
tage de ce produit, fi confidérable qu'il foit, ne
peut, à mon avis, balancer la perte en qualité
que le bois de conftruétion éprouve de'l’abattage
en temps de fève. Il n’en eft pas de même des
chênes qu’on deftine à être employés comme bois
de corde, à faire des pieux, & autres chofes
femblables ; on peut, dans ce cas, les abattre en
fève, pour en tirer le tan, qui eft un produit
d’autant plus important, qu’on n’ a pas de moyen
de le remplacer. Mais cette confidération ne peut
déterminer à abattre dans aucune autre faifon que
l'hiver, les bois deftinés aux conftru&ions & aux
réparations des vaiffeaux, qui, étant très-coûceu-
Xes, exigent qu’on y emploie les bois de la plus
longue durée.»
Un auteur anonyme allemand, qui a rédigé
en 1808 un Mémoire en réponfe à celui de
M. Becker, fur la manière de former des bois
propres à la marine, a partagé entièrement l’opinion
de celui-ci fur les inconvéniens de couper
les bois en fève, & il y a ajouté plufieurs obfer-
vations importantes fur l’écorcement des arbres.
Nous allons en préfenter une courte analyfe.
Il établit l’analogie qui exifte entre la méthode
propofée par Buffon & Duhamel, d’écorcer les
arbres fur pied pour les abattre lorfqu’ ils font
morts, & celle de la coupe des bois en é té 5
il en conclut que fi l’une a une influence nui-
fible fur la qualité & la durée du bois, l’autre
doit également lui' être défavorable.
Il obferve que, pendant l’hiver, les fibres ligneu-
des des arbres font enveloppées d’ un enduit fo-
lid e& Couple, provenant d'un refte de fèv e, qui
étoit peu de temps auparavant dans un état de
fluidité. Cet enduit, cet englumen, fe dilfout au
printemps par fon mélange avec la fève fluide,
qui s’y incorpore & vient rouvrir les vaiffeaux
qui charrient la nourriture de l’arbre. Si donc on
abat un arbre pendant l’hiver, & qu’en le dégrof-
fiffant aulfitôt, on procure au bois un commencement
de defficcation, ce bois confervera fon élaf-
ticité naturelle, ainli que la dureté & la durée qui
doivent réfu'ter de l’enduit. féveux & folide qui
enveloppe les fibres ligneufes. D’un autre côté,
il réfiftera plus long-temps à l’ introduétion de l’air
& de l’humidité extérieure, parce que ces agens
de la diflolution n’auront alors qu’une affinité éloignée
avec l’enduit qui protège les fibres ligneufes.
Mais lorfque les premières chaleurs du printemps
.ont mis en activité les pompes afpirantes de la
végétation, introduit dans toute la mafia ligneufe
les fluides de U fève & diifous l’enduit féveux
qui ne peut plus réfifter aux fluides de même nature
qui abondent de l’extérieur, pour fe porter
dans les divertes parties de la plante, alors toutes
les qualités d’un bois parfait font anéanties ; les
fibres ligneufes font plus écartées qu’auparavant ;
une humeur aqueufe en remplit les intervalles, &
f i , dans cet état, on abat l’arbre & qu’on l’expofe
à un defféçhement prompt, les pores relieront
ouverts & bâillans, ce qui produira un bois léger
& fpongieux, qui aura encore l ’inconvénient de
fe gercer & de le fendre profondément. D’un
autre c ô té , fi on ne fe hâte de le faire fécher fi
fève fermente & occafionne plus ou moins vite
la pourriture de la maffe qui s’en trouve imprégnée
; les veys s’y établirent & la rongent. Veut-
on prévenir ces accidens par un defféçhement
prompt ? on ne fait que les retarder pendant
quelque temps, & ils fe manifeftetont dès ql)e
l’humidité extérieure aura pénétré dans le bois.
En effet, les vaiffeaux féveux qui font alors très-
ouverts, abfoiberont avidement l’humidité environnante
, qui, n’éprouvant plus d’obftacle, pé.
nétrera toute la fubftance du bois & en occafion-
nera la déforganifation.
Il réfulte des obfervations & des faits rapportes
dans le préfent chapitre, que de tout temps l’abattage
des bois en fève a été profcrit comme
nuifible, à la fois, à la qualité des bois & à la
reproduction des fauches; que l’ ufage de les abattre
en hiver s’ eft établi de luhmême, & qu’il n'a
été l’objet des injonctions réglementaires que
parce qu’ il étoit reconnu comme le feul praticable
} que les expériences dont on a voulu s’appuyer,
pour s’écarter d’une pratique qui avoit la
fanCtion du temps & l’approbation de tous ceux
qui, par état, pouvoient la juger, n’ont point été
affez variées pour qu’on puiffe en rien conclure
de contraire à cette pratique , & qu’elles font
d’ailleurs fufceptibles de beaucoup d’obfervations,
tandis que la raifon Si la faine phyfique, d’accord
avec l’expérience du temps, font toutes favorables
aux abattages d’hiver ; que cependant il n’y
a point d’époque unique & générale pour commencer
ou finir les coupes dans tous les climats,
puifque dans ceux où les froids fe prolongent
pendant long-temps, le moment le plus favorable
eft celui où les boutons des arbres commencent
à fe gonfler, tandis que dans les pays chauds
& tempérés, on peut couper pendant tout l’hiver,
à commencer du moment de la chute des feuilles ;
qu’ainfi la faculté biffée aux officiers foreftiers
locaux de déterminer eux-mêmes le moment de
l’abattage, eft une difpofition fort fage, & que
c’.eft à eux à juger d’après l’expérience des lieux
& la température , ce qui peut être le plus avantageux
5 que la réglé naturelle a fuivre a cet égard,
eft de ne commencer les coupes qu après la chute
des feuilles , & de les cejfer quand les feuilles repa-
roijfentÿ mais que de toutes les faifons, n’importe
dans quel pays, la plus mauvaife pour Y exploitation
des bois eft celle de l’é té , puifqu’indépen-
damment de l’influence qu’elle a fur la détérioration
du bois, elle affaiblit les Touches par une
déperdition de fève confidérable; qu’elle fait perdre
une feuille, que pendant cette faifon on endommage
bien plus les jeunes plants qui fe trouvent
dans la coupe, qu’or. paie 1er journées d’ouvriers
plus cher, & que la quantité de feuilles
dont les bois font {ouverts, en rend le travail
Renfermons-nous donc, fur ce point, dans les
difpofitions de nos réglemens, qui font fondées,
on fut des e®*i* t romPeutsi ma's f“ r l’expérience
refpeéiable de tous les temps & de tous
les lieux.
CHAP* HI* —' f aul a v0 *r égard aux pkafes de
la lune & aux vents regnans pour la coupe des
bois.
On attribuoit autrefois beaucoup de puiflance
à la lune fur les corps terreflres, & plufieurs per-
fonnes croient encore à l’influence de cet aftre.
Pline, qu’on doit toujours confulter pour con-
noître l’ opinion des Anciens, nous d it, liv. X V I ,
chap. 39, où il parle de la coupe des arbres,
qu’il eft très-important d’obferver la lune; qu’on
prétend qu’il ne faut couper les bois que depuis
Je vingtième.de la lune jufqu’au trentième, &
que tout le monde convient que la coupe eft excellente
dans la conjonction de cette planète avec le
pas, & ne les coupeç pas. Le meilleur temps pour
j les arracher, c’ eft pendant les fept jours de la,
; pleine lune. Ayez foin de ne jamais équarrir ou
couper votre bois, & de n’y pas même toucher,
lorfqu’ il: eft chargé de gelée blanche ou de rofée,
mais feulement lorfqu’ il eft fec : Nifi intermeftri
lunâque dimidiatà, ne tangas materiem. Tune ne ef-
fodias aut pr&cidas abs terrâ. Diebus feptem proxi-
mie y qui b us luna plena fuerit, optirné eximiiur. Om~
ni no caveto ne quarn materiem dotes, ntve cédas ,
neve tangos, nifi ficcam y neve gelidam , neve ro•
ruleniam. •»
foleil : Infinitum refert & • lunaris ratio , nec nifi a
■ vicefimâ in tricefimam c&di volant. Cette opinion
fut empruntée de Théophrafte, & confirmée par
Columelle, chez qui on lit , liv. X I , chap. 1 :
Omnis materia fie es fa judicatur carie non infeftari.
Pline rapporte enfuite que l’opinion de plufieurs
perfonnes eft qu’il faut, pour avoir une bonne
coupe, que la lune fait en même temps en conjonction
& foui terre, ce qui ne fauroit arriver
que pendant la nuit ; mais que fi la lune fe trouve
en conjonction le jour même du folftice de l’hiver,
le bois que l’on coupera alors fera étèrnel :
Quidam dicunt , ut in coitu , & fub terrâ fit luna :
quod fieri non potefl nifi noftu. At fi competant coitus
in novijjimum diem brume, , ilia fit aterna materies.
Ecoutons auffi Palladius : Materies ad fabricam
udenda eft, cùm luna decrefcit : Caton l’ancien,
que Pline appelle l’homme le plus entendu dans
toutes les chofes de la v ie , hominum fumrnus in
omni ufu, dit que la coupe de l’orme, du pin , du
noyer, & de tel autre arbre que ce foit, doit fe
faire dans le déclin de la lune , après m idi, & lorfque
le vent du fud ne fouffle plus ; que le vrai
temps de couper un arbre, eft lorfque fon fruit
eft mûr ; qu’il faut avoir l’attention de ne point
l’arracher ou l’ équanir, lorfqu’il y a de la rofée :
Uimeam , pinearn , nuceam , hanc atque ali am mate-
' riam omnem cum ejfjdies, luna decrefcente eximito
pofi meridiem, fine vento auftro. Tune erii tem-
pefiiva j cum femen fuum maturum erity Cavetoque
ae per rorem trahas , aut doles. ( De re rufticâ,
chap. XXXI. )
Le même auteur ajoute dans le chap. XXXVII :
*c Ne touchez point à vos arbres, fi ce n’eft dans
la conjonction de la lune, ou dans le premier quar-
tler j naais dans ce temps-là même, ne les arrachez
Nous voyons auffi dans l'ouvrage de Pline, que
le pont des naumachies, à Rome, ayant été brûlé,,
l’empereur Tibère donna ordre que l’ on coupât
en Rhétie,. dans le temps de la conjonction de 1*
lune, la quantité de mélèzes néceffaire pour le
rétablir. Cet auteur ajoute, d’après les hiftoriens,,
que des flottes furent conllruites & firent vo ile ,
quarante à cinquante jours après que le bois en>
eut été coupé, parce qu’ il l’avoit été dans un
temps convenable 1 condition tellement effen-
tielle, dit-il, qu’elle peut eontre-balaneer les défauts
qui réfultent d’ une trop grande précipitation
dans la conftruCtion & dans, l’emploi de*
navires.
Les Anciens, comme on le v o it , croyoient
beaucoup à l’influence de la lune, & leur opinion
trouve encore aujourd’hui des partifans
même parmi les perfonnes inftruites. Un célèbre
médecin anglais, le doCteur Mead, a fait un
livre qui a pour titre : De imperio folis & lune in
corpore humano, de l’influence du foleil 8e de la
lune fur le corps humain. Cependant, il n’ eft plus-
permis d’ajouter foi à la puiflance extraordinaire
qu’on a attribuée à cet aftre, & en admettant
qu’ il ait quelqu’influence réelle, ce ne peut être
que d’ une manière bien moins forte, & fur un bien
plus petit nombre d’objets qu’on ne l’a cru pendant
iong-temps. V o yez, à cet égard, ce que dit
M. Lacroix, membre de l’ inftitut, dans le nouveau
Cours d‘agriculture, à l’article hune.
Duhamel, qui a voulu vérifier pour ces expériences
la folidité de toutes les opinions reçues à
l ’égard des bois, a reconnu que mal-à-propos on
attribuoit quelqu’ influence aux lunaifons fur la
qualité des bois, Se que ceux abattus pendant le
croiflant valoient au moins autant que ceux abattus
dans le décours. Son opinion fut contredite
par Tellès d’Acofta,. qui demeura convaincu avec
plufieurs marchands de bois, qu’un chêne abattu
en nouvelle lune eft plutôt piqué des vers; que
l’aubier s’altère plus promptement, & que pour
préfet ver le bois de la piqûre des infeétes & contribuer
à fa confervation , il faut le couper depuis
le quatorzième jour de la lune, jufqu’au deuxième
de la nouvelle. On prétend même, ajoute-t-il,
qu’on doit abattre le chêne feulement dans les
pleines lunes de décembre & de mars , ayant été
obfervé que dans la pleine lune de janvier,.l’ ar