
ment, d it- il, on v o it paffer devant celui qui s*eft
habitué à marcher après les autres. Rare voile pajfa
chi çawna fefnpre dhtrq.
C'eft ce qui eft arrivé à Pierre BulUt, difcîple
médiocre d’un grand homme qui n’eut point de
maître*
Ce t archite&e, qui ne lai Se pas que d’occuper un
rang affez diôingué parmi ceux du fiçcle dernier,
fut é l è v e , deflinateur & appareilleur de François
Blondel. On ne fait aucuns détails de fa v ie , fi ce
n’eft qu’il acquit beaucoup d’expérience en dirigeant
les travaux de fon maître, que fes progrès
dans l’arehite&ure lui ouvrirent les portes de l’académie
, & lui méritèrent la place d’architecte de
la ville. ^
Il paroît qu’un de fes premiers ouvrages a été la
porte d’ordre, ionique qui fervoit d’ entrée à la
pompe Notre-Dame. Elle a été abattue avec les
maifons qu’on v o y o it autrefois fur ce pont.
La porte Saint-Martin, éle-vée en 1674 , eft une
eritreprife beaucoup plus importante. Ce tte production
, lapins belle du génie de Ba llet, eft , com-
me la porte Saint Denis, en arc de triomphe. Le feul
avantage qu’on Uii-trouvefur le monument de François
Blon d e l, c’eft de fe rapprocher davantage des
arcs antiques par la forme & la proportion. Les trois
arcs dont elle eft percée font le principal objet
de cette reflèmblance de caraâère. Mais on croi-
ro.it par les boffages vermiculés & la décoration
ruftique que l’architeâe y a introduite, qu’il eut
deffeîn de mêler le caraâère d’un arc de triomphe
a vec celui qui convient à une porte de ville. 0 n
doute que c e mélange foit heureux & digne
d’être imité. Mais on ne doute pas que dans la
néceffité de ce double emploi prétendu, il n’eût
mieux valu facrifier le cara&ère de la porte à la
beauté de l’arc de triomphe, que la beauté de l’un
au caractère de l’autre. A u refte, on y admire & avec
raifon le grand entablement de genre dorique qui
couronne l’arc & le fépare de l’attique. Ballet l’a
Imité ici a vec Le plus grand fuçpès d après Vignole,
Sa compofttion, fa richeffe de les détails d’orne-
mens dont il fe compofe le rendent très-propre au
monument <cn question. D ’ailleurs,. il demande à
figurer avec d’autres ornemens de fculpnire, &
veu t être placé à un certain point de diftance.
Nous renvoyons pour tous les autres détails de
ce monument au mot A r c -de-t r io m p h e , où l’on
trouvera fa description.
L ’année fuivante Bu lkt eut occafion de faire
preuve de fon favoir dans la conftrudion. I l s’agjffoit
d’élever fur les ruines de quelques maifons de tanneurs
, le quai Pelletier , dont.on admire encore aujourd’
hui la hardi elfe. Q u o i quil -ne porte en partie
quefur une v ouff: coupée dansfon cintreen quart
de cercle , il retient un trotoir d’une to ife , & une
rue de vingt-quatre pieds de large. Une entreprife
en apparence fi hardie, excita la jaloufie qui ne
dort jamais. La sûreté publique lui fervir de prétexte
pour la décrier. C o lb e r t lui impofa. filence .
& s’emprefta d’employer les talen^ de BûlUt. L®
^uai fjjj élargi, on n’abattit point de maifons &
ou lama toute la largeur au lit de la riviere*
, „ ,,volt~,à j a Place Saint-Michel un ouvrage
de Bulkt. C e f t une fontaine placée fous un arc
tort élevé & orné de deux colonnes doriques
Dans les bras de la croifée à l’abbaye de Saint-
Germain-des-prés , font deux chapelles du même
auteur richement décorées.
L ’hôtel de V a u v r a y , rue de S e in e , près S.
Viétor, & l’hôtel de Tallard , rue des Enfans*
rouges, furent bâtis par B u lk t ; celui-ci pour Ame-
•a 6 , !îa^ ou » »naître des requêtes, père du mi-
niftre d’érat. O n convient que notre archite&e a
tire habilement parti du terrein peu avantageux
lur lequel eft bâtie cette maifon.
Un ouvrage plus remaquable de l o i , c’eft l’é-
ghfe du noviciat des Dominicains , qu’il éleva
en 1683. Elle doit avoir vingt-deux toifes
depuis le^ portail jufqu’au fond du choeur. Sa décoration
intérieure confifte en de grands pilaftres
corinthiens qui foutiennent une corniche enrichie
de moulures. Ce tte églifo eft reftée imparfaite juf-
qu en 17 6 8 , qu’on y a conftruit un portail d’une
invention affez commune.
Quelques années ap rè s , C ro z a t, receveur général
des finances de Bordeaux, fit bâtir fur les
deflins de BulUt un grand hôtel pour le comte
d E y r e u x , fon g en d re , à la place de Vendôme. Il
eft a cote de fa maifon qui fut la première achev
é e , & que notre archite&e avoit auflî élevée.
O n les appelle aujourd’hui les hôtels de Tunis &
de Thiers. La décoration de c e lu i- c i, formée des
ordres, dorique & ion ique, annonce affez la magnificence
d’un hôtel.
Les religieux de Saint-Martin lui confièrent en
*7 12 9 ls conftru&ion des belles maifons placées
fur la rue Saint M artin, le long des murs qui
fervent de clôture à leur monaftère. Ils eurent
aufli de lui des plans, tant de ces emplacemens
que des bâtimens qu’on pourroit y faire. Bulkt
avoit auparavant prisx des alignemens par ordre
du roi , & le v é des plans de la v ille de Paris,
fiiivant lefquels il convenoit d’élargir la rue Saint
Martin le long des murs du prieuré, en faifant
rentrer les façades.
Le chateau d’ Iffy eft de Bulkt. II préfente un
avant-corps dorique, que furmonte un attique
couronné d’un fronton. Sa décoration fur le jardin
eft la mêm e, à la différence de l’ordre tofean
qui, y eft employé. Ces ordres difparoiffent dans
les arrière-corps & dans les faces latérales. L ’entablement
fupérietir y eft feul continué.
L ’avant-corps du palais archiépifcopal de Bourges;
du côté de la cou r , fe compte encore au nombre des
produirions de Bullet. Il eft formé d’un étage en
forme de foubaffement, au-deffus duquel s’élève un
ordre ionique en pilaftres. A l’exemple des anciens
, l’architeâe a placé des figures fur le fom-
raet & aux extrémités du fronton.
tfoüs avons de cet artifte un ouvragé imprimé
én 1691 9 & dont" on a fait depuis plufieurs éditions.
Il eft intitulé : Architecture pratique , qui comprend
la construction générale & particulière des bâtimens,
le détail, les toifés 6* le devis de chaque par-
tie. . . • « avec une explication 6* une conférence des
trente-fix articles de la coutume de Paris fur le titre
des fervitudes & rapports qui concernent les bâtimens,
£ de Cordonnance de 1673 , in-8°.
Les éditions multipliées de cet ouvrage en prouvent
l’utilité. La manière de conftruiré les bâti-
jnens eft jointe à celle de les toifer. Il traite auflî
des matériaux néceffaires à leur conftruétion ,
ainfi que des moyens de réunir dans les ouvrages
la foliditê avec l’agrément.
Les talens font quelquefois héréditaires. C eu x
de BulUt paffèrent à fon fils , connu fous le nom
de Chamblin. Il nous en a laiffé des preuves dans
le deffm du château de Ch am p , auflî régulier que
bien bâti.
B U O N A R O T I ( Michel-Ange ) eft plus connu
par ce furnom, devenu le premier de tous les
noms dans l’hiftoire moderne des a r ts , que fous
le nom de fa famille, une des plus anciennes de
la Tofcane.-
Quand je vois tant de petits, critiques affaillir
les grands hommes après leur m o r t, dïfputer de
bardieffe & de fagacité dans les jugemens qu’ ils
en portent, appliquer au génie les mefures de
leurs froids ca lculs, & fe conftituer arbitres des
plus hautes réputations , je crois vo ir dans le tableau
d’un peintre célèbre ces petits faty res, qui
profitent du fommeil d’Hercule pour mefurer les
membres du géan t, dont ils n’auroient ofé fou-
tenir la vue.
Q u ’importent après tout au génie ces mefures
injurieufes, qui ne fauroient atteindre jufqti’à fa
hauteur ? Le génie feul peut mefurer le génie.
Cependant le grand homme dédaigne cette puérile
étude ; il ne mefure point fes é g a u x , il fe
mefure avec eux.
L ’amour-propre & la médiocrité fe font donc
de tout temps emparés des tribunaux qui jugent
les grands hommes. A u flî leurs arrêts, di&és par
la partialité ou la foibleffe, font-ils rarement confirmés
par l’opinion publique, qui n’apperçoit que
les grands réfultats , &. abandonne la difeuftion
des détails à là critique des écoles & de ceux qui
en reçoivent les leçons.
E t , dans la vérité , cette manière d e juger en
grand, eft celle qui convient le plus aux grands
hommes :1a timide colombe ne fauroit mefurer le
vol de l’a ig le , & ce n’eft point en rampant qu’on
peut fuivre les bonds {boivent irréguliers du
génie.
Les critiques, fi judicieufes- qu’on les fu p p o fe ,
<>nt un double inconvénient : celui de diminuer
le refpeft dû aux grands hommes, d’établir entre
eux & les hommes médiocres une forte de n iveau
de cenfures & d ’é lo g e s , dont la médiocrité ne
manque jamais de fe prévaloir ; & encore celui
de rapetiffer l ’effor du g én ie , de faire entrer par
la crainte de la cenfure trop de circonfpeéîion dans
fon v o l , & de ralentir fa marche, en voulant
lui épargner des chûtes.
O u i fans dou te , on devroit à la mémoire des
grands artiftes de ne pas les foumetrre indiftinc-
tement avec le vulgaire au tribunal de la cenfure :
on lui devroit même de ne pas publier leurs foi-
bleffes, de rêfp.eûer des erreurs qui ne furent
ch ez eux que le contre-poids ordinaire à la nature
humaine, & de voiler leurs défauts, lorf-
qu’ ils fe cachent, pour ainfi d ire , d’eux-mêmes fous
les beautés principales & les qualités effentielles du
génie.
Je ne faurois diffimuler cependant qu’ il eft un
autre genre de dangers attaché à cette réticence ref-
p é â u e u fe . On peut craindre que le filenee ne paffe
pour une approbation tacite de leurs défauts , &
que l’indulgence qui les pardonne ne reffemble
à la complaifance qui les accueille. L’expérience
ne nous a que trop appris, qu’autour de tous les
grands hommes il fe forme comme un effaim d’imitateurs
parafites, qui ne v iv e n t , fi l’on peut dire
que de leurs rebuts. Par une fatalité trè s-com -
préhenfible, en voulant imiter le génie de leurs
modèles , ils n’en copient que les caprices ; ils
tranfmettent leurs défauts & négligent leurs qualité
s ; ils exagèrent leurs vice s en croyant fur-
paffer leurs vertus ; & le génie des grands maîtres
travefti dans les fauffes copies de leurs difciples ,
femblable à ces eaux jailliffames, qui fe corrompent
enfiaite dans d’impurs canaux , devient le
poifon des générations futures.
Je ne connois pas d’artifte airquel on puiffe
mieux appliquer ces réflexions-qu’à Michel-Ange.
Je ne penfe jamais à ce grand homme que je
ne me le figure fous l’allégorie fiïblime d’un peintre
de l ’antiquité , pour repréfonter Homère. C e père
des poètes paroiffoit fous la forme d’une e fp è:e
-de fleuve. D e fa bouche fortoie-nt des» torrens,
dont les eaux jailliffantes,-recueillies d’abord à leur
fo u r c e , f e répandoient bientôt en rtiiffeaux &
en rivières profon des, où l’on v o y o it les poètes
de tous les âges v en ir s’abreuver d’une liqueur
i-ièpuifable; Ainfi- Michel-Ange \o'u encore après
tant de générations- forrir de fa penfée féconde ,
commed’unetige toujours vigonreu fe, des rameaux
toujours renai.ffa.ns. Ainfi fou puiffant génie eft
devenu comme la fource mtariffable , où ne ceffe-
ront de puifor tous lies artiftes de tous les âges
& de tous, les pays.
L’adnrirarion pont Michel- Ange s’eft con vertie en
une efpèced'e cuire. Un femiment d’adoration fem-
ble femêler au refpëft qu’ il infpire ; & l’on éprouve
malgré foi., quand on s’approche de l'idol'e pour
la mefurer , une forte d’horreur religienfe, q ui
repouflè- le profone & l’avertit de far témèmé*
Si jie ne me propofois que dfe faire connaître
la grandeur de MichèleA-nge dans tmvs les ar-ts o’ài