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qu’il faut bien diftinguer des v i n s pailles; les premiers
devant leur nom à ce qu’on dépofe fur la
paille les raifins avec lefquels on les fa it , & les
féconds à leur couleur, analogue à celle de la
paille. . , r c *
Ainli que je l ’ai déjà annoncé pluneurs fois, le
meilleur v i n eft celui qui eft fait avec des raifins
cueillis à leur complet état de maturité» mais
l’expérience prouve que la maturité fe perfectionne
encore, & même mieux, après que les fruits
font détachés des arbres.
Ne mettre les raifins dans la cuve qu’un mois,
deux mois, trois mois après qu’ils ont été cueillis,
c’eft-à-dire, leur donner le temps de compléter
la tranfmutation de leur mucofo-fucré en fucre,
& de perdre la furabondance de leur eau de végétation
, eft donc un moyen certain d’obtenir des
v i n s très-chargés d’alcool, & par conféquent très-
bons. On les met donc fur la paille immédiatement
après la vendange, on les furveille pour enlever
les grains pourris, & empêcher par-là l’altération
des autres. Quelquefois on attend jufqu’après l’hiver
pour les mettre dans la cuve, mais le plus
fouvent, à raifon de la perte qui réfulte d’une
trop longue attente, on opère un mois après la
récolte. Du refte, on procède comme à l’ordinaire,
excepté qu’ il faut, au moyen de poêles ,
de couvertures, & c ., élever la température dans
le lieu qù eft la cuve.
J’ai bu de ces v i n s paillés dans diverfes parties!
de la Fiance, & j’ai été porté à faire des voeux
pour que leur fabrication s’étende, car ils étoient^
comparables aux-bons v i n s de liqueur des contrées*
chaudes. Je citerai celui fabriqué par M. Jacques
Beyffer, à Ribauviller (Haut-Rhin), avec le pineau
gris, & celui fait dans le Trévifan avec le picoli,
lefquels m’ont paru fort peu différer en bonté du
fameux Tokai de Hongrie.
Je fuppofe cependant que jamais, à raifon de
la dépenfe & des embarras de la fabrication, ils
puiffent être mis très en grand dans le commerce.
Ils relieront un objet d’amufement pour les propriétaires
aifés & amis de la bouteille.
Dans quelques vignobles, on fe contente de
tordre la grappe fur le cep & de vendanger
quinze jours plus tard } mais quoique le principe
foit le même, le réfultat de ce dernier mode eft
fort inférieur en bonté, fi j’en juge par ce que j’ai
été à portée de voir. Il faut biffer ce mode aux
pays en même temps fecs & chauds.
On ne peut comparer ces excellens v i n s a ceux
qu’on appelle v i n s c u i t s , parce que leur faveur eft
fort différente ; mais je ne dois pas, malgré cela ,
medifpenfer die parler de ces derniers.
Les v i n s cuits fe font en faifant bouillir du
moût, immédiatement après le preffurage, dans
de grandes chaudières, jufqu’ à ce qu’ il foiu réduit
du quart, du tiers, même de moitié, & de le faire
fermenter enfuite.
Par ce fimple expofé, il eft facile de. voir qu’ il
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y a dans le moût rapproché autant de fucre que
dans le moût délayé, & que 1 q v i n cuit doit être
bien plus chargé d’alcool & .de principe ^muqueux
végéto-animal que* celui du même moût qui n’ a
pas été mis fur. le feu j par conféquent qu’il doit
être très-épais & très-fort, reffemoler aux v i n s de
liqueur des pays les plus chauds où la vigne peut
croître. .
J ’ai bu du v i n cuit en France, & il n’étoit pas
agréable. On dit qu’ il eft excellent dans les îles de
l’Archipel, en Grèce, dans l’Afie mineure, & c .j
mais peut-on bien appeler v i n , ce qui y porte généralement
ce nom? Je ne le crois pas, puifque,
d’après les rapports des voyageurs, on n'y fait pas
fermenter le moût rapproché , qu’au contraire
on y met de l’eau-de-vie. Ce prétendu v i n cuit eft
donc un Raisiné alcoolifé, un véritable Ra t a f
ia , une véritable Liqueur de table. V o y e ^ ces
mots.
J’ai parlé plus haut des v i n s de liqueur obtenus
dans les pays chauds du moût des raifins très-fu-
crés, par les procédés ordinaires de la vinification
; je dois dire aufli un mot de ceux qui fe fabriquent
de toutes pièces dans les grandes villes,
en furchargéant de bons v i n s rouges ou blancs de
fucre, de miel, de mélafle, d’eau-de-vie, &
en y mêla it des fleurs de vigne, de.fureau, d’or-
vale, de la racine d’ iris de Florence, & c. Ces v i n s
font quelquefois excellens. V o y e ç Hydromel. ^
L'hippocras, qui eft du v i n dans lequel on a fait
infufer à froid ou à chaud des plantes aromatiques
& diffoudre beaucoup de fucre, peut être mis
dans la catégorie des v i n s de liqueur & des v i n s cuits.
Dire l ’époque précife où il faut faire le premier
tranfvafement du v i n , eft impoffible; cependant
i cette époque arrive généralement dans le cours des
[ trois premiers mois après la vendange. C’eft au propriétaire,
ou à fon repréfentant, de le juge r, à
l’examen du v i n qui ne doit plus alors bouillir,
c’eft-à-dire, dégager du gaz acide carbonique, qui
doit avoir acquis un commencement de tranfpa-
rence & une odeur légèrement alcoolique. Alors
on le tranfvafe dans d’autres tonneaux, où, ne
portant que la lie qu’ il tenoit en fufpenfion, il ne
fermente plus fehfiblement.
Il eft des cas où on ne veut pas que la fermentation
fe complète, & alors on a deux moyens
pour l’arrêter : le premier, en interceptant toute
communication avec l’air, c’eft-à-dire , en mettant
le moût dans des bouteilles ou dans des tonneaux,
& les bouchant ; mais , dans ce cas, on a le.
danger de voir fauter le bouchon, ou éclater
les bouteilles , crever les tonneaux : le fécond ,
en faifant brûler du foufre dans des tonneaux à
moitié pleins, & en en faifant entrer la vapeur
dans le moût, à l’aide de l’agitation de ces tonneaux.
V o y e [ G az sulfureux dans le D i f t i o n -
n a i r e de. C h im i e , »
Cette dernière opération s’appelle Soufrer ,
Mu t er . V o y e i Mu t aÇe .
Dans
Dans quelques lieux on foufre à l’ excès un
tonneau ou un baril de v i n , & il fert à foufrer les
autres.
Lorsqu'on veut, au contraire, ranimer la fermentation
dans un moût où elle s’eft naturellement
fùfpendue, on y met de la lie & du -fucre, on
remue le tout à diverfes reprifes, & on place .le
tonneau dans une température moyenne..
Après que les v i n s ont été tirés de deffus leur
lie , ori les defeend à la cave, parce qu’ ils y trouvent
une température égale & baffe, où la fermentation
ne peut plus faire de progrès, & où furtout
il eft moins à craindre qu’ils 1e transforment en
V in a i g r e . V o y e £ ce mot.
Quelques mois après fon entrée dans la cave,
c ’elt-à-dire, en février ou en mars, le v i n eft encore
fou tiré, & ainfide fuite, à des époques qui peuvent
varier, & varient en effet, fans ceffe, mais
n’ont jamais lieu pendant les chaleurs de l’été.
Il faut procéder avec affez de foin, en foutirant
les v i n s > pour que la lie ne foit pas remuée, car
c ’eft fa complète féparation qui eft l’objet du fou-
tirage. Pour c e la , on emploie communément
un fiphon allant de la furface de la lie , dans
le tonneau vide. Quelques propriétaires font
ufage d’un tuyau de cuir, dont un des bouts eft fixé
à une cahelîe placée au-deffus de la lie , & l’autre
entre dans le tonneau vide par le trou de la bonde.
Lorfque le v i n ceffe de monter dans le tuyau, on
le force à le faire au moyen d’ un vigoureux fouf-
fièr, dont'ie bout fe place dans le trou de la bonde
du tonneau plein.,
Tenir les tonneaux toujours rigoureufement
pleins, eft, une précaution de première impor-
tmee fi on ne veut -pas que les v i n s , furtout
s’ils font foibles, palfent à la fermentation acide»
aiofi , il faut continuer à remplacer, p3r du nouveau
de la même qualité, celui qui s’eft perdu
par les infiltrations à travers les douves ou par
l’évaporation. On calcule, en Bourgogne, fur une
bouteille par mois, l’ un portant l’autre, pour
chaque tonneau de deux cent quarante bouteilles.
L’ ufage des fou ires diminue, fingulièrement
l’importance de cette perte, & -le v i n s'y fait
mieux, aiiffi, je le répète ,- il feroit à dïfirer qu'il
exî-ftât partout. , .. .. ; .
Une grande partie des v i n s ne fe confommé
pas dans le lieu de leur production ; il en eft qui
font tranfportés au loin, foit par terre, fur des
voitu-e. très-cahotant .s , foit par les rivières, où
il eft moins agité, foit par mer, où il éprouvé j
encore plus de cahote me us que par terre, & de
plus fe trouve fréquemment dans des températures
élevées.
Il faut éviter de faire voyager les v i n s par terre
& par mer pendant les grands froids, attendu qu’ils
fefoient expofés à geler, & , pendant les grandes
chaleurs, attendu qu’ ils rifqueroient de tourner.
Les v i n s gèlent d'autant plus facilement qu’ ils
contiennent moins d'alcool. Rarement ils font *
D i â . d e s A r b r e s & Â r b u f ie s .
en entier convertis en glace. Lorfqu on fout ire
avant le d ég e l,1a portion _reliante eft vieillie &
améliorée.; Lorfqu’on foutire après le dégel, le
v i n eft trouble & décoloré, mais fe rétablit par le
repos dans un tonneau foufré, où deux ou trois
bouteilles d'eau-de-vie ont été au préalable introduites.
. .
Les v i n s du Midi, fortement pourvus d alcool,
font prefque les feuls qui puilïent fupporcer les
voyages par mer. Ils s’y améliorent même au point
qu’autre fois, dans k-s bonnes tables de P a r is,oa
n'y fervoit que du Bordeaux qui était aile a
Saint-Domingue ou à la Martinique.
L’analyfe du v i n a été faite plufieurs fois; on en
trouvera le réfultat dans le D i c t io n n a i r e de C h im i e .
Je me contenterai donc ici de dire qu'il contient
de l’eau, de l’alcpoî, de la réfine colorante, de
l’huile eftenticlle odorante, des acides malique
rartareux, du mucus végëto-animal, de l’extraébif,
; de l’alcali végétal. Il s’y forme plufieurs fels neutres-
Tous ces principes conftituans varient- en
! proportion dans chaque forte de v i n , même dans
! celui de la même vigne, à chaque récolte ; c’eft ce
qui rend fi difficile la conduite de lafermentation
; dans les cuves & dans les tonneaux, ce qui fait
qu’il eft prefqu’impcffible de trouver deux v i n s
parfaitement femblables.
Les analyfes du Moût , de la Lie Sc du
V inaigre, ont été également faites, & complètent
ce qu’ il convient de favoir a l’égard du v i n .
L’eau-de-vie , mêlée avec un acide & diftillée ,
donne de I’Ether, lequel fe transforme fponta-
nément en vinaigre ; mêlée avec un ferment, elle fe
transforme auffi en Vinaigre. V o y e i ces mots.
J’ai indiqué aux mots C.1 lliî R & C a v e , les
qualités qu'on d e voit, à tout prsx , donner a ces
conftruétions pour que 1 o v i n s’y conferve le
mieux poffibîé, ainfi que les difpofitions qu’ il falloir
y. .faire: furérogatpiremsnt pour y placer convenablement
les tonneaux &. y exercer une fur-
veiüan ie facile. Ainfi j’ y renvoie le leçkur.
Tous le s v i n s peuvent être bus, quoique ce ne
foit pas fans danger pour quelques-uns, dès qu’ ils
ont fejourné quelque temps dans un tonneau ,
qu'ils y ont dépofé la majeure partis de leur lie 5
mai h ce nVft qu’après le premier foutirage qu’on
les met généralement en confommation, & par
conféquent en vente.
On procède de deux manières à la confomir.a-
tion du v i n dans les ménages des cultivateurs : ou
on le tire dans des bouteilles à mefure du bsfoin »
& alors le tonneau refte plus ou moins long temps
en vidange ; ou on .tire en une feule fois tout le
v i n qu'il contient, & on le conferve en 'B ou -
TF.ILLE. V o y e ^ Q Q m o t .
Ce ne font que les v i n s les plus communs, &
dans les maifons où la confommation eft très-
cchfidérable, les cabarets, par exemple, qu'on
tire de la première manière, car elle favorifê leur
prompte allé ration par l'aérien de l’air, qu’ on eft
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