
colonnes auxquelles s’adoffoient les pilaftres n’étoient
certainement point de marbre, ni d’un feul morceau j
mais probablement elles étoient compofées de plit-
fieurs aflîfes de pierre, ou tambours, comme on les
fait aujourd hui. Quoi qu’il en f o i t , l’exemple de
Vitruve fuffit pour prouver qu’on n’employoit quelquefois
qu’un feul ordre de colonnes dans les bafili-
quesi ce qui vient encore à l’appui de l’édifice d’O -
tricoli & du fentiment de ceux qui lui ont donné le
nom de bafilique.
Avant les fouilles faites depuis quelques années à
Otricoli , & les découvertes précieufes qui en font
réfultées, on n’avoit que des conjeéturesfur la forme
& la nature des bafdiqu.es anciennes. Il n’ étoit refté
de celles de Rome que des veftiges incertains, fur
lefquels on ne pouvoit affeoir rien de pofitif. Les
onze colonnes de l’édifice appellé à Rome la bafilique
d’Antonin , & dont on a fait la douane de terre,
en fuppolant même qu’il n’y eût aucun doute fur cette
dénomination , ne nous donneroient pas plus de- lumières
fur la nature de ce genre de monumens. Il ne
nous eft parvenu de la bafilique Emilienne que cette
portion de plan dont on a parlé, & ce que les mon-
noies de la famille de ce nom donnent plus à deviner
u’à voir. On cherche en vain à Prænefte ( aujourd’hui
alæftrina) l’emplacement des deux fameufes bafilique
s Æmilia 6* Fulvia ? entre lefquelles Sylla avoit
fait placer un magnifique cadran folaire. Piranéfi crut
reconnoître les reftes, ou pour mieux dire les indications
de la bafilique de Caïùs & Lucius dans le peu
de ruines qu’on voit à Rome , près l’églife de fairit
Nicolas in carcere : mais encore fonda-t-il les conjectures
fur deux infcriptions trouvées dans cet endroit,
& qui portent les noms des deux fils adoptifs d’Au-
g u f te , plutôt que fur la forme & la ftruéture de
l’édifice.
Nous ne dirons rien de la conjeéture de Serlio qui
a cru voir les reftes d’une bafilique dans les colonnes
de l’arc de Pantani. Ces trois colonnes Corinthiennes
viennent en avant d’un mur qui fut inconteftable-
ment la Cella du temple conftruit en face du forum
de -Nerva, comme Palladio & tous les antiquaires
l'ont jugé.
I l ré fuite de toutes ces vaines recherches que le
monument d’Otricoli doit être bien précieux , s’il fe
trouve être le feul de tous les reftes d’édifices Romains
©ù l’on puiflê voir une véritable bafilique. L a defcrip-
tion & les deffins ( V oye^ Fig. i 30.) que nous en rap-
pprtons , mettront le leéteur à portée d’en juger. Le
tout eft extrait du journal d’antiquités de R ome, ou
notifie futle antichita e belle arti.
Pour bien difeerner le caraéière diftinéHf d’une
bafilique, il ne faut point perdre de vue la différence
principale qui fe trouvoit entre elle & les temples.
C eux -ci îors même qu’ils étoient privés de colonnades
extérieures ( ou ailes ) avoient toujours un Pro-
»aps oti Périftyle en ayaut, fouYentam pareil à l ’autre
extrémité nommé PofHcum. ( Voye^ T e m p i e . )
Cella ou mur du témple venoit après les colonnades
extérieures , c’eft-à-dire en un m o t , que dans les temples
, les colonnes étoient extérieures , & qu’aux
ba/îliques , ainfi qu’on l’a vu , elles occupoient l’intérieur
de l’édifice.
D ’après cela , qu’on jette un coup d’oeil fur l’édi.
fice d’O t r ic o li, on n’y verra aucune raifon de l’ap-
peller un temple. Poye{ F ig. 13 0 .) On n'y trouve
ni colonnades extérieures , ni Rronaos ni Périftyle
d’aucune efpèce. L e circuit de l’édifice ne préfente
qu’une longue & fimple muraille d’enceinte. A u milieu
eft une ouverture ruftique fans aucun veftige de décoration,
qni donne entrée dans le portique intérieur
A A A , lequel, par des arcades également elpacées,
communique à la grande falle. Celle-ci eft compofée
de trois allées ou nefs BBB , & foutenue par huit
colonnes Corinthiennes cannelées, dont fix dans les
côtés & deux en face , le tout de pierre travertine.
Derrière les deux colonnes de l’extrémité, s’élève le
tribunal ou l’hémicycle en forme d’eftrade. On y
monte par plufieurs marches ; de fes deux côtés font
deux pièces quarrées D D . Autour de l’hémicycle, &
pareillement de tout l’intérieur de l’édifice, règne
un piédeftal continu fur lequel étoiefit des ftatues
qu’on a tranfportées au M u fa um Vaticanum. A l ’égard
du plafond, il aura probablement été de charpente, on
n’y a trouvé aucun veftige de voûte, mais au contraire
des amas de cendres provenant fans doute des poutres
brûlées. Aucun indice n’a fait même foupçonner que,
dans le milieu de l’édifice, il y aie eu de bafe pour
une ftatue, ni rien qui indique l’ufage d’un temple.
Sans doute ce monument laifle à defîrer, pour fa
parfaite reffemblance avec*les bafiliques , plufieurs
caraélères particuliers qui ne s’y rencontrent point.
Sa proportion eft celle d’un quarré exaéfc, tandis que
les bafiliques ont une forme plus longue que large j
on n’y rencontre point non plus lé fécond ordre de
galeries fupérieure's qui femble; avoir été propre à
ce genre d’édifice. Cependant, en confidérant à quelles
variations ces monumens étoient fuje'ts , félon la ri-
cheffe , la grandeur des villes , & la différence du
terrain j & combien Vitruve , l’auteur des préceptes
qui peuvent fixèr nos idées à- ce fuje t, s’éloigna lui-
même de fes propres règles dans la conftruéïion de
fa bafilique , peut-être lera-t-il impoffible de méconnaître
, dans l’édifice d’O t r ic o li, un refte de bafilique
antique 5 du moins nous avons cru devoir le rapporter
comme le monument le plus authentique en
ce genre, & le mieux caraéfcérifé que l’antiquité nous
ait trajjfmis. •
Des Bafiliques Chrétiennes..
Il n’eft pas probable que jamais les' bafiliques anciennes
ayent fervi de temple aux premiers Oniétiens,.
On ne fauroit croire, malgré l’opinion de quelques
écrivains, d’ailleurs très-judicieux, que cette religion,
long-tems perfecutée jufques.dans ces catacombes lugu»
jjrcs qu’elle partageoit avec la mort ; tirée enfin de
ces retraites affreufes par Conftantin le Grand , fe
foit jamais, avant le règne de cet empereur, cherché
un abri dans les tribunaux de la juftice. Comment
s’en feroit-elle approprié la jouiffance ? E t fi
elle l’eut dû à la protection de Conftantin, pourquoi
ce s monumens^e feroient-ils point parvenus jufqu’à
nous, comme ceux que la piété du premier protecteur
de ht religion lui éle^b. en fi grand nombre. Faut-il
aulfi rechercher, avec d’autres auteurs, dans les bafiliques
des particuliers od l’on prétend que les Chrétiens
perfécutés avoient fouvent trouvé afyle , l’ori-
oine du nom & de la forme qu’ils donnèrent aux
premiers temples du Chriftianifme. Toutes ces conjectures
dénuées de preuves & d’autorités , nous pa-
roiflent inutiles pour rendre raifon de la conformité
des premières églifes avec les tribunaux de la juftice.
Çette analogie s’explique d’elle-même & par la nature
feule des choies.
Rien d’ab ord, comme le remarque G a lian i, ns
convenoit mieux que l’idée de tribunal à ces nouvelles
églifes 011 les évêques & les miniftres Ecclé-
fiaftiques, difpenfateurs des facremens, adminiftroient
une efpèce de juftice fpirituelle , & dont les effets
vifibles, en ces premiers tems, reffembloient à ceux
de la juftice temporelle qui s’exerçoit dans les bafiliques.
Mais pourquoi adopta t-on la forme des bafiliques,
plutôt que celle des temples. On en voit la première
raifon dans l’averfion que les premiers Chrétiens
avoient pour tout ce qui eût paru fe rapproch
a du culte & des ufages idolâtres j mais la plus
forte & la véritable fe rencontre vifiblement dans
rinfuffifance & le manque de capacité intérieure des
temples Payens. En conftruifant ces nouveaux édifices
, il falloit que leur étendue ne fût pas bornée ,
comme dans les temples anciens, à contenir feulement
les prêtres qui les deffervoient j ils dévoient être affez
grands pour renfermer l’affemblée nombreufe qui par-
ticipoit à la vue des myftères. Aucun autre édifice .
que la bafilique ne pouvoit s’approprier à ces nou- j
veaux ufages 3 aucun autre ne préfentoit, a la fois, ’
une plus grande analogie dans l’idée, une plus vaftè j
étendue pour le lo c a l, une décoration plus magni-
que dans l’intérieur. On en imita donc la forme , &
, foit qu’on ne crut pas devoir changer le nom qu’une
nouvelle acception avoit rendu plus conforme encore
au vrai feus de fon étymologie , foit que la reffemblance
abfolue dans la forme eût rendu impoflible
le changement d’un nom qu’un long ufage y avoit
confacre , on donna cette dénomination aux églifes
qu’on bâtît dans la fuite : les plus belles de celles
qu’on voit à Rome la portent encore à prélent;, &
.datent du règne de Conftantin.
Si l’on en croit cependant quelques auteurs Ecclé-
fiaftiques, les Chrétiens , avant le règne de ce prince,
auroient eu des églifes fpacieufes & ornées , puifque ,
difent-ils , le premier foin de l ’empereur, après la
défaite de Maxence, fut de réparer les temples du
vrai Dieu. À prendre à la lettre le témoignage de ces
écrivains , on ne pourroit le faire valoir tout au plus
qu’en faveur dés . églifes d’Orient , de l’Afie-Mi-
neure, par exemple, de la Syrie , de la baffe-Egypte fry
il ne fauroit regarder celles d’Occident. Dans cette
partie de l’empire , le Chriftianifme fut plus gêné
que pa r-tou t ailleurs. I l n’y eut point de vraife
liberté, tant que les empereurs furent idolâtras. Quant
à ces grandes , ces riches églifes d’Orient, dont parlent
Eusèbe & Nicéphore , elles n’étoient probablement
fomptUeufes & magnifiques , que par compa-
raifon avec les fouterrains , avec les oratoires oh
l’on fe raffembloit en fecret dans les tems de per-
fécution. Elles étoient affez publiques pour que les
Payens n’ignoraffent pas qu’elles exiftoient 5 elles
étoient trop fimples pour qu’on y apperçut quelque
forte d’envie de le difputer au temples des dieux.
Qu oi qu’il en fo i t , il ne no'iis eft parvenu aucun
de ces monumens de la religion naiffante, ni rien qui
puiffe nous faire préfumer la forme qu’on leur avoit
donnée. C ’eft donc toujours à Conftantin qu’on doit
rapporter les premiers édifices chrétiens connus fous
le nom de Bafilique. C e prince voulut fignaler fon
zèle par des monumens qui annonçaient le triomphe
de la religion qu’il fe préparoit à embraffer. Il donna
fon propre palais de Latran fur le mont Ccelius pour y
conftruire la première églife chrétienne qui eft encore
reconnue pour la plus ancienne bafilique. Une
conftruéïion moderne a tellement mafqué & défiguré
l’ancienne , qu’on n’y reconnoît plus aujourd’hui
que le plan & l’emplacement de ce monuments
Bientôt après, il fit bâtir la Bafilique de S.-Pierre ail
mont Vatican. Elle a v o it , au rapport de Grégoire
de T o u r s , cent colonnes de marbre blanc , non
comprifes celles qui foutenoient le ciboire. Cette
bafilique n’exifte plus, elle a été remplacée par la
nouvelle & fameufe églife qui n’a plus que le nom
de bafilique, fans en avoir la forme. Mais la troi-
fiéme grande Bafilique , celle de S .-P a u l, fur le
chemin d’O f t ie , exifte encore aujourd’hui telle que
la firent conftruire Conftantin, & T h éod o fe, qui cinquante
ans après, y mit la dernière main.
L a Bafilique de S .-P a u l, que nous allons décrire,
nous difpenfera de répéter ce que nous avons déjà dit
.. fur la reffemblance des bafiliques chrétiennes avec les
anciennes. Il ne refteroit fans doute rien à y defirer, fi
l’on y trouvoit le g o û t , la régularité, la bonne ar~
chiteélure des modèles dont elle eft la copie. A la
forme , à la diftribution près ; on n’y voit rien de
cette fcience des proportions, de cet accord des orne-
mens qui failoient fans doute le mérite des bafiliques
antiques. Rien ne prouve mieux >que ce monument, à
quel point étoient déjà déchus l’architeéture & tous les
autres arts fous Conftantin. Quoique Théodofe le
Grand ait aulli contribué à l’embéliffement de Saint»
P au l, on n’y apperçoit aucune différence de travail,
qui foit à l’avantage de. Conftantin. L ’intervalle de
cinquante ans au plus qui fépare les règnes de ces