aucun accord de formes dont l’enfemble pût devenir
harmonieux. La hauteur prodigieui.c des
combles s’oppoferoit feule à la beaute de 1 imita
tion , & cette fo rm e , à ce qu’ il pafo'ît împe-
rieufement ordonné par le climat , a toujours
défiguré jufqn’à préfent les édifices françois.
Les premiers pas au contraire (dit M. Leroi )
que les Grecs firent dans l’architeabre , furent il
heureux qu’ils ne s’en font jamais écartés. Et quoiqu’ils
n’v euffent fuivi que l’ indication de la nature,
ils méritent peut-être en cela les plus grands e loges,
la réflexion ne gâtant que trop foiivent les pro-
duflions Amples des, premiers efforts du genie.
Ils difpofèrent leurs cabanes avec tant de lag e fle ,
qu’ils en ont toujours confervé la forme , meme
dans leurs temples les plus magnifiques. Leurs en-
tablemens les plus riches n’ont eu d’ autre origine
que l’arrangement des pièces de bois du plafond,
ou du com b le, qu'ils remarquoient aux cotes de
ces cabanes. D e la largeur des folives ils formèrent
le module , mefùre qui ne fervit d’abord qu a
'donner aux parties des édifices les dimenfions ref-
p eS iv e s q ue lles dévoient avoir pour qu’il fut confirait
fondement, mais que l’on employa dans la
fuite pour donner à ces mêmes parues la forme
& la grandeur qu’elles dévoient avoir pour produire
un effet agréable aux y e u x . ^ .
S ’il eft difficile d’ajouter quelque choie a 1 e v idente
démonflraiion du modèle que la cabane a
.offert à l’architeâure grecque , il l’eft peut-être
plus encore de ramener aujourd’hui cet art à la
fimplicitê des principes qui y font renfermés. Ces
principes, que je confidère comme la fauve-garde
des beautés effentielles de l’architefture, & dont
i’ai prouvé qu’on ne pouvoit s’écarter fenfiblement
{ans dénaturer le fyftême entier fur lequel elles
repofent ; ces principes, qu’on ne peut v ioler fans
établir une contradiction choquante pour tout oeil
intelligent entre les parties & le tout ; ces principes
enfin qu’il fafct refpe&er ou abjurer entièrement
, paroiffent, je le fa is , beaucoup trop
févères au goût relâche que le luxe & 1 amour de
la nouveauté ont introduit dans 1 architecture.
Je n’ajouterpis rien ici à tout ce qu’on peut
dire pour prouver la néeeffité de s’y conformer,
tant que l’on çonfervera les types de l’architecture
grecque , & du modèle qui en fuggéra les
formes; j ’ai été même jufqu’à expliquer l’efprit
de ces principes, & j’ai fait voir que de relte manière
qu’on put les interpréter, la néceffite de
leur observance était devenue la première de
toutes ; je renverrai donc le leCteur à l’article A r chitecture.
Je me permettrai feulement ici d’appu
y er cette doétrine de l’avis d’un homme dont
fe nom a quelque poids en archite&ure , & dont
Fautbrité ne peut qu’être favorable à cette théorie.
Je vais tranfcrire le court article.de Laugiçr fur
l ’imitation de la cabane. , ,
u C ’eft à l’ imitation des procédés de la finiple
Sature que l’art doit fa naiffance. La cabane ruftique
que je viens de dé c r ire, eft le modèle fur
lequel on a imaginé toutes les magnificences de
l’architeéture. C ’eft en fe rapprochant dans l’exécution
de la fimplicitê de ce premier modè le, que
l’on évite les défauts effentiels, & que l’on faifit
les perfections véritables. Les pièces de bois élevées
perpendiculairement nous ont donné l’idée
des colonnes ; les pièces horizontales qui les fur-
montent nous ont donné l’ idée des entablemens:
en f in , les pièces inclinées qui forment le toit,
nous ont donné l’idée des frontons. V o ilà ce que
tous les maîtres de l’art ont reconnu : mais, qu’on
y prenne bien garde, jamais principe ne fut plus
fécond en conféquences. Il eft facile déformais de
diftinguer les parties qui entrent effentiéllement
dans la compofition d’un ordre d’architeCture d’avec
celles qui n’y font introduites que par befoin <, ou
qui n’y ont été ajoutées que par caprice. C ’eft
dans les parties effentielles que çonfiftent toutes
les beautés ; dans les parties introduites par befoin
çonfiftent toutes les licences ; dans les parties
ajoutées par caprice çonfiftent tous les défauts«
C e c i demande-des éclairciffemens : je vais tâcher
d’y répandre tout le jour poftible.
» Ne perdons point de vue notre cabane ruf-
tique : je n’y vo is que des colonnes , un plancher
ou entablement, un toît pointu , dont les
deux extrémités forment chacune ce que nous nommons
un fronton. Jufqu’ici point de v o û te , encore
moins d’arcades , point de piédeftaux , point
d’attique, point de porte, même point de fenêtres.
Je conclus d o n c , & je dis : dans tout ordre d’ar-
ch ite d u re , il n’y a que la co lo n n e , l’entablement
& le fronton , qui puiffent entrer effentiellement
dans fa compofition. Si chacune de ces trois parties
fe trouve placée dans la fituation & avec la forme
I qui lui con vien t, il n’y aura rien à ajouter pour
que l’ouvrage foit parfait. I l nous refte en France
un très-beau monument des anciens ; c’eft ce que
l’on appelle à Nîmes la maifon quarrée. Connoif-
feurs ou non eonnoiffeurs , tout le monde admire
la beauté de cet édifice. Pourquoi ? parce que
tout y eft félon les vrais principes de l’archi-
teélure. U n qùarré long , où trente colonnes fup-
portent un entablement, & un toît terminé aux
deux extrémités par un fronton : voila tout ce
dont il s’agit. C e t affemblage a une fimplicitê &
une nobieffe qui frappent tous les y eux .
» O n n’approuve point que je veuille mettre
une relation à la rigueur de toutes les parties de
nos édifices à celles de la cabane ruftiqpe : mais
il faudroit nous développer les loix qui rendent
cette relation vicieufe : car fi elle eft folide &
fondée ainfi que je le prétends, & comme l’ont
infinité tous les maîtres de l’a r t , il n’y a plus
moyen d’attaquer les règles qui en dérivent : elles
font toutes les conféquences néceffaires de ce principe
fimple. Si l’on veut me réfuter, tout fe réduit
à ce procédé : montrer que le principe eft
fa u x , ou que la conféquence eft mal tirée. Tant
^ quon
mi’on fl’ ufera contre moi d’aucune de ces deux
armes on frappera d’inutiles cou p s .. . . La feule
raifon qu’on obje&e contre le rapport établi entre
nos édifices & la cabane ruftique, c’eft qu’il doit
nous être permis de nous éloigner un peu de
ces groflières & informes inventions. Vraiment
nous nous en éloignons beaucoup, par le grand
goût de décoration que nous avons fubftitué aux
négligences d’une compofition fi brute : mais l’ef-
fentiel doit refter. C ’eft-là Fefquiffe que la nature
nous préfente : l’art ne doit employer fes reffources
qu’à embellir, limer, polir l’o u v ra g e , fans toucher
au fond du deffin ». Langier, Effai fur l’ar-
chiteâure , chap. / , p. 8.
Je n’ai confidéré’, dans cet a r tic le , la cabane
tjue fous le rapport qu’elle a avec l’art de l’ar-
chiteélure, qui en imita les formes & s’en appropria
l’efprit. C e rapport d’imitation eft le feul
qui doive lui faire trouver place dans un ouvrage
tel.que celui-ci. Je ne dirai donc rien de la conf-
truftion & de la difpofition qui conviennent aux
habitations ruftiques auxquelles on applique encore
Ce nom. Toutes les obfervations relatives à
cet objet d’ économie rurale , doivent fe rencontrer
dans le di&ionnaire d’agriculture , & fe trou ve- ’
roient déplacées ici. (Voyeç le Diétion. d’Agricult. )
En rappellant l’architeChire à fon origine , je
ne faurois me perfuader que ce foit appauvrir cet
art. Si l’on veu t prendre la peine de comparer
tout ce que l’art a puifé dans cette fource féconde
aux inventions nouvelles que le caprice feul a
fuggérêes, on verra que la nature eft toujours
inépuifable, lorfque le caprice n’offre qu’une fté-
rile fécondité. On ne devroit donc pas délefpêrer
d’enrichir encore l’art d’applications n ou ve lles, &
il ne manque peut-être aux artiftes que des y e u x
pour les appercevoir. Je ne veu x pas dire qu’il
foit poftible d’ imaginer, dans le fyftême de l ’ar-
chite&ure grecque que nous avons ad op té , des
élémens nouveaux , ni des types différens. Ces
types & ces élémens font à l’architeSure ce que
font les tons ou les modes à la mufique. Le génie
ne confifte pas à inventer de nouveaux élémens ,
mais.à inventer de nouvelles combinaifons de ces
élémens toujours les mêmes, & ces combinaifons
font variables à l’infini. Je penfe donc
que la nature ,-principe de tous les arts , ne pouvant
être mieux apperçue par rapport à l’architecture,
que dans ces conftruCHons où l’inftinâ du
befoin n’a fuivi d’autre impulfion que celle
de la natu re, l’artifte qui cherche à eh découvrir
la trace, & fonder toutes fes inventions fur les
feules bafes qui peuvent en motiver la vrai-
femblance , ne fauroit trop étudibr, dans chaque
pays , ces conftruâions , qu’on s’eft habitué à regarder
avec un mépris à tous égards bien inconséquent.
moeurs ap prêté es, que le philofophe v a chercher
le vrai modèle de l’homme qu’ il veut connoître* *
C ’eft dans l’enfance des fociétés qu’il le trouve ;
celui qui n’ étudie l’homme que dans les villes ,
court rifque de ne plus l’appercevoir tel qu’il e f t ,
ou de prendre pour lui des portraits compofés dont
les copies fnccefiives s’altèrent de plus en plus
par les déguifemens que l’artifice focial ne manque
pas d’y produire.
J’en dis autant de l’architeChire. C e t a r t , né?
descombinaifons fimples dont cette efpèced’ inftinét
qui eft comme le génie primitif de l’homme , com-
pofe les premiers élémens de l ’imitation, s’atténue
par degrés dans la multiplicité des combinaifons
dont le g-oût ufé cherche à varier & à déguifer
les formes originelles qui en conftituent l’effenc^.
C e ne fera donc point dans tous ces monumens
d’un art v ie i lli, dans toutes ces recherches d’or-
nemens affe&és, qui trahiffent eux-mêmes la décrépitude
Ce n’ eft plus dans les fociétés façonnées par
’a polite fle, déguifées par toutes les formes du I
luxe , & travaillées par des vertus fa&ices ou des J
-ArchiteÔure. Tome ƒ.
qu’elles ne fauroient cacher, que l’on
ira puifer les reffources qui pourroient rendre à
. cet art fon antique jeuneffe. Une loi impérieufe
& générale de la nature a tracé une efpèce de
cercle , dans lequel le monde phyfique & moral
ne ceffera de tourner. C ’eft celui q u i, rapprochant
tous les extrêmes, fait fortir la v ie de la mort
& la mort de la v ie , qui-unit la diffolution à la
reproduction , & produit fans ceffe des effets en
apparence contraires aux principes dont ils ré-
fultent.
Ce tte lo i invariable de régénération s’obfe rre
dans toutes les productions du génie de l ’homme
ainfi que dans celles de la nature. La décompo-
fition des parties eft dans le fy ftêm e phyfique la
mort des êtres organifés. La décompofition des
principes eft dans un autre ordre de chofes la +
mort des arts : mais cette décompofition n’eft
elle-même que le réfultat du mouvement qui les
vivifie : le mouvement qui v iv ifie les arts eft le
génie ou l’ invention : a in fi, comme la v ie eft le
principe de la m o r t , le génie eft le principe de
la corruption des arts : plus le mouvement eft précipité
, plus l’organifation s’ufe promptement ; plus
l’invention chez les différens peuples accélère fa
marche, plus tôt elle rencontre ce dernier te rm e ,
qui ne donne plus d’autre efpoir que celui d’une
reproduction toujours poftible.
C ’eft ainfi qu’en tout genre d’art les extrêmes
font plus voifins que l’on ne penfe : ainfi a-t-on
toujours vu que le plus haut période de leur grandeur
eft celui de leur chûte.
A in f i , l’art paffe des combinaifons les plus fimples
au x combinaifons compofées ; de celles-ci aux
-combinaifons maniérées, qui le ramènent nécef-
fairement à celles d’où il ctoit parti.
En reportant l’architeChire à l’imitation feru-
puleùfe de ces types -fondés fur la nature qui lui
donna naiffance , on ne fait donc que fuivre l’ordre
même auquel la nature a fubordonné tous fes ouvrages.
Si les principes que je viens d’expofer
C CC