
qu’on devroit en ufer fobreraent, en n’élaguant
que les branches inférieures.
Quoique les fùcaies pleines ne nroduifent pas
autant de bois propres à la marine que les réferves
ifoiées ou en bordures , on ne peut néanmoins
partager l'opinion de Panneüer d’Annel, qui difoit
pofitivement que fi tous les bois du royaume étoient
attendus en majfifde futaie , ils ne fourniraient pas
de quoi conflr'uire un feul vaffjeau. Cette erreur a été
relevée par tous ceux qui ont écrit après lu i, &
nommément par Tellès d’Acofta, qui cite plusieurs
forêts réglées à cent cinquante & deux cents ans,
qui fournilfent de très-beaux bois de conftruêlion,
& qui ajoute que tous les bois de marine que la
France faifoit venir du royaume de Calan , en
Ruflîe , étoient pris dans les forêts en maflif qui
bordent la droite du Volga j qu’il en étoit de
même de ceux de Piuflc & des autres bois qui ve-
n oie ni de Hambourg. M. Dralet cite de Ion côté
plufieurs forêts de haute futaie dans lefquelles les
conftruéleurs de marine trouvent de grandes ref-
fources y telles que les forêts de Cranon dans la
ci-devant Bretagne , & celles de Lourdes & de
Querfan, dans le département des Hautes-Pyrénées.
Je pourrois ajouter les forêts de Soignes y
près Bruxelles; de Mormal, dans le département
du Nord; de Villers-Cotterets &sde C oucy, dans
le département de l’Aifne ; de Senonches , dans
celui d'Eure & Loire; les forêts des bords du
Rhin , celles des provinces iliyriennes, & une
infinité d’autres qui fournifll-nt de belles pièces
de marine. Si PannePer avoit dit que les futaies en
rhaflif ne produifoient pas beaucoup de bois courbes
, il auroit dit une vérité inconteftable ; mais
le paradoxe qu’ il avance plus loin prouve que
telle n'étoit pas fon opinion ; il prétend que les
arbres qui croiffent enfemble , & ferrés Jes uns
près des autres, ne viennent jamais droits. Aflli-
rément il faudroit n’avoir aucune idée des lois de
la végétation | ou n’avoir jamais vu de futaie y
pour ne pas reconnoîtreprécifément le contraire de
cette fingulière alLrtion. En effet, n’ eft-ce pas dans
jes futaies pleines que fe trouvent les arbres les plus
droits & les mieux filés, & par confisquent les
pièces les plus langues que l’on puiffe employer
dans les con fi mêlions civiles & navales? S’ il étoit
befoin de prouver une vérité auflî confiante,
aufïi générale , au (fi abfolue , on citeroit les.im-
menfes forêts de la Ruflîe, qui \ refque toutes
font en futaie-, & dont on tire les plus beaux
mâts de l’Univers; on citeroit furtout celles du
royaume de Cafan dont on a déjà parlé , celles des
provinces de Wiatka, Irkut k , K?ow , Koftroma ,
Minsk, Nichegorod, Orel, Peem & Podolsk, d'où
l’on peut tirer annuellement des millions d'arbres
pour les conftru étions tk la mature.
Le même auteur reproche au bois des futaies
pleines d’être -plus léger & plus tendre que celui
des arbres fur taillis. Ce reproche eft mieux fondé
que les autres ; mais comme il y a une foule d’ouï
vrages pour lefquels cette qualité de bois fuffit,'
I oue d’ailleurs ce bois eft très-propre aux ouvrages
de fente , de charpente , & à tous ceux qui exigent
de la flexibilité, on ne peut dîfconvenir des
avantages confiiérables que procure ce genre d"a-
ménagemeni. J infifierai donc.avec Duhamel, Va-
renrie de Fenjlle, de Perthuis, M. Dralet & tous
nos bons auteurs, fur la nécelftré de confie t;ver
les fiutaits pleines‘ fituées dans les bons terrains.
Mais j’indiquerai plus loin un moyen qui me parcîc
propre à leur faire produire plus de bois courbes
M de meilleure qualité qu’elles n’en produisent
dans. leur-état ordinaire d’exploitation.
C K A P. VI. Des taillis & des futaies fur taillis*
Circonstances ou les baliveaux font nuifibles ou
avantageux.
Les taillis s’exploitent par coupes réglées à
des âges qui doivent varier luïvant la nature du
fol & des efiances donc ils font compofés. Il eft
peu de terrains où il ne (oit avantageux d’attendre
jufqu’à dix ans. Il y a , quant aux produits en
matières, un grand avantage à reculer l'epoque
des coupes jùfqu’ à vingt-cinq , trente , quarante-,
cinquante & foixanteans^ larfiquewi<? foi peut le
permettre.
Nous préfenterons des calculs fur ce.t objet
dans la deuxième partie ci après ; mais, en attendant,
nous dirons que la plupart des taillis , dans
les bois du Gouvernement, font aménagés dé
vingt à trente-ans, ainü que cela réfulte des états
de la ftaiiftique forettière.
L’ordonnance veut qu'on réferve trente-deux
baliveaux par heétare de taillis , deftinés à former
des étalons eu porte-graines pour les repeuple-
mens^ & à devenir des arbres robuftes pour les
conftruélions civiles & navales. Mais , pour atteindre
ce double b u t, il faut que les réferves foieht
faites dans des terrains qui puiffent les nourrir,
& que l’époque des cokipes ne foit pas trop rapprochée.
Ces propofitions feront démontrées par
ta fuite.
Comme l'objet principal de nos recherches eft
de nous afifurer du mode d’exploitation le plus favorable
à la formation des bois p ur là marine,
c’eft particulièrement fous ce point de vue que
nous allons confi iérer les futaies fur taillis. La
chofe eft affez importante , furtout par rapport
aux forêts qui avoifînent les rivières navigables
& les ports de mer, pour qu’en l’examinant on
ne doive pas fie laifler détourner par quelques
légers inconvéniens. 11 faut lavoir fàcrifier les intérêts
fecondaires à un intérêt majeur. ou plutôt
à la néceflué qui commande fouverainement. Si
donc il étoit démontré que les baliveaux fur taillis
fourniffent la plus grande quantiré de bois courbes,
certes les inconvéniens qu’on a reprochés à
ce genre d’aménagement ne devroient pàs être
mis en balance avec ces précieux avantages. Examinons
donc .fi les réferves que l'on fait dans les
taillis offrent à. la marine des retfources réelles,
g; fi les reproches qu'on leur a faits peuvent
motiver le rejet d'un mode recommandable fous
cet imposant rapport.
L’expérience prouve que les arbres ifôles pouffent
beaucoup de branches, & que les vents,
les neiges, le givre, la pluie & autres circonftances
atmofphéiiques, leur font prendre des formes plus
ou moins irrégulières. Ces formes, qui font rares
dans les futaies pleines, où les arbres, prefifés les
uns par les autres, s’ élèvent toujours, en droite
ligne, font précieufes pour les conftruêtions navales.
O r , c’ eft dans les futaies fur taillis que fe
rencontrent les circonftances propres à produire
ces eff.ts. On y voit des arbres dont la tê te , ayant
été trop forte pour la tige lors de l’exploitation
. des taillis, a forcé cette tige à s’incliner & en a
fait uq arbre courbant ; d’autres qui, s étant d a-
- bord courbés , fe font relevés peu à peu pour reprendre
la direction verticale, & fe font enfiiite
rejetés dans le fers oppofé, ce qui a produit une
double courbure en forme de revers, & les a
rendus propres à former des cornières ou eftains,
& lorfque ces arbres font d’une forte dimenfion,
des liftes d’ourdi ou barres d’arcaffes ; d'autres
qui ont produit de fortes branches, qui forment
avec le tronc des courbes précieufes ; enfin, il
en eft qui le divîfent en deux grofles branches,
plus ou moins fortes & écartées, & qui fournirent
ainfi des four’cats, des varangues acculées,
des courbes & des couibâtons.
Ces diverfes configurations font évidemment
le réfultat d’une végétation en plein air & de
l’aétion libre des météores. Mais il eft encore
une autre caufe qui concourt à rendre propres
à la marine les réferves fur taillis : c’ eft que
fouvent ces arbres proviennent de Touche, & que
cette origine influe toujours fur la courbure de
l’arbre , tandis que les brins de femences ont plus
de tendance à s’élever en droite ligne. Je fuis loin
de croiré cependant qu’ il faille préférer les arbres
crus fur Touche aux brins provenus de femences;,
attendu que les premiers font ordinairement viciés,
furtout quand les Touches qui les ont produits
font vieilles, & attendu d’ailleurs que les
caufes qui déterminent la courbure des arbres
dans les taillis font a fiez nombre ufes. On s’éton-
^ neia peut-être de cette dernière affertion, vu
[ la difficulté de tirer beaucoup de pièces courbes ,
: même des futaies fur taillis. Mais on reviendra de
fa furprife quand on fera attention que , fur quatre
arbres marqués pour la marine comme préfentant
des formes avantageufies, fouvent il en refie à
' peine un, après les -vérifications fucceflîves des
prépofés de la marine, qu’on puiffe employer dans
j les conftruêlions , & cela parce qu’on y a découvert
des vices intérieurs : c’ eft donc moins par le
défaut de la configuration particulière des arbres,
que par les vices qui leur font inhérens, que les
pièces de marine font rares dans les taillis. Mais
ces vices diminueront à mefure qu’on apportera
plus de foin & plus d’attention dans le choix des
baliveaux, & qu’on n’en réfervera plus indifféremment
dans toutes fortes de terrains & à tout âge
de taillis. On doit attendre de cette attention
& d’une bonne furveillance fur l’emploi des pièces
marquées pour la marine, les réfultats les plus fa-
tisfaifans.
Il paroît démontré par les raifons phyfiques
qu'on vient d’expofer, comme il l’eft par l’expérience
, que le fyftème des futaies fur taillis eft le
plus propre à la production des bois cou. b es , &
qu’une légère amélioration dans ce fyftème &
une bonne furveillance peuvent entretenir l’abondance
dans nos chantiers de conftruêlion.
Voyons maintenant les reproches qu’on a faits
aux réferves fur taillis , & les moyens qu’on a
propofes pour les remplacer.
Parmi les adverfaires des baliveaux fur taillis,
qui ont appuyé leur opinion fur des expériences,
on compte MM. de Réaumur, de Buffon, Duhamel
& Varenne de Feuille. _ .
Réaumur préfenta un Mémoire à l’Académie
des fciences en 172.1, pour démontrer le tort
que les baliveaux faifoient aux b o is , furtout
dans les taillis coupés à dix ans. Buffon partagé a
cette opinion, & l’appuya d’une expérience où
il avoit reconnu que là gelée du--printemps faifoit
beaucoup de tort aux taillis furchargés de baliveaux.
On avoit confervé dans un taillis tous les
baliveaux de quatre coupes fucceffives ; & dans
un aurre, voifin du premier, & fîtué fur un terrain
abfolument femblable, on n’avoit confervé
que les baliveaux de la dernière coupe. Il a reconnu
que la gelée avoit fait ufi fi grand tort au
prëmier, que l’autre taillis 1*avoit devancé de
cinq ans fur douze. Il attribue cette différence à
l’ombre S: à l’humidité que les baliveaux jetaient
fur le’ taillis, & à l’ obftacle qu’ ils formoient au
deffechement de cette humidité., en interrompant
I aêlioh du vent & du foleil. M .; de Buffon dit
encore que le bois des baliveaux n’eft pas de bonne
qualité, que les glands qui tombent des chênes
réfervés n'opèrent pas toujours les repeuplemens
qu’on s’ en promet, parce que le petit nombre de
plants qui lève eft bientôt étouffé par l’ombre
continuelle & le manque d’air, ou fupprimé par
le dégouttement de l’arbre & par la, gelée.qui eft
toujours plus vive près de la furface de la terre ,
ou enfin détruit par les obftacles que ces jeunes
plants trouvent dans un terrain traverfé d’une
infinité de racines d’herbes de toute efpèce.
II convient cependant que l'on voit quelques
arbres de brins dan- les taillis, que ces arbres viennent
de graines, attendu que le chêne ne fe multiplie
point par rejetons au loin & ne pouffe pas de
la racine. Mais ces arbres de brins , dit-il, font
ordinairement dans les endroits clairs, loin, des
| gros baliveaux# & font dus aux mulots ou aux oi