
sYarehitetfe ne convient aufliqu’ à ceux qui donnoifîent
ces principes ,& q u i fa v e n t en faire l’application aux
édifices qui font dè leur invention.
L ’étimologie de ce mot indique que Y architecte,
chez les Grecs, étoit l’infpeûeur & le chef de tous
les ouvriers ; qu’il avait la diredion générale de tous
les travaux & ouvrages relatifs aux bâtimens; ce
qui fuppofoit une réunion, de qualités rares & de
connoifiànces très-étendues. Le nombre de celles que
Vitruve exige de Yarchitéttè., fera concevoir l’idée
que les anciens fe fcrïrioîéht de l’archiceûüre, & le
degré d’eftime auquel p'ouvoient prétendre ceux qui
profelTbient cet art.
« L ’architecture , dit-, l’écrivain Romain, -eft une
fcience qui ne peut-s’acquérir que par la pratique &
la théorie. L a pratique confifte dans une application
continuelle à -l'exécution des déduis qu’on s’eft pro-
pofés , fuivant lesquels on donne la forme coqvena1-
b le à la matière dont on fait toute forte d’ouvrages.
L a théorie explique & démontre ria convenance des
proportions appliquables aux chofes qu’on veut mettre
en oeuvre j d^où il réfulte que les a r ch ite c te squi
ont eflàyé fie parvenir à la perfection de leur art
par le feu 1 exercice de la main , n’y ont fait que
peu de progrès , :tel grand qu’ait été leur travail •;<
airifi que ceux qui ont cru pouvoir y arriver par le
feul raifonnement, & la feule, connoiflance des Lettres.
C e u x -c i ri’ cnt jamàis embraüé qu’une ombre. Il n’a
été donné de réuffir dans leurs entreprifes , & d’ atteindre
le b u t, qu’à ceux q u i, s’étant munis des chofes
nécelfaires pour y. parvenir , ont joint enfemble la
théorie & la pratique..»
« Dans l ’architeâure, comme en toute.autre fcience,
on remarque deux chofes: celle qui eft lignifiée &
celle qui fignifie. L a chofe lignifiée eft celle dont on
traite , & celle qui fignifie eft la démonftration qu’on
en donne par le raifonnement foutenu de la fcience.
C ’eft pourquoi i l eft néceflaire que Y architecte con-
noiffe parfaitement l’une & J ’autre : âinfi il faut qu’il
foit ingénieux & laborieux tout enfemble j -car î’éf-
prit fans le travail , & le travail fans l’efprit né rendirent
jamais aucun ouvrier parfait. Il ' doit donc
favoir écrire & deflinèr j être iriftruit dans la ' g éométrie
, & n être pas ignorant de l’optique ; avoir
appris l’arithmétique, s’être rempli de l’Hiftoire,,
avoir bien étudié la philofophie, avoir des con-
Boiflances en mufique , 8c quelque teinture de la
jnédecine , de la jurifprudence & de l’aftrologie. »
«c En voici les raifons : pour ne rien oublier de ce
qu’il a à faire , Y architecte doit en dteffer de bons
mémoires ; il a par conféquent befoin dè favoir bien
écrire. Il faut qu’il fâche defliner, -afin qu’il puifie,
avec plus de facilité, fur les deffins qu’il aura tracés,
faire exécuter tous les ouvrages qu’il projette. La
géométrie lui eft a-ufli d’un grand fecours , particulièrement
pour fe bien fervir de la règle & du
compas , lorfqu’ il s’agit de prendre des alignemens,
& de dreflêr toutes cnofes à l’équerre & au niveau.
L‘ bptiqtie k i fert à fàifir les jours , & à faire fe*
ouvertures à propos , félon la difpofition du Ciel.
L ’arithmétique eft pour le calcul des Ouvrages qu’il
entreprend , 8c pour régler les mefures & les proportions
qui fe trouvent quelquefois mieux par le
calcul que par la géométrie. L ’Hiftoire lui fournit-
la matière de prefque tous les ornemens d’architecture
, & ç . L ’étude de la philofophie fert auflî à
rendre parfait Y architecte: c’eft par elle qu’il acquerra
de la grandeur d’âme & de la hardiefle fans arrogance
j qu’il deviendra équitable , fidèle , & , ce qu’il
y a de plus important, tout à fait eXerript d’avarice;
car il eft impoflîble que, fans fidélité & fans honneur,
on puifle jamais rien faire de bien. Il ne doit donc
point être intéreffé, & doit moins fongêr a s’enrichir
qu’à acquérir de l’honneur 8c de la réputation
par farchitecture, ne faifànt jamais.rien d’indigne-
d’une profefïion fi honorable ; car c’eft ce que pré-;
fcrit la philo fbphie. D’ailleurs il eft une partie de la
philofophie qui traité des chofes naturelles, & que
lès Grecs appellent Phyfîoiogie , qui le rendra capable
de réfoudre quantité de queftions ; ce qui lui eft
néceflaire dans. plufieurs rencontres , comme dans la
conduite des eaux & autres chofes de ce genre, &c.
P è pliis Y architecte ne pourra jamais comprendre, fans
la connoiflance de la philofophie , ce qui eft écrit
dans les livres de Ctéfibius, d’Archimède & d’autres
auteurs femblables. »
« Pour ce qui eft de la mufique, il doit y être con-
fommé pour l’intelligence des machines & la- con-
ftruétion des théâtres. Il faut auflî qu’il ait connoi'f->
lance de la médecine pour favoir qu’elles .font les;
diffé rentes fituations des lieux de la terre , lefquelles
font appellées -climats par les Grecs , , afin de con-
noîti-e la qualité de l’air , s’il eft -fain ou dangereux;
& quelles font les divërles propriétés des eaux ; car
il n’eft pas polfible de conftriiirè une habitation qui foit
faine , fi l’on n’a pas bien examiné toutes ces chofes.»»
« L 'architecte doit auflî favoir la jurifprudence 8c les
coutumes des lie u x , pour la conftruétion des murs
mitoyens, des conduits des toî'ts & des cloaques ; pour
la vue des bâtimens; pour l’écoulement des eaux , 8c
autres chofes de cette nature, afin qu’avant de commencer
un édifice, il prévoye tous les procès qui
pourrpient être intentés fur ce fujet aux propriétaires,
l’ouvrage une fois achevé. De même il faut qu’il
foit capable de donner des confeilspour bien dreffer les
baux à l’avantage réciproque des parties j car, y faifant
toutes les claüles fans ambiguité, il fera facile d’empêcher
qu’ils lie fe trompent l’un F autre. »>
« L ’aftronomie lui fervira auflî pour la confection
des cadrans folaires , par la connoiflance qu’elle donne
des points cardinaux , des équinoxes , des Iblftices
& de tout le cours des aftres, »»
« Puis donc que l ’architeéture exige la connoiflance
de tant de choies diverfes , il n’y, a pas lieu de croire
qu’un homme puifle , en peu de tems * devenir bon
architecte ; & 11 ne doit pas prétendre à cette qualité.
à moins qu’il n’ait commencé dès Ton ehfanee , à
monter par tous les degrés des fciences; & des arts
qui peuvent élever au comble de la perfeétiofl de
fon art. Il pourra fe faire que les ignorants comprendront
avec peine comment l’entendement & la
mémoire d’un feul homme peuvent être capables de
tant de connoiflances; mais, quand ils auront remarqué
que toutes les. fciences ont une liaifon entr’e l l e s i l s
feront perfuadés que cela eft polfible: car l’Encyclopédie
eft compofée de toutes ces fciences , commet un corps
l’eft de Tes membres.; & ceux, qui ont étudié dès. leur
jeune, âge , le remarquent aifément par les convenances
qu’ils obfervent entre certaines chofes qui font communes,.
à; toutes les fciences., dont l ’une fert à apprendre
l ’autre plus facilement. »»
On fera» peut-être plus-étonné encore d’apprendre
qu’un des plus fameux architectes dë l’anciqurcé,
Pythius, qui s’illuûra par la conftruélion d’un temple
de Minerve à Prienne, dans- fo u traité d’architecture
, exigeoit de Y architecte une connoiflance
plus profonde de chaque fcience en particulier,
qu’elle ne feroit néceflaire à chacun de ceux qui en
exerceroient une feule. Mais V itru v e , plus judicieux,
ne demande à Y architecte qix’un moyen favoir dans
toutes ces différentes parties. Il n’e f t , fuivant lu i,
ni polfible ni même néceflaire qu’il foit auflî bon
grammairienqu’Arift-arque, auflî grand muficien qu’A -
riftoxéne , auflî excellent peintre qu’Appelles, auflî
bon fculpteur que Myron ou Polyétete , ni auflî grand
médecin qu’Hippocrate : c’eft affez-, dit-il , qu’il r.e
foin pas ignorant de la- grammaire, de la mufique’ , de
lafculpture , de la médecine ; l’efprit d’un feul homme
n étant pas-capable d’atteindre à la perfeéHon de tant
de diverfes & excellentes connoiffànces.
veut qu’un architecte joigne un grand travail & un
parfait défintéreffement. cc; Je. fais bien , ( d it- il, )
*> qu’une grande partie du monde eftime que la prin-
50 «pale fage-ffe eft: celle, qui nous rend capables
v û’amaffer de grandes richeffes , &. qu’il, s’eft trouvé
?> des gens qui ont été affez heureux, pour acquérir
*> des biens & de la. réputation tout enfemble; Mais
la plupart ne mettent/leurs foins qu’à briguer de
*» grands emplois , & moi j’ai appris de mes maîtres ,
” qu i! faut qu’un architecte attende qu’on le prie,de
M Prendre la conduite ;d’un ouvrage ; & -qu’il ne
39 ». fans- rougir , faire une demande qui le fait
M P ^ er. Pour intér-effé ; puifqu’on fait qu’on rie
33 kllicite.pas les gens pour leur faire du bien, mais
““ P°.uli en recevoir d’pux. En effet ■> que doit peuler
» celui qu,’on prie de donner fon bien-, pour être
employé à une grande dépcnfe , fi non. que celui
** ^U'1- j. eiJîande efpère y faire, un grand profit au
préjudice de celui à qui il le demande. G ’eft pourquoi
ori s înformoit autrefois avant que d’employer
architecte & de la naiflànqe:, & d e : fon édu-
^ CatlORi 1 fioii plus à,celui .dans lequel on
"■ df fe.fflAdeffiie.-, <jB;à ceux cjui affee,
toient de parome fort capables.. La: couriune de
1 *• ce tems-Ià étoit auflî que les architectes n’inftruW
-5 Soient que. leurs enfans ou leurs parens, ou biènr
” ceux qu ils jugeoient capables d ’acquérir les grandes-1
” connoiflances requifes dans un architecte , & de'
»» la fidelité -defquels ils pouvoient répondre, »y
D ’après ce qui vient d’être d i t , on comprend k
quel point l’architeélure , & ceux qui la profeffoient
furent eftimés des anciens. Un feul beau monument
fai foit la gloire d’iîne ville , & la réputation de Yat--
chiteCtè. Athènes tiroir vanité de fes édifices, autant
que des -viéloires de Platée & de Marathon : elle fe
glorifioit fur-touu dé la- citadelle, dans laquelle la
dépenfe répondoit à la beauté de l’ouvrage. Phtlon, fon
architecte, dansl’expofé qu’il fit du plan & de la conduite
de ce monument, balança la gloire d’habile^ architecte y
parcelle d excellent orateur : Qloriantnf jttthencc affnci—
méritant) fuô nec fine? caufny cfl en im ïfu i opus & im~
pènfâ 6* elègajitiâ vifendum , citjus architcCtuni Philo-
mm ï(a facundè rationcm inflitutiahis fuoe in th'eatro
reddidijfe confiât, ut difirtifiimus popuhts non minorent-
laudem éloquentice ejus quant arti tribuer’it.fiVal. Max.)
Rien rie peut donner une plus haute idée de reftime;
dont jauifloient les ■ architectes de l’antiquités, que la-
lettre écrite, par l’empereur Théodoric à Symmaque..
Nous allons la rapporter ici- en. entier,, telle que
Càflîodore nous l’a tranfmife..
« Les d'ifpofitions de notre paîais ,font fi bien:
»» entendues que nos favans artiftes ne peuvent appor—
»»T ter trop d’attention à le conlerver, puifque l’admi-
9j- rable beauté de ce chef-d’cèuvre-, s!il n’étoit entre-
99- tenu , fe- détruiroit enfin par- lè laps du tems. Ces
»9 excellentes conftruétions font mes délices-; elles font
»a l'a- noble image dè la- puiflance de l’empire ; Sc ellés
»9 artefterit-la-grandeur & la-gîbire dès royaumes; Oh-
99 fait remarquer le palais du monarque aux ambaffa-
»• deurs, comme un-monument di^ne de leur admi-
99 ration ; & , au premier coup d’oeil', le maître lèur
99 paroît tel que fon habitation femble f annoncer:
j» G ’eft donc un très-grand plaifir pour un prince-qui-
35 eft coiinoiffeur., d’habiter, un palais qui rérinit
»9 toutes les;perfeéïions de l’ a r t , & dé's’y délafferdes
39 occupations aux aftaires publiques', par le charme
s» que* lui pirocurent lés merveilles de fes bâtimens..
s» On dit quelësCyclopes ont été les premiers qui b â-
39 tirent en Sicile des édifices aulfi vaftes que les caver-
99 ne? qu’ils abandonnèrent, aptes, qu’Ulÿffe eut privé
'99 dé là vue l’infortuné Polyplième. C ’eft dë-là que
99 l’art dë coirftruire a paffé en Italie , afin que la
99- poftérit’é',-'émule, de ces premiers architectes, profi-
99 tât dè lëurririvéntion & la. f î t férvir à fes befoins-
99 8c a Ton aifarice'..
99. D ’après cela nous vous notifions que votre intef-
99 : ligence & vos talens nous, ont déterminé à vous
93 confier, léToi,n de notre palais. Notre intention eft
»s. q-ue^vous Tpyez, attentif a entretenir dans fon an -
99 cienne fplendeur. tout ce qui eft antique; , & que-
»ss ce.que vous y ajouterez foit.cpnftruit dans le même-
93.. gput car ,..de-même, qu’un h,eau. corps doit être.