
On ne peut difconvenir des grands avantages
attachés à la méthode propofée par M. de Per-
thuis. Mais l'auteur s’eft arrêté au point le plus
important du fyftème des éclaircies > il ne s’eft
point occupé du repeuplement de la futaie, qui
forme chez les Allemands l’objet eflemiel de leur
manière d’exploiter. Sous ce rapport fa méthode
eft incomplète, & préfente, quoiqu’à un.degré
plus foible,*l’un des vices reprochés à l’ufage ordinaire.
En effet, on ne peut obtenir de recrus fur
des louches de 225 ans j & comme d’un autre côté
on abattroit, lors de la coupe définitive, les brins
qui auroient pu pouffer depuis le dernier éclair-
ciffement opéré à 120 ans, il en réfulteroit que la
futaie éprouveroit encore beaucoup de difficultés
pour fe repeupler. Quoi qu’il en foit, M. de Per-
thuis a donné une grande preuve de fagacité en
traçant une méthode dont il n’avoit point vu le modèle,
& en fe rencontrant fous tant de rapports avec
des auteurs à lui inconnus qui écrivoient d’après
l'expérience fur ce point d’économie foreftière. S’ il
n’a pas tout prévu, c’eft qu’il n’eft point donné à
l ’homme de faire-une découverte complète dans
un premier effai, & l’on ne peut douter que M. de
pou lies, excepté le plus beau, faire parvenir ce dernier,
avant l’hiver, à une hauteur & à une grofîeur fouvent triple'
de celle de la tige coupée. Je ne donnerai pas ici la théorie
de cette opération, que j’ai développée dans.divers articles
du Nouveau Diftionnaire d‘Agriculture, en treize volumés,
imprimé chez Déterville, & principalement au mot Pépinière
; mais je demanderai qu’on l’applique aux jeunes' bois
dans l’année même de leurrepouflè. Sans doute, elle donuera
lieu aune dépenfe eonfidérable, parce qu’elle s’étendra fur
de grands elpaces , & demandera à être faite avec lenteur ;
mais fes réfui rats feront fi profitables, à mon av is, qu’il
eft à croire qu’on ne regrettera pas les forâmes qu’elle aura
eoutéesl
Ce que je dis ici ne s’applique qu’aux taillis, parce que
je fuis convaincu qu’il ne peut pas être avantageux de former
une futaie autrement que de femence, & que dans ce
cas les arbres font cenies n’ avoir qu’une feule tige.
Ainfi donc, au mois'd’août de la première année de la
recrue d’un bois, des ouvriers intelligens fe portefônt vers
chaque fouche, & enlèveront avec la ferpefte, le.plüs'près
poffible du m.ne , toutes les'poulies foibles, toutes celles
qui s’éloignent beaucoup de là diredion perpendiculaire,
routes-eeljes qui feront trop près des autres, toutes Celles
qui feront fourchues , de forte q.u’ il n’en reliera que fix ,
dix , quinze, plus ou moins, félon la groffeur de la fouche
& la vigueur dont elle fera pourvue.
Cet ébourgeonnement n’empêchera pas les éclaircies que
confeille M. de Perthuis j elle les rendra feulement moins j
nécelîaires , ou permettra de les'retarder davantage.
E t qu’on examine des bois la fécondé , la troifième
enfin chaque année après leur recrue julqu’à leur nouvelle
coupe : on verra la nature faire ce que je confeille ic i , :
c’eft-a-dire, que les pouffes les plus foi b lés périront fuc- ;
ce (Eve ment. O r , qui ne jugera pas que la fève qui a fervi
à alimenter les tiges mortes, auroit fervi à augmenter les j
diroenfîons en hauteur & en grofîeur des tiges reftant.es? ï
Je regrette .de n’ être pas à portée d’exccuter en grand ’
& comparativement l’opération que je confeille, & je fais
des voeux pour que quelque propriétaire fe détermine à. me
fapplécr.
(N o t e , communiquée à l’auteur par M . Bo fc. )
Perthuis n’ eût deviné tout le fyftème, s’il eût eu
le temps d’expérimenter fa méthode.
30. Celle de M. Marti g , fondée fur une longue
expérience, obvie à l’inconvénient dont je viens de
parler, en ce qu’ elle affure le repeuplement naturel
de là futaie* Elle préfente encore un autre
avantage’, celui d’un aménagement plus rapproché
& plus productif. L’auteur allemand borne cet
aménagement à 120 ans pour les futaies de hêtre,
& à 160 ou 180 pour celles de chêne, & il paroît
qu’au moyen des éclaircies qui favorifent confidé-
rablement la croiflance des arbres , ces termes font
fuffifans pour obtenir des pièces de fortes dimen-
fions. Mais ce qui diftingue furtout la méthode de
M. Hartig, c’ eft, comme je viens de le dire, fon
fyftème de repeuplement, fyftème auflï fini pie qu’il
eft avantageux.
Dans cette méthode, qui fe pratique dans beaucoup
de futaies de l’Allemagne & même dans les
pays de la rive gauche du Rhin, qui faifoient
partie de la France ( i ) ,o n fait auflï des éclaircies
à des époques à .peu près fêmbl'ables à celles
fixées par M. de Perthuis. Elles fe continuent juf-
qu’à 80 & 90 ans pour les futaies de hêtres, &juf-
qu’à 140 & 160 ans pour celles de chêné ; enfuite,
lorfque la futaie de hêtre a atteint l’âge,de 110 à
120, ou la futaie de chêne, celui de 160 à 180
ans, fuivant les terrains & les. climats, on y fait
une coupe dite de réenfemencement ou coupe fombre3,
dans laquelle on réferve allez d’ arbres pour q:;e
leurs branches puiflent fe toucher} ce nombre de
réferves eft ordinair ment de tyo à 16© par
heétare. Puis, lorfque les jeunes plants provenus
des femençes tombées des arbres réfervés ont acquis
de 8 à 10 pouces ( 21 à 3.2 centimètres ) de
haut, on procède à une fécondé exploitation dans
laquelle on enlève tous les arbres entourés d’un
femis fuffifant, & 3 ou 4 ans après -on opère la
coupe définitive x en neréfervant que 12 à 16 baliveaux
par he&are.
Dans ces .dernières coupes qu’on n’a faites que
fucceflivement en 9 ou ïoans, les arbres à femen-
ces„ réfervés chaque fois & à. une égale diftance ,
donnent lieu à un repeuplement abondant en brins
de Ternences, empêchent le terrain de s’engazon-
ner & de fe deffécher, retiennent la couche de
feuilles mortes qui le recouvre, abritent les jeunes
plants, &produifent en un mot tous lesbonseffets
d’une régénération complète. Il n’ y a donc point
de doute^ qu’en adoptant le fyftème des éclaircies,,
on ne doive en augmenter les avantages parla
manière d’opérer les dernières coupes fuivant le
mode de M. Hartig.
Comparons maintenant, d'après les eftimations
fi.) J ’ai eu occafion, lorfque j’écois- en Allemagne, de
voir plufietirs forêts traitées de cette manière, & j ’ai été
frappé du bel état de ces forêts. G’eft furro.ut dans celles
des environs de Cologne, de BriiJh êc de Bonn, que j’ai
lait cette obfervation*
[-des auteurs que nous venons d’analyfer, les produits
des futaies pleines éclaircies, avec ceux des
j futaies non éclaircies & des taillis (1 ).
C H A P. I I I * Comparaison des produits en matières
F & en argent des futaies pleines éclaircies, avec ceux
p des futaies non éclaircies & des taillis.
| Nous avons fait connoître les calculs de Va-
renne de Fcnille, defquels il réfulte qu’un arpent
de futaie aménagé à 150 ans & éclairci tous les 20
ans, depuis 20 jufqu’à 100 ans, donne en valeur
fïrriple la fomme de 3,283 francs (6,566 francs par
heîtare), qui fait 21 francs 88 centimes pour
[je prix de la feuille} tandis qu’un arpent de taillis
•coupé tous les 20 ans ne donne, mais fans les inr
uérêts3 que 9C0 francs en 150 ans, faifant 6 francs
Seulement pour le prix de la feuille,
t M. de Perthuis ayant eftimé, fuivant le prix
'moyen du bois en 1788, le produit en argent
d’un heétare de futaie pleine éclaircie, effence de
[chérie, & aménagée à 225 ans, a trouvé qu’ il
[.étoit, déduction faite des frais de confervation
[-& du bénéfice du marchand, de 40,387 francs
'. 36 centimes, qui, divifés par 225 , donnent pour
prix de la fruiile 179 francs 50 centimes par hec-
tare, tandis q u e , fuivant la remarque du.même
auteur, certaines bonnes parties de la forêt de
[Fontainebleau, aménagées à 300 ans, mais non
1 éclaircies, ne fe vendoient avant la révolution que
•3,500 francs l’arpent— 7,0.00 francs l’heétare,
[.& qu’en 1778 des futaies de 200 ans, auflï abandonnées
à la nature, ne s’étoient vendues dans la
forêt de Compiègne que 2,830 francs l’arpent —
[5,660 francs l'hcétare. En prenant le terme moyen
f des prix pour ces deux forêts, on trouve que Je
prix d’un heétare non éclairci eft de 6,330. fr.,
-qui, diviles par 250, terme moyen de 300 & de
I200 ans, ne donnent pour prix de la feuille d’un
fheéhre que 25-francs 3 2 centimes. 11 y auroit donc
[ en faveur des futaies éclaircies une différence de
k 154 francs 18 centimes par heélare pour le prix de
f la feuille , c’elt-à-dire, de plus de f..
! D’un autre côté, M. de Perthuis a comparé le
[.produit de ces futaies éclaircies avec celui des gau-
lis aménagés à 70 ans, & il a trouvé que le pro-
Iduit de ces gaulis n'étoit que de. 9,177 francs
[ 24 centimes par heétare 5 ce qui ne faifoit que
131 francs 10 centimes pour le prix de la feuille.
D’où il rélultoit que la différence en faveur
: de la futaie éclaircie étoit encore de 48 flancs
.4° centimes pour chaque feuille ou année com-
1 mune de produit. Cependant les terrains étoient
t fuppofés de la même qualité. La différence eft en-
[. cote plus grande fi on compare l’eftimation des fu-
r.taies pleines éclaircies avec celle des gaulis fans
wàwies; car le prix moyen de la feuille de ces gau-
|lîs n’elt que de 68 francs 48 centimes par hectare.
(1) Je réduirai, d’après notre fyftème décimal, les calculs
de ces auteurs.
ce qui fait entre la valeur de la feuille de ces gaulis
fans futaies & celle des futaies pleines éclaircies,
une différence de 111 francs 2 centimes à l’avantage
des futaies pleines, c’eft-à-dire, de plus de
moitié.
Il réfulte de ces calculs que l’i.ntérêt du Gouvernement
Teroit non-feulement d’élever des futaies
pleines, & de les traiter fuivant la méthode
de M. de Perthuis, mais encore de prolonger Va-
ménagement des gaulis & des taillis autant que 1 s
terrains le permettent, & d’y faire des réfi rves de
baliveaux. Nous reviendrons fur les propofitions de
cet auteur lorfque nous parlerons des taillis j mais,
en attendant, voici les réfultats de fes calculs fuivant
lesprix du bois en 1788 , qu’il a fixés à 48 liv.
la corde pour 1 e maximum 3 & à 3 livres 10 fous
pour le minimum ; ce qui fait pour ie prix moyeu
25 livres 15 fous la corde.
Il Tuppofela corde de bois de chauffage de 8 pieds
découché fur4 pieds 6 pouces de hauteur, & 3 pieds
.6 pouces de longueur de bûche, total 126 pieds
cubes} & celle de charbonnage, des mêmes longueur
& hauteur , & 2 pieds 6 pouces de iongueur
débuché, total 90pieds cubes.
Ta b l e au du produit des taillis, fuivant t âge
de leur aménagement., avec & fans futaie.
P ai x moyen de la feuille d’un hedlare
de taillis.
A ges des taillis..
Sans futaie.
Avec fjiraie.
Dèdudion faite du
ton de la futaie.
12 ans. < rS i 69 c . '
11 46
12 f. 35 c.
16 i-4 • 36 ;
I â5 >8 . a? ■■ 36 • 3 i '70 4.13
l i l 49 85 87 54
60 65 67 .■ 9 83
7 ° . 68 86 i 3 i 12
Futaie éclaircie. .225- . » 179 5o .
On voit par ces réfulrats que le prix de la
feuille du taillis avec futaie, déduction faite du
tort que. la futaie peut faire au taillis, eft beaucoup
plus eonfidérable que celui de la feuille des
taillis fans futaie, & que d'un autre côté il s’accroît
dans une progreflïon étonnante, à mefure
que l’aménagement eft plus prolongé, puifque dans
\aménagement à 70 ans il eft de 131 fr. 12 cent.,
tandis qu’ il n’eft que de 12 francs 35 centimes
dans Vaménagement à 12 ans. Il eft vrai que dans le
fyftème d’aménagement de M. de Perrhuis, les terrains
des taillis deftinés à un aménagement plus prolongé
font de qualité fupérieure à ceux des tail-is
d’un, aménagement borné. L’auteur fuppofe au (fi
que les futaies ne nuiront pas beaucoup aux taillis
li l’on fuit les principes .qu'il, a établis- pour fixer