
A M E
D e u x i è m e s e c t io n .
Théorie des aménagement, ou dijfe nation fur les a nié-
nagemtns confidérés fous les rapports phyfques &
économiques.
J ai publie dans les Annales fore fie r es des années
iS iO j j Si 1 & fui vantes, plusieurs Mémoires fur
Vaménagement des forêts en général. Je vais les
placer ici, en y fai faut les changemens & additions
qui me paroîtront utiles. Je traiterai au met E xploitation,
des'opérations qui fe rapportent
à cet o! jet dans notre fyftème ordinaire d'exploitation
8c dans le fyftème des éclaircies.
Je diviferai cette feétion en trois parties ou dif-
f-^rtafions : ïa première fera confacrée aux diffère
ns modes d’ aménagement j la fécondé aura pour
objet les futaies de chêne & de hêtre 5 latroifième
traitera des taillis.
P R E M I È R E P A R T I E .
Examen des différons modes d’aménagement.
C h A P. Ier. Confidérations générales.
Je vais, dans Gette première partie, paffer en
revue, les differens modes d’aménagement, rendre
compte des opinions auxquelles ils ont donné
lieu , & examiner les refultats deces aménagemens
par rapport aux produits & à la reproduction, &
par rapport aux bois de marine.
Ce dernier objet eft d’ une grande importance,
& c’eft peut-être parce que d'anciens auteurs de
traités d'aménagement ne lui ont pas donné le de i?é
d’ attention qu’il méritoit, qu’ on trouve dans leurs
ouvrages des proportions qui ne rendent pas toujours
à opérer l’augmentation de nos reffources
en bois de marine. Quelques-uns ont plus yifé au
maximum des produits en bois de chauffage & de
fervice ordinaire, qu’en bois propres à la conftruc-
tion des vaiffeaux. D’antres ont même propofé de
fupprimer le mode d’exploitation qui nous offre
le plus de reffources en'ce genre ; je veux dire
l'exploitation avec réferve de baliveaux fur taillis.
Avant de procéder aux aménagemens, on doit
faire les vifites & reconnoifîances que, nous avons
indiquées plus haut, fous le titre à’Aperçu des
opérations relatives a t'aménagement.C ’eft d'après ces
reconnoifîances , qtii ont pour objet de conftater
toutes les circonftances locales , qu’on fe déter- !
mine a adopter tel ou tel aménagement , & c’eft I
à J'aide des renfeignemens quelles procurent, !
qu’on peut faire l’application des principes fur la i
matière.
On aménage en taillis les bois où les arbres dé-
péfiffenc après 6c pu 70 ans j & on peut aménager I
en futaie ceux où les arbres profitent jufqu’ à 80
ou 100 ans & plus.
C h a p. TI. Des réferves preferites par l ’ordonnance.
Les forêts &r bois s’exploitent en futaies pleines
& en taillis. Le premier mode , abftraétion faite
des cônfidérations que nous venons d'expofer,
a lieu furtout dans les pays riches en forêts,
tels que l’Ailemagr.e- & la Ruflie, & quelques
parties de la France.
Le mode d’exploitation en taillis eft fuivi plus
particulièrement dans les Etats populeux, parce
que dans les premiers temps les forêts y ont été
moins ménagées, foit par les défrichemens, foit
par les maùvaifes exploitations qui ont amené les
anciennes futaies à l’état de taillis, & fouvent à
l’état de friches. En c ffet, on remarque par les anciens
procès-verbaux de réformation, & notamment
par ceux de M . de Froideur, que les forêts
avoient été dégradées par les exploitations fréquentes
& fans règles, & furtout par les exploitations
en jardinant. Mais alors le défordre a fait
naître l’ordre > & des réglemens confervateurs,
en arrêtant les progrès de la dévaftation, ont preferit
des règles fur les coupes, & ordonné la réferve
d’un certain nombre d’ aibres pour affurer les re-
peuplemens & fournir enfuite lés pièces nécef-
faires aux conftru&ions.
Le dernier de nos réglemens foreftiers, qui renferme
des difpofitions générales fur cet objet, eft
celui de 1669. Il preferit de réferver dans Tes bois
de l’ Etat dix atbrês par arpent dp futaie paimi
ceux de la plus belle venue, & de chêne s’il fe
peut; & quant aux taillis, de réferver tous les
baliveaux ancièns & modernes, avec feize baliveaux
par arpent de l’âge du taiilis, en permettant
neanmoins d‘abattre les réferves qui pourraient empêcher
le taillis de poujfer.
C ’eft ’’milité de ces réferves qui a été l’objet
d’une ccftmovérfe entre les auteurs foreftiers. Je
vais entrer dans la difeuflion , en traitant fuccefîî-
vement des futaies pleines & des taillis.
C H A P. III. Des futaies pleines, & des différentes
manières de les exploiter.
Les futaies pleines s’ étabÜffent dans les meilleurs
fonds. Celles qui:font compofées de bois à
feuilles, c ’eft-à-dire, de bois autres que les bois
réfineux , s’explôitent dans l’intérieur delà France,
par contenance à tire & aire, & à la réferve de
vingt baliveaux par he&are, pris parmi ceux de la
plus belle venue, & d’effence de chêne autant que
poffible. Les âges auxquels il convient de fixer les
coupes, dépendent absolument des localités.
Je vois par les états de la ftatiftique foreftière,
àue les âges auxquels nos futaies font aménagées
var.ienr depuis 80 ans jufqu’à 200 & 250 ans. Mais
les âges les plus ordinaires font de 100 à 130 ans.
Quelques futaies font exploitées à 1 fp & 100 ans,
& fort peu à 200 ans & plus. Quant aux demi-
futaies , elles s’exploitent à 40,. yo, 60 & 70 ans.
N uis ferons connoîire, dans la fécondé partie
de cet article, les rapports des produits, en bois
& en argent, des differens âges d‘aménagement. .
Quant aux fu-aies d’ abres réfineux, tels que les
pins, lapins & .mélèzes , comme ces arbres ne fe
repro juifent que de femences, on les exploite à
des âges très-variables , & affez généralement en
jardinant, quoique ce mole aie bien des inconvé-
niens, ainfi que nous l'expliquerons plus loin.
Tout le monde convient que le mode preferit
par no5 réglemens pour l’exploitation des futaies
de chêne & de hêtre, n’eft pas non plus le plus
avantageux, ni pour les pioduits en nature, ni
pour la facilité du repeuplement. Mais celui des
coupes par éclaircies , qui procure aux futaies un
accroiflement rapide & une régénération facile,
eft fujet à des abus ; & c’eft pour cette raifon que
nos réglemens ont préféré le premier. On n’ igno-
roit point les avantages phyfiques des éciaircies
ou expurgades; car plufieurs auteurs, tels que de
Froidour, Buffon, Duhamel & Vareïine_ de Fe-
nille, les ont confidéréès comme infiniment utiles
à l'accrdiflement des bois. Mais de Froidour,
confidérant tous les abus qui réfultentdece mode,
furtout dans les taillis, les regardoit comme un
monftre en madère de forêts5 Buffon, comme
une opération qu’il faudroit pour ainfi dite fa;re
par fes mains. Varenne de Fenille confeille aux
propriétaires de la faire faire fous leurs yeux; &
Duhamel, en exprimant le defir que ces expur-
gades foient pratiquées par les particuliers, fondent
qu’elles ruineront les bois.de l ’Etat & ceux
des établitremens publics.
Les auteurs qui font venus enfuite, & nommément
M. dePert’nuis, ont reconnu dans les éclaircies
les mêmes avantages & les mêmes inconvé-
niens. M. de Perthuis fils, qui a rédigé l’article
Aménagement du nouveau Cours d’agriculture, penfe
que les mêmes motifs qui ont fait proferire les
éclaircies dans les forêts de l ’ Etat fubfiftent dans
toute leur force, & que les particuliers eux-mêmes
ne voudront pas les admettre dans leurs forêts.
Voilà fans doute des autorités impofantes, &
même on ne peut nier que la méthode des coupes
par éclaircies dans les bois régis par une grande
adminiftration, ne prête réellement à des abus. Je
tâcherai cependant de diminuer les préventions
qu’elle a infpirées, & d’indiquer les modificadons
qui pourroien.t la faire admettre dans quelques
futaies du Gouvernement. Si je réuffis, j’aurai établi
un point important d’ économie foreftière 5 car
il eft reconnu qùe les futiles exploitées par éclaircies
fourniftent des produits bien plus confi léra-
bles, & de plus belles pièces de marine, que les
futaies qu’on abandonne à elles-mêmes jufqu’au moment
de leur exploitation. Je vais, avant tout,
expofer brièvement cette méthoie, telle qu’elle
a été fuivie dans plufieurs forêts des déparcemens
de Rhin & Mofelle, de la Sarre , du Mont-Tonnerre
& de la R oér, lorfqueces pays faifoient partie
de la France. Je p ni ferai la defeription de ce
mode d’exploitation dans les ouvrages de Hartig
& de Burgsdorf que j’ai traduits, & dans les opérations
même de lacommilfion d’aménagement, qui
avoit été établie pour ces départemens ; opérations
qui fe trouvent détaillées dans une inftruébon rédigée
par M. Lintz, membre de cette commilïion.
C H A P. IV. De Vexploitation des futaies de chêne
& de hêtre par éclaircies ou coupes fucceffives.
On prend pour exemple une futaie de hêtre,
parce que les principes d’après lefquels on opère
; pour cette effence peuvent s’appliquer, tarif quel-
: ques modifications, aux autres efpèces propres à
être aménagées en futaie.
Une jeune futaie de hêtre eft fouvent mêlée de
chênes, frênes, érables ,bois blancs, & c . Plufieurs
confidérations phyfiques qu’ il eft aifé de fentir, &
qui font d’ailleurs développées dans les ouvrages
allemands que j’ ai fait connoître, exigent que la
confiftance de cette forêt foit ferrée.
Mais il arrive une époque où I’accroiffement fe
ralentit d’une manière fenlible; où le fol, furchargé
de brins fuperflus, ne peut plus fournir à la malle
des végétaux .une nourriture fuffifante ; où l'air ne
peut plus circuler. Les brins doués d’ une confti-
tution plus heureufe & plus forte, ou placés dans
un fonds plus riche & pins profond que les autres,
s’élèvent au-deffus de ceux-ci, les dominent, les
oppriment & les privent de l’air & du folei! ; un
dépériffement fenfible fe fait remarquer. C ’eft
alors que la forêt appelle la main de l’homme; c’ efl:
alors qhe la végétation dépériflante exige de
prompts feçours ; enfin, c’efl à cette époque qu’ il
faut procéder à l’unie opération à laquelle on a
donné les noms d’ expurgade, de nettoiement & d’ex*
t radio n de bois dépéri {fans.
Le moment où cette opération devient nécef-
faire s’annonce aux yeux; mais il ne peut être fixé
au même terme pour toutes les futaies. Il dépend
du climat, de I’expofition , de la qualité du fol,
de l’état de la jeune futaie & de fa confiftance plus
. ou moins ferrée.
Dans plufieurs forêts ces nettoiemens s’opèrent
fucceffivement vers les trentième, foixantième &
quatre'-vin:t-dixième années, tandis que dans
i d'autres forêts une feule ou deux éclaircies font
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