie de men-
fosges & de contre-fens.
Tant que les ordres d’architeâure ne paroîtront
pas faire partie effentielle d’un édifice, ils n’y feront
qu’un hors - d’oeuvre poftiche, & ne fatisferont
jamais le foeâateur raifonnable.
Un édifice parfait feroit celui qui réuniroit fous
les formes les plus belles & les plus folides, toutes
les parties nèceffaires à l’objet pour lequel H feroit
deftiné, & dans lequel Van de bâtir fe trouveroit dépendant
de toutes les parties de l’architeéhire, & les
feroit auffi dépendre de lui. Ceft de ce rapport entre
l’art & le mécanifme qui fouvent fe confondent, &
dont l’efprit eft le même fur beaucoup d’objets,
que réfulte le plaifir que fait éprouver l'architecture
grecque. L’archite&e doit donc étudier à fond
Van de bâtir, cette fcience trop négligée, & dont la
correfpondance avec la diftribution & la décoration
eft cependant fi néceffaire. L ’architeôe qui n’eft que
décorateur,imagine fouvent des chofes impoflibles,
difpendieufes & qui ne Yempliffent pas l’objet proposé.
Celui qui ne fera que conftru&eur, composera
des édifices folides qui ne feront peut-être ni
commodes, ni agréables. Celui qui n’entendra que
la diftribution , arrangera bien, fi l’on v eut, d’une
manière commode , toutes les pièces d’un logement
: mais fi l’enfemble de la conftruâion manque
d’agrément, & l’exécution de folidité, il n’en réful-
tera toujours qu’un édifice imparfait.
B A T IS, f. m. fe dit particuliérement, en charpenterie
& en menuiferie , de l’affemblage des
principales pièces qui compofent un tout.
BATISSE ,f. f. Ce mot fe dit moins de la fcience,
moins de l’art, que de la manière de bâtir ; il a plus
rapport à la qualité des matériaux & à l’apparence
de leur emploi, qu’à l’intelligence qui les met en
oeuvre & qui forme l’art de la conftrnétion. [Voye^
ce mot ). Le mot de bâtijje s’applique plutôt à l’exécution
des bâtimens ordinaires ou particuliers. Celui
de conflruftion eft plus propre aux grands édifices
publics. On dit une bonne bâtijfe ; c’eft celle où l’on
à employé de bons matériaux. Üne_ belle bâtijje eft
quand l’appareil eft beau & bien ragréé.
BATISSEUR, f. m. Celui qui aime à faire élever
des bâtimens“: il fe dit de ceux qui ont la manie de
faire & de défaire.
B A T O N , f. m. C ’eft une moulure ufitée dans la
bafe des colonnes. ( Voye^ T ore ).
B A TR A CU S, architecte de l’antiquité. Il naquit
à Sparte, & travailla, de concert avec Saurus, à
plnfieurs édifices de Rome. Pline nous apprend
qu’ils avoient bâti le temple de Jupiter & de Junon
que Métellus avoit fait élever dans fon portique.
Leurs noms font devenus fameux par l’allégorie
ingénieufe qu’ils employèrent pour en perpétuer
la mémoire. N’ayant ofé les y écrire, ou n’en
ayant pu obtenir la permiffion, ils les indiquèrent
par une grenouille & un léfard, qui en font la
lignification en grec , & qu’ils placèrent, dit Pline,
in co'lumnarum fpiris. Ce mot fpira a été diverfement
interprété par les commentateurs. Hardouin croit
que ces animaux étoient fculptés fur les bafes des
colonnes, c’eft-à-dire, furie tore ou fur le congé,
parce que Pline donne ailleurs à cette partie le nom
de fpira. Mais ce tradu&eur ne s’eft pas reflouvetm
que Vitruve appelle auffi de même la volute du
chapiteau. On croit donc que Pline s’eft fervi dans
ce paffage du mot fpira dans fa lignification, propre
& naturelle, qui exprime une fpirale femblable à
celle que forme le ferpent en fe roulant fur lui-
même. Ce qui vient à l’appui de cette explication,
c’eft un chapiteau qu’on voit à Rome au palais
appellé le petit Farnefe. Il eft Ionique & du travail
le plus délicat. Les volutes font réellement formées
de ferpens entortillés l’un dans l’autre. Pline parle
auffi de la fpirale des volutes Ioniques ; & par con-
féquent, on doit croire que les noms allégoriques
des artiftes furent repréfentés dans les volutes. Ce
feroitbien gratuitement que l’on changeroit, comme
d’autres ont voulu le faire, le mot àetolumnarum en
celui de capitulorum. D ?ailleurs, on citeroit plus d’un
exemple de ces emblèmes placés dans les volutes de
l’ionique. ( Voyei Ionique & V olute).
D’après cela, on ne fauroit douter qüe le beau
chapiteau Ionique qui fe trouve à Rome dans l’églife
de faint Laurent hors des murs, ne foit un de ceux
fur lefquels Batracus & Saurus gravèrent leurs
-noms. Au milieu d’une des volutes il y a dans
ce que l’on appelle Y oeil, au lieu. de la rofette qui
s’y trouve ordinairement, une grenouille étendue
for le dos ; & dans l’autre oeil on voit un léfard qui eft
tpprné autour de la rofettç. Comme les chapiteaux
«ui font dans cette églife y ont été portés de diffè-
rens endroits de Rome, il y a lieu de penfer que
celui dont nous parlons aura appartenu au temple
de Jupiter & de J un on.
BATTANS, f. m. plur. Ce font dans les portes
8c les croifées les principales pièces de bois en
hauteur où s’aflemblent les traverfes..
On appelle auffi battans les vantaux d’une porte.
On dit une porte à deux battans, lorfqu’elle s’ouvre
en deux parties. ( Voye^ Porte. )
B A T T E f , (jardinage.) Infiniment de bois
qui fert pour battre les gazons & les allées. Pour
les gazons, il eft femblable à celui des lavan-
drières , étant une efpèce de prifme avec un long
manche ; pour les allées la batte eft compofée de
longs manches pofés diagonalement fur un gros
billot de bois.
BATTRE , v . aéh ( Conjlruttion. ) C ’eft l’aéfion
de frapper une matière pour l’écrafer ou la comprimer.
Ainfi on bat le plâtre pour l’écrafer, le
fer pour le comprimer & augmenter fa fermeté.
On bat pour la même raifon différens ouvrages ,
tels'que le pavé, les aires en mortier,la maçonnerie
de blocage, le béton. Les anciens battoient
leurs enduits pour en augmenter la confiftance &
les rendre plus durables. C’eft à cette opération
qu’on doit attribuer en partie la folidité des conf-
truéfions antiques. C ’eft à elle que le laßrico de
Naples, & le compofio de Venife doivent leur
confiftance & leur durée. ( Voye^ A ire.)
Les murs de Pifay en Dauphiné ne font redevables
de leur folidité qu’à l’ufage où l’on eft de
bien battre la terre, dont on les conftruit.
L’opération de battre une matière pour la comprimer,
& en augmenter la denfité , en diminuant
fon volume , s’appelle auffi maffivation.
{Foyei Massiver.)
BAVAY. (Voye£ BAGANUM.)
BAYE, f. f. On entend par ce mot toutes
fortes d’ouvertures percées dans des murs, comme
des portes, des croifées & même des paffages de
cheminée. (Voyeç Fenêtre & V ue.)
BEAU, adj. m. La recherché du beau 8c de fon
effence n’a produit jufqu’àpréfent que des difputes
infru&ueufes pour l’objet auquel elles tendoient.
Les uns, pour concentrer toutes les notions du
beau dans un feul principe, ont voulu qu’il fût une
qualité une, propre à un petit nombre d’objets,
& capable de réveiller en nous les idées de toutes
m qualités ou propriétés qu’on y admire, & dont
k fource. Les autres , pour avoir trop géné-
leurs principes, multiplié leurs définitions,
& étendu les nôtions du beâu.ÿ en ont fait un
compofé de qualités, dont il femble être plutôt
e refultat que le principe. D ’autres enfin ont
conclu de cette diverfité d’opinions, que le beau
n qu’une chimère de l’imagination ; que puif-
(Tr f n^ture à échapper aux recherches -
e efprit,. il falloir le mettre au nombre des êtres
e fanon ; ou que dépendant de la fantaifie de
ch acun , il n’ exiftoit qu’aux y e u x de ceux qu’une
heureufe illufion aveugle.
Se pourroit-il donc que la beauté n’eût rien
d’abfolu ? Quand même on prouveroit qu’elle
n’eft que l’ouvrage de l’imagination , qui attribue
gratuitement aux objets une perfeétion qu’ils n’ont
pas , l’idée de cette beauté , dont chaque homme
porte en lui-même une mefure diffé ren te fi l’on
v eu t, ne feroit-t-elle pas toujours le problème à
refoudre t Car xd’où les hommes auroient-ils l’idéé
du beau, fi ce beau n’exiftoit pas ?
Il n’eft ni de notre objet, ni de notre reffort dé
nous livrer à ces difeufiions méraphyftques , qui
ne font à la portée que d’un petit nombre d’hommes,
& prefque jamais de ceux qui auroient cependant
le plus grand intérêt à les comprendre. Il
importe peu à l’artifte de Savoir ce qu’eft la nature
du beau : il lui importe de connoître les routes qui
y conduifent. Il n’eft pas tenu de l’expliquer , i!
doit le faire fentir. Peut-être ne faudroit-il à l’artifte
qu’un traité de beauté pratique, fi l’on peut dire,
dont tous les principes mis en aéfion par l’application
qu’on en feroit aux-facultés de l’âme, &
aux ouvrages de L’art, lui feroient fentir 8c voir,
ce que l’on fe contente ordinairement de faire
comprendre.
D ’après cela, il femble que les exemples vau-
droient mieux que les leçons ; il femble que
l’on devroit rechercher ce qui plaît avant de rechercher
ce qui eft beau, fi certe route n’étoif
plus propre encore à égarer. Car les chofes plaident
parce qu’elles font belles, & ne font point
belles parce quelles plaifent. Si ce qui plaît étoit
le principe du beau, ce principe feroit le’ plus
arbitraire de tous.
Le but de nos recherches doit donc être d’examiner,
non TefTence du beau, ( v à y e f t e diclionà.
de métaphy. ) mais les qualités par lefquelles l’idée
du beau dans les arts fe développe en nous; mais
les facultés de l’ame qui, dans chaque art, font fuf-
ceptibles d’en recevoir l’impreffion.
Que le beau Çoit une qualité indiyifiblè , qui
nous fait fentir, connoître & aimer les objets
dans lefquels il fe trouve ; ou qu’il foit une réunion
de qualités relatives aux diverfes facultés de
notre ame qui peuvent en juger; cette queftion eft
aflez indifférente , peut-être n’eft-ce qu’une queftion
de mots. Q u ’il foit le principe, ou qu’il foit le réful-
tat des qualités diverfes des' objets, c’eft toujours à
connoître ces qualités que doit tendre nôtre' étude.
Ceux qui recherchent la notion dix 'b ea u , indé-'
pendatnment dès qualités qui en réfuhent, recherchent
la caufe pour parvenir aux effets ; ceux qui
s’attachent aux qualités particulières, indépendamment
de la notion pofitive du beau , veulent, .par
les effets, remonter à la câüfe. L’une & l’autre de
ces routes peuvent mener au but : mais la fécondé
eft plus analogue aux arts.
A u re f te , on ne fauroit nier que le beau n’àffeéle
différentes facultés de notre am e , par une imp ül