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Augufte y rèuflit par le canal dont 'ott a déjà
parlé 8c qui porte encore aujourd’hui (on nom.
Trajan perfectionna l’ouvrage d’Augufte ; cependant
ces travaux eurent dans la fuite befoin d une
grande réparation ; car environ 400 ans apres
Trajan , Théodoric , roi des G oth s , voulut mettre
à profit ce terrein,; qui étoit -encore devenu inutile.
C ’eft à cette ^occàfion qü’ il écrivit au fénat
de Rome une belle lettre qui fe trouve dans Caf-
fiôdore. O n y Voit la peinture des dommages
que caufoiènt ces marais, & les moyens que ce
prince employoit pour les deffecher. Cette entre-
prife fut réellement exécutée , comme il paroît,
par une infcription trouvée a Terracina.
Les hommes de ce pays- paroiffent deftinés
à lutter éternellement contre les invafions de 1 eau.
Les révolutions politiques, en le dépeuplant,
avoient effacé jufqu’au foüvenir de ces anciens
t ra v au x ; les nouveaux fouverains de Rome ont
.renouvelle les entreprîtes des anciens Roma ins,
& l’entière exécution de ce defféchement ne paroît
plus exiger du pontife régnant qu’un dernier
e f fo r t , que tout fait efpérer de fon zèle & de
l’ardeur avec laquelle il pourfuit cette glorieufe
entreprife.
H nous eft reftê des Romains deux ouvrages
en ce g en re , bien capables d’attefter la grandeur
de leurs moyens, leur profond favoir dans l’hydraulique
8c le nivellement. Je v eu x parler des canaux
de décharge du lac d’Albane & du lac Fucin.
O n ne peut lire fans étonnement la defoription
que Pline nous fait dès travaux du lac Fucin.
« Je regarde, d it-il, comme un ouvrage des plus
» mémorables la montagne percée par Claude
» pour la décharge du lac Fucin. Le nombre
» d’ouvriers & la dépenfe de cet ouvrage pendant
T, tant d’années, font que lqu echofe d’incroyable
n (trente mille hommes y furent employés pen-
35 dant dix an s ). Les travaux fa its , foit pour fe
77 délivrer des eaux dariS la partie inférieure de
>, la montagne, par des puirs d’où on l’ élevoit
77 au moyen des machines, foit pour percer les
77 rochers qui s’y trouvoient ; le tout dans les
77 ténèbres , n e peuvent bien fe concevoir que
77 par ceux qui les ont vus : la parole ne fauroit
77 parvenir à lés exprimer ».
L ’ouvrage fut réellement achevé' en l’an 5 2 ;
avant qu’on ouvrît l’embouchure - du canal
pour donner paffage aux eaux du la c , l’empereur
y fit donner un combat naval : toutes
fortes de fêtes y furent préparées pour fignaler
le fuccès de cette mémorable entreprife. Mais
quand on vint à donner l’iflùe aux e a u x , elles
fe précipitèrent avec tant de rapidité qu’elles-
firent écrouler Une partie des bords , 8c qu’elles!
ébranlèrent la terre beaucoup plus lo in .-D ion ,
nous dit qu’on accufa Nârciffe, chargé de la con-i
duite de l’o u v ra g e , d’avoir fait exprès tomber les'
eaux a v ec tant d’impétuofitê pour couvrir une
Âm e qu’il avoir faite; mais D ion ne dit pas quelle
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étoit cette faute. Nous apprenons feulement de
Tac ite que l’ouvrage fut mal conduit, 8c que 1q
lit du canal n’étoit pas allez profond pour que les
eaux du miliéu du lac puffent s’y écouler ; & il
fallut recommencer de nouveaux ouvrages. L’en-
treprife fut abandonnée fous le règne de Néron.
Il paroît que ce canal n’avoit d’autre objet que
de mettre le lac à f e c , 8c d’en rendre le fol cultivable.
Je reparlerai de ce travail, ainfi que d’un
autre refté fans exécution pour h lac d’Averne,
au mot E m is sa r ivm ., émiiîaire, où je donnerai les
plus grands détails de celui d’A lb an e , de tous
les procédés mis en oe u v re , de les difficultés &
des moyens qu’on dut employer pour le s vaincre.
( V o y e^Em i s s a r iv m ) .
Les canaux de navigation font des efpeces de
rivières artificielles, que le befoin a fait imaginer
pour faciliter le commerce, en profitant des
avantages de la navigation. Les rivières ne contribuent
pas feulement à la richeffe naturelle des
campagnes qu’elles arrofent, elles font encore la
richeffe artificielle des provinces, en facilitant le
tranfport des marchandâtes. Plus leur cours eft
étendu dans un é ta t, & plus elles communiquent
les unes avec les autres, plus les parties du corps
de cet état font liées 6c difpofées à s’enrichir
mutuellement. Si la nature ». comme il arrivé fou-
vent , n’a pas fait pour les hommes tout ce qu’il
y avoit de plus avantageux à fa ire , c’eft- à eux
à achever. Les Hollandois, ou pour prendre fur
la foi des voyageurs un exemple fans compa-
.raifon plus confidérable , les Chinois ont bien
fait voir jufqu’oii peut aller en fait de canaux
de ^navigation Pinduftrie humaine , 8c quelle
en eft la récompenfe.
Mais l’avantage de ces canaux eft une chofe
très-anciennement connue. Les premiers-habitan-s
de la terre dont l’hiftôire faflte mention , ont travaillé
à rompre les ifthmes, à couper les terres,
pour- établir entre les contrées ffes communications
navigables.
L ’Iiiftoire rde ces anciens efforts des hommes
réunis pour foumettre la nature à leurs intérêts,
eft fans doute une portion intéreffante de l’hif*
îoire des arts ; elle trouveroit naturellement place
dans cet ouvrage:, fi par fes rapports avec d’au*
très-connoiffances, elle ne faifoit déjà partie de
quelques autres ; dictionnaires/ dé cette Encyclopédie.
L ’on trou ve dans le dictionnaire d’antiquités
un extrait du;mémoire de M . l’abbé le Blond,
qui peut être confidéré comme un traité ifùr cette
matière. Je n e m’en permettrai donc ici- que; l’abrege
le plus fudcrnt, & uniquement pour compléter,
•fuivant le plan-de cet- ouvrage , les notions; d’an*
tiquités qu’on eft en droit d’en attendre.
• -Oa n a u x de - l’A sie. Les rois - de. -Babyloiie
eiTreht très-iancierrnement le.-p rejet de joindre- le
•Tigre avec. l’Euphrate : T r a ja n S e p t im e iSevere
& JulîCn s’en occupèrent également. Il paroît
qu’il y eut' en effet un canal de vingt-cinq Hiilles
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, lequel l’Euplifate fut détourné du côté du midi
dans le T y g r e vers Séleu c ie , un vers Apamee,
un autre vers Ctéfiphon , nommé Nahar Malcha. ,
Ce dernier, le plus confidérable de tous , étoit
celui qui alloit fe rendre dans le T y g r e affez près
de Ctéfiphon. Il étoit fort v a f te , 8c pou voit porter
les plus .grands vaiffeaux ; c’eft pourquoi il fut
appelle dans la langue du pays, Nahar Malcha ,
c’eft-à dire canal royal. C e fut Gobaris , gouverneur
de la province fous Nabuchodonofor, qui
exécuta ce grand ouvrage.
Canal de Cnide. Les Cnidiens coupèrent ^ leur
ifthme 8c le féparèrent du continent de l’Afie
mineure pour la défenfe de leur v ille On prétend
qu’un oracle“ fit ceffer ce travail : il femble
cependant que l ’Ifthme fut en effet c o u p é 6 c
qu’ènfuite il fe réunit au continent par les amas
de fable 6c de limon , comme il eft arrivé à l’égard
de C y z iq u ê , 6c qu’on l’y joignit par des ouvrages;
p u moins Strabon le fait entendre , en difantque
devant la ville de Cnide il y avoit une-ifle dont
le circuit étoit de fept ftades; qu’elle s’élevoit
en forme de théâtre , qu’elle avoit été jointe au
continent par le moyen des moles dont on avoit
comblé l’in terv a lle, 6c qu’elle féparoit la ville
en deux parties. . j
Les c an au x d’Afrique fe bornent dans 1 antiquité
aux canaux d’Egypte. T ou te, l’etendue de
ce pa ys, qui comprenoit environ fept à huit degrés
(d e cinquante-fept mille toifes chacun ) , n étoit
arrôfé que par un feul fleuve ; mais 1a fertilité attribuée
à l’Egypte , lui venoit bien moins du fol
que de i’ induftrie d’un peuple nombreux, exerce
pendant une longue fuite de fiècles à -des travaux
utiles. Nilus j un des anciens rois d’Egypte., félon
Diodore, fe rendit fameux par le grand nombre
de canaux qü’ il y fit creufer.
Le lac 'Maris ou Bathen é to it , félon Hé rodote,
un grand canal ou réfervoir creufé de mains d hommes
dans un terrein aride. Son circuit étoit de
trois mille fix cens ftades; il s’etendoit en longueur
du midi au feptentrion- : il avoit en quelques
endroits jufqu’à deux cens coudees de profondeur.
C e grand réfervoir tiroit des eaux du
Nil par un canal ÿ pendant fix mois elles couloient
du Nil dans le la c ; 5c pendant les fix autres
m o is , elles reffioient du lac dans le Nil.
Canal de Jofepli. Le canal dont il eft parle dans
Pococke avoit trois' cens pieds de large , 6c il
étoit bordé par des chauffées de quarante pieds.
Canaux de la b a (Je Egypte. Dans la v ille d A le xandrie
, bâtie par Alexandre le g ran d, 6c dont
on voit encore les re fte s,- il y avoit deux canaux
navigables , creufés de mains d’hommes. Le premier
, tiré du port nommé Kibotos , traverfoit
Alexandrie pour fe rendre dans le lac Maræotide:
l’autre nommé Fojfa Canopica, 6c qu’ il ne faut pas
confondre avec le lit du Nil , qui tiroit fon nom
de la ville de Canope. Strabon ne nous apprend
-pas fi ces canaux avoient été creufés avan t .la
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fondation de la v ille d’Alexandrie, ou fi Alexan ir e ,
pour rendre fa nouvelle v ille plus-floriffante > -
avoit ordonné cet ouvrage. /
’ Canal de la mer Rouge. Si l’on employoit tant
de reffources pour le commerce 6c l’utilité d une
feule v ille , il eft aifé de penfer que les Egyptiens
formèrent le projet de réunir les deux mers ; us
étoient capables des plus- grands travaux , comme
; le prouve’ la conftruCtion des pyramid es, 6c
exercés à remuer la te r re , comme il pa roît par
les* canaux d’Egypte. Ils durent donc^ penfer a
joindre la Méditerranée 6c la mer R ouge. Ils etotent
; d’ailleurs trop clairvoyans fur leurs, intere ts,
i pour avoir négligé un moyen dont ils dévoient
’ retirer tant de profit. Au ffi fit-on en différens terns
' plufieurs efforts pour exécuter ce grand deffein.
Suivant Hérodote -, il y avoit dans la plaine
|| d’Egypte un camL tiré du Nil au-deffus de la v u e -
: de Bubafte 6c au*deffus d’une montagne qui alloit
du côté de Memphis. C e canal s’étendoit fort loin
d’occident en orient ; enfuite il rabattoi.t au midi
6c fe rendoit dans la- mer Rou ge. Nécus , Neçhos
Ou Néchas , fils de Pfammitiehus, quirégnoit 616
ans avant J. C". , avoit le premier entrepris Cwt
o u v ra g e , dans lequel périrent 120,000ffiommes;
6c il l’avoit abandonné fur la rèponfe d un oracle.
Mais Darius, fils d’H y fta fp e , ;roi de P e r fe , 5,21
ans avant J. C . l’avoit achevé : il étoit de quatre
journées de naviga tion, 8c deux galères pou-
voient y -paffe r de front.
Diodore attribue auffi à Nécus 1 entreprife de
ce canal; mais il ajoute qu’il commun,iquoit a
l’embouchure pélufienne, c’eft-à-dire la branche
la plus orientale du Nil que Darius le laiffa imparfait
, parce que ; les ingénieurs lui reprefen-
tèrent que la mer Rouge étant plus haute que
l’E g y p te , elle l’inonderoit; 6 c , félon cet au teur,
l’ouvrage ne fut. achevé que par Ptolomee Phila-
de lp he, 280 ans avant J. C .
Strab'on , en s’accordant pour le relie avec rie-
rodote 6c D io d o re , diffère cependant du premier,
en ce qu’il fait commencer au bourg de Phacuia
le canal qu’Hérodote fait partir de Bubafte : Strabon
dit qu’ il avoit cent coudées de la rg eu r, 6c que
I fa profondeur fuffifoit pour de grands vaiffeaux.
Q u e ce canal ait été conduit jufqu’ à la mer
Rouge , - c ’eft c e dont les autorités réunies de tous
les historiens anciens ne permettent pas de douter.
C eu x qui font cités pour avoir mis la main^à ce
grand ouvrage, font Séfoftris, Pfammiticus, N écus
& D ar iu s ; mais foit que Ptolomee Philadelphe
étant venu le dernier ait effacé la gloire de fes
préciéceffeurs, foit en effet qu’ il y ait plus travaillé
qu’aucun autre , c’eft lui principalement qui
paffe pour être l’auteur du canal de la-mer Rouge.
Un des obftacles que l’on trouvoit^ à la jonclion
des deux;mers, étoit la crainte- que l’eau de là mer
une fois mêlée a v ec celle, du N i l , qui étoit la
feule en'tifage, pour la. boiffon, ne vînt à la cor-
rompre. Q u an t , à l’inondation qui pou voit être
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