
l’’agréable & le beau : voila pourquoi les règles de.
l’architecture furent plus fcrupuleufement obfervées en
Grèce que par-tout ailleurs , fans cependant gêner
ni contrarier le génie qui fcut relier libre fous les
liens qu’il s’étoit donnés.
Mais, lorfqu’il n’exifte plus de corrélation entre la
artie utile de l'art & fa partie agréable ; lorfque
une ne peut prévaloir qu’au préjudice de l’autre ;
qu’une efpèce d’antipathie femble en empêcher
l’union , c’eft alors que les règles fe multiplient :
mais ces loix impuilfantes , toujours éludées, en appellent
bientôt de nouvelles à leur fecours ; il fe forme
alors un contrafte lîngulier entre les règles & les
ouvrages. Les règles acquièrent d’autant plus de
fé v é r ité q u e les ouvrages affectent de licence : ceux-
ci s’affranchiffant d’un joug importun, femblent s’étudier
à Les méprifer; les règles relient dans les livres;
les abus & les exceptions le perpétuent dans les mo-
numens ; & lorfque dans un pays le nombre des
exceptions, l’emporte fur celui des règles , les règles
n’exiflent plus.
Ainfi de cette multiplicité de loix , efl né le mépris
qu’on en a fait , de-ce mépris l’impoflibilité d’en
avoir ou de les mettre en vigueur. Tant qu’elles
ne poferont pas fur un fondement plus folide que
celui de l’exemple & de l’autorité ; quelles ne r é fu teront
point d’un accord parfait entre le plaifir &.
le befoin, il ne faudra point s’étonner de leur peu
lde vigueur ou de leur difcrédit. On ne fauroit dire
même fi .l’exécution de ces loix arbitraires pourroit
.être de quelqu’utilité pour l'art. Chez les Grecs , les
règles furent pour lui ce que font les loix pour un
peuple libre. Les règles, chez les peuples auxquels .
farchitecture Grecque, n’eft point naturelle , ont alternativement
produit, ou l’extrême licence, ou l’extrême
fervitude. - v' ^ . •
D ’où il efl réfulté deux excès: d’une part, le
énie ou l’invention s’efl révolté contre le defpotifme
es règles , & s’eft évaporé dans les. écarts ude> la
licence. De l’autre , l’efprit; de méthode & celui
des écoles ont fubftitué la routine de l’exemple aux
règles elles-mêmes tombées en défuétude : & l’art ne
fauroit exifler dans l’excès également vicieux de l’une
& l’autre conflitution.
Cependant il s’eft rencontré , de tems en tems,
des hommes dont le génie a furmonté toutes les difficultés
; & l’on ne doit point défefpérer d’en voir
reparaître qui produifent encore des ouvrages capables
de régénérer l’art. Mais on ne faurait fe diffi-
muler, que l’ architecture, liée eflèntiellement aux
befoins des peuples-, ne doit attendre de chefs-d’oeuvre
que de ces exceptions rares , dans les pays où le
befoin & le plaifir n’ont point de connexion réciproque.
L ’art n’y peut jamais être une production
fpontanée , dès qu’il n’eft pas le fruit des caufes physiques.
Les chefs-d’oeuvre, même des grands hommes,
y font ftériles; un eYprit d’imitation aveugle
raffemble auprès d’eux une foule de copifles j qui cherchant
à lire dans leurs ouvrages ce qu’ils ne peuvent.
voir dans la Nature. D e cette imitation routinière
naifTent des inductions faufles, de fauffes copies qui
vont toujours en dégénérant, parce quelles ne peuvent
que relier en arrière de leur modèle. Les écoles,
en croyant tranfmettre le génie de l'a r t, n’en perpétuent
que lès procédés : toutes les parties qui le con-
flituent s’ifolent , & cherchent une perfection de
méchanifme indépendante du tout enfemble. L ’architecture
devient une efpèce de manufacture., dont les
opérations fubordonnées à une routine confiante, peuvent
s’exécuter même fans le concours de l’architecte.
Enfin l'a r t, comme une fubftance plus légère , s’envole
; le métier feu l, comme un fédiment grailler ,
relie & en prend la place.
C ’eft fous cette dernière forme que les arts fouvent
fe perpétuent dans les pays où les caufes politiques
les retienneht, & qu’ils fe propagent dans ceux
ou l’intérêt les appelle. Mais auffi dans ces pays ,
celui qui a appris à le connoître , y cherche en
vain Y art fous le fimulacre du métier qui en impofe
à la multitude ; il n’y voit plus qu’un corps inanimé.
L ’expérience nous prouve que les arts n’ont que
leur, faifon. Quand on compare le grand efpace de
tems que leurs périodes d’accroifTement & de décroif-
fance occupent dans la Grèce , avec le . court- intervalle
q u i, chez les peuples modernes , en fépare les
époques, on ferait tenté de croire que les .arts dans
les pays - du Nord feroient fuhordonnés aux loix p Lytiques
des climats. On obferve que dans les régions
froides 5 la Nature parcourt' tous les degrés de la
végération , & le cercle de trois faifbns , en moins de
tems qu’il n’en faut à une feule dans les heureufes
contrées du midi; On y voit les fleurs, les feuilles &
les fruits recevoir une croiffance & une maturité
accélérée. D e même’1, à mefure que les arts fe font
propagés vers le N o rd , leur règne s ’eft rac cou rci,
& la durée d’un fiècle a fuffi pour les voir naître &
mourir.
On fe flatterait -en vain de pouvoir les fixer , les
ramener, ou les entretenir par les étabüflemens publics
qui paroiflent deflinés à cet objet. Ces moyens reflfem-
blent à ceux que le luxe employé pour tromper les
faifons ou forcer la Nature. Quiconque aura fçu
apprécier & gofitër les fruits du génie & de la liberté,
ne trouvera dans,les productions des écoles -, que l’in—
fipidité de ces plantes dont le foleil n’a point fécondé
le germe.
Les arts tranfplantés du Midi au Nord , reflem-
blent à ces fruits dont on accélère la maturité, ou
q u i, cueillis encore verds, pouriflent avant d’avoir
mûri..
Des nations, hier fauvages, poflèdent aujourd’hui les
arts des peuples civilifés depuis des fiècles ; mais
que conferveront-elles de ce qu’elles achètent fi cher?
Les arts ont-ils pris ou prendront-ils racine chez elles ?
T els que des animaux dépayfés qui s’abatardiflent,
fi l’on n’en renouvelle la race, ils n’y figureront qu’autant
qu’ils feront alimentés & foutenus par des caufes
étrangères à eux.
Les académies n’ont jamais créé les arts : elles
peuvent bien fervir à les foùtenir dans leur cadu'cité.
Fonder des académies dans la naiflance des a r ts ,
c’eft donner à l’enfance les fupports de la vieillelfe.
Le cours des arts ou du genie efl indépendant de
toute efpèce' d’inftitutions politiques & publiques.,
& plus encore de l’intérêt. Les arts veulent être encouragés
, mais non ftipendiés. Les artiftes ne furent
jamais mieux payés par les empereurs , que dans les
derniers fiècles de l’empire; & depuis long-tems il
n’y exiftoit plus d'arts.
Les arts veulent un fol qui leur foit propre.- La.
liberté dans les républiques, le génie du fouverain
dans les monarchies : tels font les aftres qui- les voyent
éclore.
ART DE BATIR , ( Voye£ BATIR A rt de )
ARTIFICE , ( F EU X D ' ). L ’art d’exécuter ces
fortes de feux, & de produire toutes les formes,
tous les effets qui en dépendent par les différentes
combinaifons du falpêtre, du foufre , du charbon
& du fer eft traité fort au long dans le dictionnaire
de arts & métiers > & nous y renvoyons le lecteur.
aL’architecture n’a de rapport aux feu x d'artifice que
par la décoration dont elle fournit le modèle, & dont
elle dirige les différentes parties.
Les feu x d1 artifice, s’exécutent ordinairement fur
ce qu’on appelle des théâtres d'artifice. Suppofant un
deflin de théâtre arrêté , tant pour l’invention du fujet,
que pour la décoration , il faut faire des plans , des
profils, & des élévations de la carcafle de charpente
qui doit porter le genre d’édifice qu’ on veut imiter
par des décorations poftiches. On y repréfente ordinairement
des arcs de triomphe, des temples-, des
obélifques, des fontaines , même des rochers & des
montagnes.
Quoique la charpente qui compofe la carcafle des
théâtres, foit un ouvrage defiiné à durer peu de
jours , on ne doit pas négliger la folidité de fon
aflemblage. Etant recouverte de toiles ou de planches
qui. enferment lts décorations , & donnant prife
au vent, elle pourrait être culbutée par une bouffée
imprévue. On fait ces ouvrages dans des lieux particuliers
& fermés pour y diriger l’aflemblage. Lorfque
toutes les pièces font bien faites , présentées &
numérotées , on les démonte pour les apporter fur la
place où le fpeCtacle doit fe donner. Les revêtemens
de la carcafle de charpente, fe font ordinairement de
toilej einte à la détrempe : on en termine les bords
Par - “ !LS cfiaffis de planches contournées, fuivant que
ë delfin 1 exige , en arcades , en feftons , enconfo-
lës , en trophées , en vafes , &c.
Les colonnes de relief ifolées fe font de plufieurs
IPanL l 5s a ^eur fuperficie : car ie noyau eft toujours
fm f-T,lremeflt lmepièce de bois debout. Lorfqu’elles
\ un petfi diamètre, comme dè douze à quinze
pôttces, oft petit revêtir ce noyau avec quatre ou cinq
doffes, c’eft-à-dire , de ces croûtes de planches convexes
que laifle le premier trait de la frie. Si au contraire
, la colonne eft d’un grand diamètre , comme
de quatre pieds , on peut les revêtir de différentes
matières: i ° . de planches arrondies en portion convexe
, en diminuant un peu de leur épaifleur vers les
bords , fuivant l’exigence de l’arc de cercle que leur
largeur occupe : z ° . De planches minces refciées,
appellées voliches , qu’on peut plier en les clouant
fur des ceintres circulaires pofés d’efpace en efpace
horizontalement, le long de lahauteur.de la colonne’,
de manière à prendre la convexité qui leur convient.
On peut les revêtir aufll de toiles clouées , en rapprochant
un peu les ceintres qui embraflent le noyau
de la colonne, enfin de plâtre, ou de torchis , fi l’on
eft en un lieu où le plâtre foit rare.
Lorfque les revêtemens font de planches ou de
voliches , il convient, pour en cacher les joints , d’y
peindre des cannelures à côte ou à vive-arête , fuivant
la nature de l’ordre de la colonne , & même des
rudentures. On peut aufli y peindre des bandes de
boflage, s’il s’agit de couvrir des joints horizontaux.
Il eft vifible que les colonnes de relief coûtent beaucoup
plus que celles en plate-peinture , qu’on employé
ordinairement aux décorations des théâtres ;
mais aufli l'effet en eft incomparablement plus beau.
Tous les détails relatifs à la décoration des fe u x
d'artifice, fe trouvent dans le Traité des feu x d'artifice
par M. Frèfier, d’où l ’on a extrait le peu qu’on
vient de dire.
Ce s fortes de repréfentations font fufceptibles de
toute la pompe de l’architecture ; & Tarchitecte y
peut prodiguer les richèflfes de l’art & du génie. C ’eftr
là qu e , par un véritable enchantement, il peut produire
& faire fuccéder en un inftant fous nos y eu x ,-
tout ce que l’imagination eft capable d’ enfanter de
merveilles. T o u t ce que la fable , l ’hrftoire , la o rographie
, les phénomènes de la N ature, peuvent inf-
pirer de fujets analogues à là fê te , entre dans la com-
pofition des magiques tableaux dont l’architeéte devient
l’inventeur. A u moyen des machines & des figures
qu’on peut mettre en mouvement , il eft peu de
fujets qui fe refufentàla décoration des feu x T artifice.
11 en eft cependant q u i, par analogie avec les moyens
employés par l’artifice , peuvent te prêter à une plus
heureufe illufion : de ce nombre font le combat des
anges d ’après M ilton , la chûte des géants , l’incendie
de T r o y e , les forges de Vulcain & d’autres objets
du même genre , fufceptibles d’être embellis déroutes
les reflources de la poëfie & de toutes les variétés
des arts.
Un feu d'artifice doictoujours êtreanimé par quelque
fujet hiftorique, fabuleux ou allégorique. T o u s ceux
qui ne mettent en oeuvre que les diftérens effets de
l ’artifice ne plaifent qu’aux yeux , & manquent ert
grande partie l’intérêt qu’ils peuvent produire. L ’imitation
eft la première condition de tous les arts : i l
eft dans la nature des choies , que tout Ipeétackr