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C e grand emploi de terrains, d'ailleurs, généralement
impropres & par leur nanire , & par
leur inclination, & par leur élévation au-deffus
de l.i mer , à la culture des céréales , eft bien
avantageufement compensé par i'immeroficé des
récolres des châtaignes dans les années qui leur
font favorables , récoltes qui tiennent lieu de
toutes autres, prefque partout, & fans* le (q uelles,
par conféquent, les habitans ne pourroient vivre.
Mais fi le châtaignier eft d’une grande importance
pour les habitans des montagnes, où les céréales
de beaucoup d'autres objets de nos cultures ne
peuvent pas croître, s'il affure leur fubfiftance
pendant fix à huit mois de l’année au moins, &
par fa vente leur procure quelqu’argent pour acheter
les autres articles de leurs befoins, il a une influence
nuifible fur leur moral, en n’excitant pas
le développement de leur induftrie, puifqu’il ne
demande d’autre foin de'culture, après fa-'plantation
5c fon émondage , que la récolte de fes fruits,
tk. en rendant même leur corps lourd, comme peut
s’ en convaincre tout homme qui mangera uniquement
des châtaignes pendant feulement un jour.
De plus, les faire cuire, les éplucher & les manger,
emploient chaque jour beaucoup de temps qui eft
perdu pour les travaux productifs. Audi je ne fâche
pas que tes habitans des pays à châtaignes Paient
nulle part amis du travail. Du moins tous ceux de
ces pays où j’ai féjourné, ne m’ont offert que la
pareffe, l’ignorance & la mifère. Les amis de la
profpériré publique doivent donc délirer que ces
habitans entremêlent la culture despommes de terre
à celle des châtaigniers, &c qu’ ils fe livrent à quelque
genre de fabrique propre à feur fournir les
moyens d’acheter du blé, du vin & autres objets,
au lieu d’émigrer, comme ils le font généralement,
pour aller gagner quelque chofe au dehors.
Comme de tout temps les habitans des montagnes
granitiques fe font nourris de châtaignes, & que
le châtaignier fe multiplie difficilement de marcot-,
tes ou de rejetons, & jamais de boutures, il a du (
fournir un grand nombre de variétés, les unes plus
hâtives, le s autres plus groffes, les autres plus
" ftivoureufes, &c. , variétésqui fe font confervées
rigoureufoment par la greffe dans quelques endroits,
& qui fe dégradent peu ou même s’améliorent
dans quelques autres, par lé foin de femer les
plus belles châtaignes des variétés le/ plus efti-
mées. Partout où j'en ai goûté, je les ai jugées
différentes, de forte que leur nombre doit être 1
immenfe., mais fe confondre par des nuances in-
fenfibles.
Souvent on-a publié des nomenclatures des variétés
de châtaignes des Alpes, du Vi va rais, du
Périgord, du Limoufm 5. mais ces nomenclatures
ont été prifes fur un feul point des pays précités,
&T, confi-déï-ées fous le point de vue général,
ces nomenclatures n’apprennent rien aux per-
fonaes étrangères à ces pays. Cependant j’en
y .iis tranferirç une, celle des châtaignes du Pé-
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rigord, que je regarde comme les meilleures de
France, mais je ne les place cependant qu’au
troifième rang de celles dont j’ai goûté, mettant
au premier celles du royaume de Léon en
Efpagne, & au fécond celles de l’Apennin en
Italie : de forte que je crois avoir acquis la
preuve, par ma propre expérience, que les châtaignes
font d’autant meilleures qu’elles proviennent
de, latitudes plus méridionales.
On appelle marrons toutes, les groffes châtaignes
qui font l’objet d’ un-commerce avec Paris &
le nord de l’Europe. Il n’eft pas rare de voir de
ces marrons qui ont près de deux pouces de diamètre
& qui fe vendent trois fous, terme moyen,
ce qui porterait à plus de 600 fr. le produit d’un
feui arbre.} mais ces marrons rhonftrueux font
choifis fur toute la récolte des variétés à gros
fruits. Quelque recherchés qu’ils foient par l’ opulence
, je les regarde comme bien inferieurs en
bonté à certaines châtaignes du Périgord. On. re-
connoît les marrons du Luc à la largeur de leur
ombilic, c ’eft-à-dire, de la partie qui tenoit au
réceptacle du hériffon.
A in fi que je l’ai déjà obfervé ,.les châtaignes des
boisées environs de Paris font petites, peu favou-
reufes & d’une garde tiès-difficile, même dans les
années les plus chaudes. On en tire cependant un I grand parti, parce qu’elles fe cueillent avant maturité
complète, 8c fe vendent à Paris avant l'arrivée
de celles du Midi.
Variétés des châtaignes des environs de Périgueux,
fuivant.l'ordre deteur maturité.
«* La royale blanche eft la plus hâtive & donne
un fruit gros , camus & très-coloré. E le ne .fe
conferve pas lbng-temps. On la récolte à la fin de
feptembre. L’arbre eft pyramidal & a la feuille
peu colorée.
» La portalone fe récolte en même temps que la
précédente, donne un fruit de moyenne groffeur,
prefque rond, de couleur jaune , a écorce fine, à
goût très-iâvoureux. L’ arbre eft étendu , & la
feuille petite & d'un vert foncé.
n La corife eft petite & camufe. O.i la conferve
long-temps & on la fèche avec avantage.
. » La royale Hélene'eft lifte & gluante en fortant
de fon brou. Elle eft affez bonne.
» La grande-épine eft un peu alongée; fon brou
eft armé d'épines beaucoup plus longues que Es
autres.
*> La ganehdonne eft affezgroffe, un peu aplatie,
pointue , très-colorée. Elle fe conferve longtemps
& fe fèche avec avantage.
.. .» La caniande eft une des plus groffes ; fa cou-
leur eft brune. Elle a un peu de duvet à fa pointe;
fèche très-bien.
« La verte. C ’eft la plus généralement cultivée,
parce qu’elle fe conferve le niLux 6c que 1 arbre
charge, beau co ap.
» Uanglande
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39 Uanglande. ou marron bâtard, eft inférieure çn
bonté au vrai marron ; mais elle eft plus greffe, 8c
l’arbre qui la porte charge davantage.
» La cour viande om marron fauvage. C ’eft le marron
non greffé. Il eft beaucoup plus gros que le
Vrai marron.
w Le vrai marron eft fans contredit le meilleur
de tous. Il eft petit, prefque rond, fans aucun
zefte dans la chair. On ne" doit pas le confondre
avec le marron de Lyon, qui eft très-gros & peu
favoureux.
» La poumude, la nateude , la modichone, la vi-_
foyj &r la royale tardive fe diftinguent difficilement
des précédentes à l’extérieur» »
Les arbres qui ne'font point fournis à la taille,
offrent toujours, lorfque les circonftances atmosphériques
ne contrarient pas la marche régulière
de la nature, des récoltes alternativement bonnes
&mauvaifes, ce qui tient à ce que la bonne a
épuifé la ftirabondance de fève organifée, accu-
mu'ée dans les racines, & qui doit être remplacée
par celle qu’organiferonc les. feuilles de l’année
improductive ( voye^ Feuille & Sè v e ) , &
\echâtaignier, prefque toujours furchargé de fruits,
eft dans ce cas plus que bien d’autres} mais comme
le mêîne propriétaire a ordinairement beaucoup
d’arbres , fes revenus fouffrent rarement de cette
circonllance. Il n’en eft pas de même_des caufes
éventuelles qui font manquer lés récoltes certaines
années, telle qu’ une gelée tardive au printemps,
qui fait périr les bourgeons a fruits} tel -
qu’un temps pluvieux à l’époque dé la fl o rai fo n,
qui empêche la fécondation des germes} tel qu’un
été fioid qui s’oppofe au groffiffement des fruits;
tel qu’un automne pluvieux qui ne leur permet
pas de mûrir, dé prendre de la favéur, de fe garder.
En général, il eft très-rare qu’une de ces caufes
n’agilfe pas : auffi les bonnes récoltes font-elles
peu fréquentes, & c ’eft le plus grand inconvénient
de la culture du châtaignier, fl faut une confiante
chai eur à cet arbre, 6c cependant il ne profpère
pas dans les pays de plaines où il la trouveroit.
Une chenille, celle de la Py r a l s pflugiane ,
nuit; auffi confidérablement aux récoltes de châtaignes
, en les perçant pendant leur croiffance
& en les fai Tant tomber avant leur maturité. Il
n’y a d’autre moyen de Taire la guerre à cet ennemi,
que de faire, à l’ entrée de la nuit, en juin ,
.époqueoù les femelles dépofent leurs oeufs, des
feux clairs fous les châtaigniers pour y attirer ces
femelles qui s’y brûlent 5 mais il eft de peu d’effet
8c d’un grand embarras.
Les enfans aiment beaucoup les châtaignes crues
& cueillies avant leur maturité, â raifon de leur
goût fucré, mais il leur faut beaucoup de temps
pour les débarraffer d’ abord de leur hériffon, en-
fuite de leur écorce , enfin de leur pellicule, laquelle
eft amère au point d’exeiter des picotemens
a la gorge, fuivis fouvent d’une toux paffagère.
Di61. des Arbres & Arbujles.
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Pour jouir de.toure leur faVeur 8c pouvoir être
gardées, il faut que les châtaignes foient arrivées à
. leur maturité complète, c’t ft-à-dire, qu’elles foient
tombées naturellement de l’arbre, ce qui, peur
beaucoup de variétés, n’arrive qu’anrès les premières
gelées : auffi, aux environs de Paris, où on
eft très-preffé de vendre la récolte, comme je l’ai
dit plus haut, auffi partout où on veut avancer fa
jouiffar.ee, gaule-t-on les châtaignes lorfque leur
hériffon commence à pâlir. Cette opération eft
toujours nuifible aux récoltes fui vantes., comme
le prouvent les débris des branches qui recouvrent
le fol. On doit donc ne fe la permettre, hors les
environs de Paris, que fur un petit nombre d'arbres
, ç ’eft-à-dire, feulement autant qu’il eft nécel-
faire pour la fubfiftance courante.
Les châtaignes qui doivent être confommées oC
vendues fur-le champ, font féparées de leur hériffon
(écaillées) fous l’arbre, avec le pied. Les
autres font mifes en tas fans être écaillées, parce
qu’elles fe perfectionnent encore & qu’elles fe
confervent mieux djns leur Jjériffon. O11 les apporte
à l’habitation à l’approche des fortes gelées
pour les en garantir, car elles font altérées par
elles.
Une humidité modérée eft utile à la bonne confervation
des châtaignes , & une trop forte & trop
co? ftante humidité leur fait d’abord prendre un
mauvais goût, & enfu:te les fait pourrir ou germer:
On ne pêut les laiffer plus d’ un mois en tas
dans Kur hériffon. Une furveiilance de tous les
jours U ur el^néceffaire lï On ne veut pas les perdre.
Quand elles ont été féparées de/leur hériffon,
on peut les garder encore fraîches dcüx mois
en tas dans une chambre baffe, en les remuant
de temps en temps, au rifque d'en perdre beaucoup
qui fe moififfent ou pourriffent, 8c qu’ il
faut Ôter à mefure, après quoi on n’a plus d’autre
moyen pour prolonger leur confervation que de
les ftratifitr dans de la terre ou du fable légèrement
humide, dans une cave, ou de les enterrer
profondément en plein air, ou de les faire.deffé-
cher au féchoir ou au four.
La confervation des châtaignes , par le premier
de ces moyens, eft affurée jufqu a l’époque
de leur germination, mais elles perdent chaque
jour de leur faveur. Par le fécond moyen, comme
en les mettant dans une glacière, on peut prolonger
Eur fraîchi ur plus d’ un an encore avec le
même inconvénient. Le troifième, employé immédiatement
après la récolte, eft généralement
regardé comme le plus fur, quoiqu’ il change la
faveur des châtaignes : auffi le trouve t-on pratiqué
dans tous les pays où elles fervent de principal
objet de nourriture.
L ’expérience a prouvé que les châtaignes féchées
ail tour n’étoient pas auffi bonnes que celles féchées
à la fumée; en conféquence c ’eft dans des
■ bâtimens conftruits exprès, & à la fumée, qu’on
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