
d’une grande difficulté vaincue, ne fauroit encore i
lui être adjugée.
L’on fent allez avec quelle facilité Borromini s’ouvrit
les routes de fa prétendue invention , avec
quelle promptitude il fe fit des fe&ateurs. Faut-il
s’étonner qu’on en ait 3 lorfqu’on prêche le relâchement?
Faut-il un grand effort, pour détruire
tous les principes, & ne leur fubftituer que le
hafard ? Quelle efpèce de difficulté veut-on qu’il
y ait à renverfer un édifice, compofé félon des rai-
fons & des proportions quelconques, pour enfuite
en recueillir les débris 8c les amonceler fans choix
& fans ordre, au gré du caprice & d’un hafard
aveugle ? C ’eft pourtant ce qu’a (ût&orromini dans
l ’architeélure. Il a fait peut-être encoré moins : on
efl tenté de croire qu’il n’eut d’autre principe que
de faire l’oppofé de ce qu’on avoit fait avant
lui. Si. l’on obferve fon architeéhire, dans fon ef-
p r it, dans fon enfemble 8c dans fes détails, on y
découvre par - tout ce deffein de contredire : c’eft
le noeud de fon fyftême. Il eft tellement la contrepartie
de celui des anciens 8c des grands hommes ,
CÉH fait fuppofer encore en lui, malgré qu’on en
a it, la connoiffance du beau 8c du vrai : car, pour |
prendre aufîi direélement le contraire de la vérité
il faut fans doute la connoître : mais cela même
comme l’on v o it, lui ôteroit toute efpèce de droit
à l’invention. Mentir n’eft pas inventer.
Par-là Borromini dénatura tout le fyftême de
?archite<fture : il vit que fes formes, dépendantes des
premiers types qui lui avoient donné l’être ( voyez
A rchitecture ) , avoient toujours été affujetties
à l’imitation, plus ou moins correffe , de ce modèle
de la nature. Il vit que la pierre, 8c toutes
les autres matières employées dans la conftruélion
jufqu’à lu i , avoient confervé l’empreinte de la
charpente ; 8c que l’a r t, impériêufement fournis à
ces lo ix , fur-tout chez les anciens, en avoit toujours
refpefté les entraves. Il imagina de l’en délivrer.
A la gênante fervitude de cette imitation
qui avoit contenu l’art dans les bornes de la rai-
fon, il fuhftitua l’effor illimité de toutes les données
imaginables. Une ondoyante flexibilité prit la place
de la régularité dans les plans. Des contours chantournés
remplacèrent les lignes droites. A la fé-
vère rigidité de l’architrave 8c de l’entablement,
on vit luccéder les molles ondulations des lignes
courbes, ou les reffauts multipliés des angles les
plus choquans. La plus grande abfurdité de ce fyf-
jême, c’eft qu’en renonçant à l’enfemble de l’imitation
qu’il prétend abolir, il n’en conferve pas
moins toutes les parties 8c tous les détails imitatifs •
& qu’il e ft, par cela même, la preuve la plus forte
de l’impolfibilité où l’on eft d’y renoncer. Aufîi
Borromini imagina-t-il tout ce qui pouvoir tendre
à le rendre méconnoiffable, foit en décompofant
les parties, foit en tranfpofant à l’une les propriétés
de l’autre ; comme par exemple , en donnant
à un ornement la propriété de fupporter > en
rendant inutiles & oifeux les membres deftinés
à foutenir , en donnant l’apparence de la légèreté
à ce qui devroit paroître fort y en renforçant ce
qui devroit être léger, en établiffant enfin un démenti
continuel entre ce que les chofes font 8c
ce qu’elles doivent paroître ; c’eft-à-dire , qu’il prit
en tout un foin inverfe de celui qui avoit occupé
les anciens. Ceux-ci cherchoient à être-vrais juf.
ques dans les menfonges que l’art néceffitoit : Borromini
ne vouloit pas le paroître lors même qu’il
l’étoit.
Sa méthode de conftruâion en eft la plus forte
preuve : cette partie de l’arehitefture fut celle qu’il
pofféda le mieux ; il y parvint à un degré d’adreffe
d’intelligence 8c de fupériorité remarquable. On
peut en citer pour exemples hr grande falle de
l’oratoire à Rome, la folidité de fes édifices en
général, 8c la hardieffe de plufieurs d’entre eux.
Cependant on croiroit qu’il ne perfeétionna cette
partie que pour pouvoir en impofer plus complètement
aux yeu x, 8c comme un moyen indifpen*
fable aux illufions dont il fe faifoit un jeu. Son
ftyle de conftruéîion, dans lequel un architeâe
pourrait puifer des leçons de foupleffe 8c de fineffe
applicables à certains cas , a néanmoins toujours
le défaut de n’être point en rapport avec les matières
qu’il employoit : mais il l’étoit bien avec
le goût de difpofition de fes édifices.
Dans cette partie, comme on a pu le voir, Borromini
ayant entièrement contredit le goût des anciens
r réduifit l’architeéhire au fort de la menui-
ferie, ou de toute autre efpèce d’art mécanique,
dont les formes, indépendantes de toute imitation,
8c libres de toutes règles , ne reçoivent de . loi
que. du goût de l’ouvrier, ou du caprice qtii
les modifie à fon gré. Ses élévations fantâftiques
n’offrent qu’un amas de formes inufitées avant lui,
dont le feul mérite eft de s’être trouvées poffibles
Ji exécuter, 8c dont la fécondité n’a rien d’èton-
nant, quand on penfe combien, pour une route
qui mène au vrai, il en eft qui conduifent à l’er<-
reur. '
Son ftyle de décoration reffemble au goût de
l’orfèvrerie y c’eft-à-dire , à ce genre idéal 8c capricieux
, qui, fe trouvant fans rapport immédiat
avec le befoin 8c la bienféance, ne réclame d’autre
autorité que celle d’un plaifir indéterminé , 8c le
plus fouvent puéril. C ’eft là fur-tout que Borromini
a mis en pratique ce principe , le feul qu’il ait eu,
de contredire ceux qui l’avoient précédé : il change,
retourne, renverfe, pour changer, retourner &
renverfer ; il met en haut ce cpie d’autres ont mis
en bas : mutât quadrata rotondis.
Eft-ce bien la peine , d’après la connoiffance du
goût de cet homme bizarre, d’entrer dans le détail
de fes monumens; 8c fatiguerons-nous le lec*
teur par la defcription indigefte de plans mixtili-
gnes, de frontons mutilés, de pans Goupés, delo-
zanges, d’angles coupés 8c reffautés, d’enroule-
mens , de confoles, de gaines, de cartouches, d’ai-
1 forons renverfés, 8c de tant d’autres mefquineries?
jîous croyons, ou du moins nous defirons en
avoir affez fait connoître l’auteur pour ôter au
lefteur l’envie de palier à la connoiffance de fes
Ouvrages.
La lifte que nous allons en donner, va terminer
ce que nous avions à dire de cet homme trop
célèbre., 8c compléter toutes les notions qu’on
eft en droit d’attendre de nous.
Un de fes plus célèbres ouvrages fut la reftau-
ration de l’églife de S. Jean de Latran. On fait
qu’elle eft, après S. Pierre, la plus grande de
Home. Sa grande nef é toit, comme celle des
anciennes bafiliques, formée de deux rangs de
colonnes de différens marbres, tirées des ruines
des temples 8c des palais anciens. Dans un fiècle
ou l’architeélure étoit déchue, on avoit conftruit
fur l’entablement un mur tout nu qui portoit immédiatement
le plafond. Borromini enferma dans
une épaiffe, maçonnerie des colonnes, trop courtes
eu égard à l’élévation de ce plafond; 8c la décora
de longs pilaftres, entre lefquels des niches fàil-
lantes forment l’effet le plus grandiofe. Leur plan
eft ovale : elles font ornées de colonnes compo-
fites de marbre verd antique ; mais leur profil eft
auffi irrégulier 8c bizarre que leur compofition
feinble ingénieufe. Clément XI a fait placer dans
ces niches, les figures des douze apôtres, exécutées
en marbre par Rufconi, le G ros, 8c les plus habiles
fculpteurs du temps.
Au collège de la Sapience , le clocher de la
chapelle eft en fpirale, 8c fi extraordinaire qu’il n’en
exifte peut - être pas un pareil au monde. L’églife,
d’une médiocre étendue, n’eft pas moins Singulière
que fon clocher. Les corniches en font remarquables
par la fingularité de leurs profils. On y voit auffi
des .volutes à l’envers , ainfi qu’à S. Jean de Latran ,
c’eft-à-dire qu’au fortir de la tigette elles fe contournent
en-dedans.
L’oratoire de la Chiefa nuova, fa façade 8c la
maifôn des oratoriens, ne font pas le moindre
ouvrage de Borromini. Cette dernière préfente un
grand mérite de dégagemens, une intelligence
peu commune dans l’art de la diftribution 8c des
difpofitions d’intérieur.
L’églife de Ste Agnès 8c fa façade font le monument
le moins bizarre qu’il ait produit. Le portail
eft accompagné de deux clochers faits en
tours, mais un peu trop élevés par rapport à la
largeur du frontifpice.
La façade du palais Pamphile, aujourd’hui Doria,
fur la place du collège romain , fait reconnoître
Borromini à fes profils étranges.
L’églife de S. Charles , aux quatre fontaines ,
offre le chef-d’oeuvre de la bizarrerie, 8c par
conféquent doit être regardé comme celui de notre
architeéle.
Il conftruifit au palais Barberin une des façades
derrière le manège, ainfi que plufieurs efcaliers
des plus ornés.
Le palais Spada fut reftauré 8c enjolivé par fes
foins. Dans un petit jardin il fit une colonnade
qui forme une belle perfpeclive.
Le collège de la Propagande, de forme triangulaire
, fut décoré par lui de corridors 8c de galeries
intérieures qui ont un grand air de magnificence.
Derrière ce collège, on voit le dôme de S.
André délia Fratte, dont la compofition eft digne de
figurer avec le clocher de la Sapience : une partie
de fa décoration eft reftée imparfaite.
Le même défaut d’exécution fe trouve à l’églife
du monaftère des fept douleurs, à S. Pierre ïn
montorio : la façade n’a point été achevée.
BOSEL. Voyez T ore.
BOSQUET, f. m. ( Jardinage ). Ce mot, qui dérive
de l’italien Bochetto, ne défigne dans la valeur
du terme qu’un petit bois. Cette étymologie indique
déjà la différence du bofquet au bocage,
( Voye{ ce mot ). Mais leur diverfité ne confifle
pas uniquement dans leur grandeur: elle réfulte
de leur caraétère; 8c l ’idée que l’ufage a attribuée
à ces deux mots, en fait affez appercevoir les
nuances diftinélives. Le bocage plus ami de la
nature 8c de la liberté, eft plus conforme au genre
des jardins irréguliers. Le bofquet eft une plantation
de goût dont la parure tient particuliérement aux
ornemens de l’art 8c à fes foins. Le bocage peut
fe prêter à toutes les fcènes étendues du payfage.
( Voyeç BoCAGÈRÉ ). Le bofquet fe refferre le plus
louvent dans les compartimens des jardins foignés
ou fymmétriques.
Tout en obfervant un ordre fenfible dans la
difpofition des arbres du bofquet, on ne doit pas
en exclure la variété. Il eft bon que tantôt ils fe
refferrent 8c tantôt s’éclairciffent ; qu’ils foient liés
entre eux , de manière cependant à fournir des
ombrages 8c des paffages libres à la lumière.
La place naturelle du bofquet eft dans l’endroit
où il fait décoration fans rien ôter à la vue. Il eft
fufceptible de toutes fortes de formes; les plus
ordinaires, dans nos jardins, font celles d’étoiles *
de croix de S. André, de patte d’oie , de quinconce^
On en pratique auffi en cloîtres, en galeries, en
guillochis, en culs-de-fac, en carrefours, en cabinets
, 8cc. Outre l’avantage qu’a le bofquet de
relever les parties baffes 8c inégales , 8c les pièces
plates, comme parterres 8c boulingrins, Scc. il
fert encore à couvrir, à mafquer les afpeéls dé-
fagréables.
Le bofqud eù. de deux fortes , couvert 8c découverte
Le bofque} couvert eft ainfi appellé, parce qu’on
met du fourré dans le milieu de fes quarrés, pour
former de la futaie ou du garni.
Le bofquet découvert 8c à compartimens , eft
planté de divers arbres , tels que tilleuls ou
maronniers. Ses allées font garnies d’une paliffade
de charmilles , recoupée ordinairement à hauteur
d’appui, qui dégage 8c laiffe tout îedeffous à découvert.
Ce bofquet eft celui que vulgairement on appelle
unéowptfrè.Dansfàformelaplus ordinaire, il eft