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moins encore qne par tout ailleurs , ne faUroit
vouloir dire un brafier portatif.
Ci- eron , en écrivant à Atticus, lui d it, dans
le même fens qu’Horace : tamino luculento iibi
utendum cenjeo. Quand Vitellius fut élu empereur,
le feu gagna du csminus à la (aile à manger, ou
triclinium. Nec ante in pnztoritiin nain quam flagrante
nichais ex conceptu camini, Sueton. cap 8
Voila bien, comme l’on v o it, les deux mots focus
& caminus employés de manière à ne pouvoir fe
traduire l’un & l’autre que par le mot cheminée.
J’ajoute que dans tous ces paffages , on ne peut
appliquer à ces mots d’autre idée que celle que
nous attachons à celui qui fait le fujet de cet article;
c’eft-à-dire , que ces mots emportent avec
eux l’idée u’un lieu où l’on brûle du bois , & qui
dévoient néceffiter un paflage, pour lajFumée. Ce
fécond ufage conftitue particulièrement nos cheminées.
On va v o ir , par d’autres citations des anciens
, qu’ils avoient dans leurs mailons des conduits
pour la fiimée.
Philocléon , dans la comédie des Guêpes d’Arif-
tophanes, fe cache dans une cheminée; un efclav-e
qui l’entend , s’écrie : Quel bruit fait le tuyau de
la cheminée'! Philocléon découvert » répond qu’i/ efl
la jumèe , & quil cherche à s’échapper ; & le fils ,
un peu après, fe plaint de ce qu’on va dire partout
qu’il eft le fils d’un ramonneur de cheminée.
Appien, de Betlo civiliL. i v , parlant des prof-
criptions des triumvirs, affure que plufieurs, citoyens
fe réfugièrent dans les tuyaux des cheminées
, pour le dérober aux recherches des meurtriers.
On lit encore dans Virgile :
E t jam fumma procùl villarum culmina fumant.
Déjà Ton voit fumer les combles des maifons
dans le lointain.
C ’eft bien fans doute ici le cas de dire que la
fumée ne va pas fans feu. Ain fi, en rapprochant tous
ces pairages entre eux, il en réfui te que les anciens
avoient dans leurs mâifons 8c des foyers où l’on
brûloit du bois, & des tuyaux qui conduiraient la
fumée julqu’au-deffus des combles. Si ces deux par-
. ties conftùuent ce que nous appelions cheminées, on
pourroit donc yNd’après les paffages qu’on vient
de citer, affirmer que les anciens avoient des
cheminées.
Voici maintenant quelques autorités qui pourront
paroîire plus décifives encore ; car , dans ce
genre, le moindre monument prouve plus que les
meilleurs raifonnemens.
Scamozzi dit avoir vu à Bayes une véritable
cheminée antique, qui fut découverte de fon tems:
elle étoit quadrangulaire & fon tuyau formoit une
pyramide, c’eft-à-dire, qu’il fe terminoit en cône
renverfé. Le même auteur affirme que François
Saneze en vit une pareille à Civita-vecchia , & qu’il
s’en eft découvert plufieurs autres en différens
endroits.
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Près de la ville de Defaignes en Vivaraisi au
diocèfe de Valence, eft un édifice qui paroît avoir
échappé â l’oeil pénétrant des favans des différens ,
âges, comme aux efforts des fiècles deftru&eurs,
& dans lequel on voit une flirte de cheminée dont
le tuyau eft un cône prelque aigu.
Je trouve dans la Martinière, à l’article Curia-
folites, que les ruines de la ville de Corfeult pré-
lentent un monument femblable. On a trouvé ,
dit-il, dans une efpèce de chambre de 12 pieds
en quarré enduite de ciment, une cheminée çle Ç
pieds de large , qui exhaloit la fumée par deux
canaux de tuile d’une pièce cimentée aux deux
coins. Ces canaux font de 18 pouces .de haut 6c
de 6 en quarré. Aux deux côtés oppofés, ils font
percés de trous quarrès, longs de ç pouces fur un
& demi de large.
Si l ’$n réunit ces preuves aux autorités précédentes,
à routes lés vraifemblances, à la néceffitê
qu’une multitude d’arts & de métiers eût des cheminées
, on n’en conteftera pas fans doute l’exif-
tence chez les anciens. Audi, eft-il moins queftion
de prouver qu’ils eurent des cheminées, que d’en
démont; er l’emploi pour l’intérieur des appartenons.
Et c’eft , il faut l’avouer, le point fur lequel on
eft le plus dépourvu d’exemples & d’autoritéi-
probantes. Avant la découverte des villes englouties
par le V é fu v e , on n’avoit par les ruines antiques
, que des notions très-vagues fur l’intérieur
1 des maifons des anciens. Les grands monumens
i avoient pu feuls réfifter à la main du terns , &
pendant bien des années, on connut mieux la
forme d’un amphithéâtre au d’un cirque , que
celle d’une chambre & des détails qui la compo-
foient.
Les découvertes d’Herculanum & de Pompéii
dévoient jetrer un plus grand jour fur toutes ces
notions. Cependant, on doit dire qu’il ne s’y eft
rien rencontré jufqu’à préfent qui réponde prè-
cifément à ce que l’on entend par cheminée. Mais
on y a trouvé, dans prefque toutes les maifons,
des moyens uniformes d’échauffer les pièces qui
ne répondent proprement ni à ceux de nos poêles,
ni à ceux de nos cheminées, & qui avoient fans
doute un grand avantage fur les uns & fur les
autres. On y étoit, dit Winkelmann , beaucoup
mieux garanti du froid fans cheminées, que nous
ne le femmes aujourd’hui près d’un grand feu.
C ’étoit par le moyen de l’hypocauflum ou de ce
que nous appellerions aujourd’hui é tu v equ e l’on
échauffoit l’intérieur des appartenons. Cet hypo-
caufte, ou poêle fouterrein , échauffoit. non-feule-
mentles pièces au-deftous defquelles il fe trouvoir,
mais même tous les étages de la maifon , par le
moyen des tuyaux de chaleur répandus dans les
murs & les cloifons, & qu’on élevoit dans toute
leur hauteur. Sénèque nous dit que de fon tems
on invedta certains tuyaux-qn’on mettoit dans les
murailles, afin que la fumée du feu qu’on.allumoili
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3y bas des maifons , palfant par ces tuyaux ,
ichauffât également les chambres )ufqu au plus
haut étage. Imprejfos parietibus tubas, per quos cir-
cumfunderemr calor , qui ima fimul & Jumma fovent
fi-qualiter. ■
Long-tems dans les différentes ruines d antiques
habitations , où de telles étuves fe votent encore ,
on parut en ignorer le véritable ufage , & comme
Yhvvocauflt ou fourneau fouterrein , étoit une des
parties efi'entielles des thermes & des bains (voyrç
Bains ) , par-tout où l’on renconrroit un hypo-
caufte , on fuppofoit l’exiftence d’un bain. Rien
„•étoit plus capable de faire fentir cette erreur
que les découvertes de Pompéii. Comment fup-
pofer en effet que de très-petites mailons euffent
renfermé chez elles des bains , lorfqu’on fait qu il
y avoir par-tout des édifices publics défîmes a
cet ufage , qui exigeoit une fuite confidérable de
pièces, & des moyens que les particuliers ne fau-
roient fe procurer} Comment d’ailleurs fuppofer
que ces bains n’auroient été formés que du caldarium
ou des chambres chaudes, puifqu on n y
trouve dans la plupart aucun indice des autres
pièces des bains ?
Si l’on rapproche maintenant ce qui s’eft trouvé
dans un bon nombre des maifons de Pompeû, avec
ce que Pline le jeune nous app*end de la , tienne
à Laurentutn, on verra que l’on a dû concevoir
dans l’emploi des hypocauftes un ufage different
•de celui que ces fourneaux avoient dans les bains,
où Us (ervoient à échauffer les eaux & les chambres
a fuer ou le lacemcum. En effet , l’ecrivam déjà
cité nous décrit affez au long toutes les pièces des
baius qui fi-rmoient une partie de (a fpacieufe
maifon. Mais c’eft dans un endroit entièrement
féparé du refte de la maifon , dans ce que nous
appellerions un pavillon détaché, que Pline s’étoit
formé un petit appartement de retraite,
nous décrit avec heaueoup de foin toute la du-
tribution. « Sous une de ces chambres, dit-il, j’ai
fait pratiquer un hypocaufte fort petit, qui communique
& répand, par une petite ouverture , au-
tant & fi peu de chaleur que Ton veut. Appli-
citum eft cubieulo hypocauflum perexiguum quod an-
gu fla feneftra fuppofttum calorem, ut ratio exigit ,-aut
ejfundit aut retinei. Dans un autre corps de barimens
du Laurentin, étoit une fuite de chanabtes à coucher
, où l’on entroit par un corridor , dont le
plancher fufpendu étoit formé de dalles. Par ce
' fouterrein circuloit & fe communiquoit de toute
part la chaleur du feu qu’on y entretenoit, en le
tempérant avec foin. Jdheret dormitorium membrum,
tranfitu interjace/ite qui ftfpenfus & tabulants concept
um vaporem falubri temperamento hue illucque
digerit & miniflrat.
Voilà bien , fans aucun doute, des hypocauftes
ou fourneaux fouterreins, placés fous des pièces qui
ne furent ni des étuves, n i des bains , dont le
<eul objet étoit d’échauffer, d’nne manière auffi
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aftive qu’on le vonloit, les pièces deftinées à
l’habitation & au fommeil.
Ecoutons maintenant Winkelmann dans les
détails de quelques - unes des habitations de
Pompéii.
« Au pied de la colline fur laquelle éroif bâtie
la maifon de campagne , il y avoit un petit bâtiment
qui fervoit de retraite pendant l’hiver. Def-
fous terre font difpofées, deux par doux, de petites
chambres , dont la hauteur eft éga'e à celle d’une
table ordinaire. Au milieu de ces chambrettes font
des piliers de briques liées enfemble fimplement
avec de l’argile, fans la moindre chaux , & cela
afin qu’elles réfiftaffent mieux à l’aétion du feu.
Ces briques font placées de manière qu’t-ne grande
brique , qui porte fur deux petites, fe trouve exactement
pofée fur le milieu de l’une & de l’autre.
C ’eft de ces mêmes briques qu’eft fait le plafond ,
qui eft, pour ainfi dire, horizontal, & qui porte le
plancher d’une petite chambre dont le pavé eft
en mofaïque groffière , & dont les murs etoient
| revêtus de p'ufieurs efpèces de marbre. Dans ce
pavé étoient pratiqués des tuyaux ca;résen maçonnerie
, dont les ouvertures donnoiem dans la
chambre d’en bas. Ces-tuyaux réunis enfemble
parcouroient l’interieur du mur de l’appartement
au-deffus de la chambrette, dans un conduit couvert
d’un enduit de marbre pilé, en fe prolongeant
jufques dans l’appartement d.r fécond étage , où la
chaleur fe fépandott par une efpèce de mû'e de
chien en argile, lequel étôit ga ni d’un bouchon.
Les chambrettes d?en bas, fous terre , étoient
donc les poeles. Devant ces poêles régnoit une
allée fort étroité,1' c’eft à-dire, du tiers de la largeur
des chambrettes , & c’eft dans cette allée que
donnoienties grandes ouvertures quarrées du poêle,
élevées de la largeur d’un doigt’ feulement au- i dtflùs du pavé de l’allée , & dont la hautem* alloit
jufqu’à la moitié des deux piliers intérieurs. C ’eft
par ces ouvertures qu’on y mettoit des charbons
ardens, qui, en raifonde leur quantité, échauffoient
plus ou moins lé plancher de briques d’en hant,
. & cette chambre' fervoit d’étuve. La chaleur du
poêle qui s’étoit jettée dans les bouches des tuyaux
montoit enfuite le long de la muraille, & alloit
fe communiquer à la chambre fituée au-deffus de
l’étuve. Ces poêles ou chambres fourerreines
offrent néanmoins une difficulté : car, comme ils
étoient murés de tous côtés, à l’exception des trous
quarrés dont nous venons de parler, il eft difficile
de concevoir comment on s’y prenoit pour
en enlever les cendres , pui(que l’allée qui y con-
duifoit étoit fi étroite, qu il n’éroit pas poftîble d’y
manier une pelle. Je n’y trouve qu’un moyen ;
c’eft qu’on faifoit entrer un petit garçon par l’un
de ces trous quarrés , qui me paroiffent affez grands
, pour cette efpèce de manoeuvre ».
On voit que l’hypocaufte ou poêle fouterrein
qui fervoit à échauffer l’mtérièur des maifons, ne
tlifféroù dol’bypocaufte des bains que par la gran