
bouleau y des broffes 3 des gobelets , des cuillers , f
des afliettes , des coffres & autres meubles à leur
ufage. Ils enlèvent l'écorce de l'arbre & ils en
forment des provifions, foit pour allumer journellement
le feu y foit pour faire des ceintures
ornées avec des plaques de métal, des fouliers,
des paniers , des nattes, des cordes, des boîtes,
dont ils réunilïent les différentes pièces avec du
fil d*étain. Tous ces produits du toi fie & de la
patience font ordinairement exécutés avec plus
d'adreffe que de goût.
» L’art que les Lapons pofledent le mieux , 8c
celui qu’ils ont porté à fa perfection , eft l’ art de
tanner les peaux. Comme le chêne & les autres
arbres qui nous donnent une écorce propre au
tannage ne croiffent pas dans le Nord , les Lapons
emploient l’écorce de bouleau au même ufage ;
ils la coupent par petits morceaux & ils la mettent
dans un chaudron avec de l ’eau ; lorfqu’ ils peuvent
avoir du le], ils en ajoutentune poignée par chaque
peau de renne qu'ils fe propofent de tanner. Après
avoir laiffé macérer ces fubftances durant quarante-
huit heures , ils les font bouillir pendant une demi-
heure , & ils verfent une partie de l’infufion qu'ils
ont obtenue, fur les peaux, en les frottant avec
force; ils les plongent enfuite dans, l’infufion, qui
doit être tiède, & ils les lai fient dans cet état
pendant deux ou trois jours , après quoi ils font
tiédir de nouveau la liqueur & ils y laifient lès
peaux le même efpace de temps. Ils les font lécher
au grand air ou auprès d'un feu dans leurs
cabanes.
=» La peau de renne ainfî préparée a une couleur
roufiatre ; elle eft très-fouple, dure long temps,
, oc fe laiffe difficilement pénétrer par l'eau. Les
payfans de laNoiwège, qui préparent eux-mêmes
le cuir dont ils ,fe fervent pour les ufages domef-
-tiques, emploient également l’écorce du bouleau
pour cette préparation ; ils en font auflï une décoction
avec laquelle ils teignent en brun leurs
filets, ce qui leur donne plus de confiftance &
une plus longue durée.
» Les feuilles & les jeunes branches du bouleau
offrent une nourriture abondante aux troupeaux
des Lapons. Ceux-ci ne font aucune provifion de
fourrage pour la mauvaife faifon , foit par imprévoyance,
ou plutôt à caufe que leur vie errante
s’ oppofe à tout foin de ce genre 5 tandis que les
cultivateurs norvégiens ou fuédois ramaffent les
branches du bouleau pour affourrager, pendant
l ’hiver, leurs vaches & leurs moutons.
» On nourrit aulfi la volaille, dans quelques
parties du Nord, avec les jeunes feuilles du bouleau.
On les conferve après les avoir fair fécher
dans des fours ou dans des étuves , & on les donne
aux poules, aux oies & aux canards, en les mélangeant
avec d’autres nourritures. 11 nous feroit auffi
facile qu’avantageux d'employer au même ufage
une grande quantité de plantes que nous laiffons
perdre habituellement.
» Les Finlandais récoltent les feuilles du bouleau.
pour faire1 une infufion qu’ ils prennent à défaut de
thé. Les payfans fuédois & norvégiens font des
paniers avec fes racines , & des torches avec des
bandes d’écorce qu'ils roulent les unes fur les
autres j leurs femmes favent extraire de cette même
écorce une fubftance infoiuble dans l'eau, dont
elles fe fervent pour enduire les fentes des pots
de terre. Elles torréfient légèrement l’écorce , &
elles en obtiennent la fubftance par la maftication.
Cette écorce, prefqu’ incorruptible, imperméable à
l’eau & même à l’humidité, eft employée avec
avantage pour différens ufages économiques. On
s’en fert' pour couvrir les maifons dans la Norv
èg e 5 & dans le nord de la Suède .on forme les
toits en planches , far iefquels on pofe des écorces
de bouleau y qu’on recouvre avec des gazons
très-épais. Ces toits durent long-temps ; ils rendent
les habitations faines & pittorefques.
« Lorfqu’on pofe en terre des pièces de bois
pou r la conftrudtion des mai foins , ou qu’on enfonce
des pieux pour former un enclos., on entoure
avec l’écorce du bouleau la partie du bois
qui doit refter en terre ; cette enveloppe la garantit
de l’humidité , & fert aufli à prolonger la
durée de ces fortes de conft ru étions.
».L’écorce du bouleau, mince & flexible, offre
aux habitans des campagnes une matière très-
propre à faire des femelles de fouliers : auffi l’ufage
en eft-il général dans quelques parties de la Suède
& de la Norvège. On coud plufieurs plaques d'écorce
entre deux femelles de cuir , & l'on a ainfi
des fouliers moins coûteux , plus chauds & moins
fujets à l ’humidité que les fouliers ordinaires.
» Un voyageur rapporte que certains peuples
du Nord , & furtout lés habitans du Kamtfcharka,
fe fervent de l’écorce du bouleau comme d’une fubftance
alimentaire. Ces peuples, moins délicats
que les nations civilifées de l’Europe, coupent
cette écorce en petits morceaux, 86fis la mangent
après l’avoir mêlée avec des oeufs de poiffons. L'écorce
de fapin triturée, & mêlée avec la farine
d’avoine, fert également à appaifer la faim des
payfans norvégiens , lorfque la récolte ne peut
fuffire à leurs befoins journaliers.
» Les habitans des campagnes, en Suède 8c en
No rvè g e , qui font induftrieux, & qui d’ailleurs
peuvent difficilement fe procurer les objets né-
ceffaires à leur confommation, exercent dans leurs
ménages différentes efpèces d’art; les femmes emploient
l’écorce de bouleau pour donner à la toile
une teinte roufiatre, & elles fe fervent des feuilles
pour teindre la laine en jaune.
» Le bois de bouleau qui croît promptement, &
qui acquiert une plus grande dureté dans les pays
du Nord que dans ceux du Midi, eft propre à plufieurs
ouvrages 8>c s’emploie dans différens arts,
tels que ceux du tourneur, du tabletier, du me-
nuifier, du charron & du tonnelier ; on en fait
toutes fortes d’inflrumens aratoires, des cercles
de roûesd’une feule pièce, des échelles, des balais 8c des cerceaux qui réfiftent mieux à l’humidité
que ceux de bois de châtaignier.
» Ce bois eft très-propre au chauffage, & il
eft furtout employé pour les fours & pour les
poêles fuédois, où il faut une combuftion vive &
un b rafler durable. Il produit une a (fez grande
quantité de potaffe, & ion charbon fert à faire une
poudre à canon de bonne qualité ; enfin , il remplace
le chêne dans les pays cùce dernier arbre ne
peut croître,. Gi lbert d it, dans fes Démonflrations
élémentaires de botanique, que les feuilles du
bouleau font la bafe de la couleur rouge que donne
la garance, 8c qu’en les fai faut bouillir avec l’alun
on obtient une pâte couleur de fafran. Le même
auteur ajoute qu’on en retire le noir de fumée utile
aux imprimeurs.
» Je terminerai cet article en parlant des ufages
auxquels on ejnploiela fève-du bouleau. Les Ruffes
s’en fervent pour faire la bière , en place de la
liqueur qu’on obtient.après avoir fait infufer la
drèche dans l’eau chaude; ils y ajoutent du houblon
, de la levure, & lui font fubir les manipulations
qu’on donne ordinairement à la bière.
» On a fait en Suède, avec cette fève, un fîrop
qui fucre moins que celui de l’érable, mais qui
peut cependant remplacer le fucre dans plufieurs
ufages domeftiques : on a obtenu fix livrés defirop
fur quatre-vingts cannes, ou deux cent quarante
bouteilles de fève. ' _ , . ^
» Les habitans du Nord, cherchant à fuppléer.
au vin que la nature leur a refufé,, ont appris à
compofer des liqueurs fpiritueufes avec le fuc de'
certaines plantes, de certains fruits indigènes. Ils
font avec la fève du bouleau un vin blanc & mouf-
feux, qui a à peu près le même goût que nos vins
de Champagne, 8t qui eft réputé très-falubre; On
met ordinairement au fond du verre un morceau de
fucre, fur lequel on verfe la liqueur, afin de donner
au vin une faveur plus douce &c plus agréable.
» On emploie plufieurs méthodes pour obtenir
la fève du bouleau. Celle qui eft la plus ufitée,
confifte à perforer le tronc de l’arbre à la profondeur
d’un ou deux pouces, 8c un peu obliquement
de bas en haut. Le trou doit être fait à peu de
diftance du fol & à l’expofition du midi ; unfeultrou
fuffit, quoiqu’on puiffe en faire un plus grand nombre.
Mais, dans tous les cas, on doit craindre d’é-
puifer l'arbre par une fouftraétion trop abondante
de la fève. On ajufte dans chaque trou un tube de
bois, ou un tuyau de plume , qui fert à conduire
la liqueur dans des vafes qu’on place au-deffous.
” Quelques perfonnes coupent l’extrémité des
branches de l’arbre ,*& laifient couler la fève dans
des vafes deftinés à fa recevoir, Lorfqu’on a obtenu
une quantité fuffifante de fève, on enduit l’extrémité
des branches avec de la poix.
\ ** Cette opération fe pratique toujours au commencement
du printemps, & l’on obtient d’autant
plus de fève que l’hiyer a été pltîs rigoureux. Les
Di61. des Arbres & Arbujles.
arbres de moyen âge & ceux qui croiffent dans
les lieux élevés , produifent une plu* grande quan-
" tiré de fève. C'eft vers l'heure de midi que cette
,féve coule en plus grande abondance,
y » Si l’on veut conferver l’arbre dans toute fa
; vigueur 8c en retirer chaque année une fécolte ,
! il faut arrêter l’écoulement lorfqu’on a obtenu
cinq ou fix bouteilles de liqueur : une plus grande
extraction épuiferoit l’ arbre & pourroit même le
faire périr.
» Lorfqu’on a raffemblé‘ une allez grande quantité
de fè v e , on en fait du vin avec une addition
de fucre , de levure de bière & d’aromates ; on
met fur cinquante bouteilles de fève fix ou huit
livres de caffcnnade; o.n fait bouillir ce mélange
à un feu également foutenu, jufqu’ à ce qu’il foie
réduit aux trois quarts , ayant foin d’enlever l’écume
qui fe forme à la furface ; on paffe la liqueur
à travers une flanelle ; on la met dans un tonneau ;
on y ajoute, lorfqu’elle eft encore tiède , fix ou
fept bouteilles de vin blanc 8c deux cuillers à
bouche de levure de bière; on jette dans le tonneau
fix citrons coupés par tranches, & dont on
a ôté les pépins. On peut aromatifer cette liqueur
avec d elà canelle, delamufcade, des clous de
girofle, & c. Quelques perfonnes y mettent.au
lieu de fuc re, du miel ou des raifins fecs. On laiffe
fermenter la liqueur pendant vingt-quatre heures,
après quoi on la verfe dans un tonneau qui a contenu
du vin. Ce tonneau étant bien fermé, eft dé-
pofé dans une cave où on le laiffe pendant trois
ou quatre femaines ; le vin ayant alors fini fon
travail, on le foutire 8c on le met dans des bouteilles
dont les bouchons doivent être goudronnés.
» Si le règne végétal offre des plantes dont les
ufages économiques foient d’ une importance plus
grande que ceux du bouleau, il n’en exifte aucune
qui puiffe lui être comparée par la variété de fes
ufages.
»» Pour obtenir l’huile empyreumatique avec laquelle
Es Ruffes préparent les cuirs appelés cuirs
de Rujfie, 8c dont on fait un fi grand commerce ,
on brûle lentement le bouleau, lorfqu’il eft en fève,
dans des efpèces de fourneaux. L’huile ou plutôc
la réfine qui abonde dans toutes fes parties, &
furtout dans fon écorce, coule avec la partie
aqueufe 8c l’acide pyroligneux, par des conduits
ménagés à cet effet, dans des réfervoirs pratiqués
autour du fourneau. C ’eft ce mélangé dans lequel
on met les peaux. L'odeur forte de cette huile fe
conferve long-temps dans les cuirs qu’on a préparés
par fon moyen. »
On diftingue allez bien le bouleau a feuilles de
peuplier du précédent , lorfqu'il eft encore dans la
planche du femis ; mais lorfqu’ il commence à
donner des graines, cela devient affez difficile pour
tout autre qu’un botanifte. J’en ai cultivé des milliers
de pieds dans les pépinières de Verfailles,
provenant d’abord de graines envoyées par Mi-
E e