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fujette à l’inconvénient d’une grande irrégularité
dans la diilribution de la chaleur, inconvénient
augmenté par la néceflné d’ouvrir fouvent les
nouets pour voir fi les vers font éclos, & pour en
retirer les vers éclos; aufîi perd-on l’ouvent des portions
de couvées > & même des couvees entières.
il eft bien plus facilede réglerla chaleur & de voir
ce qui fe paiîe à l’ intérieur dans une petite étuve
pourvue d’un thermomètre & chauffée par un poêle
ou une lampe. C ’eft ce qui fait qu’on la préfère
dans toutes les grandes éducations, fous le nom de
couveufe.(Voy. Etuve.) La feule précaution qu’ il
faille avoir, c’ eft de ne pas trop forcer de chaleur,
furtout dans k s commencemens , précaution qui
manque fouvent, & qui a engagé quelques propriétaires
de magnanières à faire éclore leur
graine dans des étuves entourées d’eau chaude,
appelées four hydraulique.
L’important eft que les vers éclofent tous en
même temps, car rien n’ eft plus nuifibie au fuccès
d’une éducation que d’en avoir de différens âges.
La couleur des vers eft , à leur naifl'ance , ou
grife, ou noire, ou rouffe } mais quoiqu’on dife le
contraire, elle n’influe en rien fur leur profpéiité.
Les vers s’enlèvent de la chambre' ou des
chambres de l’étuve , car il en eft à plufieurs
compartimens , au moyen d’une feuille de papier
percée de trous, à travers defquels ils palfent, &
fut; laquelle on place quelques jeunes feuilhsde
mûrier, qu’on enlève lorfque les vers s’y font attachés*
pour le s porter fur des clayons de. châtaignier
refendu , garnis de papier gris , fur lefquels
ils doivent relier. Chaque levée y a une place fé
parée , par le motif indiqué plus haut, de la né-
ceflité d’avoir des vers d’égale grofleur.
Dans les petites éducations, ce font les femmes
& les filles des propriétaires qui font toutes les opérations
de l’éducation, c’eU-à-dire, qui vont
cueillir les feuilles, les diftribuenc aux v ers,
nettoient journellement ces derniers, &c.
Dans lesmagnanières, les opérations intérieures
fe font par un chef appelé magnanier, & qui a en
outre un ou deux aides.
L’important dans toute éducation de vers à
foie, & furtout à fa première epoque, eft que l’ air
de la chambre foie facilement renouvelé , -car les
émanations de leur corps & les gaz qui fe développent
par l’altération des feuilles qu’on leur apporte
, & furtout de celles qu’ ils n’ont point
mangées & qui fermentent, leur eft très nuifibie.
La maffe des vers & des feuilles étant plus
grande dans les magnanières que dans les chambres
des cultivateurs, les éducations dans ces dernières
doivent être moins fouvent aff ékes de
mortalité, & c’ eft ce qui eft en effet. Voye% T ouffe.
Les conféquences de cette obfervation, c ’eft
que, dans la conftruéliôn des bâtimèns fpéciaux ,
il faut difpofer les ouvertures de manière qu'il
y ait un courant d’air fufceptible d’être aug-
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menté ou diminué, félon le befoin. Vyy. Magna. NlèRF.
Cependant il eft des jours où l’air eft en même
temps tellement chaud & tellement ftagnant
qu’il n’y a pas de courant d’air dans les nuguaniè-
res les mieux conftruites : il faut employer des
moyens artificiels , tel qu’un vemikteur , tti
qu’un fourneau allumé; mais cttte circontiance
ne fe rencontre guère d’ une manière véritablement
inquiétante que fur la fin des éducations, &
je remets à en parler a cette époque.
Les vers à foie n’ont pas befoin de lumière
pour manger, mais la lumière diminue l’ influence
nuifibie, fur leur fonte, des gaz dont il a été parlé
plus haut. 11 convient donc de les y expoler le
plus poffîbk.
Dans toute magnanière, il doit y avoir une
infirmetie, c’eft-à-dire, un local deftiné aux vers
malades, & d’après ce que je viens d’obferver,il
doit être choifi dans la partie la plus éclairée & la
mieux expofée au renouvellement de l’air, fans
cependant que ce renouvellement foit trop rapide,
car il en rélulteroir un refroidiflement nuifibie.
C ’eft plutôt l’égalité de température qu’on doit
defirer pour les vers à foie, qu’ une grande chaleur}
mais cette dernière leur eft moins nuifibie
vers l’époque de leur transformation} elle leur eft
même avantageufe à celJe de leur mue.
L«s vers à foie placés fur les clayons, & éga-
!ifes autanr que poffible, reçoivent des feuilles
tendres de mûrier cueillies deux fois pas jour, &
qu’on renouvelle dès qu’elles font mangées. Si
on'en mettoit trop à la fois, leur altération fe-
roit à craindre. Il eft des perfonnes qui les ha?
chent pour en reu'ere la confommation p us facile
aux vers à foie } mais des motifs tirés de leur p!us
rapide altération dans ce cas, ftmblent repouffer
ieur pratique.
Il ne refte de ces jeunes feuilles fur le clayon,
que la plus forte nervure , ce qui rénd moir s né-
tefiaire à cette époque l’enlèvement de la litièrej
mais fi cetté litière paroifioit trop humide , il fau-
droit s’ en débarra fier immédiatement.
A mefure que les vers grandirent, ikfaut leur
donner plus d efpace, & pour cela on enlève ceux
qui font montés les premiers fur les nouvelles
feuilles, dans les places où-ils font les plus rapprochés,
& on les porte fur un autre clayon. On
doit cependant craindre qu’ils foient trop écartés,
car alors la feuille fe ciefifèche & fe perd. Ladif-
tance de l’épailfeur de leur corps, eft celle qu’il
convient de laiffer aux vers.
Aux approches des, mues, les vers redoublent
d’appétit j c ce qu’on appelle lafreçe .- celle ue
la première mue ne dure qu’un jour, mais pen*
dant ce jour, les vers mangent autant que depuis
leur naiffance. Il eft donc nécelfaire de leur fournir
de la feuille en conféquence. Le lendemain,
c’ eft tout le contraire, les vers jpVfc’înj de franger
& tombent dans la langueur. Ceux des vers qui
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^’arrivent à cet état qu’après les autres, doivent
en être féparés au moyen de quelques grandes
feuilles de mûrier, pour être mis à part ou donnés
aux poules.
Beaucoup de vers meurent dans cette opération
de la mue. On les appelle les rouges. Ils fe
donnent également aux poules.
Si la température froide de la faifon oblige de
faire du feu dans la magnanière pour augmenter la
force des vers, & que ce feu (oit mal conduit,
il en réfu«te une autre maladie qui ne fe développe
fouvent qu’ à une des autres mues, maladie qu’on
nomme brûlé.
La mue terminée, on éclaircit encore les vers,
qui doivent alors être écartés de deux diamètres
de leur corps.
A cette époque on commence à châtrer régulièrement
la litière, c’ eft-à-dire , qu’on la foulève
par portions pour enlever fa couche inférieure.
A la première de ces opérations, le papier gris ,
qui alors d e v in t inutile & même nuifibie en s’op-
pofant au palfoge de l’air, elt également enlevé.
Les vers qui , après la mue , (ont ridés, foibles,
fe rapetiffent au lieu de groihr, font appelés des
pajjts ; ils doivent être enlevés & donnés aux
poules auflfuôt qu’ils, font reconnus, car ils
coûtent de la feuille & de l’embarras, & ne viennent
jamais à bien. Chaque mue donne lieu à une
i perte plus ou moins confidérable par cet effet.
Il eft des cultivateurs qui alors changent leurs
vers d.^ place, & ils font dans le cas d’être ap-
|prouves} mais cela fuppofe une étendue ue bâti-
[mens que les fortunes médiocres ne peuvent pas
i toujours obtenir.
Après la fécondé mue, les vers changent de
i couleur, deviennent plus effilés , plus vifs dans
|leurs mouvemens, confomment davantage} c’eft
le moment de les régler. En conféquence on ne
l=ur donne de la nouvelle.feuille que toutes les fix
[heures...
A cette époque de la vie des vers, il fe développe
une aouvelle maladie des vers, qu’on ap-
Ipellegrajferie, maladie dans laquelle ils enflent, &
à laquelle il n’y a pas de remède; en conféquence,
ceux qui en font affedtés font de fuite donnés aux
poules... Il réfulte de quelques obfervations de
Nyften, que les vêts nourris avec la feuille des
mûriers plantés dans des plaines à fol fertile 5c
numide, principalement lorfqu’ils font de la va-
jriété appelée mûrier d'Efpagne, lequel offre des
[feuilles larges, épaififes & aqueufes, font plus
fujets à la graflerie que ceux qui ne vivent que de
feuilles de mûrier crû en terrain fec, lorfqu'elles
; font en outre petites, minces & fèches, ce qui
un motif de plus pour adopter les principes
émis plus haut.
A cette même époque, on nomme arpians ou
\harpions > les vers qu’on appeloit brûlés après la
I première mue.
Oter chaque jour une partie de la litière, Sa
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même l'enlever entièrement, au moins une fois
entre les deux mues, devient alors indifpenfable.
Pour faire rapidement cette dernière opération,
on place la nouvelle feuille fur un filet mis fur les
vers, & lorfque ces derniers font tous ou prefque
tous montés fur cette nouvelle feuille, on jette U
litiërè hors de la magnanière. La propreté la plus
minutieufe doit y regrier. Le plancher fera en
conféquence balayé deux fois par jour, & lavé
de temps en temps lorfqu’ il fait fec & chaud.
Après ia troifième mue, les vers à foie ont un
pouce de long, & leur couleur devient blanche.
Ils mangent confidérabkment & croiffent avec
rapidité. Leur diftance doit être de quatre fois
leur diamètre. On leur donne une quantité de
feuilles proportionnée à leurs befoins.
Les maladies^tara&érilées plus haut continuent
de fe montrer entre la troifième & la quatrième
mue ; mais une nouvelle fe développe après la
quatrième , on l’appelle lunette ou clairette, parce
que les vers qui en font attaqués font demi-tranf-
parens II y a lieu de croire , d’ après les expériences
de Sauvages & de Nyften, qu’elle eft due
à une altération des fucs digeftifs. Nul remède
n’eft connu contre cètte maladie ; ainfi, il n’y a
encore qu’ à jeter aux poules les’ vers qui en font
attaqués.
L’intervalle de toutes ces mues varie félon la
chaleur de la faifon, l'abondance ou la bonté de \
la feuille, entre cinq &: dix jours fans grands ih-
çonvénièns ; mais il n’en eft pas de même relativement
à la dernière, ou la grande fr'e\e, ou la
grande briffe, pendant laquelle les vers confomment
deux fois plus de feuilles qu’ils en ont con-
fommé depuis leur naiffance. Il eft dangereux de
l’accélérer, foit par l’augmentation de là chaleur,,
foit par la diminution de la nourriture, parce qu’a-
lors ils font plus expofés à la plus terrible des maladies
dont ils font fufceptibles, à la mufeadine, à
la fuite de laquelle ils deviennent courts & durs,
& fe couvrent d’une farine blanche.
La mufeadihe eft beaucoup plus à craindre les
jours où règne une chaleur étouffante , très-électrique,
appelée touffe, chaleur contre laquelle il
faut continuellement lutter en donnant de l’air
aux magnanières , en les arrofant abondamment
avec de l’ eau fraîche, & en les définfeétant au
moyen du procédé de Guyton-Morveao. ( Voye% Désinfection.) C ’eft ce qui fait qu’il eft toujours
à defirer que les éducations foient faites
avant l’époque où cette chaleur fe fait ordinairement
fentir. Voye% Touffe.
Les vers frappés de la mufeadine fe jettent fur
le fumier & fervent à l’engrais.
Toutes les théories émifes au fujet de la mufeadine
ne fatisfont pas aux phénomènes qu’elle
préfente, ne fourniffent pas les moyens d’empêcher
fes ravages, qui font quelquefois tels, que
les frais d’ une éducation ne font pas feulement
payés par les produits des vers qui y échappent.