
V E j p a g n e eft le pays du midi de l’Europe où les
f o r ê t s ont reçu le moins d’atteinte. Les chaînes
nombreufes de montagnes qui bordent ce pays
au nord, 8c qui le traverfent du nôrd-eft au fud-
oueft, font couvertes de f o r ê t s donc on attribue
la confervation au peu de progrès de l’agriculture,
& en partie* à la paffion des fouverains de ce pays
pour la chaffe : c’eft à ce plaifir qu’eft deftinée
celle du Pardo, qui a plus de 25 milles en lpngueur
(9 lieues). Les grandes montagnes de l’ intérieur
de ce pays, n'étant pas très-élevées, produifent
les plus beaux arbres de conftru&ion.
P y r é n é e s . Les Pyrénées préfentent d’ immenfes
f o r ê t s qui paroiflent avoir été mieux refpe&ées du
côté de l'Efpagne que du côté de la France.
M. Dralet, dansladefcription qu’il nous a donnée
de ces montagnes, nôus fait eonnoitre la def-
«udtion des bois, fucceflîvement opérée fur la
partie françaife des Pyrénées, par les incendies,
les défriehemens & les abus du pâturage;
Comme ces dévaluations fe fonrexercées fur les
portions qui avoifinoient les habitations, la plupart
des bois a&uels font dans des fituations moins
frivorablés à la végétation; mais ces bois font toujours
précieux fous un grand nombre de rapports,
& principalement fous les rapports phyfiques. 11 paroît que, jufqu’ au quinzièmefiècle, le Gouvernement
s’ occupa très-peu de 1 adminitlration
des f o r ê t s des Pyrénées. Ces belles propriétés n é-
toient utiles qu’aux communes qui les environ-
noient. Aucune autoritén'étoit fpécialëmentchar-
gée de s’oppofer aux excès de tout genre auxquels
elles fe livroient. Ce ne fut qu’en 1460'que les/o-
r ê t s des environs de Quillan&de Foix furent confiées
au maître particulier de Languedoc, & celles '
de Saint-Girons & de Saint-Gaudens su maître particulier
de- Commingçs. Les offices de l un &£ de
Vautre étoient purement honorifiques. Les maîtres
particuliers de Languedoc n’avoientexercé aucune
juridi&ion dans leur reffort jufqu’ en 1666, & celui
de Comminges, à cette époque, avoir fon habitation
dans l’Albigeois, à 30 lieues dts f o r ê t s
.qui lui étoieiit confiées. |
C e ne fut que vers l’an 1676 que des maitrifes
furent établies àQuillan,Pamiers, Saint-Gaudens
& Tarbes. Les officiers qui les compofoient eurent
long-temps à lutter contre l’habitude de la licence,
le crédit des feigneurs & l’autorité des parlemens;
chaque pas qu’ils faifoient dans l'exercice de leurs
fondions étoit le fignal de la rébellion. Enfin, le
domaine public fut dépouillé de la majeure partie
de { e s f o r ê t s dans les Pyrénées, jufque vers le milieu
du dix-feptième fièelé, époque à laquelle
Louis XIV chargea une commiffion extraordinaire
de rechercher lés' 'f o r ê t s & montagnes qui appar-
tenoient à la Couronne , de faire repréfenter aux
poffeffeurs les titrés en vertu defquels ils en jouif-
foient, & de juger en dérnier reffort les con-
teftations élevées fur les droits de propriété. Le
travail de la commiffion réformatrice ne laiffa rien
à delîrer fous ce rapport; un grand nombre de ju.
gemens rendirent à l’État les f o r ê t s dont il avoit
été dépouillé.
M. de Froidour, qui faifoit partie de cette com-
miffion, vifita ces f o r ê t s en 1670, & il réfulte des
procès-verbaux qu'il a rédigés, que la contenance
des f o r ê t s domaniales avoit diminué de moitié dans
l’efpace d’un fiècle. Cependant, à cette époque,
elle Fe portoit encore à 220,000 arpens (mefure
de Touloufe), ce qui revient à 124,300 heélares.
Elles furent augmentées, par l'effet de la révolution
, des bois provenant du clergé & des émigrés,
qui fe portent à 50,000 hectares ; elles dévoient
donc en 1812, époque de la publication de l’ouvrage
de M. Dralet, confifter en 174,300 hedhres.
Mais les b jû le m e n s & les défriehemens „continués
depuis 1670 jufquà la fin de la révolution, fe font
étendus fur 51,300 hedtares ; ce qui a réduit le
fol des f o r ê t s de l’Etat, für les Pyrénées, ï
i23,oooJreélares, tandis que, vers la fin du fei-
zième fiècle, elles étoient de la contenance d’envi- j
ron 248,600 hectares , non compris les^ 50,000
heétares dont elles furent augmentées par l’effet de I
la révolution. Ainfi,dans l’efpacë de 240ans,elles I
■ ont perdu l e s d e u x t i e r s d e l e u r c o n t e n a n c e , & fi I
elles continuoienc à être livrées à la déyaftation,
dans 120 ans, il n’en exilteroit plus.
Les bois communaux ont éprouvé une réduction
encore plus confidérable, par l’ effet des partages I
& des défriehemens opérés pendant la révolution. I
Ils ne contiennent plus que i l 5,796 hfétares.
Les bois' des particuliers font de deux claffes : I
la première comprend les bois grevés d’ufages en
faveur des communes; leur contenance eft de I
40.000 heétares.1 La fécondé claffe eff celle des
bois non grevés de droits.Tls contiennent environ
83.000 heCtares; total, 123,000 hedtares.
Ainfi., la, contenance aCtuelle des bois de foute
efpèce dans les Pyrénées, eft réduite à 361,796
heCtares. - ' ’ - .
M: Dralet fait remarquer que tous les anciens
arpentages,'notamment ceux des Pyrénées, ont été
faits d’après la méthode de d é v e lo p p em e n t ; ce qui
agrandit tellement les contenances, que ces
361,796 heCtares ne repréfentent guère plus de 200.000 heCtares pris fur Toutefois , elles formeroient léen -cpolaren horizontal1 aujourd’hui environ lé vingtième'du fol forëftier de la France.
Les f o r ê t s des Pyrénées, dont les principales
effencesfont le chêne, le hêtre & le fapin , préfen-
toient autrefois, & même fous Louis XIV, des
reffources imrnèn-fes pour la marine, parc? que
• les arbres y acquièrent les plus fortes dimenfions.
On trouva en 1765, dans la/or&.d’Iffaux, un fapm
; qui avoit plus de 5 pieds de diamètre à la culee,
& 98 pieds de fer vice; il, fallut un train exprès pour
le tra n fp o rte r; il a été employé à Touloufe pour ufl
mât demifaine d’une feule pièce. En général, ces
f o r ê t s contenaient de belles mâtures, & auroient
fuffi, dit l’auteur, pour l’entretien des flottes de F '
F O R
grandes puiffances. Mais les unes n'exiftent
P dégradées & exigent des répa-
P rions. Celles qui font reliées dans un état floril-
l . )e doivent en général à leur éloignement des
I habitations & aux difficultés que préfente leur
^Cependant les bois des Pyrénées, dans leur état
â&uel, alimentent encore un grand nombre de
fo'aés & ne font point fans intérêt pour les conf-
jriiaions navales. Le chêne vert offre des reffour-
I ces précieufes pour les bois c o u r b o n sy le chêne à
I feuilles caduques en offre de plus grandes encore. :
I Les courbes de première qualité abondent dans
[ les bois des particuliers. Il y a plusieurs f o r ê t s de
* fapins dans les départemens de 1* Atriége, des Hautes
& Baffes-Py rénées, & dans la vallée d’Aran,
dont on peut tirer une grande quantité de bor-
dages pour les faux-ponts de la cale & toutes les
foutes du vaiffeau. La fapinière de Gabas fournit
l beaucoup de pièces pour la mâture,
i il refte des pins d’une groffeur prodigieufe dans
| les fo rê t s des Baffes-Pyrénées & dans plufieurs autres
parties de la chaîne; leur,bois étant moins ré-
jfineux que celui des pins maritimes de la Gironde
& des Landes, peut remplacer le chêne dans, plufieurs
circonftances.
Les f o r ê t s de hêtres font fuffifantes pour appro-
[ vifionner de rames & d’avirons la majeure partie I des flottes françaifes; elles préfentent auffi. de I grandes reffources pour le bôrdage des vaiffeaux
I dans les parties fubmergées; , • . J <.
Les f o r ê t s des Pyrénées efp.agnoles offrent des
1 reffources beaucoup plus confidérables. Cëlles de
Giftain & de Saint-Jean, en Arragon, à l’oppofite
de la vallée d’Aure, contiennent plus de 7000
mâts de bonne, qualité, propres aux plus grands
navires, & elles peuvent donner chaque année
2500 pièces de b o is b â t i r .
Dés perfonnes qui ont vifité les Pyrénées efpa-
gnoles en 1783 , y ont reconnu des f o r ê t s : immen-
fes que la Cognée avoit jufqu’alors refpeéiées; elles
y virent des pins & fapins de 2 5 à^ o toifes d’ élévation,
de 3' 8c 4 pieds de diamètre, & dont le
• bois étoit de la meilleure qualité.
Le produi t des f o r ê t s d a n s les Pyrénées françaifes
étoit prefque nui vers la firi du dix-feptième fiècle,
& il s'éleÿoit à peine à 10,000 fr. à la fin de la
révolution. Aujourd’hui ( en 1812 ) , il eft de
258,000 fr. dans les artondiffemens foreftiers qui
comprennent les Pyrénées & quelques départe-
.tuens voifins. Le bois à brûler, qui, dans le milieu
du dix-feptième fiècle, ne coûtoit à Foix que les
frais d’exploitation & de tranfport, fe vend aujourd’hui
9'fr. le (1ère. Quant au bois de conftruc-
fion,une poutre de 15 mètres de long, coupée dans
les Pyrénées & rendue^ à Touloufe, le vendoit,
en 1762, la fomme dé 80 fr ., &ren 1783, celle
de 300' fr.; maintenant elle vaut 600 fr.
Que d’argent, s’écrie l’auteur, nous économiserions,
fi nous avions confervé les dons que U
D i é i , d e s A r b r e s & A r b u f i e s ,
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nature nous avoit faits, & fi nous profitions encore
des relTourçes que nous prefente notre loi !
Nous tirons des pins du Nord q ui, rendus a la
mâture de Breft, revenoient il y a 10 ans a 1800 tr.
chacun, & les cimes des Pyrénées en etoient autrefois
couvertes : le fol 8c le climat de ces montagnes
font merveilleufement propres a la production
du pin de Riga, 8c il n'y eft encore qu un objet
de curiofité. nn . r- dé Ml'é. trDarnagleetr rdaepsp ebloleis qdue’ ecnh a1r7b8o8n,, lda eFs racnecned rteirsa, de là foude 8c de la potafie pour 14,572,000 tr.,
& il dit qu'en 178a, quatre tiges de pms du Nord.
qui avoient 70 8c 7 J pieds de longueur 8c a pieds
d'équarriffage, furent vendus à Bayonne 11,800 tr.
Nous favons qu’aujourd’hui les plus beaux mats
qui fe vendent à Riga, fe paient jufqu’ à 3600 fr.
pièce. En 1810, le Gouvernement français en
avoit fait acheter pour plufieurs millions.
Nous ne terminerons pas ce que nous avions a
dire fur les f o r ê t s des Pyrénées, fans rappeler 1 ob-
fervation de M. Dralet, qu'il y a des contrées
où l'on a tant défriché, tant extirpe, tant incendié
8c dilapidé les f o r ê t s , qu’elles font aujourd hui
infuffifantes pour donner aux communes le plus
fimple nécefiaire, 8c que le Gouvernement, qui
a la propriété de ces f o r ê t s , n’en retire pas allez de
revenu pour fournir aux frais de leur garde.
Quantité de hameaux reliés fans reffources pour
le chauffage, par fuite de la deltruéfion totale des
f o r ê t s , ont été abandonnés par fes habitans (1 ) .
Dans d’autres communes, les particuliers font ré-
duits-à la dure néceflifé d'aller chercher des bois
dans des fo r ê t s éloignées, 8c même dans celles de
l’Efpagne. Heureusement que cet état de chofes
n'ell que local ; mais fi le Gouvernement ceffe d'ap-
pliquer aux f o r ê t s des Pyrénées un régime confer-
vateur, 8c fi l'on n'y fait les améliorations indiquées
par M. Dralet, l'homme qui connoit le
mieux l'adminiftration de ces f o r ê t s , l'on ne tardera
pas à voir difparoître ce qui a échappé % la
dévaluation. H j
F o r ê t s d e l à C o r f e M . Durand, dans un Mémoire
qu'il publia fur la C o r fe ,e n 1808, a préfente
quelques obfervations fut les antiquesi f o r ê t s qui
couvrent les montagnes de cette île,Scdes moyens
d'en tirer des bois pour nosarfenaux. Voici comme
il s'exprime i cet égard.
« On ne parle jamais de la C o r fe , fans vanter
les magnifiques f o r ê t s qu'elle renferme. Elles ont
fixé l'attention de tous les gouvernemens 8c excité
leur envie. ■ . ,
» Les Romains, frappés de ia beaute des bois de
cette île,-en firent conftruire, au rapport de tous
' f t j Ce fai: avoir déjà Été conftacé en' 1 an 6 , par
M Delaftevrie. Voyt~x fon Mémoire fur U devoftano«
des forêts en France, imprimé dans les Mémoires de 1»
Société d’agriculture de Paris , an 9.
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