
« divifêe par trois lignes droites, & trois traver-
» 'fentes , également diftantes l’une de l’autre,
3? compofant feize quarrés : puis ajouta fur la nguie
s, quarrêe une de tes moitiés, laquelle divifêe par
» ' les mêmes niefures, faifoit vingt & quatre quarrés,
» compris les feize de la première figure. Tirant
« après en la première figure deux diagonales , qui
» étant marquées de deux lignes , croifant par le
» milieu, faifoient quatre quarrés, ayant chacun
» ton diagone ou ligue traverfele. I l fit davantage ,
» un rhombe ou lozange au-deflus du grand quai r e ,
,, en traçant dans fon vuide quatre lignes fut les
» quatre principaux points qui fèparent egalement
» les quatre côtés du viiide. O tant du grand quatre
» & de fon demi, le rhombe & les lignes diago-
„ n a les, laiffez les trois perpendiculaires & les
» trois traverfantes, fauf celle du milieu, laquelle.
,, 'fe termine au milieu des perpendiculaires, cou-
» pèe en quatre parts & portions : par cette ré g lé ,
„ vous trouverez deux parfaits quartes, lu n en
„ haut & l’autre en b a s , contenant chacun quatre
3i petits quarrés qui font la porté. O r , fi vous
„ prenez la diagonale du qitarré d en b a s , elle
» vous enfeignera quelle èpaiffeur il faut donner
„ au centre du portail, en la dreflànt toute debout
>. vers .la ligne qui fervira d’architrave , & le
„ point du milieu d’en haut vous montrera l’arc
„ gc courbure qu’ il faut donner a la porte, en tour-
„ nant une pointe de. compas en demi-rond , qui
„ repofcra fur la ligne traverfante., qm coupe le
J quarré & demi en deux parts égales. M a is ,
„ s’i[ fait par une autre v o ie , je ne l’eftime point
” v ’ c e a ’e mefure fut inventée par les.ouvriers
„ antiques bien experts en maçonnerie, & obfervé
„ en leurs arcs & voulûmes, pour leur donner grâce
» & réfiftance I H H • M H f l H B j .
Palyphile rapporte an carre toutes les parues de
cette porte , & même les proportions des ordres ;
il conclut aiflfi : « En l’invention de i’arehiteâe ,
» la règle principale & plus néceffaire eftle.quarre ,
auquel-, après qu’il eft diftribué & dépara en plu-
», fieurs autres petits quarrés , fe trouve 1 accord &
„ convenable proportion ou harmonie de tout 1 édi-
„ fice s tellement que tous acceffoires reviennent &
b répondent à leur principal ».
Satisfait d’avoir conçu en fo n entendement cette firme
il s'écrie : « Q u e peuvent faire les architectes
» modernes qui s’eftiment fa v an s , fans lettres &
» fans doârine ? ils ne favent ni règle ,n i mefure ,
„ par quoi ils corrompent & difforme« tontes
„ manières de bâdmens , 'tant particuliers quepn-
„ flic s dèprifant la nature qui les enfeigne a bien
„ jg^e s’ ils h veulent imiter. Les bons ouvriers ,
», outre’ la fcienee , peuvent enrichir leur befogne
„ & y ajouter ou diminuer pour contemer la vu e ,
„ mais que le mnffif demeure entier, auquel toutes
,, parties fe doivent accorder. Par- ce maffif , j en-
« tends le corps de l’édifice lequel fans orne-
B m en s , &it connoftre le favoir de le fp n t du
j> maître ; car il eft facile d’enrichir après l’invert-"
» tion : toutefois fur-tout eft à eftimer la diftri-
j, bution, département,& difoofition des membres,
» dont faut concluré que c’en chofe u fitée & com-
33 mune à chacun ou v rie r, voir jufqu’aux appren-
33 t ifs , de favoir orner un ouvrage j mais inventer,
3> certainement gît en la t ê te .des favans.
C e morceau , quoique déjà fort lo n g , n’eft cependant
qu’une foible partie de la defcription donnée
par Colonna , qui généralement,
............................. . . trop plein de fon objet ,
Jamais , fans l ’épuifer , n abandonne unfujet.
Il faut avouer qu’il joint à la prolixité d’autres
défauts encore. Ses réflexions ne font pas toujours
également juftes , ni fes exemples parfaitement
choifis. Ses idées font fouvent compliquées , &
il "s’occupe trop de la richefie de la matière &^du
luxe des ornemens. Dans tous fes édifices ce n’eft
que marbre , ce n’eft qu’or :
Ce ne font que fejlons 3 ce ne font quaflragales.
I l ne s’élève point jufqu’à ce beau fimple où tout
artifte doit afpirer, & enfin il parcît avoir deviné
les monumens des fiècles de magnificence plutôt
que ceux des fiècles du goût. Nous ne nous appe-
fantirons point fur ces divers défauts , parce que
nous croyons qu’il leur a dû la plus grande partie
dé fes kdeu rs . En e ffe t, en confidérant l’efprit
romanefque de fon temps , on voit qu’ il en auroit
eu très-peu, s’il eût voulu rétablir cette fimplicite
fi juftement accueillie des Grecs. Mais ce qui lui
fera toujours le plus grand honneur , c’eft que
plufieurs de fes idées ont é té exécutées , & qu’il
a rendu agréable la route qui nous a conduit au
vrai genre. ^
L ’on croit avoir fait fuffifamment connoitre fo u -
vrsve auquel Colonna. dut fa réputation, & 1ar_"
chite&ure fes’ progrès dans le renouvellement des
arts. L ’idée de mettre ainfi Parchiteâure en fiâion
& de donner à fes préceptes la couleur de la poefie,
eft une des idées les plus heureufes. O n .peut
s’étonner qu’elle n’ait point encore , trouvé d’imitateurs
parmi les gens. de lettres qui fe font occupés
de la théorie des arts.- L e livre d e , Colonna , mêle
de toutes fortes de do&rines étrangères aux arts .,
écrit en langue italienne & traduit^ très - anciennement
dans notre langue , eft a peine lu
• par les gens de lettres, & n’eft pas même connu des
artiftes. C e ' feroit une éntreprife utile aux arts, que
d’effayer , en travaillant fur le plan dq Colonna, de
mettre ainfi à la portée des gens du monde les
connoiffances hifteriques & théoriques de l’architecture
p -fi jamais un homme de génie s’emparoit d une
femfiiable id é e , on ne doute point qu’il ne rendît
à l’architeéhire un fervice égal a celui que cet art
reçut il y a trois fiècles du fonge de Polyphile.
A it moment où l’on finit cet article, on trouve
dans une vie des archite&es, que Colonna mourut
dominicain, au couvent de Saint-Jean-de-Paul, à
V en ife,
V e n ife , efi 1520 ou 1510. La date de fa mort eft
donc toujours indécife : quant à fa patrie, on n en
a point parlé , parce qu’elle eft incertaine. O n p e u t ,
balancer entre Venife & Trevite ; mais toutes deux
doivent être jaloufes de paffer pour etre lé lieu de la
naifîance d ’un homme auquel les arts ont dû un
plus prompt rappel à- la vie.
C O L O N N A D E , f. fi On peut donner ce nom
à tout affemblage nombreux de colonnes, foit
qu’elles foient deftinées à l’ufage & à la commodité
du p eu p le, foit qu’elles ne fervent que d apparat
& de décoration aux monumens. Cependant on ne
l’applique point en général aux colonnes qui forment
les frontifpices des temples & des autres édifices.
C ’eft le nom de périjlile qu’on leur donne. O n
réfêrve la dénomination de colonnade a ce qui pre-
fente une fuite , une file ou rangée de colonnes ,
foit qu’elles entourent un éd ifice, foit qu’elles pre-
fentent, par leur multiplicité, des galeries ou promenoirs
deftinés à conduire à quelque b u t , ou fim-
plement à offrir des abris contre l’intempérie des
faifons.
C ’eft bien fauffement que dans les di&ionnaires
d’architeéfure on a défini jufqu’à préfent la colonnade
, un périftile de figure circulaire : les colonnades
peuvent avoir toutes les formes pollibles ; elles
peuvent orner l’intérieur des édifices comme fe
réfervçr pour la décoration des extérieurs ; elles
peuvent faire . partie des monumens, comme être
elles-mêmes des monumens ifolés. _
Aucun peuple n’a fait un plus grand ni un plus
magnifique ufage des colonnes que les Egyptiens ;
anffi les monumens exiffant-d’aucun peuple ne p re-
fentent plus de colonnades $c de plus nombreufes
que les ruines de l’Egypte. Prelque tout l’interieur
de fes temples étoit une fuite de colonnades de di-
verfes formes & de diverfes proportions ; les colonnes
y formoient des avenu es, & , fi l’on peut
dire, des forêts, tant elles y étoient multipliées.
L ’ imagination peut à peine arriver à concevoir les
grands effets qui dévoient réfulter d’un auifi prodigieux
emploi des colonnes : je réferve ces def-
criptions à l’article qui: traite de l’archite&ure ég yp tienne.
( Vcye{ cet article } . Les temples des Grecs
fe compofoient aufli des plus riches colonnades ; car
on ne fauroit donner d’autre nom à ces ailes de
colonnes qui formoient la décoration extérieure
des temples périptères. Mais ce qu’on appelloit les
grands temples, offroit encore de plus belles & de
plus abondantes colonnades. O n veut parler de ces
enceintes qui compofoient Varea ou cour du temple
, & dont nous avons un petit modèle dans le
temple d’Ifis à Pompeii, un plus grand dans celui
de Sérapis à Pouzzol, & dont lès reffes du temple
de Jupiter Olympien , à Athènes , nous ont con-
fervé le plus magnifique exemple. Tou s ces details
fe trouvent aux articles differens qui décrivent ces
monumens, ou au mot T e m p l e .
Il eft p eu de villes antiques q u i, après les ravages
du temps & de la barbarie , étalent encore
Arthittiïurc. Tome L
un auÆ irimd luxe de colonnades que les villes
de Balbeck & ’ de Pabnyre ; leur defcription
I v o y h B a l b e c k & P a l m y r e ) , peut donner au
leûeur urte idée de la magnificence à laquelle
fiit porté l’emploi des colonnes dans les glands
édifices qu’on y admire. Rien n’a fans doute été
plus riche ni plus fomptueux que la grande colonnade
qui fert d’ enceinte au grand temple de P al-
myre. D es rapports affez frappans entre quelque
partie de cette colonnade & le periftile du L o u vre ,
ont fait croire que cette conformité n etoit point le
réfultat du hafard ,mais que Perrault avoit eu cour
noiffance de ces ruines. ( Voyetç ce qu’on a dit à
ce fujet au mot A ccouplement , & voyetç aufli
le mot P é r i s t i l e ) . O n obfervera cependant, à
l’avantage de l’architefhire antique, que les accou-
plemens dont on- trouve quelque leger exemple
dans cette v ille , ne fe voient que dans des parties
où les colonnes font adoflèes , & jamais dans les
nombreufes rangées de colonnes qui font encore
fur pied.
A cet égard, il faut dire que rien n exige autant
de régularité dans les entre-colonnemens , que ces
galeries de colonnes, dont les points de vue fans
ce (Te changeant félon la pofttion du fpeélateur,
forment les plus beaux effets, quand la fymmétrie y
préftde, comme aufli peuvent procurer les plus
fâcheux afpeéls par une difpofition irrégulière ou
des accouplenaens indiferets.
On doit de grands éloges au Bernln pour la
belle difpofition des deux colonnades qui forment
la place de S. Pierre, & conduifent à ce temple.
L ’idée de l’accompagner par des galeries dignes de
fa magnificence, étoit née avec le monument lu i-
mêm e, dans le génie de Michel-Ange ;'imus ce
grand homme avoit emporté au tombeau cette belle
conception. Peut-être n’y avoit-il que le Bernin
capable dè la reffufeiter & d’en compléter l’exécution',
. .
Les difficultés d’un ouvrage difparoiflent fouvent
par le fuccès même de l’artifte ; & lorfque le problème
eft réfolu par le g én ie , la médiocrité lui
refiife le tribut d’admiration qui lui eft dû, L a
colonnade de S. Pierre a éprouvé quelquefois cette
efpèce d’ingratitude. T ont le monde l’admire, mais
plutôt comme une grande entreprife de l ’a r t , que
comme un chef-d’oeuvre de l’artifte. O n peut affirmer
cependant que c’êft celui du Bernin dans 1 ar-
chitefture.
La première difficulté attachée à cette conception
, étoit de Élire une place dont les dimenfions
fuflent dans un jufte rapport avec le monument
pour lequel elle étoit' fa ite ; 8c c ’eft en quoi, le
Bernin a rencontré d’une manière fupérieure.
La fécondé étoit d’établir un rapport de proportion
entre les galeries & le temple, tel que ces
deux objets ne fe nuififfent point les uns aux autres.
I l falloir conferver au temple toute fe grandeur,
8c il ne felloit point que le temple , par l ’immen-
fité de fe mafle , rapedflât trop les portiques qui
X .y y y