
vendange, tandis que les premiers, après avoir
été employés au cuvage , reçoivent le v i n fait &
le confervent beaucoup mieux que les tonneaux,
dont le peu d’épaiffeur, favoiifant l’adtion de la
chaleur fur le v i n , donne dieu à fon altération &
à fon évaporation. V o y e ç F o u d r e & T o n n e a u .
C e n’eft pas feulement la théorie, toute favorable
qu’elle fo it, qui me fait coriféifler l’emploi
des foudres de préférence' à celle des cuve$,
mais aufli la pratique , tous les vignobles de l ’Eft
& une partie de ceux du Midi en fuifint ufage
avec le plus grand faciès depuis plus d’un fiècle,
& ayant été perfonnellement à portée d’en apprécier
les grands avantages.
Les opinions varient beaucoup parmi les oenologues
, fur l’époque où il convient de f utirer le
v i n de la cuve ou du foudre. Il a été publié
nombre d’ écrits qui chacun indiquent des moyens
diffère ns pour la fixer. On a inventé des inltru-
mens de plufieurs fortes, dont le plus connu eft
nommé G l e u c o n ô m è t r e , pour, en concurrence
avec le T h e r m o m è t r e & le B a r o m è t r e , guider
en ce cas. V o y e % ces mots.
La théorie- de la Fermentation ayant été
établie à fon article , dans le D i c t i o n n a i r e d e C h i -
. mj e > js p*ai à parler ici que de la pratique de la
vinification ; or , deux confidérations principales,
(toutes autres circonftances égales , doivent engager
à lai lier plus ou moins long-temps le v i n
dans la cuve : l’une , lorfqu’on veut avoir du v i n
très-coloréî l’autre,.lorfqu’on veut avoir du v i n
très-capiteux.
La forte coloration , à laquelle on met malheu-
reufement tant d’importance dans une grande
partie de la France , exige une longue fermenta-
tion , pour que l ’alcool qui fe forme ait le temps
de diffoudre la réfine rouge de la peau du raifin. ;
Il faut l’interrompre li on veut avoir un v i n gé- j
néreux.
Une fermentation prolongée ne produit cependant
pas toujours » au moins dans le Nord, la coloration
du v i n 3 parce que le peu d’alcool qui fe
forme ne fuffic pas pour diffoudre la partie réfi-
neufe rouge, ou que cet alcool s’évapore. J’ai
attribué à cette dernière caufe la décoloration
d’ une cu v é e , faite fous mes yeu x, aux environs
'd e Paris, dans une mauvaife année , avec peu dé
raifins mis dans une large cuve.
Plus la fermentation fe prolonge & plus le v i n
eft foible en alcool, & moins il fe garde dans la
zone intermédiaire d elà France. Dans le Midi,
il en refte toujours affez, & dans le Nord , il eft
fuppléé par le tartre & par le principe acerbe de
la grappe.
Le gaz acide carbonique qui fe dégage des
cuves, comme je. l'ai déjà obfervé, eft mortel
pour les hommes & les animaux'; ainfi il ne faut
defeendre dans une cuve contenant du moût en
fermentation qu’avec une chandelle à ia main , laquelle
, tenue baffe, indique , en s’ éteignant, le
point où il eft dangereux de porter la tête.
Les pièces même où fe paffe la fermentation
ne font point fans danger, & il faut n’ y entrer
le matin qu’avec précaution.
Les peaux des raifins & leurs grappes, lorfquè
la fermentation eft arrivée à un certain point,
montent à la furface du moût & le recouvrent
entièrement. Dans cette fituation on les appelle
le c h a p e a u . Quelques oenologues veulent qu’on
n’ y touche pas, & c’eft ce qui a le plus généralement
lieu. D’autres prétendent qu’ il faut le
tenir au fond de la cuve, parce que fa furface
étant expofce à l’air, tend à s’acidifier & à porter,
par confisquent, un principe d’altération dans le
v i n . Je fuis de. cet àvis. D’autres enfin le brifent
pour en mêler les parcelles avec le moût. Ces derniers
, s’ ils s’y prennent tard, opèrent le plus mal.
On n’a pas befoin de s’occuper de cet objet
dans les cuves fermées,, & encore moins dans les
foudres. Il réfulte des obfervations de M. Auber-
gier , confignées tom. X IV des A n n a l e s d e C h im i e
& d e P h y f iq u e , qu’ il exifte dans la peau du raifin
une huile effentielle très-âcre, peu volatile, déjà
c ité e , qui altère la qualité des eaux-de-vie de
marc, & qui doit nuire à la bonté des v i n s trop
long-temps laiffés en fermentation. C ’eft peut-
être à la privation de cette huile effentielle que
les v i n s blancs doivent la fupériorité qu’ils ont
fouvent fur les v i n s rouges.
Généralement on tire le v i n ' rouge ’de la
cu v e , lorfque le chapeau eft defeendu au point
où étoit la vendange foulée, & ôn ne doit pas
raifonnablement defirer un plus haut degré de
précifion , puifque le v i n doit compléter fa fermentation
dans les tonneaux.
Le v i n ainfi obtenu par le fimple foutirage, s’appelle
la m e r e -g o u t t e . . Il eft cohftamment meilleur
que celui qui provient de la preffée des débris
des grappes qui reftent dans la cüve. On doit donc
le mettre à part, & cela a prefque toujours lieu
dans les bons vignobles, chez les propriétaires ai-
fés, pour leur propre confommation ; cependant,
comme le fécond v i n Ce vend moins, on les mêle ordinairement
dans les mauvais,pour n’ en avoir qu’ un
de qualité moyenne, comme ;e le dirai plus bas.
Auflitôt que le v i n de la mère-goutte eft écoulé,
on porte fur le preffoir ce qui refte dans la cuve ,
& on en extrait tout-ce qu’il contient de liqueur,
par une, deux & même trois preffées fuccèflives ,
toujours diminuant d’abondance & de bonté, &
les réfultats de ces preffées fe mêlent.
Les grains de raifin qui n’avoient pas été
écrafés par le foulage , & dont la peau s’eft beaucoup
affaiblie pendant la fermentation, font
écrafés fous le preffoir & donnent, comme je l’ ai
dit plus haut, un v i n fupérieur à celui de la
mère-goutte , lequel améliore celui de la première
preffée, de manière à l’élever prefqu’ à l’égalité
de cette mère-goutte, lorfque ces grains
font très-nombreux.
Quelquefois on verfe de l’eau fur le marc à la
fécondé preffée, & on en obtient du v i n foible
& dé peu de garde, pour la boiffon d’hiver des
domeftiques; on /appelle p e t it - v i n .
Ce n’eft qu’après avoir coupé avec une bêche
ou une pioche le marc réfultant d'une preffée ,
qu’on effectue la fuivante; o r , ces opérations fa-
vorifenc l’extravalation de la partie acerbe de Ja I
grappe &des pépins, ce qui ne concourt pas peu à i
détériorer le v i n . Je voudrois, en conféquence , j
qu’on fe contentât de divifer le marc a v e c des
crochets de fe r , ou mieux , qu’ on ne mêlât pas
la fécondé preffée avec la première.
Le v i n , à fa fortie de la cuve & du preffoir, eft
mis dans des tonneaux, ou mieux , dans des
foudres, où fa fermentation recommence, comme
je le dirai plus bas.
Il eft des écrivains qui ont recommandé d’attendre
que le v i n foit devenu clair, par la précipitation
de fa l ie , pour le mettre dans les tonneaux
ou dans les foudres ; mais cette pratique a
le double inconvénient de diminuer l’intenfité de
la fermentation fecondaire, la lie contenant la
plus grande partie des élémens de cette fermentation,
& de donner lieu à une grande perte de
v i n fi les tonneaux font neufs, la lie bouchant les
pores du bois.
Il fe fa it, comme je l’ai déjà d it, deux fortes
de v i n s blancs.
L’une de ces fortes a pour bafe des raifins rouges
ou blancs, portés de la vigne directement fur le
preffoir, preffes avec modération, & dont le
moût eft entonné de fuite. C ’eft ainfi que font
faits les v i n s blancs de Champagne.
L’autre forte, dans laquelle il n’entre que des
raifins blancs, ne diffère de la fabrication des v i n s
rouges, que parce qu’ on ne laiffe pas aufli longtemps
le moût dans ia cuve. On reconnoît les réfultats
de cette dernière à leur couleur jaune.
En Champagne, les raifins rouges deftinés à
faire du v i n blanc ne fe cueillent que depuis huit
heures du matin jufqu'à midi, parce que plus tôt
ils feroient trop chargés de rofée, & que plus tard
ils feroient trop dilatés par la chaleur, & par fuite
plus difpofés à s’écrafer dans le transport. On en
enlève tous les grains non mûrs & altérés ; on les
place avec précaution fur le preffoir, au préalable
nettoyé avec la plus grande exactitude, & on les
preffe avec peu de force, mais avec rapidité. La
fécondé preffée entre dans les v i n s rouges de fécondé
qualité. Malgré toutes ces précautions, il
arrive fouvent que le moût fort rofé de dèffous le
preffoir, ce qui diminue la valeur Ô M v i n , & détermine
fouvent de le mêler aves les v i n s . rouges.
Tous ces v i n s blancs, au fortir du preffoir, fe
mettent dans des tonneaux placés dans des celliers,
où ils fermentent, avec grande perte, foit
par la bonde qui refte conftammentouverte, & par
où fe déverfe le v i n pouffé par le gaz acide carbonique
qui fe forme, foit à travers les pores des douv
e s , s’ ils font neufs ; car on ne peut employer pour
eux des tonneaux vieux où il y a eu du vin rouge,
qui les colorent toujours.
■ Dans les tonneaux, comme dans la cuve, la
fermentation varie en durée & en întenfité, félon
la nature du raifin, félon i’année, félon la température
deTatmofphère, félon la capacité, du tonneau,
& c . &rc. On les remplit à mefure qu’ils fe
mettent en vidange, & lorfque la fermentation
tumulrueufe a c e f f e , on met fur le trou de la
bonde une tuile qui la ferme en partie.
On appelle o u i l l e r l’opération de remuer le moût
dans le tonneau pour en mélanger les diverfes parties.
On l’ exécute d’abord tous les jours, enfuite
tous les deux, quatre, huit jours-, félon que
l’exigent les progrès de la fermentation.
C ’eft dans les premiers") ours après l’entonnage
qu’on-doit introduire dans le moût le Sucre , la
fleur de Sure au, la poudre cI’Iris de Florence, les
décodions de baies de Sureau, d’Airelle myr-
tile & autres objets deftinés ou à donner de la force
au v i n , ou à lui fournir un arôme agréable, ou à
augmenter fa coloration. V o y e £ ces mots.
Je dois obferver que le fucre mis en proportion
convenable dans le v i n blanc l’améliore incontef-
tablement ; mais que s’il produit d’abord le même
effet dans le v i n rouge deftiné à laiffer vieillir, il
change les caradères qui lui font propres, c’eft-à-
d ire , lui fait perdre fon bouquet, augmente fa
coloration & diminue fa durée. J’ai été vidime
d’une opération de ce genre faite fur une pièce de
v i n de Nuits, que j’ai été obligé de boire à l’ordinaire
, tant elle s’étoit détériorée.
Le moût bouilli jufqu’à rédudion de moitié, ainfi
que le firop de raifin , font beaucoup préférables
au fucre de canne pour améliorer les vin^ foibles,
parce qu’ils contiennent de la matière extradive ,
fans laquelle il ne peut y avoir de fermentation.
Les Anciens mettoient du plâtre dans les tonneaux
pour adoucir leur v i n ; mais on fait aujourd’
hui que ce n’eft qu’ à raifon de la matière calcaire
que contient le plâtre-, qu’ il agit dans ce cas ;
en conféquence, les modernes préfèrent la craie
( ou toute autre pierre calcaire réduite, en poud
re ) , q ui, fe combinant avec l’acide malique &
tartareux, & fe précipitant dans la lie , diminue
fon goût de verdeur.
Maupin faifoit ufage de l’alcali minéral ou v égétal,
& rendoit en un inftant potables les v i n s
les plus durs ; mais ces v i n s devenoient purgatifs
& fe confervoient peu.
Quelques peuples aiment l’odeur & la faveur de
réfine dans le v i n , & la lui donnent en mettant
. des copeaux de fapin ou de pin dans les tonneaux.
Je ne crois pas qu’il foit bon de les imiter.
Martial rapporte que les Romains ont pendant
Iotog-temps aimé les v i n s imprégnés de fumée. Je
n’ai jamais bu d’un tel v i n , mais j’ai peine à croire
| qu’il puiffe être bon.
C ’eft ici le lieu de parler des v i n s de paille,
JI