
qu’ à l’e fp rit, au plaifir de l’imitation , qui s’adreffe
àu fens. Malgré la haute perfe&ion où la fculpture
parvint à porter l’exécution du bas-relief fous le
rapport de l’a r t , il n’en fut 'pas moins employé
quelquefois fous le rapport dïnfcription. •
O n l’y v o i t , fur quelques monumens, fe rapprocher
de là difpofition que nous avons remarquée
dans les hiéroglyphes, c’eft-à-dire, qne les figures,
quoique d ’un rr/ie/très-faillant, fe trouvent rangées
par 6les horizontales , comme les lignes de l’ écriture.
Ainfi font difpofés les bas-reliefs des deux
côtés du piédeftal de Monte-Citorio. L ’on ne fau-
roit attribuer cet arrangement à la foibleffe ou à
l’ignorance de l’a r t , puifque le troifième côté qui
repréfente l’apothéofe d’Antonin & de Fauftine,
nous préfente un des chefs - d’oeuvre de l’antiquité
dans l’art du bas-relief II paroît donc que l’art
h’employoit fouvent les figures, fur-tout dans les
tnonumens hiftoriques, que comme des cara&ères,
de véritables lettres, auxquelles il affe&oit de ne
point donner l’efpèce de perfeétion mutile à l’effet
qu’ils dévoient produire.
C e fy ftêm e , dont on découvre l’application la
moins équivoque dans les arcs de triomphe &
autres ou v rag e s , fut infailliblement celui qui dirigea
l’exécution de la colonne T ra jan e , & de
tous les monumens faits à fon imitation. Les bas-
reliefs ne doivent s’y confidérer que comme une
longue & vifible narration des aftions de l’empereur
: c’eft un récit o cu la ire , une hiftoire matérielle
& fenfible de fes combats & de fes viÔoires.
L e fculpteur hiftorien, partagé entre ce qu’il doit,
à l’a r t , & ce qu’il doit à l’hiftoire, devoit donc
regarder fes figures fous un double rapp o rt, il dev
o ir fonger à fe faire lire avant de fe faire admirer
, il devoit inftruire avant de plaire, il devoit
faire parler aux y e u x , de la manière la plus claire,
tous les caraâères du langage qu’ il empruntait,
avant de fonger aux moyens qui pouvoient en
rendre les contours plus agréables. Dès-lors la plus
grande puérilité eût été de facrifier tous les rapports
de l ’utilité au prétexte feul d’une perfection
d’agrémènt. L e grand mérite de cet ouvrage eft
fans doute d’avoir o b fe rv é , entre les deux parties,
prefque contradictoires, de l’ emploi qu’il avoit à
remplir, un fi jufte équilibre, que chacune des deux
laiffe encore à douter laquelle fut fubordonnée à
l’autre.
Mais on comprend que ce genre de fculpture
fie comportoit pas la pratique de la perfpeCtive,
qu’ il en eut même, indépendamment des autres
raifons qui s’y oppo foien t, dédaigné la puérile
illufion. Ceux qui l’y cherchent aujourd’h u i, & fe
plaignent de ne l’y point t ro u v e r , reffemblent à
ces ignorans, qui n’eftimeroient un livre que par
la régularité des caractères. C e fyftême de bas-
relief, confidéré comme récit hiftorique, autant que
comme repréfentation d’une aCtion, fut incontefta-
blement celui que l’architeCture adopta dans les monumens
j 3c l’on ne fauroit nier qu’outre la couve?
nance avec le genre auquel il devoit fe conformer,
il ne produife éga lement, du côté de l’accord
avec larchiteCture , des effets bien plus vrais 6c
bien plus fages à la fois.
O n vo it donc q u e , par la nature des objets où
le bas-relief fut appliqué chez les anciens, & qui
ne lui permirent pas les licences de l’illufion ; que
parla manière dont il y fut admis, qui en bornal’em-
ploi & en fixa l’ufage , d’après l ’accord qui devoit
régner entre la fculpture & l’archite&ure ; qu’enfin
par les rapports fous* lefquels ils l’ envifagèrent,
comme fervant à l’hiftoire autant qu’à l’ornement;
on ne fauroit regarder le défaut de perfpe&ive qui
y règne comme l’imperfeétion d’une routine ignorante
, mais bien comme le fyftême volontaire & réfléchi
d’une combinaifon éclairée; non comme l’erreur
involontaire de l’artifte, mais comme Un procédé
confiant 3c invariable de l’art. O n voit en
même temps pourquoi, dans les objets dont l’effet
de la perfpe&ive n’auroit. point altéré la forme
effentielle, il n’y fut pas mieux indiqué. Le plus
grand nombre des bas-reliefs n’exigeant point l’emploi
de la perfpeétive , les fculpteurs, qui n’ép'rou-
voient point la néceflité de cette connoiflance dans
la plupart de leurs ouvrages, traitèrent de la même
manière ceux où elle eut pu s’introduire fans inconvénient.
C e f t y l e , dominant dans le plus grand
nombre des bas-reliefs, fit la loi au plus petit nombre.
L’habitude de ne point voir l'application des
règles de l’optique dans les plus grands monumens,
fit également, pardonner cette privation aux plus
petits ; & cette méthode devint commune à prefque
tous les bas-reliefs. .
Au fli doit-on diftinguer ceux où la privation de
perfpeftive fut le réfultat des principes de l’art,
d’avec ceux où elle n’eft que la fuite de l’abus de
ces principes même, & de l’ignorance individuelle
de l’artifte. A in f i , l’on n’emploiera point les rai-
fonnemens précédens pour juftifier l’excès abfurde
& révoltant où l’ignorance des bas fiècles porta,
fans n éceflité, le mépris de la perfpe&ive dans
une foule d’ouvrages. Ils n’annoncent p o in t , ainfi
que les précédens, une violation volontaire & rai-
tannée de fes règ les , mais i’ impuiffance même de
les connoître & de les obferver. O n ne fauroit trop
infifter fur la diftinéfion de ces ouvrage s, fi dif-
tans dans leur â g e , & fi différent dans leur principe.
C ’eft à la confufion qu’ un faux difeernement
en a fait jufqu’ à p réfen t, qu’ il faut attribuer les
reproches injuftes & les inculpations injurieufes
faites aux chefs - d’oeuvre des beaux fiècles. Ce qui
dans les uns doit pafler poiir la licence de l’art,
ne fauroit dans les autres réclamer l’indulgence
qu’on ne doit qu’au génie ; & l’on abandonnera fans
p e in e , à toute la rigueur d’une critiqu e, qui les
honoreroit encore t ro p , tous cés monumens de
l’art abâtardi fous la main mercenaire des affranchis
ou des efclaves , q u i, dans les derniers fiècles
de l’empire, s’en approprièrent exclufivement l’exer*
cice, y
fl réfuîte de tout ceci que les bas-reliefs anciens,
appliqués prefque toujours aux édifices 3c liés aux
formes architeéloniques, ne peuvent & ne doivent
que rarement fe comparer à ceux des modernes.
Jamais ils ne furent, comme ceux-c i, les fruits d’un
artlibre & indépendant ; jamais ils ne furent les effets
arbitraires d’une compofition ifolée. C eu x qui au-
roient pu l’être ou le devenir par la nature différente
des objets fur lefquels ils fe trouvèrent placés,comme
urnes ou farcophages, &c. ayant fuivi la méthode,
introduite dans le plus grand nombre | doivent également
fe ranger dans leur claffe. Il doit refter pour
confiant que le bas-relief ne fu t , chez tous les peuples
anciens, qu’une manière plus ou moins parfaite
d’écrire, félon la nature des fujets qui empruntèrent
ce genre d’écriture , félon le degré plus ou moins
avancé de l ’a r t, qui en modifia les caraflères, félon
le génie des peuples qui en refferrèrentou en étendirent
l’emploi. D è s - lo r s quand on compare les
ouvrages des anciens, dans ce gen re , avec ceux
des modernes, il eft vifible que l’on compare en-
femble des chofes qui ne font prefque jamais de
même nature. O n do it, avant tou t, comparer leurs
principes ; de ce parallèle , réfultera la connoiflance
précile de l’état de la queftion ; & de c e lle - c i, la
poflibilité d’établir un jugement fixe fur la prééminence
de l’un ou de l’autre genre.
La renaiflance des arts offre à l’oe i l , exercé dans
cette matière, des caraftères très-différens de ceux
qui accompagnèrent leur naiflance chez les peuples
de l’antiquité. A bien d ire , les arts ne firent
que renaître de leurs propres cendres , & cette
forte de régénération, due à l’imitation ou à la
tradition des ouvrages de l’antiquité , n’eut de
commun avec les premiers développemens de
l’art chez les anciens, que la foibleffe & la timidité,
inféparables de tous les genres d’effai. A p ein e,
dans ces premiers pas de l’art chez les modernes, '
apperçoit-on que la main de la nature en ait dirigé la
marche incertaine & tremblante. U n goût d’imita- j
tion,déjà fur, parce qu’il étoit puifé dans les modèles
de lart , diftingue déjà fes commencentens, fem-
ble devoir accélérer fa marche 3c enhardir fes premiers
efforts. En un m o t, l’art fut moins un fruit de
la nature, qi^une reproduction de lui-même. On ne
reconnoît pas non plus dans l’emploi qu’on en fit
alors* l’effet du befoin. L’ufage des figures, loin de
fe trouver, comme en Egyp te & en G r è c e , affervi
aux befoins de l’écriture, ou lié à ceux de la religion,
ne parvint à remplacer l’une, & àfervir l’autre,
que dans un petit nombre d’occàfions, & toujours
plus pour le plaifir des yqu x, que par le befoin qu’on
€n eut. C e ne fut d o n c point le befoin , ce fut le
plaifir qui, chez les modernes, reproduifit les arts.
Il femble qu’ori pourrait conclure delà , qu’une
plus grande perfection devoit être le fruit de ce
développement ac céléré, de cette liberté que l’art
acquit dès fes premiers p a s , fi l’ expérience ne
^ous p ro u vo it, qu’il eft en tout un point de
Maturité que le temps feul peut donner, 3c qui fe
Architecture. Tome ƒ.
/■ encontre rarement dans la précocité de ces fruits
qui en devancent le terme. Mais au moins il en
r é fu l t e q u ’un concours différent dans les ca u fe s,
dut produire des effets différens. L ’art trouvant
à fa renaiflance prefque tous les obftacles applanis,
3c ayant pu parcourir dans un court efpace de
temps les routes qu’il avoit autrefois employé des
fiècles à f ra y e r , dut fonger à s’en ouvrir de nouvelles
, dut chercher la perfection par de nouveaux
moyens. Mais comme il ne pouvoir efpérer de pafler
les anciens dans toutes les parties eflentielles de
l ’imitation où il étoit forcé de refter en arrière,
il femble ne s’être occupé que d,'u foin d’améliorer
les acceflbires & toutes les parties de détail
dans lefquelles il crut prendre, les anciens
en défaut. C e genre de perfection eft celui que les
modernes ont affeCté dans tous les arts : il tient à
bien d’autres caufes que nous n’expoferons pas ici ;
il fut celui du bas-relief .
A cette caufe , très-générale de la différence de
fyftême dans le bas-relief chez les modernes, s’en
joint une autre plus particulière, dont on v a concevoir
encore mieux rinfluençe. Les moyens de perfection
rapide que tous les arts modernes reçurent
des reftes de l’antiquité , 3c des autres.caufes qui en.
précipitèrent les progrès, donnèrent à la peinture
un développement bien plus p rompt qu’elle n’avoit
pu l’obtenir en Grèce. C e t art que nous voyon s
chez les anciens marcher lentement à la fuite des
autres, eft en quelque forte le .premier à reparoître
chez les modernes. La mofaïque en avoit perpétué
l’emploi dans les édifices de l’o r ie n t , 3c malgré
les débats qui avoient voulu la proferire des
temples chrétiens , elle avoit trouvé à l’ombre de
fes autels, une tolérance qui devoit en accréditer
l’ufage. A u fli les Grecs modernes, auxquels on dut
une fécondé fois la naiflance des arts , en apportèr
e n t - i ls en Italie Jes procédés & le inécanifme
encore reconnoiffables. Un fort différent de celui
qu’elleavoit éprouvé chez les anciens, lui donna donc
accès dans les premiers monumens chrétiens. O n
vo it même qu’elle y joue en quelque forte le rôle
qui avoit autrefois étendu l’empire de la fculpture.
Dans les temples chrétiens c’eft la peinture qui
fert la dévotion. Une forte de préférence, & qui
tenoit peut - être dès-lots à fa fupériorité fur la-
fct^lpture, femble l’avoir confacréeaux pieufes repré-
fentations, dont une fainte crédulité favorifoit la
tradition & multiplioit le nombre. Par la fuite d’un
deftin absolument contraire à celui qu’elle eut en
G rè c e , par la nature différente de la conftruCtion
qui admit plus-volontiers les tableaux que les
Statues dans les ég life s, la peinture, qui avoit
devancé la fculpture, s’émpara prefque en entier
de la décoration des édifices ; enfin par le
nombre & la perfection précoce de fes ouvrages,
elle parvint à fe fubordonner entièrement la fculpture.
Les monumens de l’ antiquité n’étoient encore
ni bien connus ni bien appréciés. Les exemples
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