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eft percé de croifées dont le ftylobate corttïriu de
l ’ordre forme l’appui. L ’ordre eft d orique, l’entablement
eft orné de triglyphes & de métopes
dont la difpofition eft devenue altez fouvent irrégulière
par tous le$ reffauts particuliers & généraux
qu’on a beaucoup de peine à éviter dans
un auflî grand enfemble, & compofé de tant de
parties différentes. Les boffages qui régnent dans
l ’ordonnance de ce t étage font à bandes alternative
s , autant fur les trumeaux que fur les pilaftres
& les colonnes , & ces boffages font arrondis.
L e fécond étage n ’eft point général dans la
totalité de l’édifice, il n’a lieu que dans le corps
principal 6c dans les pavillons, mais avec cette différence
, que plus élevé dans les. pavillons & égal à
celu i de deffous, il eft décoré d’un ordre ionique , &
que dans le corps même du bâtiment, il s’y annonce
fous la forme de l'attique, & reçoit pour
décoration l’efpèce d’ordre auquel on eft convenu
de donner le nom d’attique. C e même ordre &
la même proportion font auflî aux deux pavillons
d ’entrée , en cela feul différent des quatre autres.
L ’efpèce de boffage de l’ordre tofcan fe voit répétée
dans toute la continuité de l’étage fupérieur
6c de la même manière.
I l faut auflî parler de la petite co u p o le , q u i , détachée
de la maffe tota le , forme un objet prefqu’à
part dans la décoration de notre palais. On a vu
combien fa forme pyramidale donnoit d’agrément
à la façade dont elle fait partie. L ’ordonnance g é nérale
dont on vient de rendre compte s’y trouve
fcrupuleufement répétée. Ce tte répétition ajoute
au prix de cet avant-corps, comme e lle dut ajouter
à la difficulté de fon ajuftement. Les gens de l’art
favent feuls combien il eft difficile de conferver
dans un grand enfemble, & de raccorder avec des
formes ifolées & difparates, un motif uniforme de
décoration. A u flî critique-t-on dans les parties de
toute fon ordonnance, l’arcade tofcane que l’on
trouve beaucoup trop fve lte , & l’arcade dorique
qui femble trop raccourcie. La proportion de
l ’attique paroît également trop cou r te, parce que
c e dernier formant une retraite confidérable, la
faillie produite par l ’ordre de deffous, détruit pour
le fpe&ateur qui regarde d’en bas la hauteur réelle
de cet attique. Sans doute on a pris pour règle de
la. hauteur de cet attique , la. mefure de ceux qui
font aux pavillons collatéraux. Mais peut-être: de-
voit-on négliger ce fcrupule d’uniformité, la di-
verfîté de forme autorifoit cette licence. D e p lu s ,
les attiques des pavillons font à plomb de l’ordre
de deffous, & celui dont nous parlons étant circulaire
fur un plan quarré, & reculé de près de
cinq pieds, il fembloit permettre une hauteur différente
, & peut-être même un ordre.ionique dont
on a fait ulage dans d’autres parties de c e bâtiment
avec moins de néceflité. Il paroît auflî que
les ftatues placées autour de cette efpèce de rotonde
, auroient été mieux diftribuées fur la ba-
luftrade quadrangulaire qui lui fert d’empâtement.
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Elles auroient par - là fervi d’amortiffement â
l’ordre dorique, ajouté plus d’élégance à cette
P?rt*e, Supérieure, fans fortir pour cela du caractère
férieux qui convient à l’ordonnance générale.
Nous n’avons pas au refte le deffein de nous
arrêter à tout ce que ce grand palais peut offrir de
remarques critiques dans tous les détails qui le
compofent. Si l’on y a toujours admiré le caractère
de virilité qui conftitue fon ftyle , la févérité
des formes générales, la pureté des profils, la
propoÜion particulière de certaines parties, &
pour tout dire, un certain goût antique également
foutenu dans la totalité, ainfi que dans tous les
détails de Parchiteéhire, on y obferve auflî plus
d’une licence. Nous les avons fait obferver la
plupart, & nous n’y reviendrons pas. Mais la plus
importante , & dont nous n’avons rien d i t . eft
l ’affeâation des boffages qui régnent dans tous les
ordres & dans toute l’étendue de l’édifice. Nous
avons réfervé cet article pour le dernier, & comme
devant conftituer prefqu’en entier ce qui nous
refte à dire fur ce palais, c’e f t - à - d i r e , quelques
observations fur fon goût.
L e goût ou le ftyle du palais du Luxembourg
eft, comme nous l’avons dit, une imitation de celui
qui règne dans tous les palais de la T o fcan e, &
fur-tout de Florence. Le Luxembourg a peut-être le
désavantage de fe trouver feul de ce genre au
milieu de tous les édifices de Paris, & d’offrir pat
ce parallèle qui lui eft défavorable, un contrafte
qui rend encore plus rebutant tout ce que fon
goût comporte d’auftérité & même de bifarreric.
De-là réfulte en partie l’efpèce de difcrédit ou
eft tombée cette architeâure, qui ne fe trouvant en
harmonie avec aucun des bâtimens de cette ville,
reffemble à ces 'étrangers dont le coftume infolite
fe fait regarder fans qu’on penfe à le copier.
C eu x qui onr parcouru les villes de la Tofcane
& ont p u fe familiarifer qvec ce g oû t, peuvent
feuls l’apprécier en lui-métrçe > & juger du fuccès
a vec lequel de Broffes l’a paffer dans ,1e palais
que nous avons décrit.
Point de doute qu’il ne règne dans ces boffages
gigastefques des palais tofcans,' je ne fais quel
Xentiment de grandeur terrible', & fi l’on peut dire
effra yante, qui fait en quelque forte taire toute
autre impreflion que celle de l’étonnement. Dans
la fauvage magnificence & la fojnbre grandeur de
leur architeâure, on croit retrouver les monu-
mens de ces anciens Pélafges élevés par les Cy*
d o p e s , auxquels on attribuoit la cçnftru&ion des
murs de T y r in te . Ces maffes énorrrfçs, faitespour
infulter au tems , femblent auflî trop, hautes pour
que la critique puiffe les atteindre. T e l eft en
effet le fentiment d’admiration produit dans Par-
chite&ure par la force & la grandeur pouffée à
l’extrême, que tout autre fentiment difparoît &
s’anéantit auprès de celui-là , & telle eft la force
de ce fentiment, qu’il ne laiffe en quelque forte
plus d’y e u x pour appercevoir les défauts. Ailleufs
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on trouvera des édifices plus r ich es, on en verra
de plus variés, d é p lu s élégans, de plus commodes
, de plus délicats; on en verra qui femblent
en quelque forte faire plus d’honneur au
génie de l’homme, nulle part on n ’en verra qui
donnent une idée plus haute de ceux qui les ont
faits, & qui rapetiffent plus ceux qui les regardent.
Cela provient de l’union.de la grandeur linéaire
& de la grandeur proportionnelle, avec la folidité
exceffive de la conftruélion, & l ’apparence plus
exceflive encore de la folidité produite par les
boffages.
Nous avons dit ailleurs ( voye^ Varticle Bossage )
que ce genre ne convenoit pmiculiêrement qu’à
certains édifices & qu’à certaines parties des édifices.
Sans avoir excepté de nos principes les mo-
numens de la moderne Etrurie, nous avons indiqué
quelques-unes des raifons politiques qui purent
concourir à y répandre auflî généralement le goût
en queftion. Mais il faut avouer encore qu’il eft
peu de pays , où la nature des matériaux foit plus
d’accord avec cette forte de conftrudion, & réponde
mieux à la grande folidité comme à la fombre
auftérité qui lui font analogues. A u f l î , quand on
compare l’énormité des blocs qui compofent la
conltru&ion de ces palais, la dureté de la pie rre,
fa couleur fombre , la belle correfpondance des
boffages extérieurs a vec le caraéière impofant
des maffes générales, on peut fans doute vouloir
des palais fans boffages , mais il eft difficile de
vouloir que c eu îf de Florence ri’en aient pas.
Voyons fi fur cet article nous porterons le
même jugement du Luxembourg.
D’abord il femble, comme on l’a d i t , que de
Brojfe ait eu èn v u e , dans l’application des boffages
à ce palais, de fatisfaire le goût de Marié de Mé-
dicis, plutôt que le fien propre. O n vo it afféz
que ce n’étoît pas fon f ty le , & l’on en refte convaincu
quand on fait qu’il ne l’appliqua point aux
arcades de l’aqueduc d’Arcueil qu’il conftruifit,
& auxquelles lè s . boffages auroient parfaitement
convenu. Au flî voir on que peu exercé dans ce
genre, & loin des modèles qui Peuffent d ir ig é,
larchiteôe françois n’eft que le difciple timide
des maîtres de Florence. O n fent que fon ftyle
ne peut atteindre à la haute harmonie dont il
enerve bientôt les accens ; il fait comme ces èn-
fans qui badinent avec les armes qu’ils ne fauroient
nianier : & ne pouvant foulever la maffe d’Her-
cule, il effaie de l’arrondir 6c d’en émouffer les
noeuds.
C'eft la Comparaifon la plus exaéle du f ty le de
de Brojfe avec Celui de Brunelefchi. L’architeéîe
françois a manqué l’effet que devoit produire le
ftyle qu’il adoptoit.
i . Parce que la grandeur linéaire de fés maffes
eft encore beaucoup au-deffous de celle qui convient
au genre des boffages employés dans une
décoration générale : de grandes parties veulent
nn grand tout.
ArchiteÜure, Tome I 9
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i.°. Parce qûe fes profils ne font point affez
p ron on cé s, que les membres de fon archireéhire
n’ont point affez de fie r té , de faillie & de caractère
pour répondre à ce que comporte l’énergie
de tout l’enfemble , & que fes enrablemens ne
dominent point avec affez de hardieffe ; ce qui
communique au .rôtit une certaine molleffe.
30. Par l’arrondiffement des boffages, arrondif-
fement qui ajoute à leur pefanteur, amollit leur
cara&ère, alourdit les ordres & admet dans le
ftyle général une équivoque de rudeffe & de
p o li» de rufticité & d’élégânce dont le caraâèn?
total fou ffrè, fans que cette recherche de propreté
contraire à l’efprit des boffages , foit plus
propre à fe concilier avec celui des ordres 6c
des colonnes.
4°. Parce que là variété des plans 8c des maffes
dont fe compofe le palais du Luxembourg eft
contraire à l’effet des boffages, qui ne brillent jamais
mieux que fur de grandes fuperficies. Cette
multiplicité de corps de bâtimens en rompant la continuité
des boffages, affoiblir leur effet, & l’attention
fcrüpuleufe de fubordonnertous ces membres divi-
fés, au même ordre de compartimens, en les ralliant
au motif géné ral, ne compenfe pas l’inapreflion
qui réfuite de leur continuité dans une grande
maffe.
L ’on pourroit ajouter à ceci quelques con-
fidérations étrangères au talent de Parchiteâe auflî
bien qu’à l ’architeéiure, & qui tendroient à prouv
er que la q u a lité , l’étendue, la couleur même
dés pierres ne pouvoient donner aux boffages du
Luxembourg le même prix , le même caraâère
qu’ à ceux de Florence. Il femble alors qu’on ne
feroit pas éloigné de conclure que cé goût confinant
dans l’ emploi des boffages', goût èn général
peu convenable à la dééoratiort des palais de
magnificence, dénué ici dé toutes les qualités de’
grandeur & de fo r c e , tant dans la proportion que
dans la conftruétion, ne préfente que lourdeur
6c monotonie : que la difpofition de ce palais divifè
en tant de corps féparés, fembloit fe refufer à
l’emploi de ce f t y le , & qu’enfin s’ il eft des palais
oori’on feroit fâché de ne l’y point trouver , tant'
il ajoute aux impreflions de l’admiration , le L u xembourg
eft peut-être un de ceux où fe réunif-
foient le plus de raiforts, pour qu’on n’eût pas
befoin d’ employer ces reffources.
Dans le temps que de Bro£e trâvailloit à faire,
du Luxembourg un palais di*gne d’être occupé par
une rèine, il s’étudioit à annoncer, p a rla magnificence
d’un antre éd ifice , la grandeur de l’êtré
fuprêrne adoré dans nos temples. L ’on v eu t parler
du portail de Saint Gôrvais qui fut bâti dans
le même temps , c’eft-à-dire en 16 16 : Louis X III
en pofa la première pierré.
De Brojfe employa les trois ordres grecs à la
décoration de ce portail. Le premier orcjre eft
formé de huit colonnes doriques , dont les quatre
collatérales font engagées d’ un fixième daîis lé
T t