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tiens, préférablement é l'autre, & peut-être Vont- |
ils inventée eux-mèmes : en effet * comment, pen- I
dant trois fiçcles de perfécutions, aûroient-iu pu
former des choeurs à la manière des Grecs & des
Romains ƒ L’accord des fentimens &. l’union des
âmes étoient les feuls choeurs qu’ils puffent con-
noître, & le charme du chant aecompagnoit leur
culte , moins que la majeflé du filence. Un lecteur
debout devant un pupitre , & un peu plus
élevé que les afliftans, récitoit les pfeaumes avec
les inflexions de voix fuffifantes pour en faire
fentir les périodes & les mouvemens. Cétoitune
récitation accentuée, plutôt qu’un chant. Le peuple
écoutait, ou aecompagnoit furie même ton.
Tant que -dura'cet ufage , le choeur, tel qu’on
Va défini d’abord , n’exifta pas. Qu’étoit-il befoin
de places pour des chantres que la crainte dé-
fendoit d’avoir, & de barrières, lorfqu’on ne pourvoit
être trop près du lecteur ?
Mais les chrétiens avoient un évêque & des
prêtres. Us regardoient l’églife comme élevée fur
les ruines de la fynagogue, & leurs piètres comme ■
fubflitués aux juges du Sanhédrin. Ces juges étoient
affis en demi-cercle, aux deux côtés deleurpré-
fidentt Les chrétiens voulurent donc que leurs prêtres
fuffent de même afiis dans l’intérieur des temples.
Ils les regardoient comme des jugés qui ,
préfidés par Féveque , compofoient le fe u l, tribunal
légitime ou ils duffent recourir : de-la 1 hémicycle
qui terminait la nef & qui fut emprunté
■ des bafUiques anciennes. Cet hémicycle ouvert
en arcade, voûté en conque, coucha, ayantl’au-
tel à ion centre, prêfentoit le double avantage
& de couronner dignement l’autel , & d’en raf-
-fembler les miniflres. Te l &t le fanékaire ou le
presbitère. ancien. Le nom de choeur, fuivant notre
acception, ne pouvoir lui appartenir.
.A des fiêdes de guerre fuccéda enfin la paix.
Conflantin la donna à l’églife , en fe déclarant fon
difdple; & ré ÿ ife , triomphante par lui, ne craignit
plus alors de faire entendre fes cantiques. Elle
Jdopca le chant ; & bientôt on forma une enceinte
pour les executans, dans la partie de la-nef
la plus voifinç de l’autel. Cette enceinte prit le
pom par lequel on exprime« l'accord mufical de
routes 'les vojx -, die s’appela choeur , & réparée
de la nef par des baluftrades , elle le fut egalement
du fanfluaire. Cette dernière féparatiôn
fubfffia long-temps & fubfifte encore dans quell
e s églifés , & fi elle n’a prefque. plus Eeu, .on
doit, je crois, le rapporter a linffinitjon des ordres
monaiiiques & des chapitres.
En effet , foit que les religieux & 1eschanojncs
fufTent en trop grand nombre pour que le pref-
lyler.c pût les contenir -, ou foit que., fidèles à leur
règle, ils yoqluffent chanter eux-mèmes les offices,
ils defeendjrent dans le choeur qu’ils agrandirent,
félon le befoin, aux dépens de la ne". Le choeur
garda fon nom, & le presbytère, confervantl’au-
dap6 fon fein , ne prit plus -que fc nom de
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fanéhmlre, (bus lequel il étoit également connu.*
Alors les prêtres , ou pour faciliter les cérémonies',
ou pour jouir de i’afpeft de l’autel ,
comme dans leurs anciennes places , ôtèrent
les barrières qui (éparoient le choeur du fane-
tuaire , & ne laiflerent que les degrés qui con-
duifoient de l’un à l’autre. Enfin ils entourèrent
le choeur de murailles & avec lui le fanéluaire,
dans les égüfes où l’hémicycle 'étoit ouvert de
tous côtés , &ils ne biffèrent vers la nef, qu’une
porte affez ordinairement grillée, & fur laquelle
ils étendoient fouvent des rideaux, La longueur
& le nombre des offices, la néceffité d’en célébrer
plufieurs chaque -.nuit, le froid des hivers,
le defir de ne point voir & d e n’être point vur
pour éviter toute diftraétioh, & plus encore la
perfùafion où étoient les prêtres qu’eux feuls
pouvoient être témoins de la célébration des faints
myftères; tant de çonfidérations, dis-je, les engagèrent
à fe murer & à ^élever ainfi dans une
eglifie une églife nouvelle.
Cet ufage commença au i ae fiècle., & dans les
fui vans il devint général : mais il cefïa au 17e,
fur-tout pour les paroiffes où les murs furent
remplacés par des grilles plus ou moins ferrées.
Les cathédrales & les églifes conventuelles gardèrent
cependant les murs de la parue du choeur,
& n’admirent les grilles qu’autour du fan&uaire.
Nous les voyons telles encore , tandis que les
autres rejettent fucceflivement les grilles,. & que
plufieurs archite&es , dans leurs nouvelles conf-
truéfions , nous . ont rendu l’apfis & l’autel ainfi
qu’ils furent primitivement difpofés.
Quelle eft donc l’origine de tant de change-
fnens ? La première canftruétion du choeur. Si des
chantres laïcs nè pouvoient occuper le fanétuaire ,
conjointement avec les prêtres, il ne falloit pas
les placer entre le peuple & l’autel, mais plutôt
dans l’une des galeries qui dominoient fur la nef,
telle qu’eft parmi nous la tribune deflinée aux
orgues : alors on n’eût pas intercepté aux affifi-
tans la vue des cérémonies, ni occafionné cette
multitude d’abus qui fit enfin difparoître Ÿapjp
après l’avoir gràdativement dénaturé. Je fais que
des chantres placés derrière un peuple qui doit
demeurer proftemé devant l’autel, peuvent l’exciter
à tourner de temps en temps, fes -regards vers
eux, & partager ainn (on attentions o r , il falloit
donc, pour l ’intérêt du culte même , que les
prêtres admiflènt les chantres dans le fanduaire,
fauf à lia donner plus de profondeur, ou à augmenter
les rangs ; ce qu’euffent dû faire fur-touf
les religieux & chanoines, plutôt que d’inventer
des formes qui, en ifolant d’eux le peuple, n’é-
toient propres qu’à l’éloigner des églifes , & à
rendre celles-ci friftes & prefque fans caradère,
màlgré leur grandeur.
Pouvoit-îl en arriver autrement ? Les murs'font
du choeur une prifon, les grilles en font une càgè
immenfe & ridicule. Avec les uns, l’oeil ne voit
rien
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lien ; avec les autres , il voit à peine : des deux
côtés H eft ou fatigué ou rebuté : mais ce qui
le révolte le plus, c’eft l’union contradictoire d’un
choeur formé 8c d’im fanduaire ouvert ; ; ce font
à celui-ci des grilles, à celui-là des murs ; c’eft
enfin un autel dans la folitude, ' & non environné
de les prêtres, • comme il le fut autrefois & comme
il eût du toujours, l'être ; un autel aux.pieds duquel
on cherche à fe profterner, & où l’on ne
peut jamais parvenir. L’attention n’eft fouvent fou-
tenue que par l’ouie & la vue : que faire en quelque
forte, clans une églife où ces. deux fens n’éprouvent
que des fouftrances ?
Mais demandons aux conftmdeurs comment
ils ont pu obftruer de maçonnerie & de fer ,-des-
arcades & des entre-coionnemens qui doivent toujours
être libres & dégagés ? comment ils ont
ofo adoffer des ftales à des colonnes ou à des
pieds-droits revêtus de pilaftres ? Ils n’ont donc
pas foquelles en mafquoient, ofi plutôt 'en alté-
roient les proportions. Ils ont donc oublié que
les colonnes oc les pilaftres veulent être vus depuis
leur bafe jufqu’à leur chapiteau : quelques-
uns diront fans doute que pour les empêcher de
paroître ainfi mutilés, ils les ont élevés fur des
foefos de la hauteur des ftales. Nous leur répondrons
que par cette prétendue précaution , ils
fendent les pieds-droits lourds..& mafiifs, & les
colonnes maigres & grêles. Des colonnes & des
pilaftres portés fur des fceles énormes perdent leur
noblcffe & leur grâce, & l ’on s’apperçoit trop que
le befoin & l’embarras en hafardent feuls les me*
fures. Ne nous étonnons pas cependant de ces
tiiâges vicieux, lorfque chaque partie de ces édifices
n’eft que vaguement déterminée à l’emploi qu’on
lui afligne , lorfque le choeur pourroit facilement
devenir la n e f, & la nef le choeur ; puifque par
tin défaut de rai fon, ils font à-peu-près auffi.
étendus îtin que l’autre.
De la pofition défeétueufe du; choeur & du
fan&üairê , dérive encore le genre bizarre 8c faux
de leur décoration. Nous; avouerons cependant
qu’au temps même de Conftamin , OÙ l’on prati-
qùoit toujours l’apfs', les chrétiens le décoraient
d’une manière opoofée à la noble fimplicité de
fa forme. Sous le règne de ce- prince, les arts né
jettoient plus qu’une lueur (bible & mourante; ils
étoient étouffés par un luxe barbare ; & l’on
croyoit, en furchargeant les temples a’omemens ,
venger la religion de la pauvreté de fes premiers
afyles. Eusèbe & les autres hiftoriens de fon fiècle,
parlent du marbre, des pierreries, . de l’argent &
de l’or qui, félon eu x , cmbelîiffoient le fanc-
tuaire : mais ces matières fi ' préciêufes cefient
prefque de l’être quand le goût n’en dirige pas
remploi : remontons donc plus haut, & confiutant
ceux qui ont fuivi fes lo ix , décorons, s’il fe peut,
comme eux.
, Qu’une corniche d’un profil févère & prononcé
règne à la naiffance de la veute dans le contour
' Architecture. Tome I.
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de l’hémicycle ; que cefte voûte foit ornée de
caiffons , ou plutôt que la peinture s’en empare ;
qu’elle la différencie par fes couleurs , du, plafond
qui couvrira la n e f, & qu’elle la rende ,
pour ainfi dire , aérienne & célefte ; que parallèle
à la corniche & au -deffous d’elib , un bas-relief reprélente
quelque aérien du faint auquel le temple
fera dédié; que des ftatues dans des niches, ou
fur un ftylobate continu, femblent animer & partager
les accords du choeur. Placez au bas les
fiiges des prêtres, & qu’on-puiffe voir 8c compter,
ceux qui doivent être la décoration vivante du
fanâuaire.
Si ces propofitions font juftes & conformes aux
règles du goût 8ç de l’art, que doit-on dire de
plufieurs choeurs qui les démentent, & qui font;
cependant vantés ? En détailler les défauts , ce fe-
roit affliger de nouveau la raifon -, qui fe rappel-
leroit qu’on a pu long-temps les prendre pour modèles.;
Audi, nous nous bornerons à rapporter
ce que Cordemoi, dans fon traité d’architeélure,
partie 111 , chap. y , fect. y , penfe d’un de ces
choeurs fi célèbres ; & nous avertiffons que ce
qu’il en dit, peut également s’appliquer à tous les
ouvrages modernes du même genre.
« Tout ce que l’on fait à préfent, dit cet auteur ,
» dans le choeur de Notre-Dame de Paris, ^dégrade
» entièrement la fymmétrié de cette églife & l’uni-
».formité du deftiri. . . . C’eft une vieille à qui
» Poa donne les ornemens de la jeunefté pour la
v> parer & la rajeunir. Mais on a beau faire, cela
» n’aboutira jamais qu’à lui rendre fes rides un peu
» plus marquées, 8c toute fa perfonne parfaitement
j> ridicule jj.
Pour mieux faire fentir encore tout le ridicule
de ce qu’on admire le plus dans, le choeur fi vanté
de la cathédrale de Paris , je vais rapporter le peu
de mots du judicieux Laugier, fur cette décoration
& fur cette partie de nos églifes qui fait le fujet
de cet article. ,
k II faut, dit-il, un choeur dans nos églifes. Ce
choeur eft compofé de deux ou trois rangs de ftales
adoffées aux colonnes des collatéraux. Conféqucm-
ment à cette manière , qui eft devenue générale ,
les baies des colonnes & une partie de leur tut.
fe trouvent mafoués par ces ftales incommodes,
C ’eft iin-inconvénient qu’il faut fauver.
Dans les choeurs de plufieurs églifes, on a
imaginé de fupprimer toute ordonnance d’architecture
, & de n’y laitier paroître que les ftales avec
un haut dotiier de menuiferie, furmonté de plufieurs
grands tableaux. On l’a pratiqué ainfi dans
le choeur de Notre-Dame. Mais cette difpofition
eft videufe à bien des égards. Le périftile eft interrompu
, & il ne doit jamais l’être. On voit dans
la partie fupérieure,,l’édifice porter fur des bordures
de tableau, fur le vuide du tableau même ; porte- à-
I faux des plus vicieux. Toute cette décoration paraît
I poftiçLe, faite après coup, fans foufou , fans liar-
Qqqq