
l ’architecte qui entreprend un ouvrage où un projet
, le plaçât, en idée , au milieu de l’enceinte d’A thènes
j que, l’entourant des chefs-d’oeuvre qui nous
font parvenus , & de ceux dont l’hiftoire a confervé
le fouvenir, il les interrogeât pour en faifir les analogies
applicables à fes productions. Leur fuffrage
muet & idéal feroit encore un des plus véridiques
avis qu’il pourroit recevoir.. U n philofophe vouloit
qu’avant de fe déterminer dans les actions critiques
de la vie , on fe demandât ce qu’eût fa it , en pareil
cas tel p u tel grand homme. L ’artifte, de même,
devroit fe foumettre à cette efpèce- de tribunal imaginaire
; il devroit fe demander ce qu’eût penfé de
fon ouvrage le plus beau, le plus fpirituel des peup
le s , & l’effet qu’il eût produit à .Athènes, en parallèle
avec tous, lès prodiges de l’art.
Que ce lu i, dit M. S’il! zer , qui a quelque goût
pour l’ordre, la beauté , la magnificence dans des
objets purement matériels & inanimés, prenne la peine
de lire la relation que Paufanias nous a donnée de
la ville d1 Athènes 5 & qu’il faffe ' enfuite réflexion
aux effets que le féjour d’une telle v ille , a dû produire
fur les Athéniens. C e feroit bien peu connaître
la nature de l’homme, que de ne pas fentir combien
de pareils objets ont eu d’efficace pour annoblir leurs-
fentimens. Si l’architecture n’eft pas de tous les beaux
arts le plus propre à la culture de Pefprit humain , il
n’eft pas non plus celui qui peut le moins concourir
â cet objet lé plus important dé tous.
Une chofe très-utile à Parchiteéturè , feroit d’entreprendre
une defeription d'Athènes & de fes îlio-
numens, d’après le récit de Paufanias. Peut-être feroit-
ce une des manières les plus énergiques & les plus
perfuafives, de donner à cet art certaines leçons qui
fe trouvent hors du cercle des règles , & qui échappent
à la théorie la mieux raifonnée ? M a is , pour
ne point fortir des bornes que nous nous fommes
prefcrites , nous-nous contenterons de décrire les
monumens exiftans encore dans cette ville , & que
le tems a moins outragés que la main des hommes.
L ’ouvrage de M. le Roy va nous fervir de guide :
n'ous ne ferons qu’abréger les détails hiftoriques dont
il l’a enrichi 5 & nous fuivrons l’ordre auquel il a
fournis l’exàmen des monumens d'Athènes.
Nous devons d’abord reconnoître avec lui que les
ruines exiftantes à Athènes , ne- font pas d’une antiquité
plus reculée que l’époque de l’expédition des
Perfesdans la Grèce; On fait que Xercès, ayant ravagé
les terres des Phocéens & tenté vainement de faire
piller le temple de Delphes , entra dans l’Attique j
qu’il renverfa Athènes de fond en comble 5 incendia
tous les temples , fans en excepter celui de Minerve,
qui étoit le plus ancien monument de cette v ille , &
lè plus révéré des Athéniens* Mais , fi nous avons
fùjet de regretter de ne plus voir les ruines de ce
temple , qui vraiferablablement nous auroient fourni
de grandes lumières fur l’origine de l’architecfture en
G rè ce , nous en fommes dédommagés par la beauté
de celui que Périclès fit élever à cette divinité par
Iftinus & Callicrate, célèbres architeéles Grecs.
C è temple de Minerve , appellé Parthenon ou le
temple de la Vierge , & furnommé Hccatompedon,
eft fitué au milieu du rocher de la citadelle qui domine
, par fa hauteur , toute la plaine d'Athènes. Si
la grandeur de cet édifice , & la blancheur du marbre
dont il eft conftruit , impriment, du moment
qu’on l’apperçoit , un fentiment d’ admiration , l’élégance
de fes proportions, & la beauté des bas-reliefs
dont il eft orné , ne fatisfont pas moins, quand on
s’en approche pour le. confidérer.
Il forme un parallélograme par le plan , comme
prefque tous ceux des Grecs & des Romains $ & s’étend
de l’Orient à l’Occident. De longueur, il a z n
pieds , & de largeur 94 , farts compter les marches
qui l’ environnent. L ’ordre en' eft Dorique. Il étoit
périptère , c’eft-à-dire environné d’une file de colonnes
ifolées de la Cella, ou du corps du temple qui
formoient tout au tour galerie continue. Il étoit aufli
oétoftyle, ou à huit colonnes de face.
Les grandes colonnes Doriques qui environnent le
temple extérieurement, ont 5 pieds 8 pouces de diamètre
, & 3 ï pieds de hauteur. Il y en avoit quarante-
fix dans le pourtour de cet édifice. Elle n’ont point
de bafe-$ mais les marches qui rafent le pied de ces
colonnes , & qui font fort hautes , femblent leur en
fervir. Elles foutiennent un entablement Dorique,
qui a prefque le tiers de la hauteur des colonnes ,
8c qui n’eft pas moins admirable par la beauté des
marbres dont il éft orné , que par le caractère mâle
qui règne dans fes profils. Le deffin de l’intérieur du
temple étoit âuffi noble que riche : on traverfoit un
veftibule fpacieux avant d’y pénérter.Il é to it , fuivant
Spon , décoré de deux colonnades qur ne fubfiftent
plus. Elles formoient, dit cet auteur, deux galeries,
l’une inférieure , l’autre fupérieure.
L a frife qui régnoit autour de la Cella , étoit ornée
de bas-reliefs dont 011 voit encore des fragmens très-
confidérables. Ils repréfentoient, pour la plupart,
les a&ions glorieufes des Athéniens.
Le portique des colonnes Doriques qui régnoit
tout au tour du temple , avoir aufli fa frife ornée
de figures , qui avoient beaucoup plus de relief que
celles dont nous venons de parler 5 ce qui marque
moins une différence de tems dans ces lculptures,
que l’intelligence & l’habileté des fculpteurs qui ont
donné plus de relief aux figures de cette frife extérieure
, parce qu’elles dévoient être vues de fort
loin. Cette dernière frife a 4 pieds 1 pouce 8 lignes
dè haut. Un grand nombre des bas-reliefs qui ornent
l’autre fri f e , & qui font renfermés dans ces efpaces
quarrés, qu’on appelle métopes , repréfentent le combat
dès Athéniens contre les centaures.
L a fculpture qui ornoit les frontons , étoit mani-
fêftëment plus moderne que la conftruétion du temple
même : les figurés qu’on y Vô yo it, étoient de ronde
boffe & grandes comme Nature. L e fculpteury avoit
tepréfentè la naiffance de Minerve. L e fronton de
derrière avoit le plus fouffert des injures du tems.
Ce font Spon & Wheler qui nous inftruifent de cette
particularité. Comme ils ont vu ce temple avant fa
ruine , il nous apprennent encore une circonftance
curieufe fur le premier de ces bas-reliefs, & qui
prouve qu’il avoit été fait par l’ordre d’A d r i e n c ’eft
qu’on y remarquoit fa ftatue & celle de l’impératrice
Sabine. On y voyoit au fli, dit Spon , la ftatue de
Jupiter nud comme le repréfentoient les Grecs", &
placé fous l’angle du fronton. A fa droite étoit M inerve
aflife.fur un ch a r , dont une vi&oire conduifoit
les chevaux. Derrière le char de la déefle, étoit une
femme pareillement aflife , qui tenoit un enfant fur
fes genoux, & du même côté la ftatue de l’empereur
Adrien & de l’impératrice Sabine. Enfin , on
voyoit à la gauche de Jupiter , cinq ou fix figures
que Spon prit pour le cercle des Dieux où Jupiter
Veut introduire Minerve.
Le magnifique temple de cette déefle s’eft confervé
long-tems dans toute fa beauté, cpioicp' Athènes
eut changé de maître. Les Chrétiens qui s’emparèrent
de cette v ille , firent de ce monument une églife.
Les Turcs enfuite , le changèrent en mofquée.
Spon 8c Whéler , pendant leur féjour en Atti-
que, l’an i 6y6 , eurent le bonheur de le voir en
entier ; mais, en 1 6j j , le provéditeur Morofini ayant
afliegé Athènes , une bombe tomba fur ce temple,
mit le feu au magafin des poudres que les Turcs y
avoient renfermées 5 ce qui , dans un inftant , en
ruina la plus grande partie. C e général, dans le deffein
d enrichir fa patrie des dépouilles de ce fuperbe monument
, contribua encore à fa ruine. Il voulut faire
enlever du fronton la ftatue de Minerve , fon char
& fes chevaux ; mais à fon grand regret & au nôtre,
il défigura cè monument fans en profiter. Une partie
du grouppe tomba à terre & fe brifa. ( Voye^ aux
mots Temples & Dorique d’autres détails relatifs à
cet édifice: ÿ /
Minerve étoit tellement révérée par les Athéniens ,
qu ils lui avoient élevé deux temples dans la citadelle
de leur ville , celui qu’on vient de décrire, & un autre
moins confidérable qu’ils avoient confacré à Minerve
Poliade , ou la protectrice de la ville. C ’étoit près
de ce dernier qu’on voyoit la demeure de ces Cané-
phores, employées au culte de la déefle, & fi célè-
res dans l’antiquité. Polycléte & Scopas les avoient
reprefentées par des ftatues, que Cicéron & Pline
ont vantees dans leurs ouvrages: Enfin on fait que
les Athéniens avoient élevé un temple à Pandrofe
contre celui de Minerve Poliade. Tous ces rappro-'
c îemens ont engagé M. le Roy à retrouver le temple
e Minerve Poliade dans l’édifice que nous- allons
décrire. 1
. . ^ “ ipoie ae trois corps de batimens ; celu
du milieu , qui eft le plus & e v é | eft le temple de
l neiff,e L a partie de la ruine qui eft a gaule
V *1 ^CS re^es temple de Pandrofe bâti contr<
premier. Enfin on foupçonne que le petit monument
dont l’entablement eft foutenu par des ftatues
de femmes, é to it , ou l’habitation des Canéphores
dont parle Paufanias , ou peut-être Amplement un
édifice dans lequel on avoit repréfenté ces Vierges fi
révérées par les Athéniens. (V o y e z Caryatide. ) L e
temple principal eft formé d’un fimple mur. On ne
voit de colonnes qu’à la face principale.'où elles forment
un portiqne exaftyle , & au Pojlicum où elles
font engagées dans le mur. L ’ordre eft Ionique. L e
même règne au temple de Pandrofe. Quand on né
fauroit p a s, dit M. le Roy , que les anciens varioient
la hauteur de leurs colonnes Ioniques , félon les
intervalles grands ou petits qu’ils mettoient entr’elles J
les différentes proportions des colonnes Ioniques qui
ornent les temples de- Minerve Poliade & de Pandrofe,
nous en donneraient des preuves fuffifantes.
(V o y e z Ionique ordre. )
En effet, les trois ordres Ioniques qui décorent
ces deux temples, l’un à la façade de devant du
temple de Minerve Poliade , l’autre-à fa- face de
derrière , & le troifîéme qui formoit le frontifpice du
petit temple de Pandrofe , ont reipeéHvement leurs
colonnes & leurs entre-colonnes , tous inégaux de
grandeur comme de proportion.
Le chapiteau de ce temple eft un des plus beaux
de l’antiquité. ( Voye{ Ionique. ) M. le Roy n’héfite
pas de le mettre , à plufieurs égards , au-deflus des
plus beaux de cet ordre , qu’on voit aux monumens
antiques des Romains. L ’entablement qui couronne le
corps du temple, & tourne tout au tour, eft le même,
pour la forme , que celui qui couronne le temple
de Pandrofe. Son architrave & fa frife font d’une proportion
très-haute 5 fa corniche au contraire eft fort
baffe 5 mais, comme cette dernière partie eft comp
o s e de peu de moulures, elle fait un affez grand
effet. Le larmier eft grand ; il reffort beaucoup^dans
ce profil, parce qu’il eft entre deux moulures travaillées
, le quart de rond qui couronne ce larmier
étant décoré avec des oves , & le talon qui éft au-
deffous étant enrichi de feuilles d’eau. Il eft affez
extraordinaire qu’on ne trouve point de denticules
dans cet entablement : les faces de l ’architrave y font
toutes égales.
S i , entre les auteurs anciens , Paufanias eft le feul
qui nous ait donné quelques lumières fur le temple
de Minerve P o liad e, prefque tous à l’envie , ont
vanté la magnificence des veftibules , par lefquels
on paffoit en entrant dans la citadelle d’Athènes.
En effet les Athéniens qui avoient décoré leur ville
des plus beaux monumens , fe glorifiaient particulièrement
de la çonftruftion des Propylées. Mnéficlès
fameux architecte Grec , en donna le defiîn.
Paufanias dit que ces Propylées étoient couverts
d’un marbre b lan c , qui , foit par la grandeur des
pierres, foit pour les ornemens, paffoit tout ce qu’il
avoit vu de plus beau. Quant à ce qui regarde les ftatues
équeftres, d it- il, je ne faurois dire fi l’on a voulu
repréfenter les fils de Xénophon , ou fi elles ont été
mifes là feulement pour la décoration.