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A rchitecture). L’extrémité du fût n’ayant réellement
rien à. porter, n’y exige aucune des précautions
néceffairesà l’impofition d’un entablement
fur une colonne ; & le haut de celle-ci fe trouvant
auffi bien fouvent mafqué par la defcente
des toits en forme d’auvent, tout embellifl'ement
à cet endroit à dû paroître fuperflu.
J’ai dit que deux raifons ont contribué à rendre
général, chez prefque tous les peuples, l’ufage du
chapiteau, l’utilité & l’embelliflement. Il ne fera
pas difficile de prouver que le befoin & la nature
fe font réunis par-tout pour affurer l’uniformité
de cette méthode.
De quelque matière que l’on fafle des colonnes
qu’on deftine à fupporter le poids dès combles
& des entablemens, deux motifs d’utilité
ont dû fuggérer l’emploi du chapiteau. L’un a pour
objet de garantir les angles de la colonne des fractures
que la pofe & l’affiette de l'entablement
peuvent y occaftonner ; l’autre de procurer à l’entablement
, ou aux poutres tranfverfales, un emplacement
ou une affiette plus large, plus commode
& plus d’accord avec les formes quadran-
gulaires de l’architrave.
Ce genre de chapiteau fut celui que dut employer
l’art de la charpente , lorfque les colonnes
n’étoient que des poutres. Le type en exifte encore
dans le'dorique; car les tores, les quarts de rond
qui le compofent, font indubitablement des formes
inventées & contournées depuis par le plaifir ;
mais l’abaque ou le tailloir eft le vrai chapiteau
primitif, ( voyeç Abaque ). On le retrouve avec
toute fa fimplicitè dans plufieurs des colonnes de
l'architeélure égyptienne, dont le feul couronnement
eft ou un dé de pierre , ou un plateau en
tout femblable à la plinthe qui fert d’afliette ou de
bafe à la colonne.
Quand on confidère toutes les variétés que le
génie de la décoration a portées dans cette partie
des colonnes , on eft quelquefois tenté de vouloir
méconnoître ou renier la fimplicitè du principe
qu’on vient d’énoncer. Mais j ’ai déjà eu & j’aurai
encore l’occafion de le dire ; l’ornement produit
prefque par-tout le double effet ou d’altérer les
formes fur lefquelles on l’introduit, ou d’attirer-
à foi l’attention, Si de faire une diverfion trop fen-
fible avec les formes principales. C ’eft ce qu’on
prouvera à l’égard du chapiteau corinthien , q u i,
dénué de tous les acceffoires, n’eft également qu’un
abaque ou plateau plus élevé , dont l’origine eft
la même que celle des autres chapiteaux.
Si l’on demande maintenant quelle eft l’origine
de tous les ornemens qui diverfifient les chapiteaux
des différens peuples, je dirai que c’eft le
plaifir feu l, & que ce plaifir a fa fource auffi dans
la nature ; c’eft-à-dire, que celle-ci indique à l’art
d’orner la tête ou lafommité des colonnes, comme
elle le pratique dans tous fes ouvrages. On a
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déjà dit qu’il n’y avôit aucun rapport pofirîfd'imî-
ration entre le c o r p s humain & l’architeéïure, mais
que tout ce qu\l y avoit de commun entre l’un
& l’autre, confiftoit en analogies. C’eft dans ce
dernier fens qu’on doit entendre bien certainement
le rapport qu’il y a entre la tête d’un homme & celle
d’une colonne ; & c’eft d’après l’efprit de ce genre
de rapports qu’on peut dire de l’emBèlliffemenc des
chapiteaux, ce que l’on dit de leur ufage, que le
principe en eft dans la nature.
Au refte , les formes de ce qu’on peut apeller,
en fait de chapiteaux, le befoin matériel, font plus
bornées que celles du befoin intelle&uel qui con-
fifte dans le plaifir de l’ornement ; & l’énumération
de tout ce que le génie de chaque peuple a produit
dans ce dernier genre, feroit longue : je me
contenterai de rapporter ici les inventions les plus
remarquables.
Les Egyptiens ne paffent pour inventeurs d’une
multitude de chofes dans les arts, que parce que
l’hiftoire des monumens ne fauroit remonter à une
plus haute antiquité. Ainïi les chapiteaux de l’Egypte
peuvent fe dire les plus anciens que l’on con-
noiffe. Cependant le luxe en ce genre paroît y
avoir été porté au plus haut point. Les Egyptiens
choifirent cette partie de la colonne pour y graver
des allégories de toute efpèce. Ici des hiéroglyphes
ornent leur convexité : là ce font "des
feuilles de nymphéeou de loto des plantes tantôt
gravées en creux , & tantôt fculptées en relief.
Ailleurs, les feuilles & les branches du palmier
fe courbent fous la concavité de la campane qui
forme le chapiteau. Sur les faces d’autres chapiteaux,
on voit des têtes qui doivent avoir été celles' d’Ifis*
( Voye^ Egypt. Archit).
--En Perfe, des chameaux & des chevaux accroupis
font la fonélion de chapiteaux. Doit- on
prendre pour des chapiteaux les animaux fymbo-
liques qui, dans l’Afte , rempliffent le même
rôle. J’en ai parlé au mot Caryatide? & je n’en
reparle ici que pour faire paffer en revue toutes
les inventions particulières de l’efprit humain pour
le fupport des entablemens. Celles de Perfépolis
tiennent le premier rang en fait dé bifarrerie, & ce
devoitêtre un Singulier effet, que celui de ces chameaux
& de ces chevaux accroupis fous le poids
des combles.
* L’idée d’embellir la tète des colonnes eft fî
naturelle , qu’on la retrouve jufques dans les monumens
des peuples, où aucune'des caufës du
befoin matériel dont a parlé , ne put folliciter
l’emploi du chapiteau. Car, par exemple, les colonnes
de la pagode d’Eléphanta dans l’Inde, qui
font taillés dans le rocher , avec tout le refte du
temple , n’avoient, pour la Solidité de la conftruc-
tion, aucun befoin du chapiteau, & cependant on
y en voit dont la forme & la décoration trouveront
leur description à l’article Indien. Archit.
Oapeutdire la même chofe de tous les monu-
_mens
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jheris gothtqués, dont les piliers ornés de eha*
plteaux , ne Supportant jamais d’entablement, n a-
•voient réellement aucun befoin de cette forme.
Mais on pourroit croire qu’une tradition vague,
3c une compilation confufe de toutes les idées
& de toutes les formes de rarchitcâure amique
y aiTroient produit cette prodigieuSe diverfité de
■chapiteaux, qui annonce plutôt une décomposition
fortuite de ce qu’on avoit inventé avant eux,
qu’une compofition originale en aucun genre.
Après avoir expofé ce que le befoin chez les uns,
Sc le plaifir chez les autres a pu faire imaginer de formes
& d’idées différentes en matière de chapiteaux ,
je me preffed’arriver à ces inventions, qui furent
le fruit combiné du befoin &du plaifir; & c’eft chez
les Grecs Seuls que je trouve cet heureux réfultat.
Chapiteau dorique. L’ordre dont ce couronnement
fait part e & conftitue particuliére-
•ment le caractère , compte plufieurs âges , c’eft-
à-dire , plufteurs révolutions dégoût, dont les différences
font bien évidemmem écrites fur Son cka-
piteau. Ces différences de l’ancien au moderne confident
dans la privation de l’aftragale & dugor-
gerin; dans la foi me de lifteaux qui Séparent le
chapiteau de la colonne ; dans la conformation de
l’échine, &. dans la grandeur du tailloir.
On foupçonnoif, dit M. le Roy il n’y a
guère de Soupçon mieux fondé) , que les Grecs
mirent d’abord au-deffus de chacune de leurs colonnes,
des morceaux quarrés de bois ou de pierre
qui formoient des chapiteaux fort bruts ; qu’en-
fuice ils taillèrent cette partie du chapiteau que
l ’on appelle échine, en hiféâu ; idée qui femble
la plus fim pie de toutes celles qui dûrent fe présenter
à leur efprit , & qu’ils perfectionnèrent
dans la fuite.
L’échine taillée en bifeau fe voit aux temples de
Del os & de Syracufe : dans cette dernière ville elle 1
éprouve un léger renflement, &. un petit arrondiffe-
menr vers le haut. Elle s’arrondit plus fenfiblement
aux temples d’Athènes »d’Agrigente & de Poeftumj;
mais le Souvenir de Son type & de Son origine y
«ft toujours confervé. ( Voye{ les fig. 21 & 2.2).
•Le tail.loir de l’ancien chapiteau dorique fe distingue
du moderne par Son épaiffeur, Sa grandeur
& Sa Simplicité. Il eft entièrement lifte , il domine
fièrement la cojonne, & Son accord avec l’architrave
produit l’effet le plus impofant. Depuis, ce
tailloir fut,comme on le dira,atténué par de petites
parties. Je ne pourfuivrai pas plus loin ici ce. parallèle,
que je rèferve à l’article qui traitera de
l’ordre dorique en général ( voye^ Dorique ) : les
figures 15 jufques y compris 27, pourront anfti
donner au le&eur une idée de ces différences
entre les deux ftyles de chapiteaux.
Le chapiteau dorique moderne à un tailloir couronné
d’un talon , & trois annelets Sous l’ove. Le
tailloir, l’échine & la gorge ont chacun le tiers de
toute la hauteur du chapiteau, qui eft le demi dia-
fAf.chitefture. Tonte 1 ,
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mètre du bas de la colonne. C’eft Sur la gorge qu’on
prend l’aftragale, & le filet qui eft fous l’échine.
Pour les proportions des moulures , ayant divifé le
chapiteau en trois parties, on donne au tailloir le
tiers d’une de ces trois, & les deux autres au talon.
La partie qui eft entre le tailloir & la gorge
fe divife encore en trois, dont deux font pour
l’échine, & l’autre pour les annelets qui en occupent
chacun le tiers.
A l’égard de la faillie du chapiteàu dorique moderne
, c’eft Sur les cinq parties du module qu’oit
la règle. On'en prend d’abord trois pour la Saillie de
tout le chapiteau , depuis le haut de la colonne.
Les annelets occupent chacun le quart de. la première
de ces trois parties, & la Seconde termine
l’échine. Enfin, on divife la troifième en quatre
parties 3 dont la première eft pour la faillie que
la plate-bande du tailloir a Sur l’échine, & les trois
autres règlent la partie du talon.
Perrault fait de la Saillie une marque de carac-.
tère du chapiteau dorique. Vitruve la détermine
à 37 minutes f , à prendre depuis le milieu dix
chapiteau.. Barbaro & Seriio ont adopté cette règle»
Aiberti & Cataneo ne lui donnent que 32 minutes f#
Bullant 40, Palladio 39, Vignole & Viola 38 ,
Scamozzi, Vignola , Aiberti & Viola cara&érifent
encore plus particuliérement ce chapiteau , avec
des rofes Sur le coin du tailloir & dans la gorge.
( Voye\1 la fig. 20 ).
Il eft bon tfobferver que toutes ces règles
& ces mefures n’ont été déterminées que très-arbitrairement
, & Sur-tout dans un temps où l’on
n’avoit aucune connoiffance du véritable doriquem
Au refte , comme on le dira à cet article-, on
n’établiroit point de mefures plus fixes Sur les monumens
des Grecs. Les mefures né Servent qu’aux
copiftes. La mefure que connoît le génie eft celle
des fenfations qu’il veut produire, & cela ne Se
calcule point par minutes ni par modules. L’ont
peur cependant confidérer les mefures que donnent
les méthodes, comme un moyen terme entre
les différences de proportion, mais qui, pour être ce
qu’elles font, ne Sont pas, ce qu’on affeâe de les
croire , le point milieu de la perfe&ion. L’art ne
peut pas plus fe fixer de mefures certaines
mathématiques , que la nature ne l’a fait daji*
fes oeuvres.
Chapiteau ionique. Il eft tout aufli certain
au’à l’égard de ce chapiteau, les anciens n’eurent
ni méthode , ni règles précisément calculées ,
comme on en trouve dans nos livres élémentaires
d’architèdure ; je le prouverai à l’article de l’o-dre
ionique, où ces notions générales & ces parallèles
tfouveront une place plus naturelle & plus
étendue qu’ici. Je ne parlerai donc point de l’ionique
d’Athènes, & de quelques autres qui euffene
Servi de modèle & de règle à nos calculateurs l
I s’ils en avoient eu connoiffance. Voici comme
1 l’on compofe le chapiteau ionique ordinaire, qu’em