
Je n’ ai jamais vu faire, fur la Cpte, du vin blanc
avec des raifins rouges. Il n*y a pas de doute cependant,
à mon avis, qu’ il feroit fupérieur a
celui de h côte de Reims, avec raifon fi efiimé.
Le pineau blanc fournit les excellens vins de
cette couleur dans les vignobles de Momrachet ,
de Mulfeau, &c. Le plus fouvent -on le mêle
avec les autres pour faire du vin rouge.
Outre les trois pineaux & Y in f â m e g am e t t pour
me fervirde l’expreflîon d’ un duc de Bourgogne,
on trouve dans les vignobles de la Cote les variétés
fuivantes : eh rouge , le m e lo n n o i r , 1 é p i a n t
| de cette ville. La terre de ces coteaux eft une argile
m a l in , le c e c a n , le m a u ^ a c j en blanc , le m e lo n
k l . ' n e , la c la ir e t t e y Y a l ig o t t e , le c io t a t , le N a r b o n n e
eu c h a f f e la s 3 le g am e t b la n c ; en gris, le p in e a u g r i s ,
qui n’y eft pas aulfi efiimé qu’il mérite de l’être.
J- ne crois pas qu’ il y ait des v ig n e s entièrement
plantées de ce dernier.
Aucun ouvrage n’a été publié fur la culture des
v ig n e s de la C ô te , tandis que beaucoup d'autres
moins précieufes ont obtenu des hiftoriens.
Quoique j’ aie fouvent parcouru les vignobles
de Bourgogne dans ma jeuneffe , je ne les ai pas
étudiés fous ie rapport de leur culture ; en confé-
quence, je dirai feulement que la bafe de cette
culture eft la même que celle des v i g n e s de Champagne,
c’eft-à-dire, qu’ on couche les ceps tous les
ans, en montant, de forte que les fouches parcourent
fous terre des longueurs confidérable s. On m a
dit au clos de Vougeot, où j ’ai aflîfté deux fois à
la vendange, que les ceps qui fortoient de terre
au haut de la côte , avoient été plantés du temps
de faint Bernard, fur le bord de la route ; o r , il y
a un quart de lieue de diftan'ce , & faint Bernard
eft mort en 1153. Aufli, cette partie du clo s,
avant la révolution, donnoit-elle peu de raifins
& de petits raifins -, aulfi étoit-elle vendangée à-
part, & fon vin étoit-il fans prix, les moines de
Citeaux le confervant pour leur boiffon & pour
en faire des cadeaux aux rois, aux miniftres &
à leurs amis.
Il faudroit un volume pour décrire tous les vignobles
de la Côte-d’Or donnant du bon vin,
parce que dans tous il y a des pineaux.
Le d é p a r t em e n t d e l* Y o n n e poiTède 35,000 hectares
de v i g n e s , qui donnent d’excellens vins,
généralement plus foibles que ceux de la Côte-
d'Or , mais ayant , dans les années chaudes,
prefqu’autant de bouquet que ces derniers.
Encore dans ce département, c’ eft au pineau
de Bourgogne, au pineau franc & au pineau blanc,
que font dus les meilleurs vins, tels que ceux de
Tonnerre, d’Auxerre , de Joigny, de Chablis, de
Coulange , de Franci, d’Avalon, de Vermen-
to n , &c.
J’ai étudié une partie de ces vignobles 5 ainfi
je puis en parler en connoiffance de caùfe.
Le v ig n o b le d e T o n n e r r e eft placé fur des coteaux
expolés au midi & au nord, dont le noyau eft la
belle pierre calcaire primitive , qui porte le nom
mêlée de fragmens de cette pierre. Les plus
réputées de fes v ig n e s fon t, dans l ’ordre de leur
valeur, celles des Olivottes & de Vaumorillon au
fud-eft, celles de Grifey à l’eft.
Les pineaux rouge & blanc, ainfi que le lo m b
a r d , font les variétés qui dominent dans ces
v ig n e s . On a commence à y introduire le g am e t
dans les basi & il eft à craindre, à raifon de la
plus grande certitude & de la plus grande abondance
de fes produits, qu’il gagne bientôt la
prééminence dans les côtes. On y voit aufli, mais
peu fréquemment, le m a m i e r , le ner'ten , le r o -
m i l l y ou m o r i l lo n b la n c , le t r o y e n , le f e r v in i e n ,
le p in e a u a f e u i l l e s d’ é r a b le , tous plants de peu de
qualité, & le p in e a u g r i s .
La plantation a lit u en lignes appelées o r d o n s , Icans le fens de la montée, dans des trous de cinq
à fix pouces de profondeur & d’autant de large,
écartés de trois pieds, où fe placent trois boutures,
dont une eft relevée fi toutes prennent racine. Il
faut 10 à 12,000 ceps par heétare pour que le terrain
foit fuffifamment garni.
On donne un labour d’hiver & deux ou trois
binages d’été.
On terre lés v ig n e s le plus fouvent polfible,
foit avec des gazons pris fur le fommet des coteaux
, foit avec la terre qui en a été entraînée ,
& qui, s’eft arrêtée dans des foffes appelées m a r s
e a u x , .
Autrefois tous les ceps éroient marcottés à la
fois tous les vingt-cinq à trente ans, dans le fens
de.la montée, mais aujourd’hui on préfère arracher
à quarante, cinquante, foixante, quatre-
vingts ans, ce qui doit aulfi affoiblir la qualité du
vin des récoltes futures.
, Le marcottage, pour regarnir les places vides,
a lieu immédiatement après la vendange , dans des
foffes quadrangulaires d'un pied de profondeur,
& de manière que les lignes des ceps relient régulières
: on fume toujours en faifant cette opération..
Il eft des cas où on fait des provins en mai dans
les terres légères.
On appelle p r o v ig n e r e n f a u t e l l e , lorfqu’ on fait
une fimple marcotte, qu’on fépare du cep l’année
fuivante.
Lorfqu’ il pouffe des bourgeons.du collet de la
racine, on les réferve fous les noms de n o u a u x ,
de n o u o , de f c i o l e s , pour former des marcottes
& renouveler les ceps.
Les vieux ceps ont ordinairement quatre à cinq
pieds de haut, di viles en deux & quelquefois trois
branches j ia moitié de cette longueur, appelée
c o u r r é e ou co ré e , eft couchée fur la terre, &
1 le refte relevé & attaché à un échalas, tantôt
I d ro it, tantôt incliné perpendiculairement à - la
| pente.
' On taille au-deffus du fécond on troifième oeil.
Lorfqu’ii pouffe un bourgeon fur le vieux bois
d'üne branche, on le réferve toujours à l’ébour- '
geonnement, & on rabat la branche immédiatement
a.u-deffus lors de la raille.
L’ébourgeonnement s’appelle d é c a la g e ou d e f -
f o m a c h a g e , & la rognure du fommet des bourgeons
, Y ém o u c h em e n t .
Le v ig n o b le d 'A u x e r r e eft placé fur les coteaux
qui bordent l’Yonne, à l’eft & à l’oueft. Quelques
v ig n e s font aulfi au midi & au nord. C elt aux
environs de la ville feulement que la cu'turé de
Tonnerre & de Joigny'eft remplacée, par celle en
treilles baffes. ^ r
Le fameux clos de Migraine, qui a , dit-on,
plus de quatre cents ans de plantation, & qui
donne le meilleur vin du canton , eft expofé au
fud-eft & difpofé de cette dernière manière.
Une argile marneufe brune, remplie de pierres
calcaires primitives, forme le fol de ces vignobles..
Ces v ig n e s s’arrachent rarement, mais elles
ne fe renouvellent pas, comme celles <ie Bourgogne
& de Champagne, par des provignemens.
annuels ou bifannuels. Quand elles font arrivées a
trente ou quarante ans, on les provigne en totalité
, comme on le faifoit jadis à Tonnerre, en
les confervant en lignes régulières.
Les variétés les plus eftimées dans ce vignoble
font les p in e a u x n o i r , b la n c & g r is * On y voit aulfi
le p in e a u de C o l lo n g e , le g a m e t , le p l a i i t v e r t , le
t r e f f a u , le r o m a i n , le p l a n t e t O r lé a n s ou t e in t
u r ie r . : ' '
Le pineau noir demande l’expofition la plus
favorable , telle que celle de Migraine , qui en
elt entièrement planté, & une terré fertile à mi-
côté. 11 dure & produit peu dans les terres légères.
\
Dans ces dernières on planté des chevelus au
commencement'de l’hiver j dans les premières,
des c ro c e t te s à-la fin de cette faifon.
Les foffès font creufées en lignes , qu’ pn appelle
des p e r c h é e s . Elles font d’un pied carré &
éloignées de deux à trois pieds.
A la quatrième année on commence à provigner
5 à la fixiènie, époque où elle eft arrivée en
de diftance', les fécondés à un pied & demi ;u -
deffus du fol. On attache, avec de l’ofier, les
perches aux échalas, & les courfons aux perches,
plein rapport, on la met en perches & on la fume.
Les fouches ont quatre pieds de haut au moins,
& leur pied rampe fur la terre. <
Pour entretenir une v i g n e en bon état, il faut
fumer les provins toutes les fois qu on en fait, ou
les charger de nouvelle terre apportée du dehors.
Les jeunes v ig n e s fe taillent les premières 5 aux
forts ceps on conferve trois ou quatre branches
appelées c o u r jo n s ; aux foibles, deux& même une
feule. . . '
Quelquefois les bourgeons qui fortent des cour-
fons font confervés pour affeoir fur eux la taille
de l’ année fuivante, & diminuer leur hauteur.
Il eft même des cas où on coupe la fouche par
le pied pour renouveler ces courions. ^
Les échalas & les perches fe placent apres h
taille & le labour d’hiver > les premiers à fix pieds
M o m a f e r e f t le fytionyme d ^ b o u r g e o n n e r . Cette
opération s’exécute avant la florailon.
Après, on donne un binage & on attache les
bourgeons réfervés aux echalas& aux perches} ce
qui s’ appelle A c c o l e r . V o y e ç ce mot.
On rogne enfuite, c’ eft-à-dire , qu’on caffe
l’extrémité des bourgeons.
Le fécond binage fe donne au milieu d’aqut.
Le vignoble de Joigny jouit d’une réputation
très-ancienne & très-méritée. Il eft en grande
partie expofé . au midi, mais il y a des v ig n e s à
toutes les expofitions, même dans les meilleurs
cantons, celles de Saint-Jean, qui donnent le vin
le plus fpiritueux, & celles de fi’Eleré, qui donnent
le vin le plus délicat, étant tournées vers
le levant.
La terre de ce vignoble eft une argile marneufe,
fauve, de deux pieds de profondeur, terme moyen,
parfemée de cailloux filiceux de differentes grof-
feurs, repofant fur la craie, comme à la montagne
de Reims, &c.
Au-deffus des v ig n e s eft une forêt qui végète
dans une argile très-tenace, appelée l a t e u x , remplie
de filex arrondis, & dont l ’épaiffeur eft au
moins de foixante pieds.
Il réfulte de cette difpofition, que les v ig n e s
les plus élevées font plus argileufes, & les plus
baffes plus marneufes. On appelle ces dernières
a t e r r e s b la n c h e s . Elles donnent également du bon
vin par places très-circonfcrites, que je n’ai pu
diftinguer à la vue. On attribue cependant , ici
comme ailleurs, la qualité du vin au grain de
terre. I t #
Les v ig n e s fe plantent en lignes parallèles écartées
de deux pieds & demi, dans des trous faits à
la pioche, dans le fens de la montée, au moyen
de plants enracinés ou de croûtes, dont on recouvre
le gros bout de lateux, fans doute pour
conferver la fraîcheur autour de lui.
Ç ’eft le feul vignoble que je connoiffe, où ce
procédé foit pratiqué.
J’ai examiné-deux v ig n e s voifines de quatre à
cinq ans, dont l’une avoit été plantée fans lateux,
car fon extraftion & fon tranfport font coûteux ,
& elle étoic beaucoup plus foibleque l ’autre.
Les.places où le plant a manqué fe regarniffent
avec du plant enraciné ou des provins. C ’eft le
feul cas où cette dernière opération fe faffe dans
ce vignoble.
Un arpent de v i g n e , depuis fa pîanta:ion juf-
qu’ à ce qu’elie foie en rapport valable, a coûté
1500 francs de frais.
On donne un labour d’hiver & trois binages
d’ été à ces v i g n e s , au moyen d’une pioche double
très-courte, à fers recourbés, l’ un terminé en
pointe , & l’autre coupé net.
, La taille s’exécute à la fin de l’hiver, fur un,
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