
pour que Ton bois puiffe être utilifé, il pourroit,
vu la plus groffe ftature de Ton tronc, être
fubftitué avec avantage au chêne yeufe.
Michaux père & fils ont' envoyé de grandes
quantités de glands de cette efpèce aux pépinières
de Ver fa il les ; mais comme elle ne fupporte pas
les hivers du climat de Paris, il ne s’en eft con-
fervé que quelques chétifs pieds en pots, qu’on
rentre dans l’ orangerie aux approches des froids.
J’ignore fi ceux, allez nombreux, pue j’ ai envoyés
dans le Midi, y ont profpéré. Il fe forme toujours
un ganglion de la forme & de la grolfear d’ une
noix au collet de fa racine, qui rend fa reprife
encore plus difficile que celle du chêne yeufe,
lorfqusil n’a pas été femé en p ot, comme je l’ai
fait pour tous ceux dont je viens de parler.
Le chêne yeufe croît dans toutes les parties méridionales
de l’Europe, feptentrionales de l’Afrique
8e occidentales de l’Afie. Il fournit une im-
menfe quantité de variétés, dont les unes ont les
feuilles très-grandes ; les autres, les feuilles très-
petites; d’autres, les-feuilles-entières; les feuilles
dentées, les feuilles velues en deffous, les feuilles
glabres endeflbus, les fruits très-gros, les fruits
très-petits, & c. On le connoît eh France fous les
noms de chêne-vert & d1 yeufe. Il croît avec une
extrême lenteur, & ne s’élève guère à plus de
40 pieds. Son bois eit très^dur & très-lourd; il
pèfe environ 70 livres par pied cube.
Nulle part le chêne yeufe forme des futaies
pleines. 11 eft toujours ifolé au milieu des buif-
fons, fur les coteaux expofés au midi, dans les
plaines arides. Une fois coupé, il ne repoufle
plus qu’en buiffon; ainfi on ne peut l’affujettir à
une exploitation régulière. Prefque partout il fe
(eme çà & là de lui-même & croît comme il peut,
car il n’y a pas d’ intérêt à le multiplier , puifque
ce n’eft qu’après plufieurs fiècles qu’ il y a poffi-
bilicé de tirer un„bon parti de fon bois, c ’eft-à-
dire, d’en avoir des grumes de plus de 6. à 8 pouces
de diamètre.
Comme arbre d’agrément, le chêne yeufe mérite
l’attention des cultivateurs. La permanence
de fes feuilles d’un vert fombre, la forme régulière
& denfe de fa tê te , lui donnent un afped:
qui frappe les admirateurs de la belle nature. Je
tnefuis fouvent arrêté dans le midi de la France, en
Efpagne & en Italie, à en confidérer des pieds
pendant quelques momens, en regrettant qu’ils ne
pniffent pas être tranfportés dans les jardins payfa-
.gers des environs de Paris , qu’ ils orneroient fi
avantageufement. Il y en a voit, jadis, de très-
dignes de remarque par leur groffeur, furies bures '
du Jardin des Plantes, mais ils ont péri par fuite des
gelées de i’ hiver, & il n’a pas été poffible de leur ;
fubftituer de jeunes pieds , quelques précautions
qu’ait prifes mon collaborateur Thouin, preuve !
que le climat fe refroidit : auffi, lorfqu’on veut le
planter aujourd’hui en pleine terre dans nos jardins,
faut-il l’empailler pendant l’hiver, ce qui
lui ôte tout agrément.
Le chêne liège eft d’ une très-grande importance
pour les peuples de l’Europe & même pour ceux
du monde entier, à raifon de fon écorce, qui fe
lève aifément, & qui fert à faire des Bouchons
de bouteilles, que nulle autre matière connue ne
peut remplacer. Il parvient à la même hauteur &
à la même groffeur que le précédent, qu’il eft
quelquefois, dans leurs variétés, fort difficile d’en
diftinguer. On le trouve dans quelques parties
des départemens du fud-oueft & fud-eft de la
France, dans le midi de l’Efpagne, de l’Italie,
de la Turquie, & fur les côtes méditerranéennes
de l’Afrique. Nulle part il forme des fojêts pleines
> mais, comme l’yeufe, il eft épars fur les
coteaux expofés au midi, dans les plaines fablon-
neufes, &c. Partout on fe plaint qu’on en coupe
plus de pieds qu’on n’en plante. Il eft certain que
leur nombre a beaucoup diminué en France depuis
un liècle. Sa croiffance eft fi lente , qu’un pied,
même en terrain convenable; eft à peine de la
groffeur du bras à cent ans d’âge. Son bois eft
exceffivement dur, & feroit propre à beaucoup
d’emplois fi on pouvoit facilement &économiqué-
ment s’en procurer de forts échantillons. Mais, aiijlï
qu’on doit le préfumer, c’eft pour la récolte de fon
écorce qu’ on doit le réferver, parce que c ’eft elle
qui le rend un objet de revenu. Cette écorce , qui
doit fon épaiffeur à l’accroiffemeut extraordinaire
de fon tiffu cellulaire, tombe naturellement tous les
fept à huit ans, & s’enlève, vers cette,époque,
en la fendant longitudinalement, & en prenant
garde d’attaquer le liber, ou dernière couche corticale
, qui doit la produire.
Ce n’eft guère qu’à vingt ou vingt-cinq ans qu’on
peut commencer à enlever l'écorce du liège, qui,
alors, n’ eft propre qu’ à brûler ou à tanner les cuirs.
Sa fécondé & fouvent fa troifième récolre ne font
pas encore fufceptibles de fervir à faire des bouchons,
mais elles peuvent être utilifées pour
fourenir, à la furfiace de l ’eau, les filets des
pêcheurs , & pour un grand nombre d’emplois.
I: faut prefqu’ un fiècle pour que cette écorce ait
acquis l’homogénité & l’épaiffeur convenable
pour faire d’excellens bouchons, qualités qu’elle
conferve pendant trois fiècles & plus, c’eft-à-
dire , jufqu’ à la mort de l’arbre.
Auflitôt que l’écorce 8u liège eft enlevée , on
l’expofe, par fon côté interne , à.l’aétion du feu ,
qui l’affoupiit & permet de l’étendre fur le fol, &
de la charger de pierres pour la redreffer & en
former des planches tenant moins de place & fe
travaillant plus facilement. Quelquefois on la brûle
trop, comme on peut le voir dans celles de ces
planches qui viennent à Paris, mais c’eft que cette
opération eft confiée à des ouvriers très-peu intel-
ligens & très-peu foigneux ; car il fuffit que cette
écorce foit chaude pour qu’on puiffe remplir l’obje
t qu’on a en vue. Les qualités qui conftituent
un bon liège, font d’être épais au moins de quinze
lignes, de couleur rougeâtre, fouple, élaftique ,
ni ligneux ni poreux. Le jaune, encore plus le
blanc, font peu eftimés.
Si les glands de l’yeufe font âpres, ceux du
liège font fi doux,que l’homme pourroit les manger
en cas de befoin.Ils font une excellente nourriture
pour les cochons.- "
Je le dis avec chagrin , partout-où j’ ai vu des
lièges, leur reproduction étoit livrée au hafard ;
& comme le terrain où ils fe trouvent eft prefque
toujours en pâturage, il eft très-rare qu’un gland
puiffe lever, & encore p'us, que le jeune-arbre qu’ il
commence puiffe profpérer. Il faudroit que l’autorité
publique exigeât qu’ il en fût planté chaque
année un certain nombre, car l’intérêt des indiyidus
n’y porte nullement, puifque ce n’eft qu’à cent ans
qu’il commence à être véritablement en rapport.
Comme encore plus fei fible à la gelée que le
chêne yeufe , le chêne liège ne croît que difficilement
en pleine terre dans le climat de Paris. Les pieds
qu’on y voit font rabougris, quoiqu’ils s’empaillent
tous les hivers. On doit donc fe borner à en
avoir un pied ou deux pour la curiofité.
Le chêne de Gibraltar, ou faux-liège, fon écorce
étant légèrement fongueufe, & celui à feuilles
d'égylops fe cultivent àTrianon, & proviennent
des glands apportés des îles Baléares par Richard.
Ils fleuriffent, mais ne donnent jamais de fruits.
Leurs glands fe mangent dans leur pays natal. On
re peut lés multiplier que par la greffe fur l’efpèce
commune , greffe qui réuffit très-difficilement, &
dont les réfqltats durent fort peu.
Le chêne balotte fe rapproche infiniment du chêne
yeufe, mais forme certainement une efpèce dif-
tinéte, puifque fes glands fe mangent habituellement
fur la côte d’Afrique, au rapport de Desfontaines
, à qui nous devons les trois à quatre
pieds, refte de plus d’un demi-cent, qui fe voient
encore dans nos jardins, mais qu’on ne peut multiplier
& qui difparoîtront, comme les autres, dans
quelques années.
Le chêne a feuilles rondes , que j ’ai obièrvé en
Efpagne, & dont j’ai mangé des glands tant cueillis
fur 1’;arbre qu’achetés par moi au marché de Buigos,
paroît ne pouvoir être fuffifamment diftingué du
précédent, quand on confidère les nombreufes variétés
du chêne yeufe & du chêne liège. J’en ai cultivé
beaucoup de pieds dans les pépinières dé Verfailles
& du Roule, mais ils ont difparu des jardins cù ils
ont été tranfportés. Ondoie defirer qu’il en foit fait
de grandes plantationsdanis le midi de la France ; car,
quoique fon fruit foit inférieur en groffeur & en
faveur à la châtaigne, il augmenteroit la maffé de
nos fubfiftances, ce qui n’eft jamais à dédaigner.
, Le chêne de Turner eft venu plufieurs f< is d’An-
8 eterre dans nos jardins , & fe voit encore dans
quelques pépinières. On le croit originaire de Portugal.
Quoique je Je connoiffe, je ne puis en rien
due fous les rapports de l’ utilité.
Le chêne kermès, ou chêne a la cochenille , croît
dans les lieux les plus chauds & les plus arides dit
midi de la France , de l’Efpagne , de l’Iralie, de la
Turquie & de la-côte feptentrionale d’Afrique.
Rarement je l’ ai vu s’élever à plus de quatre
pieds. Comme fes racines font traçantes & qu’elles
pouffent chaque année de nouveaux rejetons ,
(es touffes s’étendent fouvent au-delà de plufieurs
toifes de diamètre. On.pourroit l ’employer avec
avantage dans les tanneries & dans les teintureries 5
cependant c’eft pour le chauffage qu’on Tutilife le
plus généralement : mais ce ne font pas feulement
fes tiges qu’on confacre à cet ufage , ce font auffi
fes racines; de forte qu’au lieu de fe multiplier, &
devient de plus en plus rare, prefque partout.
C ’eft fur lui que vit le Kermès , cette cochenille
q u i, avant la découverte de l’Amérique, fer-
voit feule à donner la couleur écarlate, cochenille
qui alors faifoit la fortune des habitans des montagnes
où il croît, mais que la difficulté de fa récolte
& la petite quantité de fa partie colorante
mettent à un taux trop élevé dans le commerce ,
pour pouvoir rivalifer avec celle du Mexique.
Ce chêne fe voit dans toutes les écoles de botanique,
mais on eft obligé de le tenir dans des pots
pour pouvoir le rentrer dans l’orangerie pendant
Thiver, les gelées de cette faifon le faifanc fré-
quemnÉnc mourir dans le climat de Paris, & tou-,
jours plus au nord.
Le chêne faux-kermès fe rapproche beaucoup du
précédent. Il eft originaire des côtes de Barbarie,
où il a été obfervé par Des fontaines. Nous en pof-
fédons quelques pieds dans nos jardins, qui fe cultivent
comme ceux du véritable kermès.
Il-y a fort peu d’années, ainfi que je l’ai déjà o b fervé,
que les chênes de France, à feuilles caduques,
font diltingués les uns des autres dans les livres, quoique
les bûcherons fâchent fort bien établir leurs différences/
Secondât, petit-fils de Montefquieu, eft
le feu! qui ait tenté de les débrouiller; mais pour
avoir opéré àBordeaux, il n’a fait que jeter de nouveaux
embarras dans leur nomenclature, parce que
là il ex•;Lie une efpèce, le chêne taufm, qui n’eft pas
connue dans le refte de la Fiance. J’ai concouru ,
par mon Mémoire fur les Chênes, imprimé dans les
Mémoires de 1‘ Académie des fciences, année 1807, à
jeter quelques lumières fur ces efpèces ; mais
j’avoue que, faute d’obfervations fuffifantes, je
n’ai point rempli complètement mon objc t. Je pof-
fè le en effet, en herbier, plufieurs échantillons de
chênes principalement cueillis dans les forêts de
l’oueft, qui portent des noms parmi les bûcherons.
& que je n’ ai pas ofé fignaler comme efpèces, a
raifon dé la difpofition à varier, de toutes celles
que je connois. Je ne puis donc parler, en con-
noiffar.ee complète de câufe, que des deux premières
de celles qui ont été mentionnées, lef-
quelles font, de tait, les plus répandues & les
feules fur les qualités intrinfèques du bois, ainfi
que fur la culture, les écrivains nous aient donné