
48 î C A R
appercayons , & d’après lefquels nous mefuroiîs
le s oeuvres de la nature.
Ain fi, il eft entré fans doute dans le plan de la nature
d’entre-mêlerj le grand, le moyen Sc le petit,
le fort & le foible ; de mettre des nuances entre
les extrêmes , c ’eft-à-dire , de priver certaines
.chofes de caraftere ; il eft entré dans les vues de
la 'nature quefés produirions , félon la^diverfité
.des climats où elles fe propagent ,-reç.uffent des
modifications capables d’y altérer plus ou moins
l ’empreinte originelle qu’elle leur avoit donnée ;
& d e-la il réfulte que , fans accu-fer la nature
d ’impuiffance ou de foibleffe , en difant de certains
êtres, ou de certains objets qu’ils manquent
de caraftere , nous ne faifons que reconnoître
,ce qui eft , laiffant au philofophe à nous rendre
compte des • raifons de la nature dans les variétés
de fon plan,,
A in f iT o n peut dire que la nature , prlfe en
général, manque fouvent de ce caraftere effentiel
‘ou de la grandeur & de la force que nous croyons
devoir toujours lui appartenir ; mais qu’elle n’a
pas -jugé à .propos de développer par-tout & dé
la même manière, ni dans la même mefure. C ’eft
.ce dont on convient encore plus volontiers en
examinant partiellement les ouvrages de la nature.
Qui ne fait que mille caufes accidentelles
-peuvent arrêter le développement extérieur de
leur organifation ; que mille autres caufes peuvent
■ s’oppofer au développement de leurs facultés physiques
& morales ? d’où il doit réfulter qu’en
comparant les individus.d’une même efpèce., épars
fous des deux différens & fur différens fols , il
y en a qui font mieux placés que d’autres pour
jacquérir le dévèloppement total de leur organisation
ou le complément de toutes leurs facultés.
Les nuances qui différencient les individus d’une
même efpèce , & qui forment leur caraftere dif-
iin& if, proviennent en partie de ces eaufes fécondes
, & qui peuvent, fe modifier à l’infini. Toute
fubftance reçoit des niarquesycaraklériftiques de ce
,qui a . fur elle qnelqu’influenee. Les montagnes ,
les rochers font fujets à des variétés de formes ,
& par conféquent de caraftere, qui défignent juf-
qu’aux efpèces de matières dont ils font com-
pofés ; qui annoncent ou qu’ils n’ont pasfouffert
des atteintes du tenis , des effets intérieurs , des
aecidens dont ils font fufceptiblesj ou qu’ils ont
effuyé des dérangemens dans les couches intérieures
qui les forment, des deftruâions par les
effets de l’ air ou des eaux , de la chaleur ou du
froid. Il en eft de même de toutes les fubftanees ,
de quelques claffes qu’elles foient. Je laiffe au
ie.ôeur à fuppléer les détails infinis que comprend
gette fécondé efpèce de caraftere , mon but n’étant
pas d’appliquer les .définitions que j’ai faites du
'caraftere à tous les ouvrages dç la nature , mais
feulement de „faire voir qu’elles font fondées fur
$ nature mêm.e; fi fiflfit de voir que le caraftere
C A R
dîftînffîF, ou celui qut.conftitue la phyfïoriomlg
particulière de chaque être , eft fournis' à une
multitude de caufes locales , & qu’on ne donne
cette qualification qu’aux objets ou aux fubftanees
qui en ont reçu une variété particulière &
remarquable.
'Ainfi , Ton n’applique l ’idée de caraftere con»
fidéré comme force ou grandeur dans, la nature,
qu’à tout ce qui fe fait remarquer par des qualités
puiffantes , par des formes énergiques , par des
traits hardiment prononcés ; on n’applique l’idée
de caraftere , eonfidéré comme phyfionomie, qu’à
tout ce qui fe fait diftinguer par des modifications
particulières. Et comme on a vu que la
nature avoit refufé à certaines régions le premier
de ces caraftères , on en trouve de même un
grand nombre où ces variétés qui cônftiruent le
fécond , ne fauroient acquérir rien de faillant ;
d’où réfulte monotonie & uniformité.
La troîfième efpèce de caraftere , celle qui con-
fifte dans la propriété apparente des objets à leur
deftination, dans la conformité de leur manière
d’être avec ce qu’ils font, eft encore une chofe
-afiez rare dans la nature. Je ne parle de cette con-;
formïtê que par rapport à nous & à notre manière
de juger. Quoique cette aptitude apparente
foit une des premières qualités qu’on réconnoifle
dans la nature ; quoiqu’on découvre cette intention
dans toutes les efpèces , d’ans toutes les claffes
diftinâes d’êtres. & d’individus auxquelles elle
a imprimé des fignes • cara’ffériftiqùes , cependant
ce-développement dé rapport entre la forme
extérieure St les propriétés intrinfèques , eft encore
une de ces chofes fur lefquelles la nature fém-
ble éprouver le plus de contradiction. Il en eft
de cette qualité dans fes ouvrages , comme de
toutes les autres. Noits voyons bien qu’elle a
toujours le deffein d’arriver à la perfection ; mais
elle a fubordonné . cette perfedion .à tant de
caufes fécondés , que fouvent une feule fuffit
pour arrêter le développement dont elle dé-,
pend. O i devine affez que l’influence de l’air,
des climats, des fols différens , que les aecidens
particuliers de la génération & de la reproduction,
que les modifications particulières qui réfultent de
l’adion de la fociété & des effets de Pinduftrie de
l’homme , font autant de chofes qui détournent
l’intention de la nature , & privent une multi*
j tude d’êtres , d’objets & de fubftanees du caraftere
relatif, c’eft-à-dire , de cette empreinte bien marquée
qui établiroit une harmonie réelle entre leurs
formes extérieures & leurs facultés.
On voit -donc que le caraftere , quel qu'il foit
dans la nature, eonfidéré dans fon enfemble ou
dans le détail de fes productions , eft une qualité
dépendante , foit du fyftêtfie général auquel eft
fubordonné l’univers , foit des caufes 'accidentelles
qui font la fuite & le complément 4 s
fyftême.
c A lt
Le caraftere des différentes nations réfulte en
partie de ces caufes, en partie de plufteurs autres
qu’il eft important de connoître.-
CaraCtère confidéré dans les Peuplesv
XJn peuple eft une agrégation- d’hommes placés-
'dans telle ou telle région , fous telle ou telle température.
La différence que Ton remarque entre
les hommes & les autres productions de la nature,
entre, les autres efpèces d’animaux & Tefpèce humaine,.
c’eft que celle-ci paroît douée de la faculté
de pouvoir fe propager & fe reproduire fous toutes
lès températures. Mais cette faculté, à laquelle
l’homme croit reconnoître un des caractères de fa- ~
prétendue royauté fur le globe qu’il habite , n’empêche
pas que ce roi de la nature ne fubiffe toutes
les variations de forme, de proportion, comme le
moindre végétal. Affervi , comme les fimples
plantes, à l’influence des élémens,.à l’aCtion, de.
fair, a la vertu / quelle qu’elle foit , du fol fur
lequel il croît ; voqs- voyez fa; ftature, fa couleur
changer félon les zones qu’il habite ;. vous.voyez
fes facultés phyfiques ferefferrer & fe développer
félon le fiegré de fermentation que la .présence
ou Pabfence du, foleil produit dans, fon être.
Telle eft la caufe du caraftere effentiel qu’on remarque
dans les différentes nations. Selon que
lès contrées qu’elles occupent feront.celles où la
nature , développant fa toute-puiffance, a, voulu
y épuifer fes forces produktives, & fi j!ofe dire-,
perfektives , vous verrez de même la race humaine
parvenir à fon plus haut degré de développement,
vous la verrez s’atténuer, fe renforcer,
diminuer ou s’accroître, félon la variété de ces
caufes premières-, qui font les premiers moules où
s’imprime la forme effentieljement caraklériftique
des différens peuples ; mais vous remarquerez fur-
tout que ces grands traits font ineffaçables, quelle
que puiffe être la diverfitê des caufes fécondés,
qui peuvent, tendre à en. altérer l’empreinte originelle.
. , , „.-„K» -il.. ••-><<( $$ '
Les caufes, fécondés , qui modifient le caraftere
des peuples , font bien plus nombreufos, bien plus
difficiles à reconnoître, bien plus fujettes à équivoque.
Ce font celles d’où réfulte le caraftere dif-
tinktif ou accidentel. On les confond fouvent avec
Tes premières, comme on confond aufîi fouvent
ces deux genres, de caraftères. Le caraftere accidentel
des peuples tient aux conformations particu:
Itères de la contrée qu’ilshabitent, à l’expofition de
fön fol-, aux influences locales des vents, à fon
plus ou moins grand degré d’élévation , à là fub-
tilité de l’air, aùx produirions du fo l , aux nourritures
qui en reluirent, & ces modifications particulières'
continuent des. carafteres partiels , julques
chez les peuples fournis à 1’infiuence générale d’un
même caraftere effentiel. Il eft bien d’autres rai-
fôns qui agiffent encore fur le caraftere accidentel;
ce font-celles qifi tiennent à la grandeur des p,eu-
C A R 48 î
pies, à leur population, à leur genre de vie ; mais
ces raifons font plutôt partie de celles qui influent
fur le caraftere moral des nations.^
L’on ne fanroit contefter cette grande influence'
de la nature fur le caraftere phyfique des peuples ;■
& fi. quelquefois'on fe refufe à cette conviction ,
c’eft qu’on juge de ce grand principe par de petites
conféquences équivoques du caractère accidentel ,
où l’aktion de la nature eft moins déterminée ;
c’eft qu’on veut juger des tons primitifs par des
nuances ou des demi-teintes dans lefquelles le
mélange des couleurs rend leur diftinétion plus"
difficile ; c’eft qu’enfin au lieu d’étendre fa vue
fur les grands points de démarcation de la na-'
ture , on l’a çirconfcrit dans le petit nombre de-
variétés fubalternes dont on eft entouré, & qu on-
apprécie fenfemble par les détails ,. au lieu déjuger
les détails par l’enfemblè.
Mais il eft encore plus difficile de nier l in-'
fluence de cés caufes phyfiques fur le caraftere
moral des peuples , St peut-être qu’en ce genre*
les effets qui en réfultent ont une forte d’evidence
plus inconteftable que ceux qu’on apperçoit dans-
la conformation matérielle. Le genre des habitudes5
des peuples eft une fuite fi néceffaire de l’aétion du
climat, qu’en vain on Chercheroit une autre caufe
qui pût en rendre une raifort aufîi générale. Ceux
qui ont eu occafion d’examiner de près , St d’une
manière fuivie , la difpofition habituelle dès Nattions
que la nature a placées fôps des climats
capables d’y imprimer une marque effentiellement
càraétériftique , ont remarqué que les changemens
même de Gouvernement.qui y font ftirvénus,
n’ont point été. capables'd’effacer ces: traits enerj-
giqùes qui ne ceffent de fe développer , malgré
les obftaclesé G ’eft ce qu’on appelle 1 è fond dit
caraftere, qui ne change jamaislorfqu’il tient aux-
grands principes du climatV / -
Cependant il rie faut pas croire qué les' caufes--
politiques , lorfqu’elles ont de la durée , n’in- '
fluent aufli à la longue fur U caraftère moral des-
, peuples.:-- . • . ,
La plus effentielle de totirès celles qui peuvent-
riiodifier l’influence du climat fur le caraclére\eft
le gouvernement, c’eft-à-diré , cëtte organifation^1
politique d’où réfulte une aktion immédiate de la
volonté publique fur la volonté particulière; La
différence de manière dont cette âktion fe pro--
duit , s^établit St fe fait fentir, produit les diffé-
réns gotivernemens ; & comme rions avons ob-
fervé qu’il y a des climats plus propres que d’autres
à donner aux peuples qui s’y trou vent places ,
urr caraftere de force où de grandeur , ou un
caraétère effentiel , de même il y a des formes de
gouvernement plùs': capables les unes que les
autres dùmprimer aux peuplés un caraftere bien
diftinktif ou une certaine phyfionomie. morale.’
C’eft particuliérement dans lés qualités extrêmes
de la , nature 1 que fe diflingue plus fortement
toute la diverfité - des caraftères ; c eft suffi' dans
i l *