§. V. De ta combuflibilité des bois.
Sous un femblable titre, M. Haffenfratz a.traité
dans l'ouvrage dont venons de faire des extraits, de
Faction du feu fur les bois employés dans les édifices,
& des moyens qui ont été propofés pour empêcher
ou au moins diminuer les effets de cette aCtion.
Nous confidérerons la combuftion des bois fous
un autre rapport : fous celui de la quantité & de
la durée du calorique qu’ils dégagent par l’ aCtion
du feu, fuivantl’efpèce & la qualité de bois, & les
diverfes circonftances de la combuftion j mais il ne
fera pas inutile de donner une idée des cauf^s de
la combuftion.
« Les bois , dit M. Haffenfratz, font compofés
de deux fubftances principales : le carbone Se l’hydrogène,
qui ont une grande affinité avec l’oxigène,
partie conftituante de l’air atmofphéiique. Lorfque
ces deux fubftances font pénétrées de calorique,
que leur température s ’élève à 180 ou zoo degrés
du thermomètre centigrade, l’oxigène de l’atmof-
phère fe combine avec elles j par cette combinaison
il fe dégage une quantité confidérable de
calorique qui augmente la température du bois ,
détermine l’oxigène à fe combiner de nouveau, & ,
par fuite de cette combinaifon, élève la température
à un tel point, que le calorique abondamment
dégagé fe préfente fous le double afpeCt de chaleur
8c de flamme.
33 L’auteur pofe en principe, que le feul moyen
d’ arrêter la combuftion eft à3 ôter tout accès à ïo x i-
gène; il rappelle les procédés qui ont été propofés
pour cet effet. Voye£ fon Traité de VArt du Char-
' pentier. »
D’après l’idée que l’on vient de donner des
caufes de la combuftion, on voit qu’ un agent extérieur
, Yoxigène, eft indifpenfable pour déterminer
cette combuftion, & que plus cet agent pourra
exercer fon aCtion, plus la combuftion fera rapide }
& comme l’oxigène forme l’une des -principales
parties de l’ air atmofphérique, il en réfulte que la
combuftion des bois eft accélérée, retardée ou détruite,
félon que cet air fe renouvelle plus ou
moins facilement, & que les matières embrafées
y trouvent plus ou moins d’oxigène pourentretenir
leur combuftion. C'eft ainfi que le feu eft excité
par un courant d’air ; qu’ il languit dans un efpace
refferré où l’ air ne fe renouvelle qu’avec difficulté,
ou lorfque le bois eft enveloppé de matières qui
affoiblilîent fon aCtion ; qu’il s’éteint dans un vafe
clos hermétiquement} que même on parvient à
éteindre le feu d’ une cheminée en fermant les
deux ouvertures, ou en l’enveloppant d’un gaz
qui ôte tout accès à l’air atmofphérique.
' Mais, quelle que foit l’aCtion de l’oxigène fur la
combuftion, cette combuftion & fes effets participent
auffi des qualités individuelles des bois. J’ai
publié* en 1807, la traduction des expériences que
M. Hartig a faites pour déterminer les rapports
des bois entr’eux, relativement aux effets qu’ils |
peuvent produire dans la combuftion. Ce travail
paroît avoir été fait avec un grand foin , & avoir I
exigé des préparations que peu de perfonnes font
en état de faire.
Mais, avant de rendre compte ici de ces expériences
, je rappellerai quelques obfervations que
j ’ai extraites des EJfais économiques de M. de
Rumfort, & que j’ai confiantes dans la préface de
ma traduction.
«Pour fixer, dit M. de Rumfort, avec pré-
cifion les mefures que l'on doit prendre pour
chauffer une chambre avec du feu allumé dans une
cheminée ouverte, il eft néceffaire de fa voir com.
ment & de quelle manière le feu communique de la
chaleur à la chambre ? On trouvera peut-être, au
premier aperçu, cette queftion oifeufe & toper-
flue} mais en examinant foigneufement fon objet,
on verra qu’elle eft digne d’être développée avec
la plus grande attention.
33 Pour déterminer de quelle manière une chambre
eft échauffée par le feu d’ une cheminée ouverte,
il eft néceffaire de favoir fous quelle*forme
exifte la chaleur occafionnée par l’inflammation
des combuftibles j enfuite, comment la chaleur fe
communique aux corps qui en doivent fentir
l’impreffton. »3 A-l’égard du premier ob jet, il eft très-certain
que la chaleur, • procréée par l’inflammation des
combuftibles, exifte fous deux formes diftinftesoi
très-différentes. L'une eft combinée avec la fumée,
les vapeurs & l’air échauffé qui s’élèvent du corn-
buftible en feu , & paffent dans les régions topé-
rieures cte l’atmofphère , tandis que l’autre partie
qui paroît nêtre point combinée , ou , comme quelques
phyficiens je fuppofent, qui n’eft combinée
qu’ avec la lumière , part du feu , fous la forme
de rayons, dans toutes les directions poffibles.
33 Quant au fécond objet de mes recherches,
favoir : comment la chaleur, exiftant fous differentes
formes, eft communiquée à d’autres corps,
il eft très-probable que la chaleur combinée ne
peut être communiquée à d’autres corps que par
un contaCt aCtuel avec le corps qui eft combine
avec elle. Par rapport aux rayons qui partent du
combuftible enflammé, il eft certain qu’ils ne communiquent
ou ne procréent la chaleur que dans
les corps qui les arrêtent ou lesabforbent. En paf-
fant par l’air , qui eft tranfparent, ils ne lui tranfj
mettent certainement aucune chaleur, St il paroît
très-probable qu’ils ne communiquent aucune chaleur
aux corps folides qui les réfléchiffent.
»3 Sous cet afpeCt même, fis paroiffent avoir j
beaucoup de rapport avec les rayons du foleil.Mais
pour ne point détourner l’attention du leCteur, &
ne pas l’éloigner du fujet que je traite aduelle-
ment, il ne faut pas que je m’engage dans des dif-
fertations fur la nature & la propriété de ce qu’on
peut appeler la chaleur rayonnante.
33 C’eft un fujet extrêmement curieux & digne
de l’attention des phyficiens j mais il faudroitplus
d’étendue que je n’en peux donner à cet eflai,
pour traiter cette matière d’une manière convenable;
il faut donc fe contenter d’un examen
partiel des objets qui paroiffent néceffaires à mon
but.
»» Une queftion fe préfente naturellement j c eft :
quelle eft la proportion de la chaleur rayonnante
à la chaleur combinée ? Quoique ce point n’ait pas
été déterminé avec une efpèce de précifion, il
eft néanmoins certain que la quantité de chaleur
qui s’évapore avec la fumée, la vapeur & l’air
échauffé , eft beaucoup plus confidérable , peut-
être quatre fois, que la chaleur qui émane du feu
fous la forme de rayons j cependant, quelque modique
que foit cette quantité de chaleur rayonnante,
c’eft la feule partie de la chaleur, procréée
par l’inflammation du combuftible qui brûle dans
une cheminée ouverte , qui puiffe êcre employée
à échauffer un appartement.
33 La totalité de la chaleur combinée s’échappe
parle tuyau delà cheminée} elle eft donc entièrement
perdue. Dans le fait, on ne pourroit en diriger
aucune partie d’une cheminée ouverte dans
•une chambre, fans y introduire en même temps la
• fumée avec laquelle elle eft combinée , ce qui
: rendroic l’appartement inhabitable. Il y a cependant
une manière de fetorvir de la chaleur combinée qui
: s’élève du foyer découvert, pour concourir à
échauffer une chambre} c’eft en la fai fan t paffer
par quelque chofe d’analogue à un poêle allemand
placé dans la cheminée au-deffus du feu.-Je parlerai
dans la fuite de cette nouvelle invention.
f « La quantité de chaleur rayonnante, procréée
par une partie de combuftible quelconque,
dépend beaucoup de l ’arrangement du feu , ou de
la manière dont le combuftible eft confumé. Quand
le feu eft clair & v if, il fournit beaucoup de chaleur
rayonnante } mais quand il eft étouffé, il n’en
produit qu’une petite quantité, & même cette
chaleur eft très-peu utile. La plus grande partie
de la chaleur produite eft employée immédiatement
à communiquer de l’élafticité à une certaine
vapeur épaiffe qu’on voit s’élever du feu } & la
combuftion n’ étant qu’incomplète, une partie de
•la matière inflammable du combuftible eft Amplement
raréfiée, & pouffée dans le tuyau de la
cheminée fans avoir été enflammée} & le combuftible
fe confirme avec peu d’avantage. Il eft
.donc très-important, fous le rapport de l’écono-
jinie, de la propreté, & même de l’agrément, de
faire attention à l’arrangement du feu. 33
r ^ et extrait concerne en partie les effets de la
[ chaleur par rapport à la pofition 8c à l'arrangement
| combuftible. C ’eft le point de vue fous lequel
| les expériences de M. de Rumfort ont quelqu’ana-
: Ipgie avec celles de M. Hartig. Mais celui-ci a
Hait connoître la différence mathématique qui
réfulte , quant aux effets de la chaleur, des diverfes
circonftances dans lefquelles on brûle une
efpèce de: bois. Il a prouvé qu’un feu clos prod
u is it un effet prefque double de celui d’umfeu
ouvert, & il a fait voir quels étoient les bois qu’ il
eft avantageux de brûler de telle ou telle manière.
Duhamel n’a point fait d’expériences fur la corn -
buftion des bois, mais il s’eft affuré des propriétés
des différentesefpèces.de bois & de leurs qualités,
fuivant la nature, la fituation & l’expontion du
terrain où ils ont c rû , l’âge & la faifon où fis
ont été abattus, & leur état vert ou fec.
M.Hartig a eu égard à toutes ces circonftances,
en comparant enfemble des bois du même â g e ,
crûs fur des terrains également propres à chaque
effence, coupés dans la même faifôn , entièrement
fecs ou verts. Cette attention & les foins qu'il a
apportés dans tous fes examens, infpirent quelque
confiance en faveur des réfultats qu’ il a préfentés.
J’ai , pour faciliter l’ intelligence des tableaux
qui offrent ces réfultats, réduit en poids, mefures
& monnoies de France, ceux qu’ il avoit
employés> & j’ai ajouté un troifième tableau indiquant
dans un ordre décroiflant, la qualité des
bois de feu. Il m’a fuffi, pour l’établir, de confulter
les dernières colonnes de celui de l’auteur , où fe
trouvent les valeurs relatives de toutes les fortes
de bois. J’ai donc extrait d’abord l’efpèce de bois
dont la valeur. étoit la plus forte. Ce bois s’eft
trouvé être le fycomore j puis j’ai cherché quel
étoit celui qui le fuivoit, & j’ai vu que c’étoit le
pin fauvage.
Mais une remarque importante à faire , c’eft
que, bien que le fycomore paroiffe être le premier
des bois à brûler, il ne faut pas en conclure qu’ un
bois de cette efpèce qui n'auroit que quarante ans,
vaille plus qu’un bois de hêtre de cent ans. Les
expériences prouvent le contraire. On ne doit
donc, ainfi que l’auteur l’a fa it, comparer enfemble
que les bois qui font relativement du même
âge. Cependant il n’échappera pas au leCteur que
le même ordre , dans lequel Ce trouvent les bois
d’un accroiffement parfait, fe retrouve encore
pour plufieurs^o/x d’ âges inférieurs, 8c que même,
dans ce cas, la proportion des prix fe foutient
affez bien; il verra par exemple que , fi le fycomore
de cent ans vaut 17 fr. 57 cen t., tandis que
le hêtre du même âge ou environ ne vaut que
i j fr. 40 cen t., le fycomore de quarante ans vaut
encore plus que le hêtre de quarante ans , puifque
la valeur du premier eft de 13 fr. 13 cent., lorfque.
celle de l’autre n’eft que de 11 fr. j8 cent.
Comme l’ouvrage de M. Hartig eft peu volumineux,
Si qu’il renferme des réfultats précieux
qui ne font guère fufceptibles d’être analyfés , je
vais'tranfcrire la traduction que j’en ai donnée.
C ’eft donc l’auteur qui va parler, & -dont je ne
ferai que l’ interprète.
A a z