grandes ferions de l ’ancienne f o r ê t d’Hercynie , '
font principalement peuplées de pins & de fapins.
M. T runck, auteur d'un ouvrage foreftier allemand
, publié à Fribourg en Brifgav/, en 1788 ,
nous donne des renfeignemens plus-étendus fur la
f o r ê t d'Hercynie. Voici la defcription que nous
avons traduite de fon ouvrage.
La f o r ê t d’Hercynie, appelée par les Romains
H e r c y n i a , du mot H a r ^ k y n , ou plutôt H a r ^ h e i n i ,
aujourd’hui le H a r ^ w a l d , le H a r t i , fituée .fur la
rive droite du Rhin , devoit s’étendre de la Suiffe
vers le nord, fur une longueur de 60 journées de
chemin ; & du Rhin, vers l’eft, fur une largeur de
9 journées ( 1 ) . Nous ne rechercherons pas ici le
plus ou le moins d’exa&itude de cette indication
préfentée, dit M. Trunck, par un auteur romain ,
q u i, fouvent, n’ a eu d’autres données, pour décrire
l’Allemagne , que des rapports populaires 8c
des ouï-dire j mais il eft confiant que cette f o r ê t ,
connue fous les, différens noms allemands qu’on
vient de rappeler, comprenoit tout ce que nous ap- j
pelons aujourd’hui l a f o r ê t N o i r e , les f o r ê t s de Fri- 1
bourg, du T y ro l, de Salzbourg, la f o r ê t d'Oden I
ou Otten, celles de Steiger & d’Ânfpach , autre- ;
ment dit la f o r ê t de Nuremberg-, le SpeflVrt,
les f o r ê t s de Thuringe 8c de la Bohême , enfin ce
qu’on appelle les m o n t a g n e s d u V o t g l a n d & des
m in e s . Nous allons dire un mot de quelques-unes
de ces différentes parties de l’ancienne f o r ê t hercynienne.
La f o r ê t dite aujourd’ hui l a f o r ê t N o i r e , s’étend
depuis le lac de Brégance & les villes foreftières
de Rheinfeld & de Sechingen limées fur le Rhin,
jufqu’à la ville de Fribourg en Brifgaw, autour de
laquelle fe trouve la f o r ê t de Fribourg, de la contenance
de plufieurs milliers d’ afpens. L z f o r ê t Noire
a fans doute reçu fon nom, des bois rélineux qu’ elle
contient, & q u i, de loin , furtout en hiver, lui
donnent un afpeft noir & lugubre.
La f o r ê t hercynienne d’aujourd’hui, ou le Hartz,
eft diverfement décrite, félon fa longueur 8c fa
largeur , 8c félon qu’on y joint telle ou telle f o r ê t .
Elle comprend la haute montagne , dite l e B l o c k -
B e rg . Les montagnes du Hartz font fituées entre la
haute & la baffe Saxe. Elles appartenoient, pour
la plupart, aux éleCtorats 8c principautés de
Brunfwiek, du Hanovre, de Wolfenbuttei & de
Stollberg. Cette f o r ê t a probablement aufli reçu fon
nom de Harzwâld (f o r ê t de bois réfineux) des pins
■ (1) S i on cherche , d’après ces données, quelle furface
il feroit poflible d’afligner à cette fo rê t, en partant de 3 royriamètces, ou 6 lieues par journée, il en réfultera que
ta forêt hercynienne auroiceu 1S0 myriamècres ( 36o lieues)
de long fur 27 myrîametres"' ( 54 lieues ) de large, revenant
à 24,3oo myriamècres carrés ( 19,440- lieues )$•
48,600,000 ied a r e s , ou plus de 90 millions d’arpens d’ordonnance.
En admettant la vérité du fa it, il n’ en faudra pas moins
croire que cette malle de bois contenoit un grand nombre
d"e lieux habités, comme nous en voyons encore dans les forêts d’Orléans êc, de Ly.ons,.
8c fapins qu’elle contenoit » quoique la balle I
f o r ê t hercynienne ne foit compofée en grande par- i
tie que de bois à feuilles ( 1 ) , tels que le chêne
& le' hêtre ; quant à la partie fupérieure de cette '
f o r ê t , elle eft toujours compofée de bois réfi- !
neux. L’adminiftration de la f o r ê t du Hartz, dit !
M. Trunck, eft dans un bon état, qu’ elle doit aux
- réunions fréquentes & aux délibérations communes
des prépofés foreftiers.
Nous paffons fous filence la defcription des
autres portions de l’ancienne f o r ê t d’Hercynie
qu’on peut lire dans l’ouvrage même de M. Trunck.
Cet -auteur, après avoir indiqué les anciennes i
limites des f o r ê t s hercyniennes 8c des Ardennes,
traite du partage qui fut fait des f o r ê t s entre les
chefs de la nation, dans les premiers temps delà
N civilifation ; de l’origine du droit de propriété,
relativement aux f o r ê t s , 8c de celle des emplois
foreftiers.
« Lorfque nos pères , dit-il, eurent formé des
habitations ftables, la communauté des biens
ceffa î les perfonnages les plus confidérables de la
nation, 8c enfuite ceux d’un ordre inférieur dans
la nobleffe , s’emparèrent chacun d’un certain-
arrondiffe.menr, dans lequel ils établirent des terres
labourables, des prairies, des jardins, des vignes,
8c tout ce qui etoit néceffaire pour affiner leur
nourriture & celle de leurs beftiaux. Puis ils fe
partagèrent leurs fujets. Les f o r ê t s relièrent quelque
temps en communauté, mais elles éprouvèrent
enfuite le même fort, 8c alors les plaines les plus
vafles, les montagnes 8c les vallons couverts à e fo r
ê t s d e v i n r e n t la propriété des chefs de la nation.
Ce qui reftoic fut abandonné pour les ufages des
communes 8c des paroiffes. Voilà d’où vient qu’il
exifte encore beaucoup d e f o r ê t s appartenant à des
cantons, à des communes, à des paroiffes & aux
particuliers.
« Quelque temps après le partage des bois,
les rois de France rendirent les premières lois foreftières.
» Dans la fu ite , les empereurs, les rois, les
princes, les comtes & les communes établirent des
officiers chargés de la furveillance particulière des
f o r ê t s . Ces officiers furent inftitués fous les titres de
Comtes foreftiers ( W a ld g r a f e n ) , de Maîtres des
f o r ê t s , & c . Plufieurs familles de la haute 8c petite
nobleffe de l'Allemagne tirent leurs noms des
charges foreftières que leurs aïeux ont exercées.
Çes officiers bornoient leur furveillance aux forêts
royales ou feigneuriales1. C ’étoit devant eux que
l’on traduifoit, pour y être jugées , les perfores
qui avoient commis des délits. Quant aux forêts
communales ou des particuliers, les princes &
(1) Cette délîgnation de b ois à f e u il le s , qui nous vient
des. Allemands , a été adraife pour diftinguer les arbres de
nos forêts en deux chiffes principales : l'une comprenant
ceux dont les feuilles fe renouvélleht chaque année, «
î-’aucre, les arbres qni ne fe dépouillent jamais en totale
, feiMieurs ne les avoient pas, dans les premiers
fptnDS. regardées comme dignes d'être furveiUées
‘ une adminiftration publique. & ils les avoient
Abandonnées aux foins privés des communes ou
des particuliers proprietaires. M B
» Mais les communes ou proprietaires particuliers
voyant que les f o r ê t s étoient expofées aux
dévastions , 8c que tous les .jours elles dimi-
nuoient, fans qu’ ils puffent, comme flmples particuliers,
les défendre, les conferver, ni les ad-
miniftrer, fe décidèrent eux-mêmes à en remettre
la furveillance 8c la dire&ion aux autorités plus
puiffantes qui les avoifinoient.C’eft ainfi qu’ils en
chargèrent les princes, les comtes ou les barons,
fouvent même les villes les plus voifines, 8c
quelquefois les eccléfiafliques.
» Par la fuite , 8c petit à p etit, les champs qui
provenoient du défrichement des f o r ê t s , furent
confiés aux mêmes autorités. Ces lurveillans eurent
les. qualifications de Grands-maîtres de la
Marche { O b e rm a r k e r ) , de Comtes foreftiers (H o l -
g r a v e n ) , 8c plufieurs autres qui marquoient la
l'upériorité de leurs rangs. Quant aux particuliers,
ils étoient défignés par les dénominations de fujets
de la Marche { I J n t e r m a r k e r , E r h e n ) , & autres
quiexprimoienc leurs qualités de vaffaux, 8c celle
de propriétaires dès f o r ê t s dont ils avoient confié
la furveillance. Ils confultoient ordinairement le
chef de la Marche ( O b e rm a r k e r ) , pour c e qui
intéreffoic les améliorations des f o r ê t s ou les dommages
qu’elles pouvoient recevoir. Enfin ils établirent
, fous la prote&ion' 8c la garantie des fei-
gneurs, des réglemens foreftiers , fixèrent les
limites des f o r ê t s , inftituèrent des Maîtres des f o rêts,
des Foreftiers, des Gardes & autres, qui furent
chargés de veiller à leur confervation, d’arrêter
8c de dénoncer les déîinquans, de marquer les
i coupes de bois, 8c de vi fi ter les maifons avant de
faire abattre des bois de conftruétion. Ces officiers
exerçoient enfin , dans toute leur étendue,
la police & l’adminiftration des f o r ê t s communales,
avant que les feigneurs fongeaffent à s’en
occuper. On trouve encore partout, en Allemagne
, la preuve 8c les reftes de ces anciennes
fo rê t s communales. Elles offrirent,, dans leur
adminiftration, le modèle des charges feigrieu-
riales foreftières qui furent établies par la fuite.
» La féigneurie territoriale, ou la fuzeraineté,
établie en Allemagne, ayant été confirmée par le
traité de Weftphalie, 8c s’ étendant toujours de
plus en plus, il fe forma , à l’exemple des Etats
monarchiques, non-feulement des collèges politiques
, mais encore des charges feigneuriales,
pour l’ adminiftration du pays 8c celle des f o r ê t s .
qui, dans plufieurs cantons, eft encore liée à celle
des chaffes, bien qu’au fond ces deux fervices
I diffèrent, effentiellement 8c par leur but 8c par
leur nature , puifque les officiers des chaffes font
; chargés de conferver le gibier, qui fouvent ne fe
nourrit que de bois, 8c contribue par coaféquenc
à la deftruélion des f o r ê t s , tandis que les officiers
foreftiers doivent conferver 8c exploiter ces1
mêmes f o r ê t s de la manière la plus utile 8c la plus
conforme aux befoins de la population.
» Les anciennes autorités'fupérieures des Marches
, ayant fouvent abufé du pouvoir qui leur
avoir été confié , 8c par-là manque le but qu on
s’éxoit propofé, il devint important pour chaque
Etat en particulier, de pourvoir à la confervation
de fes f o r ê t s , 8c de prévenir le manque de-bois
qui menaçoit de toute part ; mais il étoit.impof-
fible aux autorités des fimples cantons, d’apprécier
le befoin en bois de tout le pays , 8c de calculer
la confiftance ou le produit de toutes les f o r ê t s .
Cet état de chofes fit fentir la néceffité de créer
des officiers fpéciaux, pour, au nom du feigneuc
8c de tout l’ Etat, veiller à la confervation des
f o r ê t s . Ces officiers reçurent les diverfes dénominations
de G r a n d s -m a î t r e s d e s f o r ê t s , de F o r e f t ie r s
f u p e r r e u r s , de M a î t r e s p a r t i c u l ie r s , de G a r d e s f o r e f t
i e r s , félon que chaque officier fut chargé de tout
un pays, ou feulement d’ une portion d’arrondiffe-
ment.
Aujourd’hui les f o r ê t s en Allemagne fontTobjet
des foins particuliers des fouverains. On exige
des employés qu’ils aient fait des études fpéciales,
& on les foumèt à des examens févères avant de
r leur confier la manutention des bois. Les f o r ê t s
de cette partie de l’ Europe font, avec celles des
Etats de Venife, les mieux adminiftrées 8c celles
qui donnent les meilleurs produits.
F o r ê t s d e l a R u f i e . Elles contiennent environ
léo millions d’heétares fur une fuperficie de territoire
d’à peu près 1 milliard 7 cent mille hectares
j elles font aujourd'hui les grands magafins
d’où les nations maritimes tirent des bois de conf-
truéfcion. L’étendue des f o r ê t s qui produifent des
bois de cette efpèce, eft de 9 millions d’ heélares.
Dans ce pays, comme dans tous les autres, on
n’a pas fu mettre un frein opportun à la deftruc-
tion d e s f o r ê t s de plufieurs contrées qui fe trouvent
aujourd’hui dégarnies de bois. En Livonie, on
eft réduit à brûler de la rourbe, 8c dans les plaints
de l’Ukraine, ain.fi que. dars; la Crimée, on fe
chauffe avec de la paille 8c du fumier de chameaux.
Les bois y ont été détruits par le pâturage des
troupeaux innombrables qu’on y entretient, 8c
qui fourniffent des boeufs dans tout le nord de U-
Ruflie, en Hongrie, 8c jufqu’ à Vienne 8c Berlin.
Les f o r ê t s les plus productives de la Ruffie font
Celles qui fe trouvent fur les bords de la Duna 8c
du Dnieper. Elles produifent les plus beaux mâts
de l’Univers , que l’on tranfporte fur cès rivières
aujourd’hui réunies par le canal de Leppel jufqu’à
Riga, d’où s’en fait enfuite le tranfport pour
la France, l’Angleterre 8c l’Efpagne.
Dans 1<? nord de la Ruffie, près d’Archange!,
il y a de belles f o r ê t s de mélèzes. On y conftruit
des vaiffeaux de guerre de 110 canons Sc d’autrs*
de toutes grandeurs.