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fi fimple de la * convenance, s’eft introduit dans .
l ’architecture. Le bojfage compofé trouveroit difficilement
de meilleures autorités. Nous en avons
v u l’origine ; confidèrons l’emploi que les anciens
en ont tait dans leurs édifices.
Nous avons déjà diftinguèles boffiages des refends,
& fait entendre que ces deux mots n’expriment
qu’ une différence de faillie & d’épaiffeur ‘dans la
manière d’embellir les paremens extérieurs des
murs , ou de tailler les furfacesdes pierres. ( Voyeç
Refend). O n voit donc que les idées qu’expriment
ces mots , fe rapprochent affez pour qu’on
puiffe , malgré la nuance que nous avons indiquée,
en confondre les variétés fous la même dénomination
, & les foumettre. à la même recherche.
. Les monumens de la G rè ce nous ont peu confervé
d’ exemples du bojjage. Le ftyle de conftruire des
G re c s , q u i , prefque par-tout, employoient les co lonnes
, ne paroît pas avoir été très-favorable à
ce genre. Les G re c s , inventeurs de leur architecture
; les G re c s , en tout fidèles à l’imitation
de la nature, furent appercevoir & ' refpe&er les '
moindres convenances, & ne s’écartèrent jamais
des principes que l’architeCture avoir reçus de
la charpente. Ils durent fans doute plus difficilement
que les autres peuples, tranfporter dans cet
art ces procédés d’une imitation fecondaire, ces
principes étrangers aux premiers types de l’a r t ,
dont l’effet eft de produire des fenlations équiv
o q u e s , & dex dénaturer à la longue l’efprk
même de l’imitation. L e bojfage:, comme on l’a
v u , né des conftru&ions en pierre, convient particuliérement
, comme on le dira par la fuite , aux
parties des édifices qui ne reçoivent point de la
charpente les lo ix d’une imitation formelle. Auffi
le retrouvons-nous dans un monument d’Athènes ,
( la lanterne d eDémofthènes) mais employé feulement
dans le foubaffement, ainfi qu’on peut le
v o ir par le deffin que nous en a donné M. le R o i ,
qui nous apprend en même temps que ce foubaffement
n’eft que de pierre > tandis que le
refie de l’édifice eft de marbre. A u refie. ce bojfage
eft plutôt de la nature des refends, c’eft-à-dire
qu’il eft peu faillant & en grands compartimens.
Le même genre fe trouve auffi heureufement
em p lo y é , auffi convenablement appliqué au plus
grand nombre des édifices qui nous font parvenus
des temps de la république romaine. L e tombeau
de Cécilia Metella , qui forme une tour ronde ,
en eft extérieurement orné. C e ftyle s’étoit introduit
dans prefque tous les édifices de ce temps,
il fe‘ v o y o it aux murs de tous les temples j &
V itru v e ne permet pas d’en dou te r , tel obfeur
que puiffe paroître le pafîâge où il en prefcrit
L’ ufage. « Si l’on emploie, d i t - i l , aux murs des
» temples des pierres de taille ou de marbre, il faut
„ que les quartiers foient médiocres & égaux ,
» parce que des pierres médiocres avec des joints
» médiocres feront une liaifon plus ferme & plus
» durable» D e glus , f i autour <tes joints raontans
b o s
» & des joints de l i t , les pierres font relevéesr
» l’oeil trouvera du plaifir à ces compartimens de
» deffin. Item , circum coagmenta & cubilia eminentes
» exprejjïones, graphicoteram efficient in afpc6lu de lec-
». taùonfnui. V itru v e ne peut vouloir parler ici de
ces joints faillans qu’on pratiquoit dans les degrés
des théâtres, (k aux pierres fituées horizontalement,
pour empêcher que L’eau n’y entrât. Sa penfée eft
qu’autour des joints , les pierres étoient élevées,
& que par conféquent, à l'endroit où elles fe
jo ign en t, elles étoient creuf^es pour faire des
r fen d s , dont l’ufage eft de cacher les joints en
les faifant rencontrer dans un angle rentrant.
A u re f te , les exemples de cette méthode dans
les murs des temples font trop nombreux pour
qu’on s’arrête davantage à rapporter les autorités
qui viendroient, s’il en étoit hefoin , à l’appui de
ladoétrine de Vitruve. Le temple de Nîmes (où
la maifon quarréc) , dont les murs font extérieurement
taillés en refend, fuffit pour jufiifier le
précepte de. TatchiteCle romain, & en faire con-
noître l’efpçit. C e travail extérieur- des murs en
embellit l’alpfeô, en corrige la froideur, enrichit l’en-
femble &. met un accord agréable avec l’ordre
& les détails de la. riche ordonnance qui s’y
trouve.
L e boffage proprement d it , c’ëft - à - dire celui
qui confifte dans l’exprefîion très - reffentie des
pierres relevées en b o ffe, fe trouve , chez les Romains
, employé avec beaucoup plus de diferétion
& de ménagement. C ’étoit particuliérement aux
murailles d’enceinte qu’il s’appliquoit, & c’efl-là
fans doute qu’iL convient le m ie u x , comme aux .
foubaffemens & à toute conftruâiora faite pour
en fupporter d’autres. L e plus grand & le plus-
: beau des monumens de ce g en re, eft la vafle
muraille qui enfermoit le f o r u m N e r v a , &
qu’on appelle aujourd’hui la muraille de l’arc de*
Panthano. Elle eft conftruite de pierre nommée
peperino , à la réferve des plinthes & de- rentable-
ipenr qui font en. travertin. Le genre ruftique;
trouve là fan plus beau m odè le,. & fans doute
il fut celui que l’architeôure moderne imita dans
les édifices de Florence. Le caraCtère du bojfage y
eft grand & h a rdi, fans avoir néanmoins rien'’
d’o u t ré , comme l’ont affeCté quelques modernes.
On croit voir par les inégalités fenfibles. de compartimens
qui s’y rencontrent en plus d’un endroit,
qu’on ne. s’étoit pas aftreint à un deffin. bien arrêté
dans la diftribution des boffiages, & qu’ils furent
taillés après coup & en place. A u r e f te , ils ont
le degré de. rudeffe & de fini qui convient à ces
fortes d’ouvrages , & produifent l’effet le plus fier
& le plus vigoureux qu’on» doive en attendre.
D ’autres exemples de boffiages. fe trouvent a
l’aqueduc, de Claude,, où là nature de l’édifice en*
doit faire approuver l’emploi,. & à la. porte maje
u r e , autrement appellée l’arc de Dru fus , & quf
fert en même temps de fupport au canal de l’Aqueduc,
C e dernier monument pourroit. fervir. d’au?
b o s
tortté à l’emploi déraifônnable que les modernes
ont fait de ce f t y l e , fi fa double deftination ne
faifoit appèrçevoir les raifons qui ont pu l’y introduire.
D ’ailleurs, l’état dïmperfeétion où il eft re fté ,
feroit plus propre encore à jetter des doutes fur
l'authenticité de fon goût & de fes formes, qu’à
fournir des preuves fur lefquelles on puiffe fonder
une imitation motivée.
On croit également que le genre ruftique, ou
de boffiages9 qui fe vo it aux portiques de la Curia
Pîojüïia , auroit pu réfulter de ce que cet édifice
n’auroit point été achevé ou paré. L’endroit feui
du joint des pierres fe trouve l’être ; & comme
ces joints ne font point à diftances éga le s, que
les affifes des pierres font toutes différentes, tout
femble y indiquer un manque de fini & d’ex é cution,
auquel on peut attribuer cette apparence
ruftique. A u re fte , elle ne produit qu’un bon effet
dans ce monument dont le premier rang d’arcades
eft aujourd’hui enterté , & qui formoit jadis-
un double rang de portiques deftinés à ferVir dé
foutien à la partie du mont Cbelius qui regarde
le palatin & le coKfée.
Mais il eft auffi des monumens des Romains ,
& entièrement terminés par eux , où le bojfage eft
entré comme fujet principal du ftyle de conftruc-
tion, comme l’objet d’une décoration raifonnée ,
& comme réfultat d’un deffin arrêté & réfléchi.
Tels font les amphithéâtres de Pola en Iftrie , &
de Vérone. C e dernier fur-tout nous fait vo ir le
genre de boffiages les plus caraftérifés , employé à
l’embelliffement des portiques extérieurs & mêlé
à l’ordonnance des pilaftres qui en décorent les
piédroits. Unechofe même affez remarquable, c’eft
que le troifième rang de portiques d’en haut eft
plus court, plus lourd & plus chargé dq boffiages
que les deux inférieurs, que les pilaftres en font
plus larges , plus matériels & plus forts , ce q u i,
fans doute, eft un défaut fenfible de convenance.
Au refte, ce genre employé dans de grandes maffes,
comme à V é ro n e , & dans un édifice auquel on dût
chercher à imprimer le cara&ère de la force &
de la folidité , appliqué principalement à des piliers,
à des arcades & à des portiques, ne peut
qu’être approuvé ; & de tels partis n’offrent rien
de contradi&oire avec les principes de l’architecture.
On pourroit feulement regretter d’y voir
l’application inutile des ordres, 'fi cette ordonnance
de pilaftres mafquée par les boffiages, ne
difparoiffoit ên quelque forte confondue.avec e u x ,
& fi de ftyle d’archite&ure de bas-relief, n’étoit
celui qui s’accordoit encore le mieux, avec les
licences , du genre adopté. La décoration des pilaftres
employés fur-tout dans les piédroits des
arcades, ne réclame point la même fév érité de
principes , ni le même refpeCt pour les bienféances
que celle des ordres ou des colonnes ifolées. Les
pilaftres deviennent alors l’accefloire de la maffe
générale , & fe fubordonnent aux données de
•leafenable. Les colonnes par-tout où elles font em-
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plo y é e s,’ deviennent le fiïjet principal, & leur
forme doit être inaltérable. Auffi les anciens ont-
i ls , dans plus d’une occafion, fournis les pilaftres
aux compartimens des boffiages, parce qu’ils ne les
regardoient que comme une repréfentation arbitraire
des colonnes, q u i, par cela mêm e, pouvoit
fubirles conventions idéales d ’iine décoration commandée
par l’enfemble. Mais on ne v o it pas qu’ ils
aient jamais dénaturé l’efprit de la charpente, les
types des ordres, & l’effence des colonnes juf*
qu’ à les foumettre à d e v en ir , par les caprices du
bojfage, un compofé fantaftique de pierres entaf-
fées les unes fur les autres; jufqu’ à produire enfin
entre la colonne ainfi traveftîe & les parties de
l’entablement confervé dans l’intégrité de fon orig
in e , le pins groffier men fonge, le contre-fens
le plus manifeftement abfurd e, l’union enfin la
plus ridicule de deux origines contraires, & de
deux principes antipathiques. Nous ne croyons
point qu’on nous oppofe les colonnes adoffées de
la porte majeure que nous avons c ité e , dont nous
avons prouvé que le goût ne pouvoit faire autorité
, & qui ne paroiffent ê t re , à toute r igu eu r,
qu’un ragrément mal-adroit des fiècles ignorans.
L ’emploi que les modernes ont fait du bojfage
eft loin de préfenter la même modération & une
auffi intelligente diferétion que chez les anciens.
I l étoit naturel que cela fût. A mefure que l’art
s’éloignoit du temps & des lieux de fa naiffance ,
il devoit de plus en plus perdre de vue les principes
qui lui avoient donné l’être; il devoit fe mé-
connoître enfin lui-même en perdant l’empreinte
originelle de la charpente, par l’introduftion du
principe étranger que la pierre devoit lui, communiquer.
Les temps voifins de la recaiffance des
arts nous offrent à Florence les premiers exemples
de cette méprife & de cette confufion dangereufe.
Cette v ille à jamais célèbre par la reproduction
de tous les arts dont elle fut le berceau chez les
modernes, v it également renaître dans fes mu rs,
l’antique architecture des Grecs. L e Florentin
Brunnelefchi fit, pour cet art, cé que Michel A n g e ,
fon compatriote,faifoit pour la peinture & la fculp-
■ tur# O n croit voir entre le génie de ces deux
grands hommes, une forte de conformité. D u
moins il en règne une très - fenfible entre leurs
ouvrages. Elle confifte dans une efpèce d’exagération
de formes & d’idées,dans une prétention outrée
à une grandeur hyperbolique, dans une force enfin
où l’effort fe fait trop fentir, & par cela même en
affoiblit l’idée. Ceux qui aiment à croire à l’ influence
toujours uniforme des climats fur le génie
des hommes, voient dans le rapprochement très-
exaCt du génie des Tofcans modernes a v ec celui
des anciens habitans de l’Etrurie, une reffemblance
de goût forme lle, qu’il eft difficile de ne pas re-
connoître. Le f tyle de deffin des plus anciennes gravures
étrufques, fi reffenti, fi outré dans fes contours
, fi forcé quelquefois dans les attitudes, a trop
d’analogie au genre, que Michel Ange ambitionna