
lement, & d*où leur puiffance & leur dodtrî'ne
s etendoienc dans toutes les Gaulés. C ’étoit donc
probablement dans quelque f o r ê t voifine de cette
ville y peut-être dans celle qui en porte encore le
rom , que ces mages célèbres tenoient leurs affi-
fes. C ’étoit fans doute auitt là , qu’ ils brûioient en
l ’honneur de leurs teriibles divinités , de mal heure
u Tes victimes dans des cages formées de branches
d’arbres ( i) .
» Le bourgde Druyes, fitué dans l’arrondiffement
d’Auxerre, département de l’Yonne, & lur les li-
lières de la f o r ê t de F u t o y , tire fon origine du mot
D r u y a ou D r o y a ,* l’ on prétend que les druides tenoient
auffi des affemblëes dans ce pays, qui étoit
anciennement couvert d’épaiffes f o r ê t s .
» Céfar dit que les druides tenoient leurs affem-
bîées i r i l o c o c o n f e c r a t o , dans un lieu confacré. Sé-
baftien Rouillard , que j’ ai déjà c ité , & qui me
paroît, quoique lujêt à rêver, avoir entièrement
raifofr en ce cas, penfe qu’on- devr'oit lire i n lu c o
c o n f e c r a t o 9 dans un bois confacré- La vénération
des Celtes pour les f o r ê t s appuie cette conjecture.
Lucain (2) d it, en s’adreffant aux druides :
Nemora a l la remotis ,
In c o le t is lucis. .
» Pline efl encore plus pofitif. R o b o r u m t l ig u n t
lu c o s .
» Long-temps les aflemb^ées générales de la
nation françaife ne fe tinrent, comme celles des
druides, que fous la voûte du Ciel ou celle des
arbres. On les sppeloit C h a m p d e M a r s ou d e M a i .
» Dans les temps de {implicite, nos rois & les
grands feigneurs jugeoient fouvent eux-mêmes
les différens de leurs vaffaux, & tenoient ordinairement
leurs audiences fous les arbres qui déco-
roient la porte de leurs châteaux. C ’eft ce qu’on
appetoit les p l a i d s d e l a p o r te (3). Rendre ainfi la
juftice à tout venant, fous les chênes du bois de
Vincennes, étoit le plus doux paffe-temps de
faint Louis, ce Maintes fois ay v eu , dit le fire de
» Joinville, que le bon Saint, après qu’il àvoit
»3 ou y la me (Te en elle, il fe alloit esbattre au bois de
y» Vincennes, &fel"éoit au piéd’ un chefne Rendus
» faifoit feoir tous emprès lui : & tous ceulx qui
avoient affaire à lui, venoient à lui parler, fans
» ce que aucun huiffier ne autre leur donnait em-
3: pêchement, & demandoit hautement de fabeu-
33 ch e , s’ il y avoit nul qui euft partie (4).
Nous devions rappeler lés hommages que les
hommes ont rendus aux arbres & leur refpeét
religieux pour les f o r ê t s , non comme des faits
de pure cuiiofité & qui attefteroient feulement 1 * 3 4
(1) Céf. , ibid. On a trouvé dans la forêt de Dreux
des débris d'anciens, autels où les druides faifoienc leurs
facrifîces.
ÙO n a r f . , liv. I . • „
(3 ) Pafquier , Rech. de la Fr., 1. n. c. 2 & 3 .
(4) Joinville, Hifioire de faiat Louis, pag. ia .
Tignorance & fa fuperftition des premiers peu-
pies, mais comme des témoignages du prix m ‘i\%
attachoient à ces préfens de la nature, quin’exi-
gent aucun travail, & dont les refïources fi utiles
fe renouvellent fans ceffe.
Préfentons maintenant quelques exemples de la
deUruâion progreflive des f o r ê t s , & les réfultats I
de cette deftruâion dans plufieurs parties du I
Monde, & notamment en France,
S B CO RUE PARTIE.
A p e r p u d e l a d im in u t io n d u f o l f o r e f i le r d a n s plufieurs
p a y s y & n o t am m e n t e n F r a n c e .
Nous voyons les fociétéls naiffantes s’occuper
d'abord du défrichement deà bois ; elles trouvent
des refïources accumulées par les fiècles, une terre
féconde, propre à développer le germe de toutes
les -productions qui lui feront demandées, en un 1
mot, toiïs'les élémens d’une profpérité prochiine. I
L’agriculture, la navigation, le commerce & les
j arts s’établiffent fucceflivement, & deviennent les I
inftrumens de la grandeur des peuples. Cet état
de chofes s’accroît & fe foutient tant que fubfifte
la corrélation qui doit exifter entre les dlverfes ;
productions du (ol & l’ordre le plus utile à la conf-
titurion phyfique du pays. Mais fi ces nations j
abufent des avantages que la na ître leur a départis,
fi elles dérangent l'harmonie qui s’eft établie
dans les élémens de leur profpérité, fi elles détruire
nt chez elles les principes de la fertilité par des
défrichemens outres, par la deftruCtion des abris
& des puiffances qui maîtrifoient l’a&ion des météores,
dès-lors elles font menacées d’ une prompte
ftérilité, & par fuite d’une décadence inévitable.
La mifère. & l’abrutiflement fuccèdent bientôt à
l ’éclat paffager de ces nations. La Grèce & les
autres pays que nous avons déjà c ités , en offrent
de mémorables exemples.
Nous ne rechercherons pas toutes les fo rê t s de
l’antiquité que la cupidité ou la fureur des peuples
a fait difparoître de la terre; ce travail feroit im-
menfe: il nous fuffira d'en rappeler quelques-unes.
M. Rougier de la Bergerie, dans un ouvrage
qu’il a publié en 1817, affigne comme caufe principale
de la deftruétion des f o r ê t s dans l’Afié mineure
, la Phénicie, la Perfe & la Grèce, les guerres
q ui, à différentes époques, ravagèrent ces
fliays.
Cléomène , roi de Lacédémone, du parti de
Darius, pour mieux faire manoeuvrer fa cavalerie,
fit abattre tous les arbres & détruire tous les vergers
qui entouroient Athènes,
Xercês, Darius, Alexandre, dans leurs trop
longues & fameufes luttes, exercées fur plufieurs
millions de lieues carrées, & dans- les pays !es
plus beaux & les plus fiches du,Monde, de 1 aveu
de tous leurs hifloriens, ont, à l’envi, fait abattre
ou incendier, depuis le Pont-Euxin, les, Pyles
de Syrie & la Chaldée, jnfqu’ à la mer Cafpieone,
1 r.édrofie & la Badtriane, tous les arbres & maf-
fifsoui pouvoient, ou faire craindre des embü-
hé«: ou ralentir la marche du vainqueur.
Alexandre, voulant rentrer dans la Grèce avec
,me flotte triomphale, ordonna de couper, à des
^.fiances immenfes, tous les plus beaux arbres
qui couronnoient les monts & qui bordoient les
e«VLa*Syrie, continue M. de la Bergerie, étoit
déjà prcfqu’un défert au temps d’Alexandre; car
le règne des exterminations l’avoit précédé, & le
héros n’a que la g'oire d’en avoir confomme la
ruine ; ainfi, le Mont-Liban, l’orgueil de l’Orient,
au pied duquel on pourroit dire que fut le berceau
du genre humain, & où s’élevèrent Moifô, Jefus
& Mahomet, le Mont-Liban devant lequel font
venus Ce mefurer les plus grands rois du Monde,
Ninus, Alexandre, Céfar p Titus, devant lequel
font apparues auffi & nos fatales croifades & nos
phalanges républicaines; le Mont-Liban qui don-
. noit la vie & la fécondité, à l’Euphrate, à l’Oronte
& au Jourdain, n'eft plus que le roi des ruines &
des déferts. Ses cèdres fameux dont toute la terre
a parlé, ont difparu, & les neiges qui, dans les
temps de fa gloire, ne s’échappoient dans les val-
I lées qu’avec une vivifiante lenteur, n’y arrivent,
depuis les fiècles de guerres, qu’en torrens dévaf-
tateurs, » -,
Pline (1) nous dit qu’au rapport de Suetone
Paulin, qui fut conful fous l’empereur Néron, les
pieds du Mont-Atlas étoient chargés d’épaiffes &
hautes fo r ê t s . Elles ont entièrement difparu, &
| avec elles les fleuves qui prenoient leurs fources
K dans leur fein. .
g! Céfar, dit M. de la Bergerie, eft le premier 1 qui, dans les Gaules, a ofé lever la cognée lur les
I- bois facrés. Tibère donna l’ ordre général d y abattre
tes f o r ê t s3 & Probus lui-même n’a pas épargné
ces temples des Gaulois. O m n ib u s a r b o r ib u s Lo n g e
I lat'eque in f in ib u s e x c i f is . Cæf. liv. IV • ”
Les guerres nationales & civiles ont été partout
[ la plus grande caufe de la deftruétion des f o r ê t s y
[ parce qu elles pouvoient fervir de refuge à.l’en-
! nemi.
L’Angleterre, couverte de bois avant l’invalion
I dès Romains, a été mife à nu. Tacite nous dit
K qu’Agricola occupoit unë partie de fes légions à
I chercher, les naturels du pays dans les f o r ê t s : A f
I tu aria a c f y l v a s p r ê t e n t a r e .
Le brave Galgacus| pour exciter fes compatKO-
I tes à chaffer les Romains de leur île , leur difoit :
I «Ils ufent vos bras à détruire vos propres f o r ê t s y
I » & ils vous outragent encore. » S y l v i s e m u n ie n -
ï d is v e rb e ra in t e r c o n t u m e l ia s c o n t e r u n t . Tac.
« L’Allemagne, l'Italie & l'Efpagne, pour les
K mêmes caufes, ont eu fucceflivement de vaftes
I déferts, auxquels on a donné le nom de M a r c h e s .
» La France a également eu fes Marches, à h
fûreté Aefquelies nos premiers rois avoient pre-
pofé des gardiens xiu des commandans, & la fé o dalité
en a créé le titre de m a r q u is .
» T e l a été auffi le cours non interrompu de la
deftruètion des arbres & des bois dans toute 1 Europe,
& principalement dans les contrées méridionales,
où ils font plus utiles & plus necef-
faires. »
L’ Italie eut jadis des f o r ê t s confidérables, ai nu
que Pline nous l’apprend. 11 eft certain , d it- il, que
plufieurs de fes régions étoient diflinguées par
des f o r ê t s (1 ). Il cite en témoignage dex e fait les
dénominations de plufieurs quartiers de Rome;
tels celui de J u p it e r F a g u t a l , où étoit anciennement
un bois de hêtre; l a P o r t e Q u e r q u e t u la n e , ainfi
appelée à caufe d’un bois de chêne ; la C o l l i n e v im s ~
n a l e , ainfi nommée à caufe desofiers qu elle p ro
duifoit. Il y avoir encore, dit l’auteur romain*
plufieurs autres bois dans différens quartiers.
F o r ê t s d e s A l p e s & d e s A p e n n i n s . — Mais les
f o r ê t s \es plus importantes de l’ Italie, celles
la confervation intéreflbit le plus l’agriculture de
cette coritréé, étoient les f o r ê t s qui couvrpient les
Alpes & les Apennins. Nous avons fous^ les yeux
un mémoire de M. de Rumidon de Gênes , qui
contient des renfeignemens intereffans fur ces
f o r ê t s9 & fur les fâcheux réfultats qui en ont fuivi
la deftruéti.on dans quelques parties.
L’auteur de ce mémoire confidère principalement
les effets que produifent fur. le cours des
. eaux, l’exiflence ou la deftrudtion des f o r ê t s firuées
fur les montagnes ; & pour rendre fes idées plus
claires, il place l’obfervateur dans les circonftances
les plus propres à faire juger de ces effets. Deux
conditions lui paroiffent néceflaires pour les bien
apprécier : la première confifte a trouver fur les
flancs d’une montagne une pente dont la dedivité
foit à peu près uniforme , & dont une partie foit
boifée & l’autre abfolument nue; la^ fécondé
exige que la pente boifée correfponde a la partie
la plus élevée d’un chemin creux ou d’une profonde
rigole, qui, au bas de la cô te , ferviroit de
canal commun aux eaux qui en defeendent. Si
maintenant l’obfervateur fe place dans le moment
d’un fort orage, au bas & au point de divifion de la
pente en partie boifée &en partie aride, il verra
bientôt les eaux de cette dernière couler dans le
canal en abondance & avec une rapidité fenfible-
ment croiffante, tandis que l’autre partie y fournira
à peine quelques filets d’eau , qui peut-être
encore ne paroîtront qu’après l’orage & après 1 é-
coulement total <6- s eaux de la partie aride.
S i, pendant l’orage même „ l’obfervateur, pour
fe rendre raifon de cette différence, pénètre dans
( i ) Sylvarum certè diftinguebatur infignibus, Plin-liv-XVI»
(1) Liv. V, chap. chap. z a.