
figurer de loin , dans les niches intérieures des
édifices. Le plus grand artifice de cet art eft de
diffimuler leur matière-, & de lui donner l’apparence
du fine ou du plâtre.
C arton fe dit encore en archite&ure -d’un contour
chantourné for une feuille de carton ou de fer
blanc , pour tracer les profils des corniches & pour
lever les panneaux de deffus l’épure.
C arton fe d it , en peinture, d’un deffin qu’on
fait for de fort papier , pour le calquer enfuite fur
l ’enduit frais d’une muraille où l’on veut peindre à
frefque.
11 fe dit auffi d’un deffin en grand coloré , pour
.travailler en m ofaïque, en tapifferies.
Lés cartons que l’on eonferve à Homptoncourt,
en A n g le te r re , font des deffins de Raphaël d’Ur-
bin , qui furent faits pour être exécutés en tapifferies.
C A R T O U C H E , f. m. eft un ornement de fculp-
ture en pie r re , en marbre, en bois , en plâtre,
& c . , compofé de membres d’archireéfure , au milieu
duquel eft un efpace de forme régulière ou
irrégulière, don t la furtaee eft quelquefois plane ,
con c a v e , convexe , 00 réunifiant l’une & l’autre de
ces deux configurations. Ces cartouches fervent
ordinairement à annoncer les noms des hôtels , ou
à recevoir des inferiptions , des chiffres , des armoiries
, des bas-reliefs pour la décoration ex té rieure
& intérieure des églifes ,d e s communautés ,
ou pour la décoration des appartemens. C e mot
vien td e l’italien cartocdo, qui fignifie rouleau ou
cornet de papier.
O n appelle atifii cartouche le deflin qu’on met
aubas des plans on des ca r te s , & qui fert à renfermer
le titre ou les armoiries de ceux à qui on
les prèfente. Ces cartouches font fufceptibles d’attributs
ou d’allégories qui doivent être relatives à
celui à qui l’on en fait l’hommage.
On appelle cartels les petits cartouches qui fervent
dans les décorations des frifos ou panneaux de
menuiferie, & généralement ceux qu’on emploie
dans les bordures des tableaux d u couronnejnens
des trumeaux, cheminées , pilaftres & autres objets.
I l eft difficile de prononcer le mot qui fait le
fojet de c e t,a r tic le , fans qu’il retrace à l’imagination
cette multitude de formes grotefques 8c bi-
farres for lefquelles le Crayon fi ftérileme'nt fertile
de nos arehite&es n’a pu' s’épüifër pendant tant
d’années. Dans cet infipide ramas de burlefques
fantaifi'es, ron anroitpeïne à découvrir & le principe
qui les a fait in v en te r , & le charme qui les^a
fi fort multiplié es. Q u ’on n’attende de nous aucane
defeription de ces produ&ions du caprice 8c de la
mode ; fi nous neusifommes permis d’en faire mention
, e’eft plutôt ;par un excès de fidélité pour la
nomenclature de cet ouvrage , que pour perpétuer
remploi de ces inventions dont nous voudrions
pouvoir effacer le fou venir & les moindres traces.
Haireufement ces formes vicieufes , bannies depuis
quelque tems de l’archite&ure & des autres
arts , ne s’apperçoivent pl us que furies monumens
& les meubles dont le goût déjà paflemo peut que
diferéditer de plus en pus, leur emploi , 8c tarir
leur reproduétion. ( Voye^ ce qu’on a dit de ce
goût aux mots Amorrtissement & Armoiries ).
CARTOUCHE , ( terme de jardinage. ) eft un ornement
régulier, en forme de tableaux, avec des enrou-
lemens , qui fe répète fouvent aux deux çôtés ou
aux quatre coins d’un parterre. L e milieu fe remplit
d’une coqu ille 'd e gazon ou d’un fleuron de broderie.
C A R Y A T ID E , f. f. mot d érivédu -grec karya-
tîdes q u i, dans cette langue , fignifie proprement
habitant de la Carie. Il pa roît, d’après V itru v e, que
ce nom fut donné à des ftarues de femmes habillées
delongues robes que les Grecs imaginèrent d’emp
lo y e r , au lieu de colonnes , à fupporter des en-
tablemens / comme on aura occafion de le raconter
dans la fuite de cet article. Mais ce qu’on ne fau-
roit affirmer , c’eft que le nom de Caryatides ait
été affe âé en G r è c e , comme il l ’eft ch ez nous , à
toutes les figures qu’oh applique à l’emploi dont
j’ai parlé. I l eft vraifemblable^au contraire que ce
nom , ainfi que celui de figures perfiques qu’on
donne encore à préfent aux fiatues - colonnes , ne
fervit qu’accidentellement à défigner l’efpèce de
fupports dont il s’agit. Les G recs avoient pour l’exprimer
deux autres mots , Athlantes & Telamones,
dérivés tous deux de deux verbes qui lignifient
porter ou foutenir. Ces mots n’ont point paffé dans
notre langue, & le mot de caryatide eft , à proprement
parler , le feul qye l’ufage ait confacré pour
défigner ce nouveau genre de colonnes formées
par des figures, de quelque fexe ou nature qu’elles
foient. O n ajoute ordinairement le mot défiguré à
celui de caryatide , qui fèmble alors devenir une
efpèce d’adjeéfif, & l’on dit figure caryatide ou bien
ordre caryatide. C ’eft donc à ce mot que,je rapporterai
particuliérement toutes les notions qu’on
pourrait chércher aux autres noms que l’ufage n’a
point adoptés. Ces notions font de deux genres :
les unes hiftoriques & defcripttves ; les autres théoriques,
& diviferont naturellement cet article en
deux.
Nouons hijloriques ou deferiptives fur les caryatides.
C ’eft bien chez les Grecs qu’il faut chercher la
perfeftion de tous les objets comme de toutes les
idées dont les arts ont embelli leur langage. Mais
ceux qui croient trouver chez ce peuple les premiers
effors de l’invention en toute efpèce d’a r t ,
ne s’apperçoivent pas que les G re c s ,fan s rompre
la chaîne qui uniffoit leurs connoiffances à celles
des peuples leurs ptédece fleurs , ne firent, à proprement
parler , autre chofe qu’attacher à leur
pays & à la gloire de leur nation , les anneaux de
cette chaîne, au moment où elle leur fut tranfmife,
foit
foit en changeant l'es noms , foit en revêtiffant les
„blets des habits de leur p a y s , foit en fubftmiant
les traits de leur hiftoire à ceux deshtftoires etran--
„ères foit en naturalifam chez eux les coutumes
I les’ inventions des autres. D 'o ù il rélulte que
Brefque tous les chaînons des fciences, des arts &
Ses inventions humaines femblent , en remontant
chez les Grecs , s 'y arrêter comme au point
d’où ils panent. Cependant les Grecs ne furent
nue les élèves d’ un grand nombre de maîtres.
Flavius Jofepb ne v o y o it chez eux que des imitations
t r è s modernes de choies antiques : Tout,
dit-il n’y txijle , tout n’y date que d’un jour. Conf-
truâion des villes , invention des ans , Icyjlnuon , tout
ni t(l né d’hier. Enini veto nova apud Grtecos omnta ,
fi. ante unurn , ut ha loquar ahirumve diem extitijfe
reperias uibium : { 'mquam ) moliûoncm, excogttationem
artiujn & legum perfcriptionem.
Nous irons donc en G rè c e ,& fu r - tô u tà Athènes ,
chercher lès plus beaux modèles de figures caryatides
y découvrir la plus heureufe application de
ces fiâmes aux édifices.; nous y apprendrons l’art
d’allier par l’ invention d’un ordre nouveau , les
richeflvs, de la fculpture ou de l’allégorie à la vrai-
femblance de l’arclfiteâüre ; l’art enfin d’animer
en quelque forte les colonnes. Mats 1 idée de per-
fonnifier, fi l’on peut dire , les fupports des édifices
,& d’employer à leur place des fimulacres de
tou tg en re, érôit déjà une ancienne id e e , lorlqu elle
fut une nouveauté pour les Grecs.
Je ne prétends pas , au re fte , quel que foit le
mérite de cette invention , en faire précifément
honneur à aucun peuple en particulier. !> il ranott
en indiquer la filiation , il ne feroit pas invraifem-
blable d’en rapporter l’origine naturelle au genie
des peuples afiatiques : du moins c’en chez eux
que nous vo yo n s ces fortes de fupports fantafltques
fe produire & fe multiplier fous le plus grand
nombre de forme s , d’animaux réels ou imaginaires.
Je ne répéterai pas ici que l’arabefque ( voyej ce
mot ) nous.retrace bien plus qu’o r n e p en le , dans
fes bizarres décorations , les réalités de 1 architecture
des peuples.de l’A fie. Je penfe la v o ir affez
prouvé de certaines décorations arabefques que
les cendres du V é fu v e nous ont confervèes. Q u on
obferve toutes les perfpe&ives d’architecture qui
font le fojet principal de quelques - unes de ces
peintures, & l’on y verra tous les caprices que
ce genre comporte à peine aujourd hui dans les
repréfentàîions-peintes & les plus fa&ices , réalités
en forme de colonnes ou de fupports , &
adaptés au foutien des combles, des entablemens
& des corniches. Ici ce font des termes en manière
de gaine très-prolongée , qui ne présentent
qu’une tête humaine. Là toute la partie fuperieure
du corps humain s’élève au —deffus d une game.
Tantôt une figure entièrement nue fupporte un
chapiteau auffi alongé qu’elle. Ailleurs c e font des
f i l m r i ’«înitnciny accrouDis ou ailes « qui portent
ou femblent porter les angles des corniches & div
er s autres membres d’architeélure.
Q u ’on ne dife pas que les autorités que j’allègue
ne lont pas dés preuves ; que ces vue s d’archi-
te&ure , compofées à plaifir, n’expriment que la fan-
taifie du peintre, & ne fauroient être regardées
comme les copies fidelles d’aucun édifice réel.
O u i , fans doute. La plupart de ces peintures ne
nous retracent dans le fait que le goût 8c le génie
des architectures afiatiques. Mais- fi, l ’on avoir
quelque reproche à faire à la fidélité des peintures
, ce feroit d’avoir trop grécifé, fi l’on peut
d ire , les formes étrangères qu’elles vouloient nous
présenter. O n font que le peintre grec , tout en
voulant parler Pe-fan ou Indien , retombe malgré
lui dans les formules 8c l’accent de fon idiome.
A peu-près comme ceux -de nos peintres qui v eu lent
contrefaire aujourd’hui les peintures chi-
noifes. Pour fe convaincre de ce que j’avan ce, il
n’y a qu’à confulter celles des peintures d’Hercu-
lanum , qui offrent l ’imitation la moins') équivoque
de TarehiteChire égyptienne ; on y verra fon goût
tempéré par un mélange, de formes 8c d’ornemens
Grecs. Je ne crains donc pas d’avancer que les
peintures en queftion , loin d’avoir dû enchérir
for les caprices des figures caryatides de l’A fie ,
ont d û , par l’effet naturel du génie g r e c , refter
au-deffous de leurs modèles.
En vëut-on une autre preuve ? Les ruines de
Perfepolis vont nous la fournir. Peut-on imaginer,
dans l’arabefque , des fupports caryatides plus capricieux
que ceux des colonnes encore exiftantés
aujourd’hui dans cette ville î ( Voye^ Persepolis. )
Je ne parle point de ces figures humaines qu’on
trouve en grand nombre for les bas - reliefs des
tombeaux , 8c dont les bras élevés en l’air ., dans
l’attitude de caryatides , femblent fupporter le couronnement
où eft a {fis le roi. Je v eu x parler de
ces efpèces de chapiteaux formés de figqres de
chameaux, de chevaux & autres animaux accroupis
fous le poids de l ’avchite&ure qu’ils foutiennent.
Les Egyptiens avoient encore , avant les Perfes ,
employé au fupport de leurs édifices des animaux
caryatides. U n des périftiles du tombeau du roi
Ofymanduas , nous apprend Diodore de Sicile ,
étoit foutenu , en place de colonnes, par des animaux
d’une foule pierre taillée à l’ antique, 8c haute
de feize coudées. Notre hiftorien ne nous apprend
point qeuls étoient cés animaux 8c quelle pouvoir
être leur pofture. T o u t porte à croire que c ’étoient
des fphinx , & que leur pofition , au lieu d’étre
accroupie , félon l’ufage de ceux qui nous font
re fté s, & qui fo plaçoient à l’entrée des temples,
reffembloit à celle des lions d’ Athènes qu’on v o it
à Venife , e’eft; à-dire -, qu’aflis fur leurs pattes d e
derrière , ils étoient dreffés fur celles de d e van t ,
comme on en vo it dans les décorations arabefques*
C ’eft du moins la feule manière qu’il y ait eu d e
donner à de femblables foutisns 8c la hauteur
■ défignée 8t la folidité convenable.
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