
deux princes, n’avoit pas rendu les artiftes beaucoup
plus ignorants ; aiïïfi l’on peut rapporter tout l'honneur
comme toutes les fautes de l’ouvrage à ceux
q u ’employa Conftautin.
L a forme de cette églife eft donc celle d’une bafi-
lique & meme des plus grandes, telle, par exemple,
que la implique Emilienne, à laquelle' elle reffemble
beaucoup par le plan. (Voye^YiG. 1 1 9 ,1 3 4 & 135).
L a nef eft ornée de quatre-vingt colonnes de marbre
prefque toutes d’un feul bloc. Plulîeurs cependant font
de deux pièces, mais le joint eft li bien fait & fi
adroitement placé à l’endroit ou fe termine la ruden-
ture qu’on les croiroit d’un feul morceau. Ces colonnes
forment cinq allées. Celle du milieu en a vingt
de chaque cô té , les latérales en ont autant. Des
quarante qui bordent la grande n e f , vingt-quatre ont
été tirées, à ce qu’on prétend, du maufolée d’Adrien,
Elles ont environ trois pieds de diamètre, font corinthiennes
, cannelées dans toute leur longueur, &
rudentées jufqu’au tiers. L e marbre en eft blanc &
violet, quelquefois bleu célefte (pavonaçetto ) & l’antiquité
ne préfente rien en ce genre, de plus précieux
pour la matière & le tra vail, pour la beauté de la proportion,
le galbe des fûts & la fculpture des chapiteaux.
C e u x -c i font de marbre blanc qu’on dit de Paros ;
l ’exécution en eft belle, ainfi que le profil des bafes.
Les feize autres font d’un marbre blanc grisâtre, d’une
elpèce de Cipolino 3 elles font groflièrement galbées,
les cliapiteaux & les bafes en font mal travaillées. I l n’ y
en a pas deux qui fe reffemblent dans toutes leurs proportions.
Il n’y en a pas une dont lès cannelures foient
tirées droit, bien vuidées & d’une profondeur égale.
O n fent que le fcuîpteur n’a travaillé qu’en tâtonant 3
q u e , deftitué de principes, il n’a pas donné un coup
de cifeau fans, regarder avec inquiétude fon modèle ;
qu’il a cru l’avoir bien imité après avoir fillonné le fût
depuis le chapiteau jufqu’à la bafe. Les quarante colonnes
des bas-côtés font de marbre allez ordinaire 3
elles étoient autrefois prefque bruttes ; le poli qu’on
leur a donné depuis quelques années, n’a cependant
point encore remédié à l’irrégularité de leur galbe.
Elles font moins groffes que celles de la nef & fans
cannelures. Dans les deux branches de la croifée on
voit auflï beaucoup de colonnes de différens marbres,
mais placées fans rapport à la groflèur & à la couleur.
L e mur, qui fait la féparation de la branche latérale,
eft porté par des colonnes de granit. L ’arc de ce mur
eft fupporté par deux colonnes d’un beau granit oriental
; le fonddel’ églife, ou ce que les Italiens appellent
la tribuna, eft formé par un vafte hémicycle revêtu de
mofaïque. Ce t endroit eft pavé de beaux marbres ; Je
refte ne l’eft que de fragmens confus- & rapportés fans
choix & fans delïin. L a couverture de l’édifice eft
de charpente 5 on ne voit de plafonné que la partie de
la croifée & celle qui eft au-deffus du Sanéïiiaire,
encore cette couverture ne datte-t-elle que du feizième
fiècle. Quelques auteurs fe font permis de douter que
les bafiliques chrétiennes fuflent plafonnées parce que
celles qui nous font parvenues ou ne le font p a s, ou
doivent cet ornement aux fiècles modernes. Rien fa
prouve cependant cette opinion. Les plafonds, n’étant
point de leur nature aufii durables que les voûtes
ont pu fe détruire. On auroit tort de conclure, d’après
la bafilique de S.-Paul, que cette décoration y eut été
oubliée ou négligée par l’empereur Chrétien. Cette
églife fu t , comme l’on fa it , détruite en partie parmi
tremblement de terre, & reftaurée par S. Léon III
l ’an 816. On ne fauroit donc affirmer qu’elle foit pré-,
cifément aujourd’h u i, quant à la couverure & quanta
la décoration totale, la même que fous Conftantin.
Sa difpofition feule & fa conftruétion, ont du fe con-
ferver dans leur intégrité ; cela nous fuffit pour démontrer
fa reffemblance abfolue avec les bafiliques anciennes.
Sa difpofition ne nous fait voir d’autre différence
que la privation des galeries fupérieures à la
place defquelles s’élève un grand mtfr porté fur lçs’
colonnes, percé de fenêtres & qui foutient la charpente.
L a conftruéHon ne diffère de celle des anciens édifices,
que par les arcades qui lient les colonnes en place de
l’entablement. C e vice, comme on le fait & comme on
peut le voir ailleurs, (V o y e z Arcade, Architeéiure.)
s’introduifit dans les monumens du bas-âge par l’ignorance
des architeéfes , qui ne favoient ni fe procurer
des morceaux affez long pour faire des entablemens
continus, ni y fuppléer pqr l’art des claveaux. Cependant
ce défaut ne fut point général dans tous les édifices
de ce tems. .
L a Bafilique de Ste-Marie-Majeure en eft un exemple.
Elle préfente, au moyen des embelliffemens modernes
qui y ont été diftribués avec ch o ix, le plus riche, le
plus grand & le plus bel enfemble , le plus beau modèle
enfin que l’architecture puiffe proposer à nos intérieurs
d’égiifes. Une fuite de belles colonnes Ioniques
en marbre blanc, rangées fur deux lignes de dix-
huit chacune, y forme trois nefs, dont celle du milieu
eft la plus large comme la plus haute. Les colonnes
y portent un entablement continu y au-deffus
duquel s’élève un ordre de pilaftres corinthiens. Les
entre-pilaftres font occupés par des fenêtres ou des tableaux
alternativement placés, tous de forme ceintrée
& de hauteur égale. L ’efpace compris entre les croifées
& l’entablement du premier ordre eft rempli par des
tableaux de mofaïque, & rappelle cette partie des bafî-
liques antiques qu’on nommoit Pluteus. L e fécond
ordre de pilaftres fupporté le plafond, un des plus
beaux & des plus riches que l’on connoiffe; il eft divifé
en cinq rangées égales de grands cailfons dorés: leur
forme & leurs omemens font dans le goût antique. Le
fond de i’églife fe termine par la partie ordinaire de
l ’hémicycle, au tour duquel font rangées les ftalles j
en avant s’élève le baldaquin ( Voye{ ce mot) foutenu
par des colonnes de porphyre. Les ailes ou bas-côtes
font revêtues de marbre & ornées de pilaftres de la
même matière qui répondent aux colonnes de la nef.
Entre chaque entre-pilaftre eft une chapelle. Nous ne
dirons rien des autres détails de ce monument qui
n’auroient rien de relatif à notre objet. Nous parlerons
encore moins de fa décoration extérieure qui n’a aucun
rapport avec la forme ni avec le caractère du dedans*
Mais on peut admirer dans fon intérieur ( Voye£ Fig.
j »6)le modèle.le plus parfait d’une églife chrétienne,
& la copie la plus jufte d’une ancienne bafilique. V i -
truve reparoiffant aujourd’hui fur la terre reconnoîtroit
une bafilique dans l’églife de Ste-Marie-Majeure.
Mais il fe tcomperoit encore moins dans celle de 1
5 te-Avne s hors des murs. Ce petit monument eft un
des olus précieux que l’on connoiffe , par la fcrupu-
lcufe imitation qu’ il nous a confervée des bafiliques
antiques. Cette imitation y eft fi exaCte qu e , fans les
témoignages des écrivains qui nous apprennent que
cette églife fut bâtie par Conftantin, à. la prière de
Confiance, fa foeur ou fa fille, & fans les détails
de fa conftruétion qui 11e permettent pas d’en reculer
la datte plus a v an t, on la prendroit plutôt pour un
ancien tribunal de juftice que pour une églife chrétienne.
Ainfi, quoiqu’elle ne foit point du nombre des
fept égiifes qui jouififent à Rome du titre de Bafilique,
elle en a cependant confervé la forme plus que beaucoup
d’autres qui n’en ont aujourd’hui que le nom. Les
différentes; reftaurations qu’elle a fubies ne la lui ont
point fait perdre. E lle ferme un quarré long dont trois
côtés font environnés de colonnes ; quelques-unes font
du plus beau marbre & du mieux travaillé. L e quatrième
côté, oppofé à la porte d’entrée, fe renfonce en demi
^cercle : c’eft l’hémicycle ou le lieu du tribunal. Le
premier ordre , formant la galerie inférieure, porte un
fécond ordre de colonnes qui compofe un fécond rang
de galeries fupérieures, au-delTus duquel commence le
plafond de l’édifice : on obferve dans le fécond ordre
la dégradation de colonnes recommandée par Vitruve.
On ne trouve , Comme on le v o i t , dans aucune autre
bafilique chrétienne, une aufii grande conformité avec 1
celle des anciens. Ce qui la rend ici parfaite, c’eft cette
continuité de portiques ou de galeries dans l’intérieur
de l’édifice, excepté du côté de l’hémicycle, tandis
que daus les autres, telles qu’on vient de les décrire, les
colonnçs n’y forment que deux lignes qui viennent du
mur de la porte aboutir à celui de l’hémicycle. Mais la
reffemblance la plus entière confifte dans le double
rang de galeries l’une fur l’autre ( Voyeç Fig. i 37 &
m g m ■ ' ' *. _ ■ I
Depuis Conftantin, tous les édifices chrétiens en
Occident, furent conftruits à quelques différences
près, dans la forme de Bafilique. Rome nous en feroit „
voir encore,s’il en étoit bei'oin,un plus grand nombre ;
mais on n’appercevroit dans la plupart que des redites
6 des répétitions plus vicieufes : nous-nous éviterons
ce détail.. Cette forme avoir tellement prévalu que
les Gothiques ne pûrent s’empêcher de l’adopter. On
la reconnoît dans tous leurs plans j plulîeurs encore,
relies que la \cathédrale de Paris , nous en offrent
une réminrfcerice affez exaCLe jufques dans ces galeries
fuperieures qu’on appelle travées , & qui environnent
tout l’intérieur de l’édifice. Mais enfin l’idée devoit
s’en effa cer & difparoître fous les détails capricieux
d une décoration fantaftique , & plus encore fous le
fyfteme nouveau d’une confttuérion entièrement différente
de celle des anciens.
C eft particulièrement au changement de confiruction
, dans les édifices facrés, qu’on doit attribuer le
changement, ou , pour-mieux dire , l’altération des
formes de la bafilique qu’on 11e reconnoît plus qu’avec
peine , même dans ceux qui furent conftruits depuis
le renouvellement des ai rts. IM. le Roy nous en a fait
voir la raifon dans fon hiftoire de la difpofition des*
égiifes Chrétiennes. La principale fe trouve dans> {a
réunion que les architectes modernes ont voulu faire
de la dimenfion des bafiliques d’Gccident avec la
conftruétion de celles d’Orient.
Nous n’avons rien dit jufqu’à préfent de ces dernières
, dont plufieurs différoient entièrement: de celles
que nous avons décrites. C e que nous allons rapporter
de Ste Sophie fuffira pour établir cette dif-
tinCtion*, indiquer le paffage & la communication de
formes qui depuis ont afligué un caractère fi différent
aux bafiliques modernes.
L e fiége de l’empire Romain ayant été transféré
à Conftantinople, il y a lieu de préfumer que la difpofition
de l’ancien S.-Pierre de Rome , eftimé
alors la plus belle églife du monde, fut imitée dans
celle que Conftantin fit élever pour fa nouvelle capitale
, fous le nom de Ste Sophie. Cette dernière ne
fubfifta pas long-tems. Conftantius fils de Conftantin
en fit rebâtir une nouvelle qui éprouva les plus
fâcheux accidens 5 détrüite en partie , & réparée lous
l’empire d’Arcadius , elle fut encore brûlée fous
Honorius , & rétablie par Théodofe le jeune : mais
enfin un fédition furieufe s’étant élevée du tems de
Juftinien, elle fut réduite en cendres. Ce t empereur
ayant , appaifé la fédition, & voulant immortalifer
fon nom par les édifices qu’il faifoit élever en Europe,
en Afie , & dans plufieurs lieux de l’Afrique, raffembla
de toutes parts les plus célèbres architectes.
Anthemius de Thralles, & Ifidore de Milet parurent
furpaffer tous les autres en capacité. Ils conçurent le
deffein de conftruire un temple qui furpaffât de
beaucoup en grandeur tous ceux quiavoient été faits,
& réfolurent de n’y point employer de bois, afin de le
mettre à l’abri des incendies. Comme ils eurent la har-
, dieffe de tenter une conftruCtion inconnue jufqu’alors ,
ils effuyèrent, ainfi qu’il arrive à tous les inventeurs, un
grand nombre de rraverfes 3 il furvint à leur édifice
bien des accidens qu’ils n’avoient point prévus 3 mais
enfin ils eurent la gloire de l'achever , & fa difpofition
fut trouvée fi belle , qu’elle fut approuvée &
imitée depuis par les peuples les plus barbares de l ’Europe
, comme par les nations les plus éclairées.
Le plan de cette bafilique eft quarré. Elle a i j o
pieds d e .lo n g , furprefqu’autant de large. A u milieu
s’élève un dôme ou coupole hémifpherique de 100
pieds de diamètre, percé de vingt-quatre fenêtres,
& furmonté d’une lanterne. L ’intérieur de i’éçdife eft en
arcades, au-deffus defquelles régnait des baluftrades,
& une galerie qui circule tout autour. Le dôme eft
accompagné de, deux coupoles collatérales. T ou t an
fond de l ’églife eft une grande niche ou. demi-coupole,
fous laquelle étoit élevé le feul autel qu!ily eût.
Voye^ au mot ConfiantinopU la defeription plqs
tendue de ce monument. )