
& de fatisfaâion fur le fommet d’une colline ou
fur le penchant d’un mont. En parcourant des yeu x
le vafte payfage , il recueille plus d’images,, flat-
teufes , il éprouve de plus vaftes fentimens, & fent
en quelque forte aggrandir fon être.
L a fituation la plus convenable à toutes les
maifons de campagne, eft fur une hauteur. Elle
eft avantageufe à la fanté ; l’air qu’on y refpire
n’eft pas chargé de ces vapeurs malfaifantes qui
vont fe perdre dans les fonds. Les châteaux de
plaifance & les maifons de campagne des poffeffeurs
de terre, fembleut encore devoir être placés fur
des élévations par des raifons plus particulières ;
en acquérant une apparence de plus de grandeur
& de m a je f té ,. ils donnent aux propriétaires le
fpe&acle agréable d’une partie de leur domaine ,
éc le font jouir des tableaux des cultures environnantes
& des travaux champêtres.
Dans les fiècles de pillage & de gu e rre, on bâ-
tiffoit les châteaux fur la cime des montagnes &
des rocs : c ’étoit moins le plaifir de la vu e que
le befoin de la défenfe , qui déterminoit ces fitua-
tions efearpées. Cependant aujourd’hui même, en
n e v o y an t à travers les nuages que des murs
cre va ffés , & les ruines fufpendues de tours écroulées,
nous ne confidérons pas leur affiette fans
étonnement & fans admiration. Si l ’on vouloit
a&uellement par imitation élever de ces châteaux
montagnards dans des parcs d’une très-grand^
étendue , il faudroit fans contredit tourner d’abord
fon attention vers un fite hardi & en quelque
façon fauvage.
D e s maifons de campagne placées fur une émi>
nence médiocre y gagnent encor», quand cette
éminence eft au bord d’une belle r iv iè re , d’un
lac , ou d’une baie formée par la mer. Alors elles
acquièrent non-feulement des lointains pleins de
m ou vem en t, mais elles font encore une des plus
belles parties du tableau qu’offre le payfage. La
propreté , l’ordre & le goût doivent principalement
régner autour des châteaux de plaifance &
des maifons de campagne, & y préfenter un fpec-
tacle où l’a r t , dépouillé de toute apparence de
contrainte & de toute recherche inutile , étale
autant d’aifance que d’agrément. Comme la place
adjacente à l’édifice peut être confédérée comme
faifant une partie du terrein qu’ il oc cu p e, la régularité
peut s’étendre jufques-là. Ce tte place peut
être réglée fur la figure de la maifon, avoir des
côtés parfaitement, ég a u x, & fe prolonger en ligne
droite vers, la porte ou l’avenue. L e défaut total
de régularité y blefferoit la vu e ; car un bâtiment
eft un objet d’affez grande importance pour porter
Tinfluence de la fymmétrie jufques fur les parties
qui le touchent. La fculpture même appellée par
l ’architefture à l’aider dans la décoration du dedans
& du dehors de l’édifice, peut s’offrir fur
les places qui enyironnent les maifons de campagne
nobles & magnifiques. Elle peut les orner de fta-
iues 3 de vafes à fleu rs, & d’autres ouvrages convetiab
les , & prolonger cette décoration ; tartt que
la liaifon de la place & du bâtiment eft fenfible.
En A n g leterre, au fortir d’un palais plein de marbres
, de tableaux & de dorures, on paffe fou-
vent tout-à-coup dans un canton fauvage. C e palfa
ge de toute la pompe de l’art à la fimplicité négligée
eft trop brufque : l’intervalle entre ces deux
extrémités devroit être rendu moins fenfible , par
des nuances réciproques & ménagées de gradation
en gradation. Il eft plus conforme à la nature
de nos idées de nous égarer peu à peu dans
l’agréable défordre qu’offre la nature , à laquelle
l’art cède par gradation fa place.
O n avoit coutume d’enrichir les avant-places
des maifons de campagne d’orangers & de jets-d’ean.
Ce s deux objets contribuent fans doute à l'agrément
& à la fraîcheur; & des jets-d’ea u , pourvu
qu’ils ne foient pas rendus difformes par les décorations
ordinairement difparates & peu convenables
, pourront toujours, en qualité d’ouvrages
de l’a r t , être placés près d’un édifice. Peut-
être cependant l’ufage ci-devant trop général de
ces fortes d’ornemens eft-il caufe qu’on y tient
moins aujourd’hui dans les pays chauds, où les
jets-d’eau ont pris naiffance , & o ù lls fe trouvent
encore employés avec profufion, fur-tout en Ef-
pagne & en Italie.
Les places iituées immédiatement devant les
châteaux de plaifance & les maifons de campagne,
ne doivent pas plus être mafquées par des haies
& des allées que par des.bâtimens, quelque ordinaire
qu’il foit de les voir emprifonnées par des
remparts, formés fur-tout d’arbres élevés & touffus.
C e s arbres, qui non-feulement rendent l’air humide
, mais qui communiquent au. bâtiment les.
infeftes qu’ils nqurriffent, enlèvent de plus au
payfage un de fés principaux agrémens, la liberté
& la vue. - Ces fortes de clôtures , quoique nom-
breufes & anciennes en Hollande & en Angleterre
, n’en méritent pas pour cela plus de grâce
aux y e u x du bon goût & de la râifon.
L e but que l ’on fe propofe dans les maifons de
campagne, but qui n’eft autre que d’y jouir fans
trouble d’un paifible ag rémen t, preferit de ne
placer dans leurs environs que des objets fufeep-
tibles d’un afpeét r ian t , & d’en écarter toiis ceux
qui pourroient occafionner des impreffions défa-
gréables. D ’après cette règle , celui qui bâtit une
belle maifon de campagne, ne l’entourera pas, à
trop peu de diftance, d’une quantité d’édifices çon-
facrés à l’économie rurale , comme granges, étables
, ou autres de ce genre , qui le priveroient
de la liberté de la vu e , & d’un air pur. Quoique
une coutume prefque générale ait introduit cet
u fag e , fur-tout en Allemagn e, il n’en eft pas moins
oppofé à c e qu’exigent l’imagination & le bon
goût.. Nous faifons ici cette remarque, non par
un mépris qui feroit injufte pour l’économie rurale
, mais uniquement dans la vue de donner un
avertiffement utile à ceux qui pourroiçnt çonftrwr^
à l’avenir des maifons de campagne. O n fait qu’ un
grand nombre de maifons ou de châteaux eft dif-
tribué d’une manière fi étrange, que les granges
& les écuries fituées devant l’habitation , ou du
moins immédiatement à c ô t é , occafionnent, outre
plufieurs inconvénîens, de la mal-propreté & des
Impreffions peu agréables, enforte que le féjour
d’une rue fale & étroite de la ville feroit plus
fupportable que celui d’un pareil endroit. Q u ’on
juge enfuite de ce que l’afpeft de la plus belle
maifon de campagne perd à une enceinte & à un
voifinage de cette elpèce. U n ardiite&e intelligent
n’aUra pas beaucoup de peine à trouver une place
propre aux édifices économiques, & qui foit à
une diftance convenable du corps-de-logis.
Rien n’eft plus mal entendu, & ne fait un plus
mauvais effet à l’oeil autour d’une maifon de campagne,
que des environs déferts & fauvages. Ce t
abandon & ce défaut de culture, la mal-propreté
& le mauvais état des chemins, font naître des
fenfations pénibles & défagréables. Il eft nombre
de maifons de campagne qui perdent beaucoup de
leur attrait par les difficultés du chemin qui y
conduit. C e t objet ne fauroit être indifférent, vu
fon influence publique. Si tous les poffeffeurs de
terre d’une province vou lo ien t, pendant quelques
années de fu ite , réunir leur zèle 8t porter leur
attention fur cet article , qui touche en partie à
leur propre honneur, plufieurs cantons pourroien’t
voir effeéhier des améliorations qu’on s’eft borné
n fouhaiter jufqu’ ici. En fuppofant même qu’on
ne voulût faire entrer pour rien dans cette fpé-
culation rembelliffement qui en réfulteroit pour
le p a y s , il y en auroit allez de la feule utilité
qui en feroit le f ru it , pour folliciter l’execution
de ce projet.
Ne conviendroit-il pas que la route voifine d’un
château fe difti.nguât d’un grand chemin ordinaire;
& que par fa plus grande commodité, fon agrément
& fa b e a u t é e l l e donnât une idée préliminaire
& avantageufe du caraélère de l’habitation
voifine & de fon poffeffeur?
Les châteaux de plaifance fe diftinguent des
maifons de campagne par plus de grandeur, de dignité
& de magnificence. Les maifons de campagne
du premier ordre , deftinées à la demeure des
grands, en approchent le plus; & à mefure que
le rang & la richeffe du poffeffeur diminuent, il
convient aufîi que la grandeur, la dign ité, la
magnificence fe changent en fimplicité & en mo-
deftie.;
Quoique les châteaux de plaifance foient habités
par les rois & les princes, ils n’exigent pas
la mçme éten d ue, la même majefté &* la même
fomptuofité que les palais des capitales. C eu x -c i,
deftinés à l’habitation confiante du fouverain &
de fa famille , doivent avoir toute la majefté qu exigent
le cara&ère du maître & la nature des affaires
qui s’y traitent. Un édifice de ce genre doit donc
être yafte dans fon enfemble, étaler dans toutes
Architecture. Tome I ,
fe s parties toute la magnificence d e l’archite&ure»
Au-dehors il doit porter l’empreinte de la majefté ,
& répandre autour de foi une impreffion de ref-
pôél & d’admiration.
Mais un château de plaifance a une toute autre
deftination.
Ic i le fouverain dépofe pour ainft dire le ca*
raftère public qu’il foutient au milieu de fes fu~
jets ; il fe livre au ’repos de la v ie p r iv é e ; il
s’abandonne aux douceurs de la tendreffe & de
l’amitié; il vient fe délaffer dans la folitude, puifer
une nouvelle v ie dans les jouiffanees paifibles.
de la nature : pour fe fentir heureux en qualité
d’homme, il cherche à oublier qu’il eft roi. D es
demeures deftinées à cet effet ne doivent pas être
revêtues du caradtère majeftueux & magnifique
des palais ; elles doivent cependant conferver toujours
un certain air de grandeur & d’élévation.
Il en eft un peu autrement des maifons de carn-f
pagne de la nobleffe. Celle-ci femble y faire plus
particuliérement fa réfidence ordinaire. Elle réfide,'
ou du moins devroit réfider dans fes ter res, à la
culture & au bien-être defquelles fa préfence pa-
roît prefque indifpenfable. L e liège de fon pouvoir
étant à la campagne , elle peut convenablement
y bâtir avec plus de magnificence que dans
la capitale , où fa grandeur fe perd dans le fafte
des co u r s , où du moins fa dépendance eft plus
fenfible. D ’après ces Remarques , le caraâère des
maifons de campagne de la nobleffe peut confifter
en un mélange de dignité & de m agnificence portée
.jufqu’à un certain point.
Les maifons de campagne des autres perfonnes de
qua lité , qui ne poffèdent cependant pas une certaine
étendue de biens-fonds dans le diftriél def-
quels fe trouve leur habitation champêtre * doivent
être confédérées comme des demeures de particuliers
, & leur caraétère fe diftinguera par un air
d’élégance & de délicateffe ; la grandeur & la magnificence
n’y conviennent point. .
Les maifons de campagne bourgeoifes doivent fe
borner à être décentes & agréables ; l’éloignement
de tout luxe & de tout é c la t , une modération
& une modeftie nobles , en font la beauté caraété-
riftique. La richeffe ne doit pas y étaler une pompe
affeâée;; un goût agréable doit la remplacer.
D ’après les différences qu’on vient d’indiquer,'
le cara&ère convenable aux châteaux de plaifance
eft compofé d’une majefté & d’une grandeur modérée
; celui des fièges champêtres de la nobleffe
eft la dignité réunie à une magnificence proportionnée
; celui des maifons de campagne dés hommes
de confédération , l’élégance & la délicateffe : enf
in , celui des habitations ruftiques des bourgeois,
la dé cence, l’agrément & la* modeftie.
Il eft de plus un cara&ère propre & commun
aux châteaux de plaifance & à toutes les maifons
de campagne ; il confifte en une noble fimplicité,
jointe à de la lég ére té, de l’aifance , de la beauté
& de la grâce. C e caraâère fe fo n d e , & fur la
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