
voulut encore concourir
des prodti&ions de fon
pavé jufqü’à la tète de 1
vingt-huit condee's.
T ou te l’églife étoit tendue en drap n o ir , attaché
non pas aux colonnes, comme .on le fait
ordinairement, mais aux chapelles collatérales ; ce
qui falloir un très-beau coup-d’oetl , par le contra
(le de la blancheur des colonnes qui le tleta-
choient (tir le noir. L ’églile de Saint-Laurent a trois
nefs footenues par deux rangs de colonnes , d une
très-belle pierre ferevne. Dans le mur des nefs
collatérales, ou bas-côtés, fontdiftribuées.les chapelles
, en forme de n iches, auffi larges que les intervalles
des tfolonnes, & dont l’ouverture eft
formée par des pilaftres correfpondant à ces co lonnes.
Ce tte difpofition eft la même pour la net
de la croifèe. La tenture étoit donc coupée par
toutes ces ouverture s, & tous ces intervalles
éibient remplis par des tableaux.
Dans l’ouverture de la première ch apelle, qui
eft à côté du maître-autel en allant Vers la vieille
facriftie, il y avoit un tableau haut de fix coudées ,
& long dé h u it , avec une invention vraiment
poétique. Michel-Ange y étoit repréfenté au mi-
lieu des champs èlyiées , ayant à fa droite les
plus fameux pèintres & fculptéürs de. l’antiquité,
dont chacun avoit quelque attribut qui le faifoit
aifément diftînguer. On remarquoit P raxifelles avec
fon fa ty r é , Apêllés avec fon portrait d’AleXandre-
le-Grand , Zetixin avec la grappe de ralfm qui
trompa les olfeaux, & c . O n appercevoit a la
gauche de Michel - Ange les modernes’ q u t , dans
lés premiers tenfs dé là retiaiflance des arts, .avoiènt
été formés pas Cimabne. On y wcomwiffoit 1*
célèbre G io tto ', - à une tablette fur laquelle on
v o y o it le p d 'f ià ifd u Dante encore jeune ; Ma-
faccio y étoit d’après nature & dans route la v é rité
de fon cofttinte & de fon maintien ; Dona-
tello de même. On diftinguûit Bruneéfclii , à fa
coupole de Sainte-Matie-des Fleurs. On v o yo .t re-
préfentés au naturel & fans attributs Fra Pltilippes
T h ad d e o , G add i, Paul U c e llo , Francefco-, Jean
A n g e Mont’o t fo » ; Pôntorm» ; Suivrait' & autres,
qu’ il feroit trop long de nommer. T o u s ces-per-
fon nages, tant anciens que modernes, paroiffoient
pleins d ’amour 8c d’admiration pour Michel- A n g e ,
ils l’aocueillôient, comme le- Dante, dit qite fut
accueilli Virgile par les autres.poètes, Auffi etolt-
ce de la fiSton du Dante qp’on avoir .tire, l’idée
.de ce tableau , comme ; l’épigraphe qu oii liloit
.au bas.
a Tutti Tamrtiiran, tutti onprgh fanno »,
Il T o u s l’admirent, tous lu i ren dent hommage ».
C e t ouvrage fut infiniment eftiuiè ; h étoit
d ’Alexandre A lto n , élève de Brbnzin.
Dans l'effacé clé la chapelle du SaintSafere-
ment , étoit tin -tableau long de cinq coudées 8c
largé de qua tre , dans lequel on v o yo it autour
de Michel-Ange toute l’école des arts, les petits
enfans & les jeunes gens de tout âge 8c de toute
condition. Ils offroient à Michel-Ange , comme
à une divinité, les prémices de leurs travaux,
c’eft-à-dire, des peintures, des fculptures avec quel,
ques-uns. d.e fes modèles j il les recevoit avec
bonté 8c leur montroit les: beautés de l’art. Cette
troupe innocente 8c docile l’ écoutoit avec la plus
grande attention, 8c le regardoir avec des attitudes
admirables Pour mieux exprimer le fujet,
on y avoit mis les deux vers fuivans.
» Tu pater, .tu.rtrum inventor, tu p stria nobis
» Suppeiitas prtecepta tuis ex inclyie chants ».
« O toi ! notre père i toi l’inventeur des grandes
» chctfes , tu nous donnes des préceptes paternels
» dans tes admirables ouvrages ».
C e tableau avoit été peint par Batifle , jeune
é lè v e de Puntormo. _
En venant enfuite vers la principale porte de
l’églife , il s’ en préfentoit un au tre, haut de fix
coudées 8c large de quatre. Le fujet étoit la fav
eu r extraordinaire qu’accorda au mérité de Michel
Ange le pape Jules III , qui -le fit venir à
la vigne Jnlia pour s’entretenir a vec lui. O n les
v o y o it converfer enfemble a f ils , tandis que les
cardinaux , les évêques 8c autres grands .de la
cour de R om e , etoient debout a 1 entour. Ce
fu je t , traité avec toute la vigueur 8c 1 énergie
d’un maître conformité ,-etoit cependant 1 ouvrage
du jeune Jacques-. Zuccliii é le v é de Georges V a-
ïarj. ;
Un peu plus- lo in , fur. le mêmè - c ô té , én avançant
vers l’orgue., oti appercevoic un quatrième
tableau, haut de quatre .coudées 8c large de fix ,
qui repréfentoit d’autres honneurs rendus à Mt-
chel-Ânge ; c’éroit ceux dont André G r i t t i, doge
de Venife , le combla- au nom de la république.
Jean Strada, flamand ( étoit l’auteur de cette, pein-
Encore un autre hommage éclatant rendu au
génie de Michel-Ange frappoit les regards à l’autre
côté de l’ ig lîfe. C ’étoit .la réception que failott
le duc Conte à ce grand homme , qui venoit le
vifiter. Ou fait qti’auflî-tôt qu’ il l’ apperçut il fe
le v a , courut au-devant de lui poiir le faire af-
feoir dans fon propre fau teu il, enfuite l ’écouta
debout & découvert avec l ’attention 8c le ref-
pea qu’auroit un fils bieq né,pour fon.père. Toutes
ces circonftances étoient mervcilleufement repre-
fentées dans ce grand tableau. O n v o y o it aux
pieds du prince un petit enfant tenanr à fa ntain
le bonnet du ca l, 8ç à-.côté étoient ranges des
.foldats-en coftume an tiq u e ,C e qui fixoitTurtout
inattention-, c’etoit l’air 8c l’attitude du D u c & de
Michel-Ange.,
D an s le tableau futvantrhaut de neuf confie«
à ce grand oeuvré par ]
cifeau. Ainfi depuis le.
i renommée , il y avoit
& large cîe douze , Bernard-Tîmante-Buon.Talent!
peintre très-aimé de Corne, avoit peint
d’une belle manière les fleuves des trois principales
parties du monde, venant joindre leur douleur
à celle de l’A rno & le confpler de la perte
commune ; ces trois fleuves étoient le N i l , le
Gange ■ & le Pô. Le Nil avoit pour attribut un
crocodile & une couronne d’ é p is , fymbole de
l’abondance & de la fécondité du terrein qu’ il
arrofe. L e Gange avoit le griffon & une guirlande
de pierreries ; le Pô fe diftingüoit par un
cygne &. une couronne d’ambre noir. "Amenés
tous trois dans la Tofcane par la Renommée que
l’on v o y o it planer en haut, ils entouroient- l’Arno
qui, couronné de cy p rè s , tenoit d’une main fon
urne ren v er fée , & de l’autre un rameau de c y près
; il avoit. auffi un lion fous fes pieds, &
pour faire voir que le génie de Michel-Ange s’é-
toit envolé au léjour des-immortels, le peintre
avoit mis dans les airs une grande lumière, dans
laquelle s’elevoit & fe confondoit un petit génie
avec ce vers ly r iq u e :
Vivent orbe peto laudibus oethera..
« Toujours vivant fur la te r re , ma gloire m e-
» lève jufqu’au d e u x » .
L é peintre avoit encore placé au deux côtés
du tableau , fur deux piêde'flaux, deux grandes
figures : l’ une étoit Vulcain , tenant une torche a
la main & foulant aux pieds la Ha in e, qui faifoit
effort pour fe relever ; font attribut étoit un vau^
tour, & le vers fuivant lui étoit adreffé :
« Surgere quidproperas Odiutn crudele ? Jaceto ».
v Pourquoi tentes-tu de te re le v e r , Haitie cruelle ?
» Refie abattue ».
L ’autre figure étoit Aglaia, l’une des trois Grâces
& femme de Vulcain ; elle tenoit un l y s , & la
figure -qui ,* fous fes pieds , fembloit fe débattre ,
avoit pour attribut un fin g e , avec cette devife :
« Vivus & extinCtus docuit fie ftemere turpe ».
« C e fl: ainfi qu’il nous apprit, & pendant fa
» vie & après fa m o r t , à fouler aux pieds 1 in-
» famie ».
A u deffous des fleuves on lifoit encore ces
deux vers :
« Venimus A m e , tuo confisca ex vulnere mcejia
» Flumina , ut ereptarn mtindo plorcmus honorent ».
: « Percés du même trait , nous v en o n s , A tn o ,
» pleurer a vec toi la perte que fait le monde»,
, C e tableau fut jugé un des plus beaux : ce qui
le rend oit encore-plus recommandable, c’ e f iq u e
Architecture, Tome 1,
le peintre n’avoît été chargé de r ie n , & ce qu’il
fit pour la mémoire de Michel-Ange fut un hommage
volontaire de fon coeur.
Thomas de San-Friano avoit repréfenté dans le
tableau fupérieur, haut de quatre coudées 8c
.long de fix , l’entrevue de Michel-Ange & de
Jules I I , lorfque ce pape irrité venoit de le redemander
jufqu’à trois fo is , avec menace à la ré publique
de Florence.
Le quatrième , du même côté , étoit de la main
d’Etienne P ie r i, é lèv e du Bronzin. Il avoit repréfenté
Michel-Ange au naturel { tel qu’il étoit
peu d’années auparavant) aflis à coté de fon excellence
dans une fa le , & converfant familieie-
ment a vec lui. '
A u x endroits oii il n’y avoit pas de tableaux,
les intervalles' étoient ornés de M o r ts, d’attributs
& de devifes. Une Mort repréfenrée par un fque-
lette avoit jetté' fa faux par te rre , & paroiffant
affligée d’avoir été contrainte d ’enlever Michel-
A n g e , elle s’en excafoit par cette devife-:
u Coefiu dura necefifiitas ».
« La cruelle néceflité m’a forcée ».
Elle tenoit auffi en main une boule du monde,’
fur laquelle étoit un ly s qui avoit trois calices ;
la tige en étoit coupée par le milieu. Cette invention
étoit d’Alexandre A llo r i, dont on a déjà
cité le nom. On- v o y o it encore d’autres figures
de Morts dans d’autres compofitiqns. Il ÿ en avoit
une couchée par te r re ; l’Eternité, une palme en
main, la fouloit aux pieds & pàrôiffoit lui dire,
d’un air de mépris, que fa volonté ou la néceflité
n’avoit rien fa it , parce que , malgré e lle , Michel:
A n g e v iv rait toujours.Là devife éto it:
Vieil inclyta virtus,
u L ’éclatante v ertu a triomphé.
Toutes ces figures de Morts étoient éparfes fur
la tenture. L ’invention de la dernière étoit de
Georges V a fa r i, qui fe prêta avec la plus grande
ardeur à tous les-foins de fa commiflion. L ’amitié,'
comme on f a i t , lui donnoit un intérêt plus particu
lier.. : — *
M ich e l-A n g e , pendant fa v ie , fe fervoit polir
i cachet de trois cercles entrelacés. Il avoit pro-
• bablement en vue de faire entendre par-là l’union;
i intime des trois arts du deflin qu’ il avoit prqfeffés,.
. & dont l’étude ne devroit. jetnais etre ifolée.. On
changea ces trois cercles en trois couronnes &;
on y jo ign it cette devife :
« Ter Igeminls tollït honprlbus » .,
n L ’àrt lui décerne un tripla honneur-»;
L ’alllifion de la triple 'coûronne.étoit fort natu<i
A a a a