
impofé l’obligation de rendre compte, dans nos
Mémoires, des expériences faicès par nos bons
auteurs, & cette méthode qui nous a déjà fervi
à éclaircir plufieurs difficultés, eft d’autant plus
nécelTaire dans cette occafion, que la matière
a occupé des phyficiens d’un grand mérite. Un
travail de ce genre, fur les différentes parties
,ds Téconomie foreftière, eft devenu indifpen-
l'able pour tirer parti des obfervations répandues
dans une foule d’ouvrages plus ou moins recommandables.
Ce n’eft point une nouvelle com-
pofition originale que la fcience réclame : elle tft
allez riche; mais fes richeffes font éparfes; mais
les vérités.qu’elle renferme font mê,ees d’erreurs
& fuivies quelquefois de fauffes conféqirences. A
quoi ferviroienc un fyftème de plus ajouté à tant dr
fyftèmes & des hypothèfes nouvelles, nous dirons
plus, des nouvelles expériences? A multiplier les
doutes & les incertitudes. Ce qu'il faut, c’eft me
analyfe raifonnée des expériences faites en diffé:
rens temps & en différens lieux ; ce font des con-
féquences bien déduites de ces expériences, & une
doctrine établie fur ce que la fcience & Ja légif
lation peuvent admettre à la fois; car il ne fuffit
pas qu’un fyftème foit, phyfiquement parlant, meilleur,
il faut aufli qu’il puifTe fe prêter aux règles
de radminiftration, fans quoi il doit refter dans ia
clafle des théories.
Nous ne nous diffimulons point les difficultés
d’un femblable travail, qui exige des recherches &
des connoiflances fort étendues; mais s’il ne nous
eft pas permis de le rendre parfait, nous tâcherons
au moins, par notre exactitude à rapporter & à
comparer les objets de nos recherches , de ne pas
refter trop loin du but.
Nous allons d'abord effayer de fixer les idées fur
le caractère diftinCtif des taillis & fur celui des
futaies.
§. Ier. De la définition des taillis & des futaies.
Une bonne définition eft une chofe toujours
difficile : omnis defini cio periculofa. Cetté vérité,
qui trouve ici une application particulière, au-
jroit peut-être dû nous détourner du projet^ de donner
une définition des taillis & des futaies; mais
les recherches que nous avons faites nous ont paru
offrir quelqu’intérêt, & nous nous fommes déterminés
à les préfenter.
La plupart des auteurs foreftiers & des commentateurs
des ordonnances nous difent què les taillis
font des bois que l’on coupe avant l’âge de 40 ans,
& que les futaies font ceux qui s'exploitent après
cet âge. Cette diftinCtion eft afl’t z jufte pour un
grand nombre d’efpèces de bois; mais elle ne
convient pas à toutes, & elle ne nous apprend
point d’ailleurs la différence naturelle qui doit
exifter entre un taillis & une futaie, ni le caractère
propre à l’un & à l’ autre. Elle eft donc infuffifante
& fautive.
]Le mot taillis vient de taleai taille,- branche1
coupée. Ce mot s’appliquoit autrefois plus parti-
culièrement aux bois que l’ on coupoit fort jeunes,
c’ tft-à-dire , à dix ou quinze ans, & l’on re-
marque que les aménagement fixés pour les taillis
avant l’ordonnance de 1669 , ne fe prolongeoient
pas beaucoup au-delà de cet âge. M D_-fr<>idôur,
dans fon .inftru étion pour les ventes des bois du
Roi (1) , annonce comme une efpèce de révolution
qu’il auroit opérée dans l’aménagement des
forêts de la grande maîtrife de i’ Ile-de- France,
d’avoir réglé les coupes de plufieurs taillis à 1 y,
16, 18 & 20 ans. 11 dit que le bois taillis eft celui
qu’on coupe de 10 en 10 ans, &r i! rappelle les ordonnances
de 1563 , 1575, 1 >87 & 1 y 88, qui
avoient défendu que l’on coupât, non-feulement
les bois du R o i, mais encore lès bois des communautés
ecclefiaftiques & féculières, & même ceux
des particuliers, avant 1 âge de 10 ans. Il paroîr
donc bien certain qu’autrefois les taillis fe çou-
poient très-jeunes, & qu'ils tiroient leur dénomination
de la fréquence des coupes. On les appe-
■ oic aufli bois de J'erpe, apparemment parce que la
ferpe fuffifoic pour le façonnage de ces bois, &
bois de coupe lorfqu’ils éroient au-deflus de, 10 ans
jufqu’ à 30. Après cet âge, les bois prenoient la
dénomination de futaie (2),
Par la fuite l’expérie, ce ayant appris qu’il y
avoir beaucoup d’avantages, tant pour la prospérité
des baliveaux réservés, que pour l’ utilité des
produits en matières, à éloigner l’époque de la
coupe des taillis, ori les aménagés à 20, 25 > 3° &
40 ans, & on leur a toujours cônfervé la même dénomination.
Il y a même ajourd'hui des bois aménagés
à 50 & 60ans, qu’on appelle encore taillis,
hauts taillis. Ainfi, petit à petit, cette dénomination
a pris une lignification plus - étendue, puif-
qu'elle nedéfignoit d’abord que des bois fréquemment
coupés, taillés, St qu’aujourd’hui elle s’applique
aufli aux bois aménagés à.des époques allez reculées.
On, doit la refpeêter pour tous les bois
auxquels peut convenir la définition que les Latins
avoient donnée des taillis. Voici cette définition
rirée du Digefte, & rapportée au mot Taillis, dans
l’ ouvrage de Saint-Yon, imprimé en 1610' : Sylva
csdua eft que in hoc habetur3 ut c&datur; vel-qusfuccifa
rursits ex fiirpibus aut radicibus renafeitur. ( Dig. de
vetb. fignif.) Ainfi, un ta il l is est un bois
QUI, ÉTANT COUPE, SE REPRODUIT, OU DE j
souches ou de r a c in e s . Ce.fi aufli la défi >i-
tionque l’on a adoptée en Alle magne : Ein ganser j
DiftriCt Welcher -aus folchem hol^e ( Stockaufçhl g, I
Wur^elholf)', befieht }wird niederWald genanrit (-j). J
D’après cette définition, il n’eft pas ex ad de dire,
du moins d une manière générale & abfolue,
qu’un taillis eft un bois que l’on coupe avant 40
ans, puifqu’il eft plufieurs efpèces de bois qui, *2 3
((x) Ouvrage terminé en ‘1668. - 2) Voye\ de Sainc-Yon , au mo t Taillis.
(3) Harcig , 4 n^ eif ung fur holi\ucht,
après
«près cet âge, fe reproduifent encore de fouches.
j Mais quand l’exploitation eft tellement différée,
[que le repeuplement doit fe faire beaucoup plus
par les femences que par les fouches, c’eft alors
que les bois doivent prendre le nom de futaie, &
s’appeler futaie fur fouches, fi c’eft un taillis qu’on
a laiffé élever en futaie , & futaie de brins, fi elle
provient de femences. En effet, le mot futaie vient
IAefuft, haute tig e , ce qui indique qu’il ne convient
qu’aux bois deftinés à parvenir à leur plus
I haut degré d’élévation, & par conféquent à fe repeupler
de femences.
Voilà donc deux moyens de reprodu&ion, qui
fondent la diftindion principale qu’il y a entre les
[taillis & les futaies. D’après cela, je penfe qu’on
pourroit établir cette définition : un taillis eft un
\ bois que l'on coupe à un âge tel qu'il puiffe fe repro-
tduire de fouches & de racines, tandis quune futaie
l eft celui qui eft deftiné a n être abattu qu'a un âge ou
I la reproduction ne fe fera guère que par les femences.
Cette définition nous montre la nature & la pro-
[ priéte des deux états de bois dont il s’agit, & le
[.mode de reprodudion particulier à chacun. Elle
me femble réunir les conditions néceffaires à une
.définition d’hiftoire naturelle, qui font de préfenter
l’expofition courte & précife des principales
.qualités propres & diftindives des chofes qu’on
[ veut faire connoître. Les exceptions rares que l’on
j citeroit ne peuvent en altérer la jufteffe; car de
[ce que, dans la coupe d’un bois de 80 à 100 ans,
on voit quelques fouches fournir des rejets, on ne
[doit pourtant pas conclure que la définition foit
vicieufe, & il fuffit que l’efpoir du repeuplement
foit fondé principalement fur lès femis naturels,
pour que le bois, dans l’état où il fe trouve, foit
claffé parmi le futaies (1).
I On diftingue au furplus les taillis & les futaies
fui vaut leurs âges : on appelle jeune taillis celui
[de 10 ans & au-defious; moyen taillis, celui de 15
a 25 ans; hauts taillis, -hautes tailles ou gaulis,
Iceux de i f , 30, 40, 50 ans & plus; jeune futaie
ou recrue de futaie, celle qui commence à s’élever ;
\ demi-futaie3 celle de 40 à 60 ans; haute futaie ,
I celle de ioo ans; vieille ou anciennefutaie, celle de
i jo à 200 ans & plus.
J’obferve enfin que la diftitidion qui a été éta-
! blie plus haut, quoique fondée ft.r la nature même
l & conforme aux anciennes définitions, n’a pas
i pour objet de déterminer le fens dans lequel doi-
I vent être entendus les mors taillis St futaie en ma-
I c^ro‘ t* ne la préfente que comme une
i définition d’hiftoire naturelle, & je renvoie aux
( 0 On voit parle tableau qui termine cet article, que les
fouches de quelques arbres peuvent repouffer jufqu’à cent
quarante & deux cents ans. Mais ces âges font les plus
élevés auxquels la reprodudion puifle avoir lieu, & on ne
fondera jamais l’efpoir d’une rcnaiiTance complète fur des
; touches aufli vieilles,
DUi. des Arbres Ù Arbuftes,
mots T ail l is & FuTAiEdu Dictionnaireforeftier,
au Code c iv il, &c.-, pour avoir l’interprétation
néceffaire fous ce dernier rapport. J'obferve encore
qu’elle ne concerne que les taillis & les futaies en
maffif. Quant aux baliveaux & futaies fur taillis ,
ils prennent aufli différentes dénominations fuivant
les âges.
On appelle baliveaux de l'âge ceux qu’on ré-
ferve lors de l’exploitation du taillis; modernes ,
ceux de la dernière coupe, & anciens, ceux des
coupes précédentes.
§. II. Des produits & de la reproduction•
Deux objets principaux font à confidérer dans
l’exploitation en taillis ; favoir : les produits & la
reproduction.
Il y a deux fortes de produits, celui en matière
& celui en argent. En général, il faut confulter
l’un & l’autre, pour déterminer convenablement
Xaménagement d’une forêt ; mais on d o it, dans
certain cas, avoir plus d’égard à l’un qu'à l’autre,
& c’eft pour ne les avoir pas affez diftingués, que
quelques auteurs ont donné des règles fautives fur
l'art des aménagemens. Ils ont confondu dans des
préceptes généraux, l’intérêt du propriétaire particulier,
avec celui du Gouvernement. Le premier
fe trouve fouvent obligé de tirer de fes bois le
plus haut produit en argent, tandis que le Gouvernement
doit prefque toujours vifer au maximum
des produits en matières, pour fatisfaire aux be-
foins de la confommation. Les règles à fuivre par
ces deux claffes de propriétaires, ne font donc pas
les mêmes ; & quand on a dit que le Gouvernement
dévoie aménager fes forêts comme celles des particuliers,
on a avancé une grande erreur. Les anciens
résdemens avoient bien prévu que les bois
des particuliers ne pourroient pas être fournis à
des aménagemens aufli prolongés que ceux de l’Etat,
& c’eft pour cette raifon qu’ils fs font bornés à défendre
qu’ ils fuffsnt coupés avant l’âge de 10 ans.
J’ai déjà fait obferver que le moyen d’obtenir le
maximum des produits en matières, étoit de retarder
les exploitations autant que la nature des
terrains pouvoir le permettre; mais que fi on cal-
culoit les intérêts des capiraux, ce maximum ne
donnoit pas toujours celui en argent, puifqu'une
futaie de 120 ans, qui avoit fourni prefqu’une
fois plus de bois qu’un taillis coupé quatre fois,
de 30en 30 ans, n’avoit rapporté que les f de ce
que ce taillis avoit produit en principal & intérêts.
Quant à la reproduction, elle fe fait plus ou moins
bien, fuivant les efpèces de bois, leur â g e , la
faifon où on les coupe, le climat, la qualité, la
fituation & l’expofition du terrain,la manière dont
fe fait l’exploit ition, & c . & c. Ce font autant de
circonftances qu'il faut encore obferver, pour déterminer
les aménagemens, & pour opérer les e x ploitations.
Tous les bois à feuilles, c*eft-à-dire, tous les
H