
Suivant les ordonnances & les coutumes, le
temps de fève étoit ainfi réglé ^ en Nivernois,
depuis la mi-mai jufqu’à la mi-août; de même en
Augoumois & Saintonge j en Normandie, de la
mi-mai jufqu’à la Saint-Jean, un peu plus ou un
peu moinsi le temps le plus communément ob-
fervé dans le royaume étoit depuis le i y avril
jufqu’au 15 feptembre. _ .
Quant à la qualité du bois de chauffage, Saint-
Yon dit qu’elle demeure la même, n’importe en
quelle faifon il foit coupé ; mais il étoit convaincu
que le rejet profitoit bien mieux, lorfqu on' cou-
poit dans le premier quartier de la lune & hors
le temps de fè v e , parce que les racines concentraient
en elles-mêmes, par l’effet de 1 humidité de
l ’h iver, toute la fubftance qui fe diftiibuoit auparavant
dans tout le corps de 1 arbre ; ce qui
faifoit que ces racines poulfoiept bien plus vite,
& avec bien plus de force au printemps ( i ) .
La défenfe de couper les bois en fève, portée
par les anciens réglemens, & notamment par celui
de 1601, art. 24, fut renouvelée par Tordonnance
de 1669. Elle veut, article 40 du titre X V , que les
bois., tant de futaie que taillis, foient coupés &
abattus dans le quinzième d’avril, à peine d a-
rnende arbitraire &- de confifcation. Cet article
ne parle point, il eft v ia i, de l’époque à laquelle
on petit commencer la coupe. Mais nous voyons
dans le Recueil des lois forejliet es de Pecquet,
tomé 1er. , page 364, que fuivànt le réglement
de 1706, on «il dans l’ufagê, au moins pour les
forêts de l’ Etat, que les marchands entrent en
exploitation vers le iy odtobre, & ceffent d abattre
au 1 y avril fuivant. De fon co té , Chailland
nous d it, page 176 de fon Dictionnaire, qu il eft
d’ufage, dans tous les pays, de ne commencer les
coupes qu’ après le mois de feptenibre, parce que
ce n’eft qu*alors que la fève ceffe de monter, &
que cela eft de commune obfervance, fans qu’ il y
ait rien d’écrit.
Les cahiers des charges, rédigés chaque annee
pour les ventes de bois, ne contiennent d’autre
difpofition que celle qui p relent aux adjudicataires
& aux entrepreneurs des coupes , de demander
à l’agent foreftier local un permis d’exploiter
5 ce qui laiffe à cet officier la faculté de déterminer
lui-même le moment ou la coupe doit
commencer. Cette réferve paroj: extrêmement
fa g e , furtout quand on ccnfidère que le territoire
de la France renferme des climats fort oppofés.
Quant à l’époque où Y exploitation doit être terminée,
les cahiers des charges h fixent au 1 y avril
pour les taillis & au 15 mai pour les arbres. Ces
termes font de rigueur, Sc il n’y a d’exception
que pour quelques circonJUnces particulières,
( ï ) Cette e xp lica tio n , donnée par S a iu c -Y o n , étoit co n forme
à l'opin ion erronée où l’ o n c roit 4 :e la fève redefeen-
4oit dans les racines pendant l ’b iv ç t .
par exemple, pour les arbres à écorcer, dont on
prolonge la coupe jufqu’au 1 y juin.
La fageffe de ces diipofitions e.ft généralement
reconnue, & il feroit allez inutile d’établir une
difcuflion fur la faifon à laquelle on doit couper
les-bois, fi des auteurs d'un grand poids n’avoient
femblé admettre que la coupe en fève étoit fans
inconvénient.
Duhamel a fait beaucoup d’expériences ( j )3
pour s’aflurer fi l ’ufage où l’on eft d’abattre les
bois en hiver, étoit fondé fur les principes de la
phyfique, & ii réellement les arbre? contenoient
moins de fève en hiver qu’ en été. Il eft réfuhé 1
de fes expériences :
i° . Qu’ il y a au moins autant de fève dans les
arbres en hiver qu’en été.
20. Qu’il n’eft pas fur que pour cor.ferver au
bois fa bonne qualité, il foit plus avantageux de
le deflécher le plus promptement poffible.
30. Que c’eft dans le printemps & en été, que
les arbres fe deffèchent le plus promptement.
4°. Que les arbres abattus pendant l’ hiver fe
font trouvés un peu plus pefans après qu’ ils ont
été fie s , que ceux qui avoient été abattus’en été ;
mais que cette différence eft peu confiderable.
y°. Q ie l'aubier des bois abattus en été s’eft
mieux confervé que celui des arbres qui avoient
été abattus en hiver. 6°. Que tous ces bois, après avoir été examinés
dans leur rupture ,-ont paru avoir à peu près une
force pareille.
70. Que la pourriture a affeété à peu près également
les bois abattus dans toutes les faifons;
8°. Que les bois qui avoient été abattus au pri •
temps & en été n’étoient guère plus gercés que
les autres.
Nous ferons quelques obfervations fur la première
conféquence déduite des expériences de Duhamel,
tendant à établir qu’il y auroit autant de fève
dans les arbres en hiver qu’ en été , par la raifon
que d’ après ces expériences, lés. arbres coupes
I en hiver & en automne auroient été p'-us prfans
i que ceux abattus au pi intemps & dans l’été. D a-
j bord, l’auteur convient lui-même que quoiqu il
: ait ufé de la plus grande diligence, tant pour cirer
! les bois de la forêt auffitôt qu’ils ont été abattus,
que pour les faire équarrir, les réduire aux dimen^
lions requises & pour les pefer, il a fallu neanmoins
quelquefois employer plufieurs jours pour
exécuter toutes ces opérations i qu'il eft certain
que la fève s’échappe bien plus promptement ai
bois en été que pendant l’hiver, d’où il fuit re-
ceflairemenr que cette plus grande évaporation
'dé la fève en é té , jointe à la râréfiétion de cette
fève dans la même-faifon, a pu rendre les bois -e
certains abattages dans les mois de 1 é té , PKIS
légers que d’autres.
(ij Exploitation des bois, 2e vol., liv. I l l , chap.
Nous ajouterons à cette obfervation les réflexions
fuivantes : on fait que les bois en grume
& ceux qui font travaillés, fe pénètrent, dans la
faifon humide de l’hiver, d’une grande quantité
d’eau, qui les gonfle & les rend plus pefans. Les
arbres vifs & fur pied éprouvent certainement un
effet analogue , quoiqu’ à un moindre degré. Il eft
donc poffible que la pefanteur affez confiderable,
trouvée aux bois abattus en hiver, provînt de
cette circonftance, en même temps que de la den-
fité de la véritable fève reftée dans l’arbre 5 d’où
il fuit que Duhamel n’auroit pas été fondé à conclure
de cette pefanteur , que les arbres contienn
e n t réellement autant de fève en hiver qu’en été.
En effet, l’humidité qui les pénètre dans cette per-
mière faifon , furtout après qu’ ils font coupés, ne
peut pas être confondue avec la fève liquide de
l’été. Cette humidité de l’hiver n’eft qu’un fluide
aqueux fans mélange notable avec les principes de
la fève ; qui ne contracte, faute de chaleur, aucune
union fenfible avec elle, & qui fe diffipe bien plus
facilement & fans emporter aucune partie fixe.
Nous penfons donc, nonobftant les obfervations
de Duhamel, que les arbres ne contiennent pas autant
de fève en hiver qu’en été. Nous penfons auffi
que les vapeurs de l’atmofphère qui entrent dans
la maffe ligneufe en hiver, ne peuvent avoir, fur
la qualité du bois, le même inconvénient que les
fluides féveux & fermentefcibles, qui imprègnent
toute cette maffe au printemps & dans l’été.
Sur la quatrième obfervation, que les arbres
abattus pendant l’hiver fe font trouvés un peu
plus pefans, après qu’ils ont été fecs, que ceux i
qui avoient été abattus en é té , quoique cette différence
fût beaucoup moins grande que lorfqu’ils
étoient verts, il fe préfente encore une réflexion
toute naturelle : la fève durcie pendant l’hiver
adhère bien plus fortement aux fibres ligneufes
que pendant l’été, où elle fe trouve diffoute par le
flegme qui s’y mêle à cette époque, &ppar l'effet
de la chaleur qui dilate cette fève condenfée.
Dès-lors, la partie de cette fève qui étoit deftinée
à relier fixe, mais qui eft devenue liquide, s’échappe
bien plus facilement qu’en hiver, où, par
fa condenfation, elle eft retenue dans le pores du
bois. Il n’eft donc pas étonnant que le bois des
arbres abattus ên hiver conferve plus de pefanteur
que celui des arbres abattus dans un temps
où la fève, en s’évaporant, emporte des parties
fixes. Duhamel lui-même ne s’ eft point diffimulé
cet effet 5 & il a de plus obfervé que la fève dans
Détac de fluidité où elle fe trouve au printemps
ou pendant l’é té , avoit une grande difpofition à
fermenter : plufieurs faits qu’ il rapporte, & des
expériences plus récentes encore, prouvent cette
vérité. Mais pour appuyer l’opinion où il étoit,
que l’abattage d’été, ne pouvoit être nuifible à la
qualité du bois, il obferve que la partie flegmatique
de la fève qui donne lieu à cette fermentation
, s’ échappe très-promptement des arbres
P iß , des Arbres Arbufies,
qu’on abat dans la faifon du printemps & dans
celle de l’é té , & que ces arbres feroient d’un bon
fervice, fi on s’attachoit à les deffécher avant que
leur fève eût pu s’altérer dans les pores.
Nous ferons remarquer ici que toutes les expériences
qu’on fait en petit fur les bois, & dans un
courtefpacede temps, font fujettesà bien des contradictions
& à bien des erreurs. Nous avons lu plufieurs
fois, & avec une grande attention, tous les
détails dans lefquels Duhamel eft entré fur les expériences
qu’il a faites relativement aux abattages
des bois dans les différentes faifons, & nous fouîmes
demeurés convaincus qu’on ne pouvoit rien
ou prefque rien conclure de ces expériences. En
effet, tantôt ce font les bois coupés au printemps ou
en été qui fe font trouvés les meilleurs, tantôt ce
font les bois coupés en hiver; & d’un autre.côté,
ces bois ont été fournis à des expériences trop
courtes quant au fervice qu’on pouvoit en attendre
dans aucune circonftance; ou bien on leur a
fait fubir des defféchemens artificiels, comme ceux
faits au four, qui ne peuvent fe comparer à ceux
qu’opère la nature, & qui ont dû changer les
rapports différens qui fe trouvoient entre ces bois.
Il faut donc en revenir à l’opinion générale, & fur-
tout à celle des hommes qui font emploi des bois,
relativement à la faifon à laquelle il convient de les
couper, & fe mettre en garde contre des expériences
brufques, contrariées par une infinité d ac-
cidens, & par lefquelles on voudroit, non-feulement
expliquer ce qu’il n’appartient qu'au temps
de nous démontrer d’une manière facisfaifante,
mais encore détruire des principes établis par l-’éxt
périence des fié clés.-Et dans tous les cas, ne vau-
droit-il pas mieux fe tromper encore , comme on
l’a fait depuis fi long-temps, que de s’expofer à
commettre des fautes bien plus graves, en adoptant
comme principe général ce qui, dans le fait, ne
réfulte que d’expériences infuffifantes ? Nous pourrions
borner à ce peu de réflexions notre difcuflion
fur l’objet dont il s'agit ; mais, nous le répétons,
l’opinion émîfe par un phyficien tel que Duhamel,
ne peut pas être combattue par une fimple dénégation
; il faut lui oppofer des faits ou du moins des
raifonnemens poficifs. Nous allons donc continuer
cette differtation, & comparer ce qu’on a dit pour
ou contre l’abattage des arbres en temps de féve.
I Nous avons vu que Duhamel étoit porté à croire
qu’ il n'y avoit, quant à la qualité des bois, aucun
danger à les abattre en été ; toutefois il mettoit
à l’écart l’ inconvénient des fentes & le dommage
qu’on pouvoit caufer à la Touche.
Il obferve auffi que l’ ufage d’abattre les arbres
pendant l'hiver n’eft pas généralement fuivi ; que
les Hollandais font des coupes confidérables en
été préférablement à l’hiver, par les motifs que
la fève des arbres coupés en été fe diffipe plus
promptement, & que leurs bois fe trouvent plus toc
en état d’ être employés, ou qu’ils font du moins
en état d’être affemblés en trains, pour pouvoir
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