
à l’autre : tant il eft vrai que les excès font voifîns,
( F o y g { S é v è r e . )
AU T E L , f. m. Ce mot dérive du latin altare ,
qui vient lui-même d’al tus haut, ou , parce que les
autels Te drelToient dans les lieux hauts, ou , parce
qu’on les élevoit fur plufîeurs marches.
Servius nous apprend qu’on mettoit une différence
entre ara & altare. U altare nommé ainfî d'ait a ara
étoit pour les dieux céleftes & fupérieurs. Ils étoient
exhauffés & conftruits fur quelqu’édifice relevé. L’ara
deftinée aux dieux terreftres, étoit pofée à rafe-terre.
Pour les dieux infernaux, l’on faifoit un trou dans
la terre, & ces folles s'appelaient fcrobiculi. D’autres
veulent qu’ara lignifie Y autel devant lequel, oh prioit,
altare celui qui fervoit aux facrifices. Quoiqu'il
en foit de ces diftinétions , il ne paraît pas qu’ elles
ayent été fort fuivies des anciens auteurs : ils ont employé
indiftin&ement l’un & l’autre de ces deux mots.
Les premiers autels furent des pierres polies &
quarrées , fur lefquelles on plaçoit les préfens qu’on
faifoit aux dieux. Lorfque les facrifices conliftoient
en libations, en parfums & en offrandes de ce genre,
les autels ne dévoient point avoir une trop grande
étendue : on en faifoit même de portatifs. Mais quand
les hommes crurent honorer la divinité & le la rendre
plus propice par f effufion du fang , les autels devinrent
plus confîdérables. On y adopta diverfes formes
relatives aux ufages & à la nature des facrifices, où
l ’on égorgeoit & bruloit les viétimes. De ce genre eft
le grand autel circulaire de la villa Pamphili a Rome,
«n des plus grands & des plus beaux qui nous foient
parvenus. On y remarque encore l’endroit où l’on
mettoit les charbons, & où l’on allumoit le feu pour
griller les viétimes , ainfî que certaines rainures qui
îervoient à l’écoulement du fang.
Les autels chez tes anciens différoient entr’eux par
leurs ufages, par leurs formes , parleurs ornemens &
par leurs fituations.
Ufages. Les uns, comme on l’a dit , Iervoient à
brûler l’encens, & à faire les libations. Les autres
étoient deftinés à l’ufage des facrifices fanglans. D ’autres
étoient faits pour recevoir les offrandes & les
vafes facrés.
On voyoit encore un grand nombre d'autels qui
è’étoient que pour la repréfentation : ils étoient des
monumens de la piété de ceux qui les confieraient.
Quelquefois on en élevoit pour conferver la mémoire
de quelque grand événement. Enfin, les voeux la
crainte, la fuperftition , la reconnoiffance , l’adulation
même en érigèrent de toute elpèce , tant aux
dieux qu’aux héros & aux princes, & qui n’avoient
d’autre ufage que de rappeller le nom ou de confkcrer
le mémoire de ceux auxquels on les drefîoit. Ôn juroit
par les autels :.ils fervoient d’afyle aux malheureux.
( Voyez le Ditt. d’Antiq. )
- Formes. Il y avoit des autels quarrés ou quarrés
longs, d’autres ronds , d’autres triangulaires. Leurs
formes varioient encore fuivant la matière dont ils
etoient faits. Ceux de métal avoient ordinairement
la forme d’un trépied : tels font les deux beaux autels
de bronze de Pompéii, qui furent trouvés dans un
lararium. L ’un eft foutenu par trois. Priapes , l’autre
par trois Sphiitx. Plufîeurs de ces autels en forme de
trépied, fe replioient & fé démoliraient pour la facilité
du tranfport. On en voit un de ce genre au mufoeum
du capitole à Rome. Quelquefois ils étoient bâtis en
briques , .ou de maçonnerie ; il paroît qu’alqrs leur
forme étoit quarrée, fi l’on en juge par celui qu’on
voit ainfî coiïftruit dans l’enceinte du temple d’îfîs à
Pompéii. Il s’en faifoit auffi de bois , mais eh très-
petit nombre , félon Paufanias. L a plus grande partie
de ceux qui nous font parvenus font de marbre. Il
n’y avoit pas de mefure fixe pour leur hauteur,
comme il eft: ail? de le remarquer , tant fur les bas-
reliefs , que par ceux qui nous reftent. On en voit qui
ne vont pas même à la hauteur du genou: d’autres
alloient jufqu’à plus de la moitié du corps de ceux
qui facrifîoient. Il y ^n a encore de plus hauts : ce
font particulièrement les autels ronds ; en forte qu’on
a quelquefois de la peine à diftmguer un autel d’une
colonne. Selon Vitruve, les autels dévoient être moins
élevés que les ftatues des dieux , pour n’en point
cacher la repréfentation. Ceux qui facrifîoient dévoient
aufli ju g er, à la hauteur des autels, de la grandeur
ou , pour mieux dire y du grade de chaque divinité.
A in fî, continue-1—il-, les autels de Jupiter & des autres
dieux du Cie l doivent être fort hauts. Ceux de Vèfta,
des dieux Terreftes, & ceux de la mer doivent être
plus bas ; ainfî des autres en proportion. Paufanias
nous apprend que Y autel de Jupiter Olympien étoit
élevé fur des degrés, qui avoient par le bas cent
vingt pieds de tour 5 que la moitié de ces dégrés,
favoi-r celle d’en bas , étoit de pierre & l’autre de
cendres. Entre les autels, il y en avoit de maffifs.
D ’autres étoient creufés par le haut, & affez profondément
pour recevoir , ou les libations ou le fang
des viétimes.
Ornemens. A u x jours de fête -, dit Monfauçon, on
ornoitles autels de feuilles d’arbres, donnant à chaque
dieu les feuilles & les rameaux de fon arbre fa v or i,
de qui lui étoit confacré. A Y autel de Jupiter , on
mettoit des feuilles de hêtre j à celui. d’Apollon de
laurier ; à celui de Minerve d’olivier ; à Y autel de
Venus de myrthe 5 à celui d’Hercule de Peuplier j à
celui de Bacchus de lierre ;à celui de Pan des feuilles
de pin. Ces feuilles, dont on ornoit les autels , s’ap-
pelloient verbence. On les voit ainfî employées fur
beaucoup de bas-reliefs T de médailles & de pierres
gravées. -C e fut de ces décorations momentanées,
que la fculpture & l’art de l’ornement tirèrent ces
détails heureux qui embelliffent un fi grand nombre
I dCautels. On y voit encore des têtes de viétimes, les
patères, les v a fe s , & inftrumens de facrifices mêlés
aux guirlandes de fleurs qui paraient les viétimes, aux
bandelettes & aux autres acceffoires de même genre.
Quelques autels n’avoient pour décoration que les
inferiptions qui en apprenoient la confécration > le
nom de celui qui l’avoit élevé, les motifs de cette
dévotion , & la divinité qui en étoit l’objet. Mais
les plus beaux & les plus riches font ornés de bas-
reliefs & de figures : tel eft le b el autel Etrulque &
triangulaire qu’on voit dans les jardins de la villa
florehéfe , fur les faces duquel font repréfentés les
douze grands dieux : tel eft encore celui de la villa
Pamphili , dont on a parlé plus haut , & qui eft
orné dans toute la circonférence de figures divines
& confulaires. Sur plufîeurs on voit la repréfentation
de la divinité à laquelle ils étoient confacrés, ou de
fes attributs. De ce genre font les trois autels qui
étoient dans le port d’Antium , & qui ont été trouvés
à Nettuno. Le premier eft confacré à Neptune : on y
lit ara Neptuni. C e dieu y eft perfonnifié , tenant un.
trident d’une main , & de l’autre un dauphin. Le
fécond étoit Y autel des vents, félon l’infcription qu’on
y v o it, ara v'entorum : deffus eft fculptée une figure
de jeune-homme, volant & foufflant dans une conque.
Lautel du calme, comme nous l’apprennent ces mots
ara tranquillitatis , eft caraéfcérifé par une barque dont
la voile eft déployée, & dans laquelle, cependant,
un matelot fait agir la rame. C ’eft particulièrement
des autels antiques , dont le plus grand nombre
nous eft parvenu dans l’état le plus entier , qu’un
àrchiteéle pourrait tirer des fujets d’omemens variés
, des motifs d’allégorie , des modèles de g oû t,
& tous ces détails précieux qu’on rencontre rarement
dans les édifices , lur lefquels le tems & la barbarie
ont exercé plus aifément leurs ravages. On en trouvera
des copies dans les recueils de Piranéfî, dans
Monfauçon & autres ouvrages d’antiquités.
Situations, Les autelf , dit Vitruve , doivent être
tournés vers l’Orient. Il paroît que cet ufage de pofî-
tioiv regardoit particulièrement ceux que Ton con-
ftruifoit, & qui étoient d’une forme quarrée, ou
àdoffés au piédeftal d’une ftatue. Les autels fe pla-
foient, ou dans les temples , ou dans les périftyles,
ou fouvent même en plein air. Dans les grands temples
de l’ancienne R ome, il y avoit ordinairement trois
autels : le premier étoit dans, le fanétuaire & au pied
de la ftatue du Dieu : le fécond étoit devant la porte
du temple : le troifîémè étoit un uz/re/portatif, nommé
Anclabris , fur lequel on pofoit les offrandes & les ’
vafes facrés. Il y avoit auffi des autels hors des temples
& de leur enceinte. On en voyoit un grand nombre
dans lès différens quartiers de Rome. L a piété les
avoit également multipliés dans Athènes. De ce
genre fut celui qu’apperçut S. Paul , & qui étoit
’dedie aux dieux inconnus des Nations. On en plaçoit
fur les montagnes, dans les forê ts, fur les routes, &c.
(V o y e z le D ia . d’Antiq, >
A u te l, parmi les Chrétiens , fé dit d’une table
quarrée , placée ordinairement à l’Orient de l’églife
pour y célébrer la meffe. Il diffère entièrement pour
a forme de ceux des Payens. Il eft fait comme une
i a . 3 Pour rappeller que le myftère qu’on y célèbre
lut inftitué à un fouper fur mie table.
* û eft pas que l’idée de autel ne lui convienne
au ffi, puifque le myftère qui s’y confomme , etanf
un facrifice , la table qui fert à cet ufage e f t , dans
l ’efprit même du m o t , un véritable autel..
Dans la primitive é g life , les autels n'étoient qua
de b o is , & fe tranfportoient fouvent d’une place à
une autre. Aujourd’hui l’autel eft fixe.
L a table qui forme Yautel n’étoft quelquefois fou--
tenue que par une feule colonne. Oii en voit de cette
forte dans les chapelles fouterrainës de Ste Cécile à
Rome & ailleurs : quelquefois elle l’étoit par quatre,
comme Y autel de S . Sébaftien in crypta arenariâ.
Mais la méthode la plus ordinaire, dans les premiers
fiècles de l’ég life , fut de placer ces tables fur des
tombeaux, en mémoire de ce' que lés premiers C h ré - •
tiens, tenant leurs affemblées dans les catacombes ,
célébraient toujours les faints myftères fur les tombeaux
des martyrs. C e t ufage s’eft perpétué jufqu’à
nos jours , & pour la forme & pour la dévotion. On
a encore aujourd’hui f attention, en élevant un autelr
démettre deffous lés reliques de quelque Saint. D ’après
cela , il femble que la forme de,-tombeau doit être
celle qui convient lç mieux aux autels des Chrétiens
r auffi a-t-elle prévalu. L a plupart l’ont confer-
vée exactement.; & qn retrouve la réffembrance ju f-
ques dans ceux qui font formés d’un corps dé maçonnerie
quarrée, orné de fcülptures, ou figuré en
confoles.
Les autels Chrétiens varient moins dans leurs formes
, que dans leur pofition & leurs acceffoires.
Quant à la pofition ,• on diftingue les autels adoffes.
& les autels ifolés. L ’autel adoffé eft celui qui eft
appuyé contre- un m u r , comme font ordinairement
ceux des chapelles dont la décoration , fervant de
revêtiffement au mu r, fe nomme rétable , ( Voyeç ce *
m o t.) & eft ordinairement enrichie de tableaux eu
de bas-reliefs. L'autel ifoîé eft celui- qui n’eft adoffé
ni' à un mur , ni à un pilier , ni à mie colonne, &
qui a contre-rétable, comme font les autels des é^lifes
cathédrales. Quelquefois auffi Y autel ifolé n’a point
de contre-rétable , lorfqu’il eft pofé au centre dé Té-
glife , comme celui de St Pierre à Rome , ou celui de
St Sulpice à Paris. L e maître autel^eft^-toujours ifolé ,
ftjic qu’ il occupe le rond point de l’ég life , foit qu’il
foit placé au centre de la croifée. On n’eft pas encore
convenu de la pofition la plus avantageuse pour le
maître autel dans les temples modernes. Ceux qui ne
confidërent que l’avantagé de faire participer des yeux
un plus grand nombre de fpe&ateurs à la célébration-
des myftères & aux cérémonies » veulent que Yautei
foit placé au centre. D ’autres croyent imprimer au
facrifice , & au cérémonial qui f accompagne, un plus
grand air de refpeét, en l’éloignant des yeux du peup
le , & en reculant, fuivant la méthode des anciens,
le facrarium , ou le fanétiiaire, dont le point de vue
éloigné , femble plus inviter au recueillement & à
la vénération. Ces raifons, & d’autres femblables „
n’ont cependant point été celles qui ont le plus influé
dans la diverfité des opinions à ce fuj,ec. C ’eft plutôt: