
l ’air les plates-bandes des entre-coloiirtemens des
tribunes, foit par la régularité de la plus grande
partie de fa décoration, foit enfin par la pureté
de l’architeéhire qui y préfide, la côrreélion des
profils & le choix des fo.mes, ou en laconfidé-
rant par la beauté de la fculpture 8c de la peinture
qui s’y font ardmirer.
» Long-tems avant qu’Hardouin Manfard eut
entrepris la conftruélion de cette chapelle, plufrturs
autres architeéles avoient été chargés de donner
des projets. Claude Perrault même avoit reçu
ordre d’en compofer pour la décoration intérieure
de l’ancienne chapelle, érigée lors des premiers
bâtiraens de Verfailles , fous Louis XIII. On voit
les defîins qu’il avoit faits à ce fujet dans le premier
volume manuferit de fes oeuvres, p. 155.
Mais il paroît que le plan 8c la difpofition de
l ’ancien bâtiment ne lui avoient pas permis d’imaginer
rien qui fût digne de la magnificence de
Louis XIV.
» Des autres architectes qui avoient pu travailler
au nouveau plan , il ne nous eft parvenu que celui
de le Mercier, qui fut gravé dans le tems avec la
plus grande partie des nouveaux bâtimens de Ver-
failles. Par ces gravures, il paroît que la fituation
de cette chapelle êtoit la même que celle d’aujourd’hui.
Ce projet de le Mercier n’étoit pas fans
beauté : ion ordonnance, en général, étoit plus
fimple & plus grave que celle que nous allons
décrire n.
La chapelle de Verfailles forme un parallélo-
grame , terminé dans une de fè's extrémités par
une portion de cercle. Sa longueur, hors d’oeuvre,
eft de vingt-deux toifes un pied, fa largeur de onze
toifes quatre pieds , 8c fa hauteur fous clef eft de
treize toifes. Le tout eft bâti en pierres de liais-
féraut, 8c appareillé avec la plus grande perfection.
Son plan général confifte dans une nef, précédée
d’un périftyle extérieur, par lequel on y
entre, d’un porche intérieur placé fous la tribune
du roi., & de deux bas-côtés qui régnent au
pourtour de la nef. Le rez-dechaufl~ée comprend
la hauteur d’un foubaflement en arcades & piédroits
, qui fert de ftylobate continu à l’ordre corinthien
qui décore les tribunes au premier étage.
En général, quoiqu’on puiffe trouver défe&ueux
cet ajuftement de colonnes fur des arcades, il faut
convenir que l’architeéle a fu fort adroitement
Élire de cette chapelle, par ce double étage , un
monument à deux ufages. Car il eft public dans
fa partie inférieure; &. ce n’efl, pour ainfidire,
que par fon étage fupérieur qu’il fait partie du
■ château, & devient la chapelle du palais avec lequel
il eft de plein-pied. C’eft aufti peut-être la
raifon qui a fait réferver toute la magnificence
pour cette partie fupèrieure, où l’ordre corinthien
eft employé dans toute fa richefle. Aflurément,
en faifant abftraéfion de l’étage inférieur, 8c fi l’on
\veiit un moment ne voir la chapelle que dans
fa partie fupèrieure, on avouera qu’elle mérite
des élogesfur-tout fi l’on penfe que c’eft le premier
monument où l’on ait ofè en France appliquer
les colonnes aux intérieurs d’églifes.
« Après avoir applaudi ( c’eft J. F. Blondel qui
parle ) l’ordre corinthien des tribunes , & parlé
de l’élégance que procurent les colonnes à la décoration
de nos temples, nous ne pouvons a fiez
vanter ici la beauté de leur exécution. Nous allons
nous contenter d’en donner quelques mefures.
Le diamètre de cet ordre eft de 2. pieds 9 pouces
& demi, & fa hauteur de 27 pieds 9 pouces 6c
demi. Les entre-colonnemens ont de lageur 11
pieds. L’entablement eft entre le quart 8c le cinquième
de la hauteur de l’ordre. Le focle a 2 pieds
9 pouces de hauteur, & eft orné de trophées de
fculpture, enfermés dans des tables rentrantes; le
chapiteau eft de feuilles d’olivier, la bafe eft félon
Vitruve, 8c toutes fes moulures font taillées d’or-
nemenr; le fût eft enrichi de vingt-quatre cannelures
féparées chacune par un lifteau.
» Dans chaque entre-colonnement du pourtour
de la tribune , on apperçoit autant d’arcades, dont
dix fervent de croifées fermées par des glaces,
entretenues de chaflis de fer doré à l’huile. Au»
deflùs de ces arcades font placées des figures aflifes,-
fculptées en bas - relief, repréfentant des vertus
caraâérifées par les fymboles qui leur conviennent.
» Le foubaflement qui foiitient l’ordre corinthien
a de hauteur 20 pieds 6 pouces-9 lignes. Il
eft percé d’arcades en plein ceintre , ornées d’im-
poftes 8c d’archivoltes. Les piédroits de ces arcades
font ornés de trophées d’églife dans leurs quatre
faces «.
» L’extérieur du monument préfente une corrélation
d’ordonnance avec l’intérieur , qui n’eft,pas
fort ordinaire dans les édifices modernes.
» Un foubaflement qui Contient un ordre de
pilaftres corinthiens furmonté d’un attique, corn-
pofe la décoration extérieure de cette chapelle. Le
foubaflement eft percé de croifées bombées, fermées
de glaces entourées d’un chambranle, & orné
d’un claveau en confoles, d’où pendent dèsfeftons.
» L’ordre corinthien, de 58 pieds de hauteur,
y compris l’entablement & la baluflrade qui fert
de focle à cet ordre, eft aufli percé dans les entre-
pilaftres par des arcades en plein ceintre couronnées
de génies portant des attributs relatifs au
chriftianifme. Cet ordre porte une baluftrade, fur les
piédeftaux de laquelle font placées vingt-huit ftatues
de pierre de Tonnerre de 9 pieds' de proportion,
» L’attique qui eft au-deflùs de cet ordre, porte
fur les colonnes des tribunes & forme autant
d’areboutans pour foutenir la voûte intérieure
de cette chapelle. Entre chacun de ces aresboutans
font des croifées en plein ceintre avec chambranle,
8c dont les axes répondent à ceux des arcades de
deffous. Cet^attique eft couronné d’une corniche
arebitravée, furmomée d’un focle taillé de poftes
& terminé par vingt-fix candélabres. Nous ne 1
faurions trop applaudir à la beauté de l’appareil J
8c à la folidité inébranlable de cet édifice : l’un 1
a contribué à la perfection des membres d architecture
qui le décorent; l’autre, -en le rendant
immuable, ne nuit eh aucune maniéré a la lé-
géreté qui règne dans fon ordonnance ; de manière
qù’on eft parvenu, dans ce monument, à concilier
la févérrté des régies de l’art de bâtir avec
l’élégance des formes 8c la proportion fvelte de
l’ordre corinthien qui règne dans les dehors. 8c
dans l’intérieur de cette chapelle. En effet, nous ■
obferverons que de tous les bâtimens qui compo-
pofent le château de Verfailles,Tedifice dont
nous parlons eft celui qui exige le moins de réparations
8c d’entretien, quoique bâti avec une
hardieffe qui tient de l’induftrie des Goths pour
la conftruétion, & d’un goût de décoration qui
tient de la belle architeélure des Grecs.
w Tout ce monument eft couvert extérieurement
d’un comble à deux égouts, revêtu d’ardoifes, 8c
terminé par une lanterne revêtue de plomb doré,
ainfi que le faîtage , les arêtiers ,. les noues 8c
les lucarnes de cette couverture, -dont la fculpture
& la magnificence annoncent, dès le dehors,
toutes les richeffes du dedans. Nous remarquerons
néanmoins que, non-feulement cette couverture
eft un peu trop riche, mais qu’il auro.it peut-
être été mieux, ainfi qu’on l’a déjà obfervé, de
ne pas annoncer, d’une manière fi impofante par
les dehors, la nature de ce monument ; aucun
autre genre de bâtiment ne pouvant figurer avec
cet édifice facré, cela procure à la décoration
extérieure du palais une difparité dans fon ordonnance
générale qui ne pourra jamais fe réparer».
Il n’eft point d’édifice auquel on puiffe donner
le nom de chapelle, plus grand, plus renommé
& plus original que celui qu’on vient de décrire.
Je ne me. permettrai point d’autre defeription
dans ce genre, 8c je paffe à la fécondé fignifi-
catiori du mot chapelle. .
Les chapelles, a-t-on dit, celles qui ne forment
point un corps de bâtiment ifolé & un diminutif
d’églife, font dans les églifes, dont elles compo-
fent l’enfemble, des parties dépendantes du tout,
enceintes ordinairement par une grille ou par
une baluftrade, 8c remarquables par un autel.
Ceux qui, dans la conftruâion, comme dans
l’intention de nos temples, font fenfibles au grand
principe de l’unité matérielle 8c morale, vou-
droient qu’il n’y eût dans une églife qu’un autel,
ou du moins que toutes les chapelles qui peuvent
ajouter à l’embelliffement général fuffent difpofées
& décorées de manière qu’elles ne formaffent
point de petites églifes diftinéles, dont le defaut
de rapport avec l’enfemble ne produit qu’une
bigarrure choquante.
Et "d’abord , il faut avouer que- rien ne bleffe
plus tous les genres de convenance 'que ces çloturès
grillées qui Forment l’enceinte des chapelles
collatérales dans un grand nombre de nos églifes.
Il eft bien étonnant qu’on ait imaginé de faire de
ces-grilles un objet de décoration : on doit le
croire à en juger par le foin, la dé penfe 8c le
luxe qu’on a prodigués à ces fermetures ridicules.
Des grilles peuvent fe placer à l’entrée d’une
cour, d’un jardin ; leur objet alors eft d’interdire
un paffage ou de défendre une entrée. On a
peine à concevoir comment des propriétés particulières
dans nos temples pourroient juftifier le
droit, de dégrader ainfi leur afpeél, 8c de priver
le_ public de la- jouiffance au moins occulaire de
toutes les parties qui entrent dans leur compo-
fition : 8c c’eft-là fans doute un des abus que pro-
duifent les grilles, dont on parle ; elles ont de
plus l’inconvénient de mafquer, à ceux même Jqui
en occupent l’intérieur, la vue des cérémonies. .
Les chapelles des nefs collatérales, lorfqu’elles
font pratiquées dans des enfoncemens, ne de-
vroient donc avoir pour toute fermeture qu’une
baluftrade à hauteur d’appui , qui laifsât au
fpeâateur la vue libre 8c entière de tout leur
intérieur , 8c dont le dégagement contribuât fingu-
lièrement à augmenter la grandeur de l’églife,
comme on peut le remarquer dans quelques
églifes modernes , telles que Saint-Sulpice, à Paris.
Quel que foit l’amour qu’on ait pour l’unité
8c la fimplicité dans la difpofition de nos temples,
il ne femble point permis d’efpérer qu’on puiffe:
jamais les réduire- à l’unité d’autel dont on à
parlé. Dans les temples des anciens, il fut naturel
de n’ériger qu’un feul autel. En admettre plufieurs,
c’eût été y admettre plufieurs Dieux, 8c c’étoit
une maxime de religion chez les anciens qu’un
tqmple ne pouvoit renfermer plus d’un Dieu. Il
paroît affez fingulier d’abord qu’une religion,
fondée fur l'unité de Dieu, ait admis dans fes
temples un ufage abfolument contraire à celui
qu’avoit adopté le polythéifme; mais pour peu
qu’on y réfléchiffe, on verra que cette inconfé-
quence apparente eft une conféquence très-naturelle
de la diverfité des principes, C’eft parce
que nous ne reconnoiflons qu’un feul Dieu, que
nous pouvons, fans crainte d’équivoque, multiplier
dans une même enceinte des monumens
qui ne diffèrent ni dans leur ufage, ni dans leur
objet. La pieufe deftination de nos chapelles, 8c
l’invocation particulière des faints, fous lefquels
on les dénomme, ne fauroit rien changer au principe.
Mais cet ufage a peut-être contribué à rendre
ces acceffoires indifpenfables, 8c lés befoins du
culte ne permettent plus d’y renoncer.
D’après cela , ce qui refte à faire à l’architeéle
, c’eft d’affujettir à un deflein uniforme
de décoration toutes fes chapelles. Par cette
uniformité de décoration , on n’entend pas
une fymmétrie parfaite d’ornemens. Cette répétition
monotone pourroit devenir faftidieufe»
Sans doute, en ce genre, on petit admettre de la