
Ces témoignages anciens atteftent & confirment
l’hiftoire de l’architecture & de Ton origine. Cet
art fut le réfultat d’un grand nombre de découvertes
fuccefllves, des lumières très-lentes que les hommes fe
tranfmettent, & d’inventions dués plutôt au hazard
qu’à la réflexion. A u flî, quand l’art eft perfectionné,
o î eft déjà trop loin de fa fource pour pouvoir la découvrir
entièrement. Faut-il donc s’étonner que les arts
manquent d’hiftoire, quand les hommes en ont à peine
d ’eux-mêmes? On s’avife tard d’écrire :Tefprit de
fyftême cherche alors à rempliras lacunes de l’hiftoire;
la vérité s’eft échappée ou changée en fable; mais gardons
nous de traiter comme fabuleufe l’imitation
de l’afchîteétiire : elle porte avec elle fon hiftoire f i .
lisiblement écrite , qu’indépendamment de l’autorité
de tous les anciens écrivains , le fimple bon fens fuffit
pour en faire reconnoître l’authentique vérité. (Voye%_
Architecture. , Colonne, Chapiteau , &c„
AR B R E S ou BO IS SA C R É S . Les anciens envi-
ronnoient d'arbres l’enceinte des temples. ( Koye^
B o i s Sa cr é s .)
A R B R E , ( jardinage. ) C e roi des végétau x, par
la grandeur & la fo r c e , doit fe confidérer comme
le premier & le plus riche ornement des jardins.
C e que font les ordres des colonnes pour l’architecte;
les arbres le font pour l’artifte jardinier. I l doit en
étudier les formes & les nuances diverfes, & con-
noitre toutes les propriétés du plus capital , du
plus varié des matériaux qui peuvent entrer dans la
compofition de la verte architecture des jardins.
Quelque foir leur genre, il y faut des arbres :
ceux-ci n’étant pas moins pour l’ornement & l’afped,
que pour le befoin de l’ombre & du fra is , le choix
ne doit point en être indifférent. L ’art & le goût peuvent
les diftribuer en plufieurs cl-affes., eû égard particulièrement
à la forme du tronc , à la dlfpofition
des branches, & à la. nature du feuillage..
L a beanté du tronc eonfifte en un jet droit, haut
Sc délié. - Les arbres de ce port font allez nombreux :
t e l font le hêtre, le tilleul de Hollande, fefapin, Forme
,. le frêne dé la. grande elpèce, phifieurs elpè'ces
d’érable , le peuplier , le châtaignier, le chêne de
Virginie , le pin , &c. Ces divers arbres, dont quelques
uns ont Y avantage de prendre un prompt ac-
eroiflferaentr, conviennent fur-tout aux allées princi- -
pales & aHignées , aux bofquets , à la décoration
des monticules , aux fcènes ou afpects. du genre noble&.
grand.. 6
Pour ce qui eft de la dlfpofition des b ranches /
quelques arbres les pouffent en l ’air comme, l’amandier
& plufieurs efpëces de fautes. Il en eft qui
portent leurs branches écartées l’une de l’autre , tels
que l'arbre de v ie , & le cèdre du Liban. D ’autre’s les
kiffent pendre : de ce nombre le faule du Levant
h bouleau, le meléfe. ou larix. Ces derniers arbres
indiquent affez quel doit être le cara&ère des fîtes,
auxquels il conviennent, & des objets qu’ils peu**
vent accompagner.
■ ( Quant au feuillage , plufieurs arbres fe diftinguent
a cet égard par la richefle & la grandeur : tels font le
hêtre , le tilleul de Hollande , & fur-tout le tilleul
de la Caroline , le chêne rouge de Virginie ou du
Canada, le laurier tulipier , le platane de Virginie,
le maronier d’Inde , l’orme, &c. Ces arbres deftinés
par la Nature à fournir de l’ombrage , font propres
aux fcènes d’été , à des repofoirs ou fallons de fraîcheur.
D ’autres arbres fe font remarquer par leur feuillage
rare , léger & mobile , comme le bouleau , le1
pignet , le" fapin , le tremble , le peuplier blanc
l’acacia de l’Amérique ; quelques-uns par la gaieté ,
ou le luifant de leurs feuilles, tels que le tilleul
ordinaire , le jeune hêtre , le charme commun , le
bouleau , différentes efpëces d’érable , le grand faule
de montagne à feuilles de laurier, le cyprès de Virginie
à feuilles d’Acacia , le chêne blanc. Tous ces-
arbres en général font pour les fîtes qui ne demandent
ni de l’abri, ni de l’ombre , pour les fcènes-
d’agrément & de gaieté, que l’oeil du. jour doit.éclairer
de toutes parts.
Le contrafte le plus marqué , celui- des fcènes
triûes de mélancoliques fè fait avec les arbres dont
le feuillage, eft 'd’un verd fombre & foncé ; tel eft
celui de l’aulne, de l’i f , du chêne noir , du mûrier
cultivé , du hêtre fanguin , du laurier royal.
Les variétés de couleur dans le feuillage de plufieurs
des arbres que nous avons cités en forment
une clafie particulière, à laquelle on peut aggréger
les arbres dont les feuilles,, a une certaine époque,
changent leur verd en un beau rouge ; ces derniers
font un bel effet dans les fcènes d’automne , fur-tout,
lorfqu’ils font entremêlés d'arbres que la verdure n’a,
point quittés. Les autres , c’eft-à.-dir.e ceux à feuilles
panachées ou autrement variées , conviennent aux
endroits & aux plantations où. l’.on veut introduire,
du pittorefque..
Il eft des arbres pour les eaux : ce font ceux donc
le verd bleuâtre répond & s’harmonie à leur teinte
tel que celui des rofeaux , des failles & des peuplier
s. Ce font ceux auïli dont la. cime ondoyànte-
& le feuillage mohile femblent imiter la mouvante:
furface de l’o n d e c e font ceux encore qui-,, laifi'ant.
tomber leurs branches, tels que le faule' du Levant,
le bouleau , le meléfe , &c.. paroiffent v.erfer l’ombre
& le frais..
L ’hiver a aulfi fes arbres : c’eft-a-dire qull en eft
dont la verdure fé conferve dans fa force au milieu-
des rigueurs du froid, & qui ne participent point-
au deuil dia refte de là Nature : tels font le pin, le-
fapin , le- chêne verd, le laurier, lé pignet, le cèdre
du Liban , celui des Barbades, le cyprès de Canada,
Y arbre de vie , le genévrier , l’oranger, l’i f , 8cc. Q n
fent quel avantage il y a- de fe- procurer dans les
jardins x autant qie le climat peut le permettre de a
pîafttatîons entières de ces arbres qui né perdent point
leurs feuilles.
Ces apperçus fuffifent, fans doute , pour faire con-
noître la variété inépuifable que peuvent produire
les arbres combinés entr’eux , eû égard au port, à
la ramification, à la difpofition des feuilles., & fin-
gulièrement à leur ftruéture ; eû égard encore aux
différentes teintes & nuances de verd, caron peut
compofer de véritables tableaux, en fondant ou dégradant
avec art ces teintes & nuances variées à l’infini; eû
égard enfin aux fleurs dont les arbres fe parent, & qu’ils
portent, les uns en touffes, les autres en forme de
grappes ou de guirlandes. Pour prendre une idée de
ces jeux & de cette richeffe de la Nature , dont l’art
& le goût peuvent tirer le plus charmant parti , on
n’a qu’à jetter un coup d’oeil fur les plantations en
forme de pépinières qu’offre le jardin royal des plantes
à Paril, fur-tout dans le tems de la floraifon.
Un arbre à ans les jardins peut fe montrer feul, fe
faire remarquer & plaire , foit par fa pofition ,
comme par exemple s’il termine la perfpe&ive d’un
fite élevé ; foit par un caraétère propre de beauté ,
de Angularité ou de vétufté. Seul, il peut plaire
encore , s’il entre comme moyen heureufément ménagé
dans la compofition d’un tout , tantôt en mettant
de l’enfemble & du rapprochement entre des
parties.féparées, tantôt en liant les bâtimens & les
fabriques aux payfages , tantôt en interrompant des
lignes droites, tantôt en voilant à demi quelque point
de vue.
Pris enfemble, abftraârion faite même de genre
& d’efpèce , mais relativement aux différens fîtes,
les arbres peuvent produire de beaux effets : ici c’eft
un bois dont la perfpeCtive offre de fortes maffes
& de grandes oppofitions :.là , des grôuppes rapprochés
& ' combinés enfemblè formant des bofquets :
plus loin d’autres difpofîtions , des * alignemens de'
tout fens , donnent des labyrinthes’, ' des quinconces,
des falles couvertes , des berceaux , des allées de
promenade, Sec. (Voyc%_ tous ces mots.)
Dans nos jardins peignés, &-.dans ceux quileur ref-
femblent ailleurs, les arbres font dreffés en bouquets,
ou taillés avec le croiflant de cent façons, différentes .
car il n’e ft, pour ainfi dire, point de- formes auxquelles
la main de l’art ne puiffe faire prêter leur
branchage flexible. Cependant n’eft-ce pas, en général
, contrarier la Nature dans fon but,. & la déranger
de fa marche, que d’aflujettir, comme on Je fait,
des arbres à la même configuration, de les arrêter
a la même hauteur, de manière à n’en faire , pour
ainfi dire, qu’un, & à ne préfenter qu’une plateforme
unie ? N’eft-ce pas la.violenter, que d’étendre
avec force des branches en éventail , ou de les applatir
en paliffade ? N’eft-ce. pas méconnoître les véritables
beautés de la Nature, & de l’art qui doit en imiter
le gont & en fuivre la trace , que de tailler
des arbres en quarré ; en pyramide, en boule ; d’en
tagei en rois d échecs ; d’en- découper d’autres de
te e manière que la partie inférieure , garnie de
xemjies comme la partie fupérieure, paroiffe fervk
de eaifle ou de vafe à celle-ci ? Neft-ce pas enfin'
mafquei: ridiculement la Nature , ou la reCtifiér'
étrangement , que d*enfermer, d’encaiffer , comme'
on le pratique , de grands arbres dans de longues:
gaines de treillage peint en verd l
N’en doutons point :' la Nature &. le plaifir enne-1
mis de cette ttifte fervitude,ne vifîtèren:jamais de
tels jardins ; ils s’enfuient à l’afpe<ft de tous ces inftru--
mens d’efclavage qui les effrayent. Pour conferver'
fans altération ces beautés puériles & faâ'ices, il faut
recourir fans ceffe , au croiflant & au» cifeaux, pour-
couper les plus petites branches, & faire rentrer dans1
le niveau les moindres feuilles qui ofent s’échapper^-
C’eft toute cétte recherche de fymétrie , de parure
& de propreté , qui rend froids l’ordonnance & les*
détails de nos beaux jardins, & qui y fait éprouver
un ennui qu’on ne peut fe diffimuler. L’oeil ne fait
où s’arrêter. & fe prendre ; il gliffe par-tout fur de£
furfaces planes & unies ; par-tout il ne rencontré
que des nivellemens, des à-plombs, des alignemens i
bientôt fatigué de cette infipide monotonie de for--
mes guindées , apprêtées & faftices,. il s’élance au-delà:
d» parc pour retrouver la Nature. ■
L’art de donner aux arbres , ou du moins atix'
arbriffeaux différentes formes de fantaifie , pour en-
faire un ornement, paroît avoir été connu des anciens.
Nous voyons dans la lettre où Pline le jeune
fait la defeription de fa maifon de Tofcane , qu’il
y avoit des endroits de Ion jardin où le buis figuroit.
des bornes , des pyramides ; d’autres où il repré-
fentoit en lettres les noms du maître de la maifon-
& de l’ouvrier. Mais on doit obferver que cet:
exemple ne pourrait juftifier que quelques détails
de nos jardins ; que d’ailleurs Pline ne parlé pas:
d'arbres ainfi découpés & contournés , mais-de Amples.
arbuftes ; & qu’au furpfus ce n’étoit qu’une-
portion d’ornement d’un jardin très-grand , & tres-
diverfifié. Tout nous porte à croire que les anciens'
ne connurent- jamais dans leurs jardins ce faux goût
dont nous avons-parlé. Là même lettre de Pline en'
décrivant d’autres arbres dont les tiges étoienr entourées
de feuilles de Iière , ôc de plantes grimpantes
qui enirelaçoîent les troncs, & marioient leur verdure
à celle des rameaux , nous indique affez qu’on1
àvoit puifè dans' la. Nature le vrai goût de cette
décoration qui doit enjoliver les'jardins..
ARBRES de haute futaie. Grands arbres de fige1
dont on forme les. bois , ’les. allées principales, Les
avenues , 8cc, .£ V oyez Arbre.. ).
ARBRES de plein vent r On appelle aihfî les arbres
fruitiers les plus hauts. Ils peuvent entrer avec autant-
d’àgrément que d’utilité-, dans la compofition d^uit
jardin de plaifance. Ce font les arbres fruitiers parmi’
tous les autres qui portent les premières fleurs ; leur
àfpèét enchanteur, f éclat des couleurs - dont ils-
fe nuancent, prêtent un charme merveilleux aux
riants tableaux du printems ; 8t les fruits dont ils fé
colorent en automneen rendent le mélange, auilï