
colombier, là rende eft préférable, toutes les fois
que quelque fujétion de bâtiment ou de'fymmétrie
n’en dherjuine pas d’autre. Elle eft plus commode,
en ce qu’on y met une échelle tournante. Qu o i
_ qu’il en foit de fa forme , fa couverture & fon
plancher doivent être bien joints , de manière que
les vents n’y pénètrent point, non plus que les rats.
Ses fondemens doivent être folides , fon aire bien
battue & bien cimentée, parce que la fiente des
pigeons mine les fondations. Il eft important de
l’enduire de bon mortier, & de le bien blanchir
extérieurement & intérieurement. Sa blancheur
plaît aux pigeons, & les attire même au colombier.
Enfin y autour de ce bâtiment, & en devant de fa
fen être, il eft néçeflaire -qu’il y ait des entable-
mens de pierre, ou d’ais qui aient une coudée de
faillie , & ou les pigeons puiffent rouer, fe repofer,
& prendre leur vo l pour aller aux champs. A la
fenêtre par où entrent & fortent les pigeons, on
met quelquefois une cod ifie un peu plus haute 8c
plus large que la fenêtre ; on la garnit de fer blanc
bien attaché contre le mur, pour en interdire l’approche
aux rats. Il faut que cette cod ifie fe ' hanfiè
loir 8c matin par le m oyen d’un cordeau paffé dans
une poulie qu’on attache au-deffus de la fenêtre ,
8c qui tombe au bas du bâtiment. Ce la fait une
fujétion qui eft bien rachetée par la sûreté où l’on
tient, ainfi les pigeons. Les fenêtres d’un colombier
doivent être expofées au m id i, & la porte doit
regarder celle de la m aifon, afin qu’on puifle voir
ceux qui y entrent 8c qui en fortent.
C O L O N N A ( F r a n c e s c o ) . Celui qui s’étonne-
roit de trouver le nom de cet ingénieux écrivain au
nombre de ceux qui doivent occuper une place
diftingnée parmi les maîtres de l’a r t , cbnnoîtroit
mal fans doute & le genre de fervices que Co-
lonna a rèndus à l’architefihire , & l’influence que
de fimples préceptes peuvent avoir fur cet a r t ,
8c l’empire que la théorie , vivifiée par le feu de
l’imagination , fait exercer fur la pratique,
r- Si j’avois- à m’exeufer de faire paroître Colonna
fur la lifte des architeéfes , je renverrois le lec- I
teur à Félibien lui-même , bon juge en matière
d’art, & qui mettoit la connoiffance du livre de
notre écrivain de niveau avec celle de Vitruve.
« Sans préjudice, d it- il, du grand profit qu’on
?» peut tirer du livre de V it ru v e , 8c de l’étude
?» qu’on doit fa re de fes principes 8c de fes règ les ,
»? il ne faut pas moins examiner dans Colonna , les
» tableaux curieux de plufieurs fuperbes édifices ,
?» monumens ou jardins que l’imagination féconde
?» & riante de l’auteur du fonge de P o lyp h ile, "a mis
>» fous les y e u x de fon leéieur >».
C e qu’on a eu oecafion de dire à la fin de l’article
A r c h i t e c t u r e , p. 12 6 , peut fuffire encore
à juftifier le droit que- Colonna a de figurer ici;
Mais fes titres font dans fon ouvrage trop peu connu
depuis long-temps , & intitulé, Songe de Polyphile.
Par la date de fon liv r e , on voit que François
Colonna çft né dans le quinzième f iè c le , & ^que
vraifemblablement il eft mort dans le feizième?
V o ic i le titre qu’il) lui avoit donné : Polyphili
hypnerotommachia : opns italiçâ lingitâ cohfcriptum ;
ubi humanaomnia non niji [omnium cjjt docet. ( Som-
m eil, amour, & combat de Polyphile, ouvrage écrit
en langue italienne, où i l enfeigne que toutes lies
chofes humaines ne font que des fonges). A Ve-
nijk , chez Aide Manuce, 1499 » in-fol. Nous l’appelions
Amplement le [onge de Polyphile. Il fut réim-
primé en 1545 , dans la même v i l le , chez les en-
fàns Manuce, & aufli fiz-fol. Cette fécondé édition,
eft moins précieufe que la première ; nous en fài-
fons mention, parce que dans plufieurs exemplaires
4e l’une 8c de l’autre ^ on a enlevé divers feuillets,
& fur-tout le dernier, qui indiquoit l’année où
l’ouvrage avoit paru. O r , l’avant-dernier 'feuillet
portoit ces mots ( traduc. de B ère al. ) * u A T ré v ife ,
» lorfque Polyphile étoit détenu ès beaux liens de
»» l’amour de Polia , l’an 1467 »». O n a conclu
qu’il avoit d’abord paru en ce temps , 8c l’époque
du fonge' eft devenue celle du livre qui. nous l’a
trànfmis. Nous l’avons cru ainfi fur la foi de plu-
fisurs bibliographies; mais détrompés par celle de
Debure, nous croyons maintenant que le fonge de
Polyphile n’a été publié qu’en 14 9 9 , trente-deux
ans plus tard que nous ne l’avions annoncé ailleurs.
V o y e z Bibliograph. de Débuté, Belles-lettres, tome I I ,
page 121. Les preuves qui en font données nouspa-
roiffent inconteftables.
Colonna ne mit point fon nom à la tête de fon
ouvrage , 8c il le cacha dans le corps de l’ouvrage
même, de manière qu’il y feroit refté ignoré, s’il
n'avoit confié fon - fecret à des perfonnes auxquelles
peut-être l’amitié fit un devoir de le divulguer. Le
voici. Il faut raflembler ■ les lettres capitales des
trente-huit chapitres que le texte entier renferme!, en
,• fuivânt exactement l’ordre numérique, depuis un juf-
qu’à trente-huit ; elles donneront alors cette devife :
Poliam [rater Francifcus Colümna peramavit.
« Frère François Colonne aima tendrement Polia »».
L e mot [rater nous apprend que Colonna étoit
m o in e , lorfqu’il mit fon livre au jour.« Il le fut
” en effet après la mort de fa maîtrefie, dit Béroalde
»? de Verville, pour laquelle v iv an te , 8c étant en-
» core féculier, il a retracé plufieurs ordonnances
»» d’amour fous le nom de Polia , laquelle étoit jadis
» hCbelle Lucrèce Trévifane »>. Polia, dans le'livre
de P o lyp h ile , racontant fes aventures aux nymphes
de V e n u s , dit qu’elle defeend des premiers fondateurs
de T ré v ife où elle eft née , 8c qualifie fon
amant de gentilhomme. Béroalde, lui donne aufiî
le même titre ; mais nous dédaignerions de le répéter,
fi , au fiècle de Colonna, ceux qui le pofTé-
doierit n’avoient fouvent reçu une éducation .distinguée.
O11 ne peut douter que la fienne ne l’ait
préparé aux connoiffances qu’il a acquifes dans la
fu ite , 8c qu’il a afièz bien développées pour les
faire par-tout accueillir. .
Celui qui le premier efia y ad e traduire lej livre
où elles font dépofées , fut un chevalier de Malte.
Il remit fa traduâion à. Jean Martin , qui la revit
8c la publia eu 1546. Jacques Goherry , libraire,
la réimprima en 1^61; Si Béroalde de Verville, chanoine
de S. Gra tien, à T o u r s , Payant retouchée
avec foin , la fit paroître in-40 8c ornée de figures,
en 1600. Le chevalier de Malte avoit du favoir
en architeéhire ; Jean Martin étoit célèbre par une
traduction de V itru ve , la première qui ait été faite
en notre langue, 8c Béroalde .avoit conftamment
étudié l’art que . Colonna s’étoit propofé de faire
aimer. Leur traduâion doit donc être confidérée ;
8c nous la citons avec d’autant plus de confiance ,
que tous- trois vantaient ceS ordres dont : les Grecs
nous ont fait un préfent, ainfi que s’exprime
un autre Polyphile , en, décrivant à fes amis , le
palais que l’Amour fit jadis élever pour Pfyché.
C e nouveau Polyphile femble avoir connu l’ancien
, 8c ce n’eft pas pour celui-ci un médiocre
éloge.
L e fonge du Polyphile Italien, eft divifé en deux
parties. La première contient vingt-quatre chapitres,
8c la fécondé quatorze. L ’une eft remplie de def-
criptions agréablement amenées, 8c que les arts
■ peuvent a voue r, puifqu’elles offrent ce qu’ils peuvent
faire. L’autre eft l’hiftoire des amours de Polia
8c de Polyphile, h iftoire préparée par les é v é -
nemens qu’on lit dans la partie précédente. « Poly-
»> phile longea avant le jo u r , puis ayant fongé , il
» fe réveilla au chant du rofiignol »>. C e fonge , qui
paroîtroit n’avoir occupé que quelques momensde
fa v ie , l’occupa en effet toute entière , 8c l’on voit
■: p a r fes récits, qu’il fut toujours livré aux.illufions
de l’amour 8c à celles des a r t s , plus douces 8c
plus paifibles. Peut-être dût-il à l’un fon enthou-
fiafme pour les autres; 8c fi les ouvrages du fen-
timent ne purent échapper à fes y eu x , il ne dut
pas tarder à les décrire 8c a ie s préfènter avec les
nouveaux charmes que leur prê.toit fon imagination.
H eft peintre, fculpteur, architeâe 8c toujours
amant de Polia; il paffionne tou t, parce qu’il
eft lui-même paflionné; il anime fes jardins , fes
payfages, fes édifices , par des fêtes | des jeux 8c
des cérémonies religieufes , 8c cependant on ne
perd de v u e , ni lu i, ni P o lia , ni l’amour qui les
unit, « 8c qui rend tout poflîble ; fans quoi il ne
» pourroit faire exifter ces beaux monumens , def-
» quels il rend fouvent honneur à l’antiquité dont
» il avoit tout appris En e ffe t, il s’eft plu à
l’interroger, 8c le foin qu’il apporte à nous expliquer
les loix des proportions qu’elle lui avoit
enfeignées , prouve .que fon but étoit autant d’inf-
truire 8c de guider les artiftes de' fon fiè c le , que
d’immortalifer fa tendreffe.
L ’archite&ure fu r -tou t, attiré fon attention ; le
gothique régnoit alôrs, 8c fon empire s’étencloit
fur toute l’Europe. Déjà cependant l’Italie avoit
commencé à foupçonner qu’il exiftoit d’autre route
vers le g rand, que le gigantefque, Sc d’autre beauté
que le merveilleux. Quelques édifices dénués de
ce magnifique fratras de colifichets, commençoient
à fe faire admirer par la feule régularité de leurs
proportions. Alberti , fans avoir précifément traduit
V it ru v e , étoit. parvenu à le naturaiifer en Ital
i e , par fon traité d’architedure. Colonna entreprit
de mettre , fi l’on peut d ire , en aélion tout ce que
Alberti 11’avoit mis qu’en récit.
Il v it en fon g e , mais il fit voir ..en réalité tout ce
que quelques commentateurs n’avoient fait qu’expliquer
fouvent fans comprendre, 8c plus fouvent encore
fans être compris. L ’effort que fit Colonna à cet
égard , fut prodigieux, fur-tout pour le fiècle où
•il v ïv o it, 8c les effets en furent bien fenfibles.
• O n pourroit les comparer , relativement à la théorie
de l’a r t , aux effets que produit la poéfie quand
elle s’empare des leçons de la morale.
Il .eft peu de monumens qui échappent au pinceau
enchanté de notre écrivain architeélel Dans
fes magiques tableaux, il vous fait paffer en revue
des édifices qui fembloient deftinés à ne plus
vivre que dans l’hiftoire , 8c que pour ceux qui en
confulteroient les annales. O n diroit qu’une forte
de révélation lui auroit fait revoir les édifices en-
fevelis fous les ruipes de tous les peuples antiques.
Parmi le nombre de monumens ‘ reffufeités par
fon g énie, l’on diftingue une pyramide de plus de
quatorze cents degrés, furmontée encore d’un obé-
lifque qui portoit la ftatue de l’Abondance ; un autre
obélifque porté par un éléphant coloffai, fuper-
bement enharnaché , 8c élevé li.i-même fur un
ftylobate ; une porte ornée de colonnes 8c couronnée
d’un fronton ; de nombreux édifices aufiî
variés pour la forme que pour la décoration ; octogone
; rotonde, galeries , périftile, fontaines &
tombeaux; des payfages embellis par l’art, des
treilles élégantes, des parterres d e b rode rie,‘des
arbres taillés en globes-, en arcades, ou formant
d’épais couverts ; des -rivières dont les bords font
revêtus de marbre, 8c dont les eaux ont toujours
la même abondance 8c la même rapidité ; enfin un
vafte amphithéâtre, où trois ordres d’arehitedurc
foutenoient des jardins 8c des voûtes de feuillages',
ainfi qu’on en v it autrefois à' Babylone.
Nous ne parlerons point des autels, des chars
des bas-reliefs & des ftatues què v it Polyphile;
mais, pour faire conrioître fa manière, nous allons
rapporter en abrégé, les proportions qu’il a données
de la porte que nous avons fimplement indiquée
, 8c qui eft un des objets auquel il femble
s’être davantage attaché.
« Etant v en u , d it- il, devant la porte’qui méritoit
» bien d’être confidérée, il me prit envie d’entendre
» la proportion 8c mefure que l’ouvrier y avoit
»> hbfervées, dont pour trouver, j’ufai promptement
» de cette pratique. Je mefurai l’un des quarrés
»> qui foutenoient les colonnes doubles de chaque
» c ô t é , 8c par cela j’en compris facilement la
?» raifon.
»? Premièrement, il avoit fait une figure quarrée |