t a l i o n s c o n d u it e s d e m a n ié r é a f a v o r i f e r l e r e p e u p le•
m e n t n a t u r e l .
Mais avant d’expliquer ce mode pour chaque
efpèce de bois réfineux, nous allons préfenter les
principaux inconvéniens attachés à Y e x p lo i t a t io n
par jardinage, tant dans les forêts d’arbres réfineux
que dans les autres. Nous emprunterons une partie
de ce que nous aurons à dire à cet egard, des ouvrages
forefiiers allemands de MM. Hartig, Burgf-
dort & Laurop.
C h ap. II. — D e l ' e x p lo it a t io n p a r j a r d in a g e o u f u r
e t a g e , t a n t d a n s l e s b o i s r é f in e u x q u e d a n s l e s b o is
a f e u i l l e s ; d e f e s c o n f é q u e n c e s , & d e s m o y e n s d ' y
f u b f i i t u e r y p e t it a p e t i t , l e s c o u p e s p é r io d iq u e s p a r
é c l a i r c i e s .
\ J e x p lo i t a t i o n par pieds d’arbres en jardinant efl
la plus anciennement pratiquée dans toutes les ef-
pèces de forêts. Il étoit naturel que, dans des pays
couverts de bois, on ne s’occupât que de profiter
des arbres tout formés qui fe trouvoient à la portée
des confommateurs, fans fonger au plus ou moins
de dégâts que pouvoir caufer leurextraélion. Cette
manière d’abattre les arbres eft encore fui vie dans
la plupart des . forêts de la Ruflie, dans celles de
l'Amérique feptentrionale, & dans tous les pays
où l'abondance des bois fembîe encore permettre 1
de ne s’occuper que du prèle nt. Il y a tel arbre
q ui, forti d’ une forêt, a occafionné la deftruétion
de quelques milliers de brins d’efpérance, par fa
chute, Ion e x p lo i t a t io n & les abattis qu’ il a fallu
faire pour le tranfporter. Mais cette manière dé-
faltreufe a été profcrite en France de toutes les
forêts de bois à feuilles, par les anciennes réformations
confirmées par les ordonnances ( i ) , &
fut remplacée par Y e x p lo it a t io n à tire-aire, que
prefcrit encore l'article 11 du titre XXV de l’ordonnance
de 1669. Ce dernier mode, qui garoît
au(fi avoir fuccédé en Allemagne aux coupes par
pieds d’arbres, a été à fon tour remplacé, dans ces
derniers temps, par les coupes périodiques ou ex-
purgades, dans les futaies de toute efpèce, bois à
feuilles & bois réfineux.
Néanmoins, en France & en Allemagne, il y a
encore quelques endroits où les forêts des particuliers
s’exploitent par j a r d in a g e ou f u r e t a g e .
Quant aux forêts réfineufes, elles s’exploitent toujours
chez nous par jardinage, ainfi que nous l’ avons
déjà rappelé. On va voir combien il y auroit
d’avantage à y fubfiituer partout les coupes par
éclaircie, que nous défignons indifféremment fous
cette dénomination, comme fous les noms de c o u p
e s f u c c e jf i v e s , de c o u p e s p é r io d iq u e s , ou d ' e x p u r -
g à d e s .
( 1 ) Ordonnances de F ran ç o is I e r , de juillçc i 544 5
Fracs de Blois en novembre i 5ç 6 5 E d ic de Henri I I I , du
mo is de mai 16 79 > a rt‘ ^ 9 * ( Dcfoidour. )
U e x p lo it a t io n en j a r d i n a n t confifte, comme on le
fait, à prendre annuellement, ou de temps à au1-
tre , dans une forêt les arbres les plus fotts, à les
extraire feul à feul pour les façonner à attendre
de la nature feule le repeuplement des vides que
ces extractions occafionnenr. D a n s l ' e x p lo it a t io n
p a r c o u p e s fu c c e jf iv e s on s’attache au contraire, après
avoir divife la forêt par coupes réglées, à éclaircir
les coupes de temps en temps , en les débarraf-
fant, jufqu’ à ce qu’elles foient arrivées à leur maturité,
des bois morts & étouffés, & à n exploiter
les coupes qui ont parcouru la révolution qui leur
eft affignée que petit à petit, & de manière à obtenir
leur repeuplement naturel fans travaux ni
frais de quelqu importance. Dans une forêt foumife
au mode des co u p e s f u c c e j f i v e s , tout le bois du
même âge fe trouve réuni fur le même difinit,
ou du moins, dans des coupes diftinétes, au moyen
de la divifion géométrique qui en a été faite, &
, de l’ ordre que l’on a fuivi dans les e x p lo it a t io n s ,
tandis que dans l e s f o r ê t s ja r d in é e s il n'y a point de
divifions par coupes, & que les bois de tous âges
fe trouvent mêlés fur toute leur fur face. Tels
font les principaux caradlères qui diltinguent ces
deux genres d' e x p l o i t a t io n ; mais, pour les mieux
comparer, nous allons établir entr’eux un parallèle
fuivi.
D a n s le m o d e d ' e x p lo i t a t io n p a r j a r d in a g e on abat
toujours les plus forts arbres, tandis que dans
l’autre on n’abat que les plus mauvais, jufqu au
moment de Y e x p lo it a t io n définitive. Dans 1 un on
coupe chaque année lur toute l’ étendue de la forêt
5 dans l’autre, la coupe fe borne à quelques
endroits feulement. Dans l'un, chaque partis dè
la forêt eft compofée de bois de tous âges ; dans
l’autre, tout le bois d’une coupe eft du même
âge. Dans l’un, i l f a u t q u e to u te l à f o r ê t f a i t conjlam-
m e n t e n d é fe n d s jd z x \ s l'autre, le pâturagepeutetre
permis fur une très-grande partie de la forêt, fans
beaucoup de dommages. En un mot, ces deux mb*
des d'e x p lo i t a t io n s font tellement differens, que
par rapport à leur exécution , comme par rapport
à leurs réfultats, le contraire de ce^ qui arrive
dans l’ un arrive prefque toujours dans 1 autre.
Nous allons maintenant préfenter les principaux
inconvéniens attachés à Y e x p lo it a t io n en jardinant.
I U n e f o r ê t e x p lo it é e p a r j a r d in a g e n e p e u t fourn
i r a n n u e llem e n t a u t a n t d e b o is q u 'u n e f o r ê t d e l a menu
c o n t e n a n c e e x p lo it é e p a r c o u p e s p é r io d iq u e s .
Pour fe convaincre de l'éxâéhtude. de cette al-
fertion, il fuffit de fe rappeler que de gros arbres
épars fur la furface d?une jeune forer s’étendent
beaucoup plus en branches, & occafiônnent
par conféquerit des vides plus confidérables que
s’ ils étoient à des diftances naturelles, dans un
feul maflif. Suppofons', dans le premier cas, 1m
hêtre d’ une certaine groffeur; il étouffera par 10
ombre 60 à 80 mètres carrés de fous - bois,
tandis que ce hêtre en maflif ferré, & ayant P-’1-
çonféquentbeaucoup moins débranchés, | | |F .'
ità peine une étendue de iy à 1 0 mètres carrés. T
1?fuit cie-là que, dans les forêts jardinées, les ar-
h es bons a être abattus étant très-difféminés, &
rconféciuent d'une grande ampleur de tête, coupon,.
dès efpaces deux & trois fois plus confidé-
ables qu'un pareil nombre d’ arbres du même âge
dans les forêts foumifes à des coupes- réglées. Ou-
tre cela, le jeune & le moyen bois qui fe trouvent
entre les gros arbres dans les forêts jardinées,, ne
i font point affez ferrés , & ne peuvent s’élever en
( hauteur, car ces gros arbres, non-feulement étouf-
j fènt tous les plants qui fe trouvent fous leurs branches
mais ils empêchent encore les perches & les
| brins*qui les féparent de prendre tour I’accroiffe-
ment dont ils feroient iufceptibles. D’un autre
I côté, le recru qui pouffe dans les petites places
I vides eft en grande partie étouffé par les perches
I & brins eux-mêmes. Ajoutons à ces caufes de
I perte & de dégradation , que les arbres que l'on
K coupe tombent fur ceux qui font confervés, les
I écrafent ou les mutilent; que pour les abattre, les
! ouvriers fe ménagent un efpaceen coupant les jeu-
I nés brins qui les gênent autour de chaque arbre;
I que le tranfport s'en fait fouvent avec des chè-
I vaux & des voitures, en fe frayant un chemin à
I travers les bois ; que par- là on eft forcé de couper
K ou froiffer une grande quantité de fujets reftans,
I & de détruire une multitude de jeunes plants ; que
K fut les pentes inacceftîbles aux voitures, il eft fou-
I vent impoffible de faire gliffer ces arbres en bas, à
I eaufe des arbres reftans; que ces difficultés aug-
I mentent le prix de la main-d’oeuvre, & diminuent I
K d’autant celui du bois; que les vides fe multiplient i
I à chaque e x p lo it a t io n , & ne peuvent fe repeupler
I que très-difficilement, à caufe des bois qui lesen-
K tourent.
r On peut conclure de ce qui précède, qu’une
I quantité donnée de gros arbres occupe, dans les
" forêts que l'on jardine, une furface beaucoup plus
grande que dans celles qui s’exploitent par coupes
fucceflives, & que la même étendue de forêt ne
peut donner dans le premier cas que la moitié au
plus des bois qu’on obtiendroit dans les forêts'
éclaircies, où' les arbres réfervés peuvent parvenir
au m a x im um de leur accroiffement, & où ils four-
niffent d'ailleurs les pièces les plus importantes
pour la mâture, tandis que dans les forêts jardinées,
les arbres ne font pas affez ferrés pour procurer
beaucoup de pièces de ce genre.
2°. L e s v e n t s c a u f e n t b ie n p lu s d e r a v a g e s d a n s le s
forêts ja r d in é e s , f u r t o u t d a n s l e s f o r ê t s r é jin e u je s , que \
dans c e lle s q u i s 'e x p lo it e n t p a r co u p e s p é r io d iq u e s .
Dans les forêts jardinées, les arbres e x p lo it a b le s
(bons à être a b a t t u s ) , & ceux qui font fur le point
de l’être, fe trouvent diffêminés parmi les jeunes
bois. Le vent peut donc frapper fans obftacle fur
la tête de ces arbres qui dominent les brins d’un
ordre inférieur. Cette circonftance donne lieu à
beaucoup plus de chablis que dans les forêts qui
mot exploitées par coupes fucceflives, d'après les
D i c i. d e s A r b r e s & A r b u jle s .
bons principes. D’un autre co té , les vides & le
trop grand éclairci fie me n t de la fo re t, occafion-
nës par toute's les caufes dont nous avons parlé,
fourni fient des partages multipliés aux vents , qui
caufent'les- plus grands dégâts parmi le refte du
bois, furtout quand ils viennent de l’ou .ft & du
nord-oueft , & qu’ ils s’exercent fur les é p i c ia s donc
les racines tracent à la furface du fol. Les arbres
qui ne font pas tout-à-fait renverfés par les vents
font fouvent ébranlés dans leurs racines, ou penchés
fur le côté. Dans cet état ils foùffrent, leur
fève s’altère, & ils deviennent le berceau des in-
feétes, qui, comme le d e rm e fte s t y p o g r a p h u s , fe
multiplient de préférence fous l’écorce des arbres
malades, pour envahir enfuite les arbres fains de
la forêt. -
30. D a n s l e s f o r ê t s e x p lo it é e s e n j a r d in a n t , le p â t
u r a g e n é p e u t j a m a i s a v o i r l ie u f a n s \ c a u f e r le p l u s
g ra n d , to r t a u je u n e r e c ru .
Comme on enlève tous les ans fur prefque chaque
partie dé la forêt les arbres arrivés au terme
de leur croiffance, & que les places vides qui ré-
fultent de l’extraélion doivent fe repeupler naturellement,
il devient indifpenfable de maintenir
conftamment toute l’étendue de la forêt en défends;
tandis que dans les futaies exploitées par
coupes, on peut permettre le pâturage dans tous
les cantons, depuis l’âge de 2 y ans jufqu’à l’époque
de leur e x p lo it a t io n . L’exercice du pâturage n empêche
pas la régénération & l’accroilfement de la
forêt, pourvu feulement qu’on ait l’attention de
défendre les coupes âgées de moins de 2y ans de
l’introduélion des befliaux. La néceflité d’interdire
le parcours dans les forêts èxploitées en jardinant,
impofe de notables privations dans les pays
pauvres .en pâturage, comme ceux des montagne s
où font ordinairement les forêts réfineufes. Ces
privations font donc à ajouter aux inconvéniens de
ce mode. Mais quand on eft forcé, comme cela
arrive quelquefois, de fouffrir ce pâturage, il ré-
fulte alors les plus grands dommages pour le recru
, parce que l’herbe qui croît dans les vides des
forées réfineufes eft abfolument néceffaire pour favori
fer la germination des graines , défendre les
plants du foleil pendant qu’ ils font jeunes, & que
les beftiaux arrachent ces plants avec l’herbe qu'ils
paillent ou qu’ils les foulent avec leurs pieds.
40. I L e jt d i f f ic i le de f u r v e i l l e r l e s h o m m e s em p lo y é s
d a n s l e s f o r ê t s e x p lo it é e s p a r ja r d in a g e .
Comme c’eft fur toute l’étendue delà forêt que
fe font les-coupes] que fe façonne le bois, que fe
cuit le charbon & que l’on voiture les produits
de Y e x p lo i t a t io n , il en réfulte naturellement que
la furveillance elt bien difficile, & que, quels que
foient les efforts que l’on fa fie , elle n’ elt jamais
aufii complète que lorfque toutes ces opérations
font concentrées dans un feul ou dans quelques cantons
feulèment, comme dans les e x p lo it a t io n s par
contenance. Il en eft de même des opérations de
martelage ou de récolement.
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