
les anciens hiftoriens , un vaiffeau qui avoit cent
voiles 3 les Carthaginois tirèrent long-temps de la
Corfe des bois pour leurs cor.ftrudlions navales.
Les habitans de cette île ont toujours fait avec
leurs voifins un grand commerce de planches, de
Chevrons, de poutres & d’autres bois de charpente.
Ainfi, de proche en proche, tout fe dé-
tru i foi t , jufqu’ à ce que des obftacles trop difficiles
à fur mon ter, arrêtèrent enfin la dévaftation. Ce.
n’tft qu’à cette raifon que nous devons les tré^
fors qui n’attendent plus que la hache du charpentier
pour enrichir les arfenaux de la France.
» De notre temps , les Génois effayèrent les
premiers l ’exploitation de ces f o r ê t s . Celle d’Aë-'
tonne, comme la plus cônfidérable, excita leur
aétive ind.ftrie. Mais la haine des habitans les
força d'abandonner leur entreprife , au moment de
recueillir le fruit des dépenfes qu’ils avoient faites
pour la confection d’une route & autres travaux
préliminaires.
» Lorfque la Corfe fut réunie à la France , le
Gouvernement s’occupa d’abord de fes f o r ê t s ,-
pîufieurs ingénieurs de la marine, parmi lefquels
en doit difîinguer MM. le Roi & Molinard, préfèn-
tèrent d’excellens plans pour leur exploitation,
qu’ils s’accordèrent tous à regarder comme étant
très-poffible. Il fe forma diverfes entreprifes qui
n’eurent pas de r éfultats très-heureux pour les actionnaires,
à caufe de l’ineptie ou de l’infidélité de
ceux qui les dirigeoient; mais elles fervirent à
faire connoître au port de Toulon Fexce lente
qualité de ces bois.
» M. Vial ,d e Baftia, fut profiter heureufement
des fautes de ceux qui l’avoient précédé; il fe mit
lui-même à la tête de l’entreprife, & fournit,
dans l’ efpace de io ans, plus d’un million de pieds
Cubes de bois, qui furent employés dans tous les
vaiffeaux, alors en conftruCtion au port de Toulon.
» Ce négociant étoit parvenu1 à vaincre la répugnance
que les adminiftrateurs de cet arfena!
avoient toujours montrée à fe fervir de ces bois
pour mâtures; il avoir paffé, au moment de la révolution,
un marché pour la fourniture de plu-
fieurs centaines de mâts par an, qu’ il vouloir extraire
de la f o r ê t de R o ' f p a , donc il avoir com-
fr,encé l’exploitation.
8 Une compagnie , dirigée par M. Clémètit
jeune , exploite actuellement (en 1808 ) , 24,000
pieds d’ arbres de la f o r ê t de L ï b i o , carton de V i -
c o ; elle a fait, malgré la guerre, de très belles li-
vraifons aux arfenaux de Toulon & de Gênes.
».Parce.que je viens de dire, on voit que l’exploitation
des f o r ê t s de la Corfe u’ eft point un pro-
b'êu.e, & que le plus ou moins de réuffifè a uni
q 'ement dépendu du talent & de la conduite de
ceux qui la dirigètnent.
» O a n’a exploité jufqu’à préfent que les f o r ê t s
les moins importantes. Celles û 3 A ë t o n n e , de T a r -
t a q u i e , de L m d in o f a , de R o f p a 3 font encore in-
taCles 5 il eft difficile de calculer les reffources
qu’elles préfentent. Leur état de vêtu fié, les dommages
qu’ elles ont efluyés, les rendent beaucoup I
moins confidérablës qu’on ne le croirait au premier
afpeCt; mais je puis affurer qu’elles offrent !
encore l’efpoir d’un bénéfice cônfidérable à ceux
qui voudront fe livrer à leur exploitation.
» Le ch ê n e t le h ê t r e , le t é r e b ir .t h e , furtout les
p in s 3 les f a p i n s & les l a r i x , compoftnt ces forêts,
Vingt ans fuffifent pour que ces dernières qualités
puiffentêtre employées dans tous les ouvrages,
même dans ceux des arfenaux ; ce prompt accroif.
fement provient fans doute delà nature du fol, J
des courans d’ air périodiques, & de l’abondance
des arrofemens naturels.
» Le Gouvernement ne doit conlidérer ces forets
que fous le rapport de leur utilité pour la mâtine,
& des avantages qu’elles peuvent procurer au
pays, & non pour leur valeur réelle; le prix auquel
oh a-, jufqu’à préfent, concédé les arbres, a
été très-modique. Vouloir l’ augmenter, ce feroit
faire difparoître tout l’appât des bénéfices que ees
entreprifes peuvent offrir. Jamais l’homme riche
ne paffera en Corfe pour fe livrer lui-même à des
travaux auffi difficiles que ceux de ^’exploitation
des f o r ê t s . Si l’on ôte à celui qui n’a que de fin»
dufteie & du courage, la faculté de déterminer
les capitaliftes, par l’efpoir d’un grand bénéfice,
à lui fournir les fommes que ces opérations exigent,
fans nul doute, ces f o r ê t s relieront long-temps fans
être exploitées.
» C ’eft du fuccès des entreprifes particulières
qui re formeront en C orfe , que dépend la prospérité
générale. Le Gouvernement eft intéreffé à
protéger de toutes les manières ceux qui voudront
s’y livrer, afin d’exciter leur émulation.
» Pour que tous les avantages qu’ offrent Iss
| f o r ê t s de l’île foient d’une longue durée, il faut
adopter, de bonne heure, Un lÿftème de confer-
v a t i o n f é ménager, à l’avance, des reffources
pour l ’avenir. On devroit choifir, dans les nombreux
vallons qui féparent les montagnes du fécond
ordre, les fituations qui conviendroient lô
mieux, pour la formation de n o u v e l l e s f o r ê t s , &
y faire des femis confidérablës e n p i n s 3 l a r i x (1),
qui fourniîjfent-la qualité des bois de Corfe la plus
précieufe pour Ls conftruélions navales. On affu-
rëroit, par cette fage prévoyance,' dès moyens m-
tariffahl.es pour l’approvifionnement des arfenaux.
V i l faudroit encourager les cultivateurs à multiplier;
autant que poffible, les plantations d arbres
dans leurs domaines, particulièrement fur le fom*
met des montagnes & des collines : en tirant pain
d’ un terrain perdu pour l’agriculture, on prpfite-
roit des engrais provenant de la chute des feuilles
& des branchages; ces plantations contribuerotent
à entretenir la falubrité de l’air.
. r (1) Je penfe que .fous le nom de. larix ,, l,’aute,ur
le pin laricio, qui eft une efpèce.particulière à. la Corl«>
qui eft très-recherché pour la mâture.
» En Tofcane,.oii l ’cn paroîc avoir fait des dé-
frichemens avec plus de réflexion que partout ai 1^
leurs, il étoit toujours recommandé de refpeéter
les fommités des-ma,ont3gnes. On a généralement
obfervé que les fources d’eau qui s’y trouvent, diminuent
fenfiblement, & fouvent même tarifent,
lorfqu’elles ne font plus ombragées.
M Les rapports de la France avec Tltalie, rendent
[e s f o r ê t s de la .Corfe d‘un double intérêt. Le
royaume de Naples, par exemple, renferme beaucoup
de bois de chêne. On n’y trouve que peu de
fapins. Nous fournirions donc des bois de Corfe à
l’Italie, & nous en retirerionsen échange, des
bois de chêne, devenus fi rares en France depuis
la révolution. _
» La fabrication du goudron fuivroit l’exploitation
des f o r ê t s . LesGinois en fai l'oient autrefois un
grand commerce. ILexifte encore dans quelques cantons
de grands réferVoirs qui feryoient à le renfermer,
. _ ■ ' _
» Il fera bien effentiel de s’appliquer à confectionner
cette fabrication, qui permettra d’ offrir
un article de plus aux arfenaux de la France & au
commercé. »
Nous penfons, avec M. Dura'nd, que les f o r ê t s
de la Corfe préfentent de grandes reffources pour
[ l’approvifîonfiemen t des chantiers de la marine.:
Cependant, il eft vrai de dire que les difficultés
des exploitations qui proviennent du défaut de
routes, ont jufqu’à préfent rebuté beaucoup de
compagnies, & que , dans le fait, c e s f o r ê t s font
à peu près nulies pour le produit.
Reportons maintenant nos regards fur les principal
e s f o r ê t s du nord &-du nord eft de la France,
t puis fur celles de l’intérieur.
Les f o r ê t s fituéés dans les départemens du Pas-
; de-Calais & du Nord font, au nombre de celles
qui préfentent encore le plus de reffources. On y
voit d’affez belles futaies aménagées à 8 0, 90,
I 100. & 200 ans.
Parmi ce s f o r ê t s on diftingue celle de Môrmal ;
mais, comme elles ne font en général que des dé-
- numbremens de la f o r ê t primitive des Ardennes,
[ & que nous devons nous borner à l’hiftoire des
1 plus anciennes maffes, nous ne parlerons que de
cette dernière.
de Luxembourg, de Limbourg, de Namur &
de la Lorraine. Mais aujourd’hui on ne comprend
fous cette dénomination que la partie de l’ancienne
f o r ê t des Ardennès , qui prend des environs de
Thionvillé & s’étend jufqu’ à Liège , fur une longueur
F o rê t d e s A r d e n n e s . d e t t e f o r ê t , fituée au nord-
eftdela France, connue des. Romains fous le nom
d’A r d e n n a , a été célèbre par les hauts faits de la
chevalerie. Les auteurs romains la repréfentent
comme ayant une étendue immenfe , ainfi que la
forêt hercynienne , dont nous parlerons plus loin.
Elle eft placée fur la rive gauche du Rhin , entre
la Meufe & la Mofelle. Elle s’étendoit autrefois
dans le pays de Trêves , depuis cette dernière rivière
jufqu’au Rhin, & fe prolongeoit au-delà
de la Mofelle; fa voir, d’un côté , jufqu’ à Tour-
nay, & de l’autre , jufqu’aux environs de Reims.
Elle couvroit une partie dès pays d’Eifel,. de
JulierSj de Liège., d'Aix-la-Chapelle, du Hainaut,
de 12 à iy milles d’Allemagne , de 17 au
degré (8 à 10 myriamètres, ou 16 à 2.0 lieues
communes ) , & dont la largeur eft prife de Baf-
tonach jufqu’aux environs d’Arlon, dans le pays
de Luxembourg.
Une partie de l’ancienne f o r ê t des Ardennes
recouvroit, dit-on , les montagnes des Vofges,
& cette partie formoit une f o r ê t feigneuriale ou
une réfervepour les rois de France. La même f o r ê t
des Ardennes comprenoit, i°. la f o r ê t de S.aint-
Amand ou Vicogne , dans le Hainaut, entre 1 Ef-
caut & le Scarp.e, & les villes de Valenciennes,
Condé & Saint- Am and ; 2°. la f o r e t de la Fagne,
celle de Mormal, également fiiuée dans le Hainaut;
30. la f o r ê t de Boland & de Brion dans le
pays de Limbourg ; 3°. J# f o r t * V.illers ou de
Merlan, près Namur.
Pour avoir une idée de la deftruélion progreffivô
de cette vafte f o r ê t , nous prendrons pour exemple
la ci-devant principauté de Château-Regnault,
qui forme l’ un des démembremens d- h f o r ê t des
Ardennes. Cette principauté , bornée au nord par
le duché de Luxembourg & le pays de Liège, 8c
à l’eft par le duché de Bouillon, fut nommée
Y A r d e n n e b o f t r e , à caufe des montagnes qu’ e le
renferme & de la privation de terres arables. Elle
ne forme , pour ainfi dire, q u 'u n e f o r ê t , que 1 e-
tabliffement des bourgs & villages, placés dans
fon intérieur, a diminuée fucceffivemenr. Elle
contenoit autrefois 6o,coo arpens, mefure royale ;
mais, dès l’an 1581, qu’ on en fit le m.efurage, elle
ne contenoit plus , en bois effectif, qu environ
42,000 arpens, & , en 1727 , fa contenance étoit
réduite à 28,000 arpens ; de forte qu’elle avoit
perdu plus de la moitié de fon étendue en bois ,
& que la perte, dans l’éfpace d’ un fiècle demi,
avoit été de 14,000 arpens fur 4^j(-1®®* Cette
diminution rapide du fol foreftier, a cette époque
, eft attribuée à plufieurs caufes locales : la
fondation de la ville de Charleville , qui fut bâtie
en 160) ; les abus du pâturage de toute efpèce de
bétail, & même des moutons & des chèvres;
l’ufage, alors exiftant, de couper les bois à 1 âge
de 10 ou 11 ans, fans aménagement, fans ordre
& fans précaution; celui d ecorcer les chênes fur
pied ; enfin, la faculté accordée aux habitans, par
les anciens princes fouverains , de faire une récolté
en feiglè fur les coupes en exploitation , au
| moyen d’ une pratique funefte à la renaiffance des
bois*, & que, dans le pays, on appelle f a r t a g e , ou
; c jf a r t a g e . j ou f a ^ t s . Cette pratique confifte à faire,
! fur la coupe abattue à blanc étoc, foit un feu cou-
! rant avec des branches répandues en abondance
. fur le terrain , foit des f e u x c o u v e r t s ou d o rm a n s ,
* au moyen d’une multitude de fourneaux ou pyra-
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