
féaux , qui , en tran(plantant les glands, en fèment
line grande quantité. De ces diverfes obfervations,
M. de Buffon çonclud que la meilleure manière
d’exploiter les taillis ordinaires eft de faire coupe
nette, en laiffant le moins de baliveaux qu’il eft
pollîble.
Nous examinerons plus loin les motifs qui dévoient
, à l’époque où ce grand naturalifte s'occupent
des forêts, lui donner des préventions contre
le fyftème des futaies fur taillis.. Mais avant de
palfer à cet examen, confultons l’auteur qui s’eft le.
plus occupé de cet objet : Duhamel, dont l’opinion
a tant d’influence pour tout ce qui intéreffe
l ’économie foreftière , & dont les principes font
en effet toujours conformes aux lois de la fiiihè
phyfique. Il voulait, en fage économe, proportionner
les divers produits à nos diflrérens genres
de be foins; & voyant que les taillis fouffroient
de la préfence des réferves, & ne produiraient
point en bois de chauffage & de petits ouvrages
ce qu’on en pou voit attendre, il a propofé de les
en dégager & de remplacer ces réferves de diver- j
fes manières. Ses moyens ont paru avantageux, j
& l’on ne peut douter qu’ ils ne le foient en eflFer 5
mais les befoins de la marine, devenus plus considérables,
exigenr, outre l’emploi de ces moyens,
la confervation des réferves fur taillis qu’ils étoient
deftinés à remplacer. V o ic i, au refte, l’opinion de
cet obfervateur relativement aux baliveaux fur
taillis. . *
Il confidère ces arbres comme néceffaires pour
opérer le repeuplement des coupes par la grande
quantité de graines dont ils fe chargent & qu’ ils
biffent tomber, raifon pour laquelle les anciens
réglemens les défignoient fous le nom d'étalons.
Mais il ne penfe pas qu’ ils aient rempli un autre
objet qu’on avoit en vue, celui d’en obtenir des
bois de conflrudtion. Sous ce rapport ils lui pa-
roiffent inutiles, & il allure en outre qu’ ils font
. nuifïbles dans toutes les circoiiftances, foit que
les taillis repofe.nt far un mauvais ou fur un bon
fonds, foie qu’ on exploite ces taillis à douze ou
vingt-cinq ans. Il fe fonde fur ce que, dans les
mauvais terrains, les baliveaux ne peuvent donner
des pièces de fervice & qu’ ils s’emparent du peu
de nourriture que fournit le fol5 fur ce que, dans
les bons terrains où l’on exploite les taillis à 2. y ans,
les arbres de ces taillis élevés près les uns des autres
filent beaucoup, qu’ ils acquièrent de 2 y à 30
pieds de haut, tandis qu’ ils front fouvent que 12,
15 ou 20 pouces de groffeur; fur ce que, enfin,les
taillis étant abattus, ces baliveaux menus & trop
foibles pour fupporter leur propre tête fe verfent
de côté & d’aut-e, que le givre & le vent les font
ployer, & qu’ils font tellement fatigués que la
plupart meurent en cime.
Relativement à la première affertion qui concerne
les baliveaux en mauvais, terrains, on ne |
peut qu’ en reconnoître l’exadtitude, & que voter j
^veç l’autefir la réduction de ces baliveaux au f
' nombre ftri&ement néceffaire pour les repeuple»
mens, toutes les fois qu’un fol maigre ou fans
profondeur fera reconnu incapable- de nourrir de
la futaie. Mais ce qu’il dit concernant les réferves
dans les taillis en bons fonds, âgés de 25 à 30 ans,
ne nousparoît pas auflj exadï, &: d’ai’ieurs ce qu’ il
confidère comme des açcidens fâth-ux pour e s
arbres, eft fouvent ce qui les rend propres aux
conftruétions navales. Eh effet, l’agitation que reçoivent
ces jeunes arbres lorfqu ils fonttout-à-coup
ifolés, la pefanteur de leur tête, celle des neiges
& des pluies-qui les font courber, enfin la liberté
qu’ ils ont d’ét ndre leurs branches, font autant de
circoî.ftances qui leur font contracter des formes
irrégulières, qui prefque toutes deviennent utiles
dans la conftrudtion aes vaiffeaux. Ces entraves
natureftes qui les empêchent de continuer leur
croiflance verticale, pour varier leur configuration
, ne font donc pas des inconvéniens dont on
doive charge* le fyftème des futaies fur taillis.
Ce font au contraire les meilleurs effets de ce fyftème,
du moins fous le point de vue que nous
fixons, & quand ils ne font point portés à Tex-
. cès (1).
Nous ne regardons pas non plus comme'généralement
exaCte l’obfèrvation de Duhamel, .que les
arbres meurent en cime par la fatigue qu’ ils éprouvent;
car fi le terrain eft bon, c ’eft-à-dire, fubftan-
tiel & profond, fi l’expofition eft avantageufe, &
fi les baliveaux font bien choifis, bien efpacés &
d’âge fuffifant; ils ne tardent pas à prendre allez
de force pour réfifter aux intempéries & continuer
une belle croiffance. Mais il faut la réunion de
toutes ces circonftances pour atteindre le but que
s’eft propofé l’ordonnance; car fi à un terrain de
peu de profondeur fe joint une expofition défavorable
par rapport aux vents, on a tout à craindre
pour la confervation des baliveaux. L’expérience
le prouve chaque jour. J’ai obfervé, nommément
dans la forêt de Villers-Cotterets , qu’ il y avoit
plufLurs cantons où les réferves faites fur les coupes
de futaies en exploitation y mourojent en.cime,
tandis que dans d’autres cantons elles étoient belles
& bien confervéés; & 'j’ ai reconnu que les premiers
étoient expofés à là violence des vents
d’oueft & du nord-oueft, lorfque les autres en
(1) Parmi les caufes accidentelles qui font prendre diverfes
courbures aux arbres, il en eft une que M. Michatix fils a
fouvent remarquée dans' les foré fs de l’Amérique fepten-
trionale, où il croît plusieurs efpèees de lianes. Ces plantesfar-
menteufes s’attachent aux arbres en différens feris & leur
font prendre des formes très-variées & prccieufes pour la marine.
Il eft vrai qu’elles, font quelquefois mourir l’arbre d
force de le ferrer , ce qui les a fait appeler les bourreaux des
arbres , & que d’un autre côté elles ralenti fient fa croiflance
en pompant, à fon préjudice , une partie des fucs deftinés à
le nourrir. Quoi qu’il en fo it , on pourroit faire l’eflai d’ un
femblable moyen, en plantant au pied de quelques arbres des
plantes farinenceufes , telles., que la bignonè grimpante , la
clématite, la vigne ordinaire , la vigne vierge , ôcc.
étoient
étoient abrités par la futaie reliante, parce qu’on 1
avoit commencé les coupes en allant de l’eft vers
l’ouf ft. C ’eft une obfervation fort importante &
qui doit engager les foreftiers à confulter la direction
des, grands vents pour commencer, autant
quepoffible, les exploitations vers les endroits
les plus éloignés de ces vents, & conferver fuccef-
fivement des abris contre leur violence. Il en eft de
même des vents de mer, contre lefquels on doit
toujours fe ménager des abris, furtout en arbres
verts. Un foreftier malhabile provoqueroit la
coupe des lifîères expofées à ces vents, parce qu’ il
y remarqueroit le dépériffement des arbres; mais
il'ne tarderoit pas à faire la même remarque dans
la coupe fuivante.
Deux autres caufes concourent encore à faire
mourir les baliveaux en cime dans les premières
années qui fui vent les exploitations : la première,
c’eft que ces baliveaux étant dégarnis tout-à-coup
des arbres qui les entouroient & les entretenoient
dans uneatmofphère humide, ils ont à fupporter
une température trop forte pour leur conftitution ;
la deuxième, c’ eft que l’air libre provoque l’éruption
de nombreux bourgeons fur toute la longueur
de la tige, qui fe charge alors d’ une grande quantité
de branches. Cette produ&ion nouvelle ab-
forbe la fève, l’empêche de gagner la fommité de
l’arbre, & il réfulte de cette révolution que la
tê te , qui recevoit précédemment beaucoup de
nourriture, s’én trouve privée en peu de temps
& dépérit. Mais on a aufli remarqué, & je l’ai
vérifié moi-même dans plufîeurs fprêts, que beaucoup
de ces arbres qui s’étoient d’abord couronnés,
avoient fini par fe former une nouvelle tête
lorfque lés caufes de cet accident avoient diminué
ou aifparu. Ces inconvéniens ne détruifent donc
point la vérité, que les baliveaux bien choifis &
convenablement efpacés, que l’on réferve en bon
fonds & fur.des taillis de 25 à 30 ans, font les
ipeilleures reffources que l’ on puiffe procurer à la
marine, tant par la forme que par la qualité des
bois. On l’avoit fi bien reconnue cette vérité, que, j
par des réglemens poftérieurs à l’ordonnance, on
a défendu d’exploiter les taillis des eccléfîaftiques
& des communautés d’habitans avant 25 ans
révolus.
Il eft probable, comme l’obferve très-bien M.de
Perthuis, qu’à l’époque où Duhamel & buffon ont
écrit fur les bois , le plus grand nombre de forêts
préfentoient les inconvéniens qu’on leur a reprochés,
c’eft-à-dire, que les coupes étoient chargées
d’une grande quantité d’arbres n’ayant prefque
point de tige & préfentant des têtes énormes qui
©ffufquoient le taillis. C e mal provenoit de ce que
les réferves avoient été faites dans de jeunes taillis
de 10 à 20 ans & en trop grande quantité. Mais,
ajoure M. de Perthuis, fi ces hommes célèbres
avoient obfervé les futaies fur des taillis de claffe
requife & convenablement aménagés, ils auroient
vu que la hauteur de la tige & la largeur de tête
Di c l. des Arbres & Arbufies.
de ces arbres font toujours relatives à l’âge d’aménagement
des taillis, toutes chofes égales d’ailleurs;
par exemple, que les futaies fur taillis aménagés
à vingt ans & audeffous ont peu de tige & une
large tête; que celles des taillis aménagés à vingt-
cinq ans ont déjà moins de largeur de tête & un
peu plus de hauteur de tige ; enfin, queles futaies
de taillis aménagés à 36 ans & au-deffus ont
encore beaucoup moins de largeur dé tête & beaucoup
plus de hauteur de tige. 11 affure enfuite que
les baliveaux paient bien leur place, & que fi
Buffon & Duhamel ont attribué des inconvéniens
graves aux futaies, fur taillis, ces inconvéniens
n’étoient que l ’tffet d’un aménagement trop rapproché
& du trop grand nombre de réferves faites
à chaque coupe.
Lesobfervations de M. de Perthuis font fi exac-.
tes , que dans la ci-devant Lorraine, où les taiilis
de l’Etat s’exploitent prefque tous à 30 & 3 ƒ ans,
& les taillis communaux à 2y & 30 ans, les
nombreüfes réferves qu’on y a faites, d après les
lois particulières du pays, ont fourni de très-
beaux arbres & maintenu les forêts dans le meilleur
état (1).
Quant aux arbres dont les tiges font baffes,
comme ceux des taillis de 10 à 12 ans, Duhamel
penfe qu’ils font moins expofés aux inconvéniens
qu’il a reprochés à ceux des taiilis de 2 f ans ; c e pendant
il dit que, lorfqu’ ils font ifolés, ils ne
manquent guère de pouffer des branches de tous
côtés, de mettre toutes leurs produdtions'en branches,
de former des arbres raffaux ou rabougris ,
& de faire ce que l’on appelle le pommier ; il ajoute
que ces fortes d’arbres ne promettent rien de fa-
tisfaifant pour les ouvrages de quelqu’importance,
& qu’on ne peut guère efpérer que d’en faire du
bois à brûler, dont l’efpèce même n’eft pas eftimée.
Son opinion eft fondée fur ce que tous ces bois ,
; qui, dans leur ieuneffe, étoient renfermés dans un
i taillis épais, ont leur écorce tendre, & que, lorfqu’
ils font mis à découvert, ils font expofés, les
uns à être endommagés par la gelée 1 les autres
par le foleil ; de forte que la plupart de ces arbres
renferment par la fuite des vices intérieurs. Il fait
cependant quelques exceptions en faveur des ventes
firuées en bon fonds & peu expofées au vent,
où quelques-uns des baliveaux qui ont des tiges
élevées pourroient former de beaux arbres ; mais
il affure que ces cas font rares, & que quand ils fe
rencontrent, le taillis en fouffre beaucoup. lie n
place la caufe dans la quantité de baliveaux qui
s’augmente de feize par arpent à chaque coupe,
. ( l) L e nombre de rçfçrves fixé en Lorraine par l’arrcc du
Confeil du i mars 3765 , étoit pour le taillis de douze baliveaux
Sc dix futaies par arpent du pays , & pour la futaie ,
de quinze arbres par arpent audi du pays ; ce qui fait cinquante
cinq dans les premiers & trente-fept dans les autres
par arpent d'ordonnance.
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