
w reçu la même altération. J'ai donc toujours fait
oj choix des ordres antiques ; 8c n’ai apporté, de ma
» part, que la diftribution des proportions fondées
» fur des nombres (impies, fans me fervir de brades
•» de pieds, 8c de palmes d’aucun pays, mais feule-
» ment d’une mefure arbitraire & tirée de l’ordre
lui-même , appellée module , 8c divifée en un eer-
a» tain nombre de parties égales. »
Vignole ne s’eft jamais écarté des grandes proportions
, comme du double, du tiers , du quart. Cette
méthode eft le principe de ce beau qu’on admire dans
fes ouvrages , 8c du crédit qu’à eu fon livre d’archi-
te&ure. Il dut 8c devra long-tems fa célébrité à la
facilité de fes règles. Rien n’eft plus aifé à exécuter
que fes ordres. Pour leurs piédeftaux 8c toute hauteur
déterminée , il fuffit de la partager en dix-neuf parties
dont quatre pour le piédeftal, 8c trois qui eft le
quart de douze qu’a la colonne pour l’entablement.
Si l’on fupprime le piédeftal, la hauteur fera divifée
en cinq, quatre pour la colonne , 8c une pour l’entablement.
Palladio , au contraire, donne à fes piédeftaux
environ le quart de la hauteur de la colonne, & le
cinquième aux entablemens. Vignole plus détaillé ,
plus exa& , plus attaché à l’antique que cet auteur,
. lui eft quelquefois inférieur dans fes modules 8c dans
fes compartimens un peu fecs. On trouve aufli que
la hauteur de fes piédeftaux 8c de fes corniches rend
fes colonnes un peu courtes , 8c fembleJes priver de
. cette hardiefle 8c de cette majefté qu*bnt celles de
; Palladio. Quoi qu’il en foit, il n’eft pas moins confiant
qu’aucun maître n’a plus approché de l’antique;
il ne s’en eft écarté quelquefois dans des mefures
particulières, que pour la facilité de l’exécution. Il fixa
le premier les règles du trait de diminution & de
renflement des colonnes. S’il n’a pas fuivi les principes
de Vitruve fur leur efpacement, moindre pour
les grêles, que pour les plus fortes, c’eft qu’à l’exemple
des anciens, il a fait leurs entre-colonnes prefqu’égaux,
lorfqu’il n’y a point d’arcades entr’elles. Dans ce
dernier cas la diftance eft réglée par la largeur des
arcades.
Les qualités morales de Vignole lui attirèrent l’e-
ftime 8c l’amitié de tous fes contemporains, & de
tous ceux avec lefquels il eut des rapports. Il étoit
d’une humeur vive & gaie , d’un caractère doux &
facile, franc dans fes difcours , ami de la vérité, patient
, mais fur-tout infatigable dans le travail. Il
réunît à toutes ces qualités une générofité fans borne
& un défintéreflement bien rare. Les grands travaux
qui l ’occupèrent toute fa vie auroient du lui procurer
une grande fortune ; mais il la méprifa toujours.
Jamais il ne fçut ni ne voulut conferver ou amalfer
de richelfes. Il àvoit , difoit-il , toujours demandé à Dieu de n’avoir ni befoin , ni fuperflu dans tout
le cours de fa vie. Aufli ne laifla-t-il à fon fils Jacinthe
que l’exemple de fes vertus 6c la réputation d’un
grand nom.
BARRE , f. f. C ’eft le nom général de toute pièce
de bois longue 6c mince , qui lert à entretenir les ais
d’une cloifon, 6c à d’autres ufages. Ce mot vient de
l’Italien barra. , perche.
BARRE D’APPUI. C ’eft dans une rampe d’efca-
lier, ou dans un balcon de fer, la. barre de ferapplati
fur laquelle on s’appuie , 6c dont les arêtes doivent
être rabattues.
BARRE de CROISÉE, eft une barre de bois
ou de fer , qu’on met en-dedans fur les volets , &
contre-vents de croifées , 6c fur les fermetures de
boutique.
BARRE D’AUDIENCE. C ’eft dans une chambre
où l’on rend la juftice , l’enclos du parquet,
fait d’une forte cloifon de bois, de trois à quatre
pied de hauteur, où les avocats fe placent pour
plaider les caufes , comme à la Grand’Chambre du
Parlement de Paris. On la nomme en quelques endroits
Auditoire, 6c c’eft ce que les Anciens appelloient
c..ujidicum , félon Vitruve.
BARREAU, f. m. ( Voye£ Barre. )
BARREAU de FER. Nom qu’on donne à tout
fer employé dans fa grofleur.
BARRIERE, f. f. On appelle ainfi , dans les principales
villes de France , particulièrement à Paris,
les lieux où font établis les bureaux des entrées, &
où fe fait la vifite de toutes les marchandiies ôc de
toutes les voitures.
Rien ne prouve mieux que les nouvelles barrières
de Paris à quel point les ouvrages des arts , participent
à la noblefle om à la baflefle des idées d’un
pays ; combien les moeurs des peuples influent fur
î’architecture- ; 6c combien même les dénominations
dont l’ufage accrédite l’emploi, ont de pouvoir, &
furies idées, 8c fur les-monumens d’une nation.
Ainfi les informes paliflades qui ont barré fi long-
tems .les avenues de la capitale , avoient tellement
familiarifé le peuple avec le nom 8c l’idée de barrière,
que l’architeârure a cru devoir en perpétuer le honteux
fouvenir dans ces nouveaux monumens qui, en
faifant regretter l’ancienne pauvreté , feront peut-
être dire à plus d’un homme de goût udnàm remeare
liceret—ad veteres fines.
C ’eft donc à tort que les peuples accufent fouvent
les arts , des vicçs qu’ils devraient s’imputer à eux-
mêmes. Les arts font le miroir le plus fidèle des
idées du peuple. La nation qui les accufe de foiblefle
ou de mauvais goût , reflemble au modèle qui
reprocherait à la peinture fa propre difformité. C’eft
fur-tout dans l’architecture que le génie des peuples
fe peint le mieux. Subordonné à leurs befoins 6c a
leurs | moeurs , cet art fauroit, beaucoup moins qu®
les autres, fe prêter à la flatterie.
Cbe* les Grecs 8c les Romains, l'archite&uré fe
vit portée au plus haut point d’élévation par la (impie
influence des befoins de ces peuples. C ’en étoit un
pour eux que. d’ériger dés monumens proportionnés à
leur propre grandeur; 8c les arts, en s’élevant fi haut, ne
firent qu’atteindre au niveau de leurs inventeurs. Trop
fouvent' dans les prodiges de. l’antiquité , on prend
pour l’effort du génie ce qui ne fut que l’effet du
befoin. Tous les peuples anciens , dont l’hiftoire eft
écrite fur les ruines de leurs monumens , attellent
cette vérité. La grandeur ou la noblefle des idées y
produifit celle des édifices ; 6c Tembelliffement des
villes n’y fut fouvent que le réfultat des befoins 6c
des moeurs.
Rome, où la gloire avoit placé fon empire , s’embellît
ainfi fuccefliveraent 8c fans efforts. Souvent les
édifices du befoin y dewirent des monumens de gloire,
fans , pour ainfi dire , changer de forme. Plufieurs
de fes portes nous en offrent des exemples. La porte
majeure, entr’autrës , fervoit en même teins de conduit
aux aqueducs, 8c d’arc de triomphe. Combien
aufli de Amples portes, dans plus d’une ville de l’empire
Romain , n’ont- elles pas induit en erreur la
roftérité qui, fe méprenant fur leur dénomination ,
a ciu y voir des monumens triomphaux : tant il
eft vrai que les Romains, avoient eu l’art d’en anno-
blir la forme 6c d’en aggrandir l’idée.
Louis X IV , fait pour renouveller les entreprifes
des Romains 8c reflufciter leur génie , nous avoit
donné d’aflez beaux modèles du goût de décoration
convenable à l’entrée d’une grande ville. Trois arcs,
ou portes triomphales -élevées à fa gloire , l’aggran-
diffement de la porte S.-Antoine , honteulement
abattue depuis quelques années ; le modèle du grand,
arc dont le fort lui envia l’honneur encore plus qu’à
Perrault ; tout fembloit avoir fuffifamment annoncé
le voeu de ce grand roi pour l’embelliflement de la
capitale. Quoique le règne fuivant eût peu profité de
ces grands exemples, l’idée ne s’en étoic point perdue.
Oû la retrouve parmi les projets de quelques hommes
amis des arts, ainfi que de la gloire de leur pays.
» L’entrée d’une grande ville , diloit Laugier, doit
» être décorée avec magnificence 8c grandeur. Rien
» de plus chétif 8c de plus miférable que ces barrières
M qui font les véritables entrées de Paris. Il faudroit,
» a l’endrpjt où elles font, élever de grands arcs
» de triomphe , où feroit immortalifée la mémoire
” des hauts faits qui ont rendu célébré le règne de
» nos Rois. »
On fent ce qu’un pareil projet offroit de glorieux
pour une ville 8c d’avantageux pour les arts. La feule
idée d’une dépenfe exceflive , pouvoir en rejetter la
' poflibilité au nombre de ces chimères dont une
Imagination vainement patriotique , aime à repaître
ion efpérance ; 8c l'écrivain dont nous venons de rapporter
les paroles , ne propofoit ce plan, que comme
devant être le fruit fucceflif de plufieurs générations.
* &
Cependant Paris vient de voir reculer fon enceinte;
8c dans l’efpace 4e deux ans, fes nouvelles avenues
dégradées par des monumens , dont les frais excèdent
du quadruple ce qu’eût exigé le magnifique projet
dont nous avons parlé. Les Soixante routes qui abôu-
tiflènt 'à cette capitale , fe font vues flanquées d’édifices
dont les moindres, par les feules dépenfes de
leur énorme conftruéHon , l’emportent fur le monument
même de la porte S.-Denis. Jamais les arts
n’avoieqt vu fe prefenter d’occafioii plus heureufe
pour déployer leur magnificence fous les formes les
plus variées. Jamais projet plus fécond né s’étok
offert au défir des artiftes. Qui fait de combien dp
chefs-d’oeuvre il eût pu devenir la fource , fi , livré
à un concours , dont Topinion publique eût été
juge, il eût pu exercer le génie des meilleurs maîtres
de l’art J Faut-il qu’on ait vu s’évanouir ainfi , 8c fe
perdre dans les fpéculations d’un obfcur 8c avide
intérêt, la gloire d’un fiècle , TembellifTement d’un.e
ville, 8c Tempérance des arts !
On ne doit attendre de nous aucune defcription
de ces monumens, dont quelques-uns ne font pas
encore achevés. Trois réflexions générales fur leur
natuie , leur difpofitiqn 8c leur goût } termineront
cet article.
Quant à leur nature, il n’eft perfonne qui ne fe foit
récrié fur le choix de l’idée adoptée , 8c furie genre
de monumens dont on a prétendu faire une décoration
aux entrées de cette ville. On a vu que les
anciens, annobliflant, 8c de fait Sc par la forme , les
portes de villes, lès cliangeoient en arcs de triomphe:
devoit-il être réfervé, à cette capitale , d’avilir fes
avenues par des édifices dont l’idée feule eft un
opprobre ; 8c dont l’ufage dégraderoit , dans l’imagination
, tout ce que l’architedure auroit pu y employer
de grand 8c de noble. Tout chez les anciens
contribuoit à décorer , à famftifier, pour ainfi dire ,
les approches des villes. Les tombeaux des grands
hommes; bordoient leurs chemins ; des temples ou
des chapelles accompagnoient leurs portes. La fuper-
ftition même ne plaçoit aux abords des cités que des
monumens d’un préfage heureux pour le voyageur
8c l’étranger. C ’étoit loin des villes , 8c non pas à
leur entrée, qu’on bâtifloit les temples des Euménides.
8c des autres Divinités mal-faifantes.
La difpofition des nouvelles barrières , n’offre pas
moins d’inconféquence dans l’effet qui en réfulte
pour l’objet qu’on s’étoit propofé. Les abords de fa
ville , n’en reçoivent qu’une décoration équivoque ,
8c d’autant plus insignifiante, qu’elle fe trouve placée
à côté , 8c hors de l’endroit où elle devoit
naturellement fe rencontrer , c’eft-à-dire le milieu du
chemin. Une porte ou un arc indiquent 8c annoncent
une entrée : deux maifons fituées des deux côtés
d’une route n’indiquent rien ; 8c les grilles qui vont
en défendre 8c en barrer les ifiùes ne feront qu*ùn
fupplément banal à ce défaut. Qui ne voit , au