
que nous venbns detablir relativement aux futaies
pleines, en commençant par expofer l'utilité de
ces futaies en général.
Plufieurs auteurs ont critiqué le mode aétuel
d'iaménagement des futaies pleines. Us ont trouvé
que le rermede leur exploitation, fixé quelquefois,
à 250 & 300 ans, étoit beaucoup trop éloigné;
que ces futaies étoient en trop grande maffe ;
qu’elles étoient privées d'air & étouffées par des
brins fuperflus & des bois blancs ; que dans cet
état elles croilToient lentement & ne produifoient
que des bois de foible qualité. Frappés de ces in-
convéniens, ils ont voté la fuppreffion des futaies
en maflîf.
Les vices de cet aménagement font grands , fans
doute; mais ne peut-on pas y remédier, & dans le
cas même de cette impoffibilieé, doit-on réftoncer
à élever des futaies pleines? On ne le penfe pas,
8c cette opinion eft fondée fur les reffources
qu'elles préfentent, même dans leur état aétuel.
Defroidour, qui écrivoit avant l'ordonnance
de 1669, regardoit le réglement de i y 6 i ,q u i
avoit ordonné que le tiers de toits le bois du domaine
& autres feroit confervé pour croître en
futaie; comme ayant empêché la ruine entière
des forêts du Roi, qu'on réduifoit toutes en taillis
, & comme ayant auffi empêché la diffipation des
bois des eccléfiaftiques. Les futaies lui paroffoient
d’ailleurs indifpepfables pour pourvoir aux néceffi-
tés publiques, & ménager à chaque pays une ref-
fource dans les cas d'incendie.
Duhamel regardoit les futaies comme pouvant
procurer aux familles des fommes confidérables
pour acquitter des dettes, établir des enfans, réparer
des bâtimens, & c ., & il applaudiffoit beaucoup
aux fages difpofitions de l'ordonnance qui
avoit mis des entraves à la cupidité des ufufvui-
tiers, en leur prefcrivant de conferver un quart de
leurs bois pour croître en. futaie, afin de fubvenir
aux befoins du public, & de fournir de temps en
temps aux ufufruitiers eux-mêmes des reffources
pour rétablir les églifes, chapelles, hôpitaux, abbayes,
fermes & autres bâtimens dépendans de
leurs bénéfices. U penfoit au furplus que l’Etat,
en confervant des futaies pour fournir du bois aux
conftruétions, neperdôit rien du côté des produits
en argent, parce qu'il étoit indifférent, dans une
forêt de 2,coo arpens, de vendre annuellement
20 arpens de futaie de l’âge de 100 ans, ou icq
arpens de taillis de 20 ans (1 ).
Plufieurs auteurs ont confidéré les futaies fous
les mêmes points de vue d'utilité, & de ce nombre
fe trouvent MM. de Réaumur, deBuffon,
Tcllès d’Acofta, Varenne de Fenille, de Perthuis,
Claude, Dralet, Hartig, Burgsdorf, Laurop, &c.
On ne peut nier on effet qu'elles ne foient de la
(1) Nous ferons connoîcre , dans le Cours de ce Mémoire,
les véritables rapports des produits en bois fie en argent, des
futaies &C des taillis.
plus grande utilité.Elles fourniffent, comme nous
l'avons dit précédemment, de belles pièces droites
ou d’une légère courbure, qu'on emploie dans
la conftru&ion des vaiffeaux, & qu’ on ne pour-
roit trouver ailleurs ; elles donnent beaucoup de
bois de fente & autres, propres à une infinité
d'ouvrages qui exigent de la foupleffe & de l’élaf-
ticités elles font indifpenfables dans les befoins
extraordinaires, tels que ceux occafionnés par les
incendies, les inondations, la guerre & autres
événemens imprévus; on y trouve des poutres
propres aux grandes conftruétions, à celles des
palais, des églifes, des théâtres, des ports, des
ponts, des digues, des fortifications & d’ un grand
nombre d'ufines ; elles offrent des reffources pécuniaires
dans les momens difficiles (1). On peut
donc les regarder comme des magafins d’appro-
vifionnemens néceffaires dans une infinité de cir-
conftances, & comme propres d'ailleurs à raffurer
la population fur les befoins à venir. C'eft particulièrement
fous ce point de vue qu'elles ont été
confédérées par les anciens réglemens, qui ont
obligé les communes 8ê gens de main-morte à
mettre en réferve le quart de leurs bois pour croître
en futaie. Elles font encore utiles pour le pacage
& la glandée, objets d’ une haute importance
pour la nourriture des beftiaux. D’un autre côté,
elles fervent de retraite au gros gibier, qui, s’il
n'eft pas trop multiplié, ne peut leur faire dé tort
pendant plus des trois quarts de leur durée, tandis
qu'il nuit prefque toujours aux taiifis. Elles font
éminemment utiles par l'heureufe influence qu'elles
exercent fur l’atmofphère, en rompant la violence
des ouragans, en attirant 8c divifant les orages,
erçentretenant la fraîcheur & l'humidité, principe
radical de toute végétation, & en donnant naif-
fance aux fources & aux rivières, qui tariroient
par la fuppreffion des grandes maffes de futaies, &
notamment de celles qui recouvrent les montagnes,
où d’ailleurs elles s’oppofent à l’éboule-
ment des terres 8c aux avalanches. L’ ancien & le
nouveau continent offrent des exemples nombreux
du tariffement ou de l'engorgement des rivières,
occafionné par la deffruétion des forêts & le dé*
boifement des montagnes. C'eft furtout dans
l'Amérique feptentrionale que fe font remarquer
ces révolutions étonnantes. La difparition des
maffes de futaies, incendiées par les habitans, a
caufé l'anéantiffement de rivières confidérables,
& amené des chalejurs & des féchereffes jufqu'alors
inconnues dans plufieurs parties de çes vaftes
contrées.
La fuppreffion .des futaies auroit d’ailleurs un
grand inconvénient par rapport à la confomma-
(1) On fe rappelle à cette opçafion le dévouement d’ua
grand priniftre pqur la çaufe d’un grand prince. Sully fit
couper à blanc étoc la forêt de Rofny , qui lui appartenoit,
pour en offrir le produit à Henri IV , que la guerre avoi»
mi$ dans le cas d'accepter çe icçours.
lion ;
tion ; car en fuppofant même qu'on ne les abattît
.que fuceeffivemenc & en fuivant l'ordre déjà établi
pour leur coupe, il en réfulteroit, pendant
quelque temps, une augmentation confidérablë
de produits en matières, qui habitueroit les con-
fommateurs à en ufer fans diferétion, & leur ren-
droit d'autant plus fenftble la diminution de cet
objet de confommation, & le furhauffement du
prix, qui fuccéderoient à cette abondance accidentelle.
En effet, cette abondance ne dureroit
que pendant le temps néceffaire à la réduction
des futaies à l’état de taillis; & à cette époque la
maffe des produits en matières feroit au-deffous de
ce qu'elle eft dans l'état a&uel ; car il eft reconnu
que les futaies pleines, bien conduites, donnent
plus de bois que les taillis dans le même efpace de
temps, c'eft-à-dire, qu'une futaie fituée en bon
fonds & exploitée à iyô ans, donne une maffe de
bois plus confidérablë que celle qu’un taillis de
même étendue, fi tué fur un fonds analogue &
aménage à 25 ans, peut fournir par les fix coupes
qu’on y exécute dans le même efpace de temps:
Cette vérité fera pleinement démontrée dans le
troifième chapitre de cette fécondé partie.
Sous tous lés rapports, les futaies méritent
donc d’être confervées &r améliorées par tous les
foins qui dépendent de l'homme, furtout dans les
forêts de l’Etat, des communes & des établiffe-
mens publics , dont elles forment près d'un quart
de la maffé, fi on y comprend les demi-futaies.
Examinons maintenant quel feroit le moyen de
les rendre plus productives que dans leur état
adtuel. •
C H A P. II. Des éclaircies comme moyens propres
à accélérer l'accroijfement des futaies & a. les régénérer.
Nous avons déjà dit que le moyen le plus certain
d'accélérer l'accroiffement des futaies pleines,
& d’augmenter la maflè 8c la qualité de leurs produits,
étoit l’exploitation.vpiar éclaircies ou coupes
fucceffives, dont les principes fe trouvent décrits
dans plufieurs ouvrages français, & notamment
dans ceux de Varenne de Fenille 8c de de Perthuis,
mais dont la pratique eft expliquée par MM. de
Burgsdorf, Hartig, Laurop & plufieurs autres fo-
reftiers allemands, qui ont complété les avantages de
ce fyftèrhé en le faifant fervir au réenfemence-
ment naturel des futaies. Nous avons rapporté auffi
les difficultés attachées à ce mode d’exploitation
dans une grandeadminiftration. Il nous refte main-,
tenant à examiner fi ces difficultés & tous les in- ;
convéniens que l'on reproche au fyftème des
éclaircies peuvent véritablement contre- balancer
les avantages de ce fyftème. Pour cet effet, nous
allons établir ces avantages par des calculs tirés,
tant des méthode' propofées par Varenne de Fenille
& de Perthuis, que de celle de M. Hartig.
Dici, dés Arbres & Arbufies.
! Cet examen nous oblige à rappeler fuccinèlement
les principes de ces méthodes.
i° . Varenne de Fenille, dont les expériences
fur les bois font fi précieufes, a reconnu & calculé
tous les avantages des éclaircies, quoiqu’il
ne les ait exécutées que fur de petites parties >
mais fon efprit obfervateur & la rigueur qu'il met-
toit dans fes eftimations, doivent infpirer la plus
grande confiance. 11 propofoit d’éclaircir, non-
feulement les futa-es, mais encore les taillis. Nous
le fuivrons particulièrement dans ce qu’ il d it, concernant
les futaies.
« Le but qu’on fe propofe, dit-il, en établif-
» Tant une futaie, eft d’obtenir la plus grande
» quantité de bois dans le plus petit efpace 8c le
•» moins de temps poffible; d'où il fuit qu il ne
« faut établir des futaies que fur un terrain pro-
» fond & fertile (1) ; qu’il eft à propos d’efpacer
» les arbres, de manière que, fans qu’il y ait au-
» cune place perdue , ils ’hë puiflent fe nuire réci-
» proquement ni ralentir mutuellement leur croif-
» fance ; qu’il feroit défavantageux, hormis le cas
» d’un fervice urgent, de couper des arbres d'ef-
» pérance fuffi’famment efpacés", avant qu'ils aient
» acquis leur maximum d'accroifiement indivi-
*> duel. » ^
Cet auteur compare l’accroiffement des arbres
efpacés convenablement avec celui des arbres
crus en maffif trop ferré, & le réfultac de fa com-
paraifon eft qu’ il y a un avantage, infini .à débarraf-
fer les bois des brins fuperflus, qui difputent aux
autres la nourriture que fournit le terrain.
Il fuppofe un arpent de taillis , de l'âge de 10
ans, en très-bon fonds, que l'on veuille élever en
futaie : cet arpent contiendra à cet âge , d’après
les données de Duhamel j 900 brins de 10 pieds
d’élévation à la diftance de 7 pieds 4 pouces.
A 21 ans, on«rtlevera la moitié des brins, ce
qui les réduira à 450:; à 40 ans, on enlevera 200
brins ; à 60 ans, on coupera 110 brins fur les 250
reftans ; à 80 ans, on abattra la moitié des 140 brins
qui reftoient ; à ioo ans, la futaie contiendra 70
pieds d’arbres efpacis à la diftance de 16 pieds
8c fi ces arbres continuent à croître uniformément,
on attendra jufqu’à 150 ans pour en faire
la coupe. A cette époque, on les abattra, on extirpera
les fouches, & on femera le terrain pour
renouveler la futaie. L'auteur, d apres 1 opinion
où il étoit que les bjliveaux etoient plus nuifibles
qu'utiles , ne propofe point d’en réferver, même
pour faciliter le repeuplement. Nour verrons plus
loin qu'aucun des auteurs français qui ont parlé des
éclaircies, ne s'eft occupé du réenfemencement
naturel. A
Varenne de Fenille établit en meme temps la
comparai fon delà valeur de cet arpent, ainfi eleve
en futaie & éclaircie, avec celle qu’il auroit eue
j i veut que le terrain aie deux pieds & demi à crois
pieds de profondeur au moins«.