
ne pouvoir nourrir un taillis que jufqu’à io ans,
& fi on le laiffoit fur pied jufqu’ a 30 ans, on le
trouveroit entièrement dégradé. Le propriétaire
éprouveroit donc une perte réelle, au lieu de
jouir des avantages que promettent les fpecuiations
rapportées plus haut. Relativement aux effences,
il y en a , telles que les bois blancs & le châtaignier,
qu’ il faut couper jeunes pour en tirer le
meilleur parti} & quant à la fituation & au débit
qui peut être plus avantageux dans certains lieux,
il faut confîdérer fi l’on eft à portée d'une rivière
navigible, parce que dans ce cas il y aura de l'avantage
à voiturer les pièces les plus pefantes,
les bois de cordes , ou ce qui tiendroit le plus de
place, comme les fagots & les bourrées} au lieu
que s’ il y a une grande diftance pour rendre les
marchandifes au port, on préférera de convertir
le bois en charbon, & dans ce cas, l’âge le plus
avantageux pour abattre les taillis, elt celui où
ils peuvent fournir beaucoup de cordes à charbon.
On prendra le même parti quand on fera dans un
pays où il y a des ufines qui confomment une
grande quantité de charbon. On trouvera de l’avantage
à faire beaucoup de fagots aux environs
des grandes routes & dans le voifinage des fours
qui en confomment. Si l’on eft. dans un pays où
1 on tanne beaucoup de cuirs, on abattra les taillis
à l’ig e où leur écorce eft dans l’état requis pour
ce travail} il faut pour cela que les chênes aient 9
à 13. ou 1 y pouces de circonférence (1)'.
Enfin, dans les pays vignobles, ou l’on fait
une grande çonfomma ion d’échalas de brins
& de cerceaux, il faut abattre les taillis de
châtaignier, de chêne, de bouleau, de marceau
& de faule, plus ou moins gros, fuivant la grof-
feur des futailles qu’il s’agit de relier.
Revenons à raccroilfement des taillis, & continuons
de préfenter l’analyfe des expériences & des
obfervations faites fur ce fujet important.
3°. Pannelier 'd’Annel, en propofant la fupfireflion
de toutes les futaies pleines , penfoit que
e meilleur aménagement des forêts confïftoit à les
exploiter aux âges auxquels les fouches repouffent
encore, &f où les baliveaux fe foutiennent, profitent
& peuvent devenir de beaux arbres > en les
réfervant en certain nombre pour être coupés
aux termes où ils doivent être attendus. Il ajou-
toit que ces âges étoient ceux de'20 à 40 ans} que
c’ étoit aux révolutions comprifes entre ces deux
termes qu’il çonvenoit de couper tous les bois
fans en exploiter aucun au-deffous de 20 ans ( à
l’exception des bois plantés en coudrier , châtaignier,
bourfault, & c . ) , ni plus tard qu’à 40 ans.
Mais il n’appuie fes propofitions que fur des hypo-
thèfes , & nullement fur des faits pofitifs. Àinfi ,
quoique ces âges puiffent ê tre , en général, les
plus profitables pour les produis en matières & en
argent dans l’exploitation des. taillis, nous ne devons
nous y arrêter qu’autant que les expériences
faites fur cet objet confirmeront qu’ils font en
effet les plus avantageux.
40. Tellès d’Acofta, en rendant compte des
obfervations de Duhamel, & en infîftant avec lui
fur la néceflité de retarder jufqu’à 30 ans au
moins la coupe des taillis de chêne fitués en bons
fonds, annonce que les expériences faites à Saint-
Dizier, dans la ci-devant Champagne, ne s’accordent
pourtant point avec celles de Duhamel} que
dans ce pays l’accroiffement des taillis eft de plus
de 6 lignes par an , à compter de l’année où il y a
10 ans. de fa ts , & 7 à 8 pouces de g ro s qu’ à 30
ans le taillis a 25 pouces de gros, ce qui fait
1 pouce 4 lignes d’accroiffement par année pendant
20sans.
Voici les réfuîtats qu’ il préfente pour un arpent
de taillis fitués en bons fonds : .
B R IN S D E T A I L L I S . A R B R E S F U T A I E S .
A nnées
d ’âge.
G ro fleu r • J
des brins. 1
C ordes
de
Rondins.
F a g o ts. A g e .
N o m b r e
de
pièces.,
par arbre.
20 ans. » >4 IOOO 4° , I ~
3 5 ans. » »7 I IOO 80 4 à 5
3o ans. 25 20 à 24 1200 too 10 à i 5
Ces expériences ne s’accordent point, en effet,
avec celles de Duhamel. D’un c ô té , on remarque
que l’accroiffement des brins du taillis évalué par
Duhamel à 6 lignes de grolfeur par année, eft évalué
par Tellès à 16 lignes, depuis la vingtième année
du taillis. D’un autre côté, les produits des
baliveaux font beaucoup plus confidérables chez
Duhamel que dans l’ouvrage de Tellès d’Acofta.
«• Ce qu’il y a de plus extraordinaire encore,
dit Varenne de Fenille, qui a comparé ces deux
expériences , c’eft d'y voir que l’arpent de Duhamel,
qu’il fuppofe compofé à 30 ans de brins de
1 ç pouces de gros ou y pouces dediamètre, donne
18 cordes & 1800 fagots, tandis que l’arpent de
Saint Dizier, également furchargé de baliveaux,
& portant des brins de 2y pouces de gros &
8 pouces \ de diamètre , rapporte gu plus 24 cordes
& 1200 fagots. Comme les cylindres de même
hauteur, continue Varenne de Fenille, font entre
eux comme les carrés du diamètre de leur bafe,
l’arpent fuppofé de Duhamel eft à l’arpent de
Saint-Dizier, comme le carré de y eft au carré de
$ ou comme 2. y eft à 69 f . Ainfi,( f ) Duhamel, Exploitation des taillis, il eft: clair,
ou que Duhamel s’eft trompé en partant>id*üne faufle fuppofition, ou que l arpent de Saint-Di-
iier ne porte pas 900 brins, ou qu’il devoit donner
au moins 47 cordes. »
J'obferverai à cet égard que Duhamel n’a fait
que des fùppofitions, & qu’en établiffant que le
nombre des brins du taillis feroit de 900 à tout
âge, & que l’accroiffemeht feroit Uniforme, il a
néceffairement commis une erreur} car il eft té-
connu que le nombre des brins d’un taillis diminue
toujours à mefure que ce taillis avance en âge,
& quel’accroiffement varie beaucoup fuivant l’âge
& la confiftance plus ou moins ferrée du bois.
Quant aux produits préfentés par le grand-maître
des forêts de la Champagne, ils paroiffent fondés,
fur l’expérience, & il eft clair que l’arpent dont
il parle ne ccmportôit pas 900 brins à l’âge de 30
ans. Quoi qu’ il en foit, les fùppofitions de Duhamel,
& les faits rapportés par Tellès d’Acofta,
prouvent également qu’il y a un très-grand avantage
à retarder les exploitations des taillis de
chêne, fitués en bons terrains, jufqu’à 30 ans &
plus, & que le moyen d’accroître encore le revenu,
eft de réferver des futaies.
y®. Voici un troifième tableau des accroiffe-
mens fuccelfifs d’un arpent de taillis pendant 40
ans, extrait de l’ ouvrage de M. Juge de Saint-
Martin.
Années.
Grofleur
des
brins.
I -, Cordes.
Fagot-. Valeur.
P R I X
de là feuille.
10 7 Fouc. : » iooo 9 9I. » f. »d.
15 | 8 T » I 25q 112 10 7 10 »
30 • U . 8 5oo <4 - » 7 1 »
»5 ., ■ 4 12 ’JOO SI? > 8 i 3 7
3o 1,5 18 95o 3o i 10 10 • 1- 1 »
35 25 1200 .418 » i i 18^ ro
4°' 20
Plus 100
d’équar
à ï liv.
2Ô
>ièces
iflage
1200 537 » i 3 3 6
Suivant cet auteur, le groftiffement annuel suroît
donc été de 8 lignes pendant les 10 premières
années, de 3 lignes § pendant les y années
fuivantes, de 7 lignes \ de 1 y à 20 ans, du même
nombre de lignes depuis 20 jufqu’ à 2 j , d’une ligne
feulement depuis 2y jufqu’à 30, & de la même
quantité de 30 à 40.
Ces variations dans le groffiffement annuel pa-
Viff. des Arbres & Ar bu fi es.
roîtront étonnantes} car, comment fuppofer qu’ un
brin de taillis qui avoit 7 pouces de groffeur à 10
ans', n’eût augmenté que de 1 pouce 6 lignes
pendant les y années fuivantes} qu’enfuite l’augmentation
ait été de 3 pouces pour le même nombre
d’années} qu’elle ait continué à etre la meme
encore, depuis 2y jufqu’à 3° ans- L’expérience
qui nous apprend que les arbres groflîffent de plus
en plus pendant les premières années, contredit
ces varations, à moins qu’on n’admette que la température
arc influé fur la végétation , au point ée
la ren.lre prefque nulle dans quelques années , &
de la favorifer beaucoup dans d’autres. Au refte,
je ne me charge point de concilier toutes les contradictions
que l’on trouve dans les expériences
relatives à l’accroiffement.des bois. Je n’ ai d autre
but que de prouver l’utilité des aménagemens
a longs termes dans les bons terrains , & le tableau
que je viens de préfenter, s’accorde avec ceux qui
le précèdent, fur ce point d’économie foreftière.
On y voit, en effet | que les produits en matières
& en argent augmentent dans des proportions
avantageufes, vers la trentième & la quarantième
année.
. 6°. Mais, autant les aménagemens à longs termes
font avantageux dans les bons terrains, autant ils
font défaftreux dans les mauvais. Plinguet, dans
fon Traité fur les réformations des forêts, regarde
comme l ’une des principales caufes du dépériffe-
ment de la forêt d’Orléans, le trop grand âge auquel
fe faifoient les coupes. Le fol de cette forêt
eft généralément mauvais} il eft compofé d’une
première couche de 6 à iy pouces d’épaifleur de
terre propre à la végétation , repofant tantôt fur
de la glaife, tantôt fur un fable jaune ou rougeâtre.
Un fonds de cette qualité ne pouvoit réclamer de
longs aménagemens, puifque, d’après Buffon &
d’autres naturaliftes, il faut au moins un pied Sc
demi de bonne terre, pour élever des bois de 40
ans} 2 pieds & demi pour élever des bois de 60 à
70 ans} & 3 pieds & demi au moins, pour produire
des futaies de ic o ans.
Cependant i un réglement de iy43 avoit porté
ies ufances à 100 ans} elles furent enfuite réduites
à yo ans , & en 17 51, la majeure partie fut réglée
à 40 ans. Mais M. Plinguet regardoit l ’arrêt de
17 19 , qu’on n’avoit point exécuté , comme infiniment
fage, en ce qu’il avoit réduit les ufances à
30 ans dans les meilleurs fonds, & à zy & 20 ans
dans les moindres terrains. Il penfoit mè ne qu’ on
ne devoit couper à 30 ans que les bois de cette fo-
lêc fitués dans le fonds de première qualité, .8c que
le plus fouvent \'aménagement devoit être fixé à
iy , 20, iy & même .10 ans.
Les obfervations de M. Plinguet fur les âges
trop avancés auxquels fe font les coupes dans la
forêt d’Orléans, paroiffent fondées. En effet, il
y a des taillis qu’ on aurait dû couper à zy ou 30