
mières inftitutions fociales, & une infinité d'autres
caufes qui nous mettraient à portée de fentir les
raifons pour • lefquelles l’art de bâtir prit alors chez
elles une forme plutôt qu’une autre. Nous pouvons
néanmoins rapporter les différences générales qu’on
remarque dans Y architecture des divers peuples de
la terré , aux trois états bien diftinéts que la Nature
femble' avoir donnés aux hommes j du moins eft-il
certain qu’ils ont dû nécefiairement influer fur les
premières habitations de la vie naturelle , qui, dans
tous les pays , ont fervi de modèles à Y architecture.
Selon les diverfés régions où les premières fociétés
fe font trouvées répandues , les hommes dociles, en
ces tems primitifs, à la main de la Nature, ont reçu
d’elle un des trois états ou genres de vie , qui diftin-
guent encore aujourd’hui les différentes contrées de
i univers : ils durent être, félon les variétés de leurs pointions
, ou chaffeurs , ou pafteurs, ou agriculteurs. Les
premières demeures analogues àfees troisefpèces d’état,
ne purent que fe reffentir de leurs befoins , & porter
des caractères très-diftinéis.
.Les peuples chaffeurs (& dans la même claffe on
comprend les içhtybphàges ) n’gurpnt point dû pendant
Ion g-tems bâtir demaifons. Les longues courfes
que font les premiers, le§ lempêcheroient de yeiller
à line propriété qui fé réduit effectivement à très
peu dé .chofès j ils trouvèrent plus commode de fe
creufer des demeures dans les rochers ; ou ils profitèrent
de celles que la Nature leur offrait dans fes
cavernes. Il en fut de même des peuples pêcheurs :
fédentaires fur les rivages de la mer , le lo,ng des
fleuves , ou fur le bord des lies , ils, eurent de tout
tems, ou fe firent de Temblâbies abris. Le peu d’indu-
ftrie que demande ce genre de vie, la parefîe naturelle
qui’ én eft 1a fuite, dûrent les engager à préférer les
demeures de la Nature à celles de l’art. C’eft ce que
l’expérience nous prouve encore aujourd’hui.
Le peuple pafteur, habitant des plaines pendant une
grande partie de l’année, ne fauroit ufer de ces retraites
préparées & creiifées des mains de la Nature dans les
rochers 8 tles montagnes : obligé d’érrer fans ceffe polir
changer de pâturages, & de mener ainfi une vie ambulante
, il lui faut dès maifons qùfpuiffent le fuivre
par-toüt. De-là l’ufage'des tentes.
L’agriculture au contraire exige une vie aétive &
fédentaire en même tems : elle dut fuggérer aux hommes
de fe bâtir des demeures plus folides & plus fixes.
L’agriculteur d’ailleurs vivant fur fon champ, & jouif-
fant de fa propriété,, a des provifions à ferrer ; il lui
faut une habitation tout à la fois sûre & commode,
faine , étendue : & la cabanne de bois avec fon toit
va bientôt s’élever.
Tels font les trois états de la vie naturelle auxquels
on peut rapporter l’origine de toutes les conftruétions,
& des différences de goût qu’on y reconnoît chez tous
les peuples. Il eft impoffible que ces trois genres de
vie n’ayçjit pas produit dans, Y acçhitctlure des nuances
fenfibles-, & des variétés de ftyle très-remarquables;
Nous en trouvons la preuve & le réfultat vifiblement
imprimés dans les ouvrages de l’art qui fuccéderent
aux groflières ébauches de la Nature. L ’on ne fauroit
fe refufer à la fimplicité de cette théorie fi éloignée
de l’efprit de fyftême , qu’elle devient au contraire
l’arme la plus forte dont on puiffe le combattre.
Les contradictions étranges qui fe rencontrent dans
tous les ouvrages où l’on a recherché la naifTance de
Y architecture proviennent néceffairement de ce qu’on n’a
pas apperçudiftinétement cette triple origine, & qu’on
a voulu fubordonner à un feul lyftême , les productions
fi difparates, & les effets fi variés d’un a r t , qui
a du fe modifier très-diverfement, fuivant les caufes
locales qui l’ont fait naître. On fe tromperait encore,
fi l’onvouloit dans chaque pays ne rapporter qu’à un
principe unique les réfultats de cet art 5 puifqu’il eft
poffible que chez certains peuples Y architecture ait eu
un double principe, comme nous le ferons voir de
Y architecture Egyptienne. ( Voye£ ce mot. )
Sans exclure aucune des autres caufes q.ui purent
influer fur la formation & le goût des différentes, architectures
> toujours eft-il vrai que ces caufes Te trouve-
roient dépendantes encore de celles que nous venons
d’indiquer. C ’eft aux trois états de la vie naturelle
des premières fociétés d’hommes 3 qu’il faut particulièrement
ramener cet a r t , fi l’on veut remonter à fa :
fource, & fe rendre compte de ces grandes variétés qui !
empêchent de pouvoir confondre l’art d’un peuple avec
celui d’un autre. Sans cela , on courra rifque , ou de
tomber dans l’ erreur en forçant à un feul fyftême les
idées les plus contradictoires & les plus difeordantes ,
ou de fubftituer à l’ordre naturel des chofes, le hazard,
cet être de raifon, qui eft le dernier refuge des mauvais
raifonneurs.
Le hazard o u , pour mieux dire, le caprice peut avoir
influé dans quelques formes ifolées de Y architecture ,
dans quelques parties de détail , dans quelques objets
de décoration ; mais il ne peut pas avoir produit ce I
goût efTentiel & caraétériftique particulier à chaque I
pa ys , & dont on diftingue fi clairement le principe. I
Doit-on héfiter de reconnoître les caufes, lorfqu’in- I
dépend animent de toute autre preuve , les effets I
feuls fuffiroient poiîr y conduire î
■ frappés des prodigieufes excavations faites de main I
d’homme , dont une fi grande partie du globe eft remplie,
quelques philofophes ont voulu rechercher uniquement
dans lés fouterrains, le berceau de Y architecture
: mais pour vouloir généralifer trop ce fyftême, &
en étendre l’application à toutes les nations de l ’univers,
on eft tombé dans des erreurs ’& des méprifes impardonnables.
On a trouvé des fouterrains chez prefque
tous les peuples de l’antiquité 5 mais on s’eft mis
peu en peine 'd’approfondir les motifs de ces excava- I
tions fi variées dans leurs formes & dans leur objet.
Q u i ne fait cependant que, dans beaucoup d’endroits,
ces travaux qui paroiffent fi finguliers,- fi prodigieux,
font autre çhofe que le rélultat naturel & progrelTîf
des carrières ? Quoiqu’on puiffe en être convaincu
, fans fortir de Paris, on doit citer pour exemple
de ces méprifes, la trop fameufe oreille de Denys,
laquelle , ainfi que les latomies de Syracufe , perd
toute idée de merveilleux, lorfqu’oil penfe que cette
ville immenfe n’employa que la pierre de fes montagnes
dans toutes fes conftructions. On pourroit apporter
bien d’autres preuves de ce genre de méprife, &
des erreurs où les catacombes , les tombeaux , lés
hypogées qui fe pratiquoient fous terre , ont induit
les auteurs aveugles de ce fyftême , qui ont cru voir,
dans ces demeures de la mort, les premières habitations
des vivans.
D’après ces induftions & beaucoup d’autres encore
qu’il eft inutile de rapporter ici ( Voy. S o u t e r r a in s ) ,
il eft indubitable qu’on s’eft trompé fur la nature
la deftination d’un grand nombre de fouterrains ; &
qu’ainfî l’on a fait à Y architecture de certains peuples,
des applications très-faulfes d’un principe quelquefois
vrai, mais qui ne fauroit devenir univerfel.
Ce n’eft donc qu’avec l’appui de l’Hiftoire, & par
la connoifTance particulièrè des mCeurs d’une nation,
de- fon origine , de fon premier genre de vie , par le
parallèle de fes fouterrains avec fon architecture,- &
par le .ftyle dominant chez elle , qu’on peut prononcer
fur de pareils fujets. D’après le concours de tous ces
motifs , on ne fauroit s’empêcher de reconnoître dans
Y architecture Egyptienne le goût dès fouterrains qui
formèrent les premières habitations de ce pays , &
dont l’ufage naturel & immémorial ne s’eft perdu en
aucun tems chez cette nation. Lé caraftère maffif &
coloffal de fes conftruétions a trop de rapport avec
celui de fes fouterrains les plus anciens , & de fes
grottes poftérieurement creufées & embellies par l’art,.
pour qu’on puiffe raifonnablèment fuppofer une autre
origine a cette architecture. Quoique depuis elle ait
fçu allier à ce goût primitif", des formes cojnpofées,
& des parties indicatives de la charpente , on apper-
çoit cependant que le bois n’y fut jamais lè premier
type de l’art. ( F'oye^ A r chite ctu re E g ypt ienn e.)
On découvre le mêmegéniedans mie partie de Y architecture
Afiatique : le climat & les mêmes caufes phy- 1
fiqùe durent y infpirer aux hommes le même goût
pour les demeures Souterraines. Les grands ouvrages
en ce genre qu’on y admire encore aujourd’hui, &
dont l’époque fe perd dans la nuit des tems , ne
laiflent aucun doute fur la vraifemblance de cette
origine. Les colonnes de la Pagode d’élephanta ,
taillées dans le roc , ne portent aucune empreinte de
l arbre, leur maiïive & courte proportion, la forme
de leurs chapiteaux & tous leurs accefloires s’éloignent
tant des formes de colonnes réfultantes de la
charpente, qu’il faudroit être aufli.aveugle que partial
?0 1fb l6 refU^er * mxe étym°i°gie fi naturelle & fl
. r, o -7;— * u-i^/iucLTure JLiiaiennc -, peut-on
en inférer pour celui de la. Chine & du Japon? Et tandis
que la première, réfultat unique & vifible de la
pierre, ainfi ^ue des antres taillés qui l’ont fait naître,
porté écrit ce caractère diftinéUf par la privation de
t o î t , par l’énormité dé fes m affifs, &c. faudra-t-il'
donner la même origine à Y architecture dé la Chine
où le bois domine particulièrement, dont la légèreté,
les formes , les ornemens & le goût général indiquent
une formation différente & un concours fi peu feni-
blable' de caufes produéfrices ?
On ne fauroit , dit M. P à w , Ce méprendre fur
l’objet qui a fervi de modèle aux premiers bâtimens
de la Chine 5 on y a contrefait une tente 5 & cela
eft conforme à ce qu’on peut favoir de plus vrai fur
1 état primitif des C h in o is, qui ont é t é c om m e tous
les Tartar.es., des Nomades ou des Scénites , c’eft-à
dire qu’ils ont campé.avec leurs troupeaux avant qiie
d’avoir des villes. ’
II- eft impoffible de mécbnnoître cette origine à
leurs toîts recourbés, faits en forme de pavillon, au
peu de folidité de leurs édifices, & aux particularités
de leurs conftruérions. ( V o y e z architecture Chinoife) .
Quand on confidère une ville Ch in o ife, on diroit que
ce n’eft qu’un camp à demeure 5 & l’immenfe étendue
de leurs v ille s, prouve, que ; leurs maifons font trop
peu folides pour fupporter1 plùfieurs étages, h
Ainfi donc certainemeiit la cabamie de bois avec
fon toît- qu’on fîrend;généralement pour le modèle
univerfel dé Y architecture chez tous les peuples , ne
peut avoir donné naifTance, ni à celle de l’Egypte
ni à celle de la Chiné ; mais elle fut indubitablement
le type de celle des Grecs chez lefquels , comme nous
le ferons voir , l ’art trouvant un modèle tout à la
fois fqlide & varié , fçut tranfpofér en pierres les
formes de la charpente , & s’approprièr par uiie heu-
reufe imitation les pfemiers effais du befoin. C e genre
de conftruéHon dut prendre nàiflïïifcé chez un peuple
agricole. r ■
Il eft inutile d’én dire ici davantage pour établiir
la vérité & la folidité de cette théorie dont on trouvera
lapplicâtioh avec étendue aux différens articles dut
traitent à part de l’architecture de chaque peuple..
Notre principal objet dans cet article Ce dirio-eant à
fa r t proprement dit de T architecture , & ceîle des
Grecs âyaiit particulièrement droit à ce nom , c’eft a
la connoifTance de fes principes, de fon.origine de
fes progrè|^ dë fa nature enfin , & de fon hiftoire
que doivent tendre nos recherches. Sans prétendre
exclure les autres architectures du rang qui leur conv
ien t , il nous eft impoffible : de ne point afïïgner à
Y architecture Grecque que nous profeflbns la fupério-
nte fur toutes les autres. Indépendamment de fes
avantages particuliers pour nous , elle feule mérite le
nom d’art, pour s’être trouvée aflùjettie à des proportions
déterminées, q.u’on chercheroit envàin chez lès
autres peuples. Seule elle doit encore ce nom à Tavan—
taEe Su çl-ie eut de trouver dans fes premiers effais un
modèle Ample , riche & varié dont l’imitation féconde
lui donna les moyens de s’élever à la .perfection ou’ëlle
a atteinte..
En effet , c’eft envain que les autres architectures.
prétenaroient luidifputer lafupériorité. On ieur accords?